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Poésie au jour le jour 18
(enregistré en août 2012)
RÉPONSES DE LA MYSTÉRIEUSE À ROBERT DESNOS
Loin de moi et semblable aux étoiles, à la mer et à tous les accessoires de la mythologie poétique,
Loin de moi et cependant présente à ton insu,
Loin de moi et plus silencieuse encore parce que je t'imagine sans cesse,
Loin de moi, mon joli mirage et mon rêve éternel, tu ne peux pas savoir.
Si tu savais.Près de toi et semblable aux ténèbres, à la Terre et à toutes les révélations de la géographie aventurière,
Près de toi et cependant absente à volonté,
Près de toi et plus chantante encore parce que tu ne m'écoutes que de temps en temps,
Près de toi, mon beau navire et mon réveil soudain, tu le devines.
Je le sais bien.Loin de moi et peut-être davantage encore de m'ignorer et de m'ignorer encore.
Loin de moi parce que tu ne m'aimes pas sans doute ou ce qui revient au même, que j'en doute.
Loin de moi parce que tu ignores sciemment mes désirs les plus passionnés.
Loin de moi parce que tu es cruelle.
Si tu savais.Près de toi et certes encore un peu lointaine parce que je te cherche et te cherche encore.
Près de toi parce que je ne t'aime pas assez sans doute, ou ce qui en est le revers, je ne te connais pas assez.
Près de toi, parce que tu éclaires sans t'en douter mes cavernes les plus tranquilles.
Près de toi parce que tu es douceur.
Je ne le sais que trop.Loin de moi, ô joyeuse comme la fleur qui danse dans la rivière au bout de sa tige aquatique, ô triste comme sept heures du soir dans les champignonnières.
Loin de moi silencieuse encore ainsi qu'en ma présence et joyeuse encore comme l'heure en forme de cigogne qui tombe de haut.
Loin de moi à l'instant où chantent les alambics, à l'instant où la mer silencieuse et bruyante se replie sur les oreillers blancs.
Si tu savais.Près de toi, ô méditatif comme le lézard qui se faufile entre les pierres couvertes de lichens, ô vif comme l'aube sur les glaciers.
Près de toi, chantant encore comme si tu étais seul et grave encore comme le soir en ailes de flamant qui prend son vol.
Près de toi lorsque les fourneaux se sont tus et que les cristaux roulent dans les creusets brûlants.
Je sais que tu le sais.Loin de moi, ô mon présent tourment, loin de moi au bruit magnifique des coquilles d'huîtres qui se brisent sous le pas du noctambule, au petit jour, quand il passe devant la porte des restaurants.
Si tu savais.Près de toi, ô ma promesse et nostalgie, près de toi au silence exquis des parfums qui s'enroulent autour des épaules du voyageur, au crépuscule, quand il revient en son logis.
Je sais que tu te demandes si je le sais.Loin de moi, volontaire et matériel mirage.
Loin de moi, c'est une île qui se détourne au passage des navires.
Loin de moi un calme troupeau de boeufs se trompe de chemin, s'arrête obstinément au bord d'un profond précipice, loin de moi, ô cruelle.
Loin de moi, une étoile filante choit dans la bouteille nocturne du poète. Il met vivement le bouchon et dès lors il guette l'étoile enclose dans le verre, il guette les constellations qui naissent sur les parois, loin de moi, tu es loin de moi.
Si tu savais.Près de toi, inévitable et spirituel récif.
Près de toi, c'est un gouffre qui se creuse à l'approche des montgolfières.
Près de toi, un furieux bouquet de serpents qui me guide, me lance à l'assaut d'une falaise immense, ô, jusqu'à ton refuge, hospitalier.
Près de toi, une phosphorescence s'échappe de la bouche immobile de la lectrice qui se multiplie à sa poursuite et déchiffre les inscriptions qui s'allument sur les vieux murs autour de toi toujours plus loin de toi.
Je sais bien que tu ne peux savoir à quel point je le sais.Loin de moi une maison achève d'être construite.
Un maçon en blouse blanche au sommet de l'échafaudage chante une petite chanson très triste et, soudain, dans le récipient empli de mortier apparaît le futur de la maison : les baisers des amants et les suicides à deux et la nudité dans les chambres des belles inconnues et leurs rêves mêmes à minuit, et les secrets voluptueux surpris par les lames de parquet.
Loin de moi.
Si tu savais.Près de toi on commence l'aménagement d'une source.
Un renard à fourrure bleuâtre débouche en sifflant d'un sentier mordoré qui s'ouvre sur une terrasse où des bas-reliefs décrivent l'histoire de la Terre depuis ses origines avec ses espèces les plus remarquables, ses éruptions et glaciations, les trouvailles des hommes depuis la maîtrise du feu, la taille du silex, l'invention de l'agriculture et de l'écriture.
Près de toi.
Comme tu le sais.Si tu savais comme je t'aime, et bien que tu ne m'aimes pas, comme je suis joyeux, comme je suis robuste et fier de sortir avec ton image en tête, de sortir de l'univers.
Comme je suis joyeux à en mourir.
Si tu savais comme le monde m'est soumis.Car tu sais bien que je n'aime pas te dire que je t'aime, comme je suis timide et humide et tremblante avec ta mélodie qui pénètre mes jambes tandis que je frôle tes vertiges.
Comme je suis angoissée dans ma résurrection.
Car je sais bien comme tu veux secouer l'absence actuelle.Et toi, belle insoumise aussi, comme tu es ma prisonnière.
O toi, loin-de-moi à qui je suis soumis.
Si tu savais.O toi, despotique oiseau bleu libérateur aussi,
Je me penche à la fenêtre de ton coeur,
A la fenêtre de ton ignorance,
Comme si tu savais.
LE FINANCIER DANS LA FORET
J'avais nagé pendant des mois
dans tes étangs de pourpre sombre
en écoutant le battement
de ton coeur et de tes poumonsJ'ai eu bien du mal à sortir
mais c'était ma plus grande envie
à la première inspiration
a répondu le premier criQuand on a coupé le cordon
on m'a lavé enveloppé
ah quel profond soulagement
lorsque j'ai pu flairer ta peauDans ce monde de bruits aigus
mes yeux s'ouvrant confusément
j'ai identifié peu à peu
la fontaine de ma survieC'est en m'agrippant à tes mains
que j'ai conquis les premiers pas
la cuiller vint après le sein
après les chansons les récitsJe me suis détaché de toi
comme un fruit mûr quitte sa branche
doucement accueilli par l'herbe
des prés que tu avais semésAussi tout à travers ma vie
dans les pays les plus lointains
nous a liés un fil de parfums
que la mort n'a pu dénouer
On a la tête pleine de chiffres. On pianote sur son ordinateur. On décortique les cours de la bourse. On convertit les bolivars en pesos et les guaranis en quetzals. On explique à ses apprentis les actions et obligations, les taux d'intérêt, les garanties, les investissements, les diversifications, les concentrations, les faillites. On négocie entre les migraines et le stress.Puis l'Indien qui sommeille en chacun de nous se révolte et part à la recherche de l'arbre de ses ancêtres. Les papiers redeviennent bois, les branchements branchages, les bourdonnements rumeurs et chants d'oiseaux. Parmi les troncs dressés des grands vivants avec leurs orchidées et lianes, voici les solennelles épaves parcourues de fourmis, fouillées de termites, qui rendent la progression difficile, obligent au regard, à la méditation. Ce sont comme des navires qui seraient leur propre cargaison.
Les rainures de cette écorce ne sont-elles pas semblables aux ruelles tortueuses de faubourgs poussés dans l'urgence ? Nos mains, nos veines apparaissent bientôt comme des prolongements de ces fibres, de ces noeuds, de ces bourgeons. Notre cerveau se rappelle soudain qu'il est arborescence et notre respiration en devient plus large; nous écoutons le vent dans les harpes vertes et guettons les déplacements des animaux et de nos rares frères nomades en sursis.
Des taches de soleil pleuvent en dollars virtuels sur de multiples Danaés qui s'étirent dans leurs donjons au bois dormant. Et celles de la Lune deviennent argent comptant, mercure de l'aube, damas de nacre. Alors nous dégageons délicatement le visage entraperçu, les plis d'un vêtement cérémoniel ou burlesque, les attitudes d'un navigateur dont le regard perce à travers cimes et récifs, les vagues de la mer sur le sable qui nous parlent d'autres rivages, de courants et d'algues, de souterrains et de pressoirs. Nous combinons les pages du livre des sèves, les cercles de l'histoire et des saisons, les caisses de résonance, les cordes et les clefs, traquons une autre fortune pour tous, reconnaissons dans chacun des arbres celui de la science du bien et du mal, l'aventure de la justice et la révolution des sphères.
On a la tête pleine de graines. On improvise sur son orgue. On décortique les étages des cascades. On convertit les plumes en phrases et les coquilles en bifurcations. On montre à ses novices les textures et serrures, les étamines et pistils, les greffes et vrilles, les écailles, les fossiles, l'invention du feu, les cavernes, les grandes traversées. On jette à tous les vents des chèques de santal, des titres d'encens et des trésors d'échos.
LE GRAND DUC EN SES TRANSPORTS
LES FONTAINES DE NANCY
La procession rythme la rue
les enfants la suivent frappant
dans leurs mains ou sur des gamelles
l'un possède un harmonica
et l'autre un banjo les échos
répercutent les inventions
tandis que meuglent les sirènes
sur le fleuve et sur les usinesAdieu gares de nos jeunesses
locomotives escarbilles
les essieux sautant sur les rails
accentuant nos boogie-woogies
le chuchotement des pistons
répond aux cloches des signaux
quand sur le passage à niveau
le gardien ferme la barrièreMaintenant voici les navires
glissant parmi quais et balises
certains ont encore des voiles
qui claquent au vent et ruissellent
à chaque vague un peu plus forte
saluée par les cris des mouettes
la palpitation des machines
approfondit nos contrebassesQuand on descend fleuves immenses
on imagine les forêts
du continent de ses ancêtres
où même aujourd'hui se faufilent
timidement explorateurs
tandis que les oiseaux jacassent
que les singes pleurent et rient
devant les feulements des fauvesLes routes se couvrent d'asphalte
elles transpercent l'horizon
où s'élève la découpure
d'une ville en ébullition
embouteillage et tintamarre
carillons sifflets et fanfares
dans les caves le tintement
des verres et des braceletsNoirs bruns et beiges les métros
après avoir franchi viaducs
s'enfoncent dans les souterrains
avec leurs charges de soupirs
les grincements de leurs portières
la transpiration sur les fronts
puis on remonte vers le jour
où nous accueillent les rafalesL'orchestre peut prendre l'avion
après l'ère des ronflements
le chuintement des réacteurs
une hôtesse dit quelques mots
parfums de whiskies et de fleurs
de l'autre côté des hublots
panorama de monts et nuages
pelages plumes velours soiesEt n'oublions pas les déserts
caravanes au crépuscule
on s'installe pour une nuit
en rêvant de villes battantes
comme en la ville on rêvera
du silence des grands espaces
sous les constellations intenses
où nos enfants voyageront
1Les remuements marins
traversent les ramures
chimères et dragons
nagent parmi les fleurs
les cornes d'abondance
déversent leurs trophées2
Les paupières des néréïdes
parmi les moirures du soir
l'éblouissement des crinières
dans le labyrinthe des sources
le renversement des poitrines
devant les baisers des cascades
et les draperies des branchages
s'écartant pour l'apparition3
Colonnades balustres
acanthes et coquilles
le geste du graveur
sous rinceaux et volutes
murailles transparentes
gracieuse antiquité4
Les dauphins dans l'effervescence
rêvent désastres et caprices
imperturbable en son silence
le témoin nous récapitule
les horreurs qui n'ont pas cessé
dans la beauté qu'il leur imprime
afin de pouvoir exiger
un changement d'humanité5
Si l'inscription est claire
le visage est encore
caché dans sa naissance
au milieu de l'écume
comme s'il émergeait
d'un lumineux déluge6
Comme si l'on se faufilait
à l'intérieur de la gravure
baignant dans l'acide glissant
avec la pointe et soulevant
des chevelures de vernis
comme les serpents de Méduse
sur le bouclier de Persée
pour pouvoir étudier les monstres7
Triomphe des reflets
accolades corbeilles
carrosses disparus
broderies et damas
frottements des satins
sur le parfum des lys8
De l'autre côté du miroir
les galeries se multiplient
donnant sur les diverses chambres
où les épouses du despote
rêvent à quelque corne d'or
parmi les jasmins et faïences
en attendant le bon plaisir
de quelque jardinier joli9
Un moment de repos
dans la blancheur des pages
les lignes d'écriture
dessinent leurs sillons
où vont bientôt germer
les semences d'images10
Flottement d'arches sur les portes
du palais du roi de la mer
qui fait jaillir à la surface
des cavaliers ailés qui sonnent
pour convoquer ambassadeurs
aux épousailles de sa fille
avec le prince des nuages
dont on attend monts et merveilles11
La glace envahit les bassins
le givre couvre les façades
des éclats de soleil détachent
les dorures et bas-reliefs
mais les héros sont pétrifiés
parmi les déesses de marbre
qui se mirent dans le verglas
entre les parois des remparts12
Si l'angle d'incidence
comme nous dit Descartes
détermine celui
de la réflexion donc
il faut en profiter
pour penser en oblique13
La place entière se transforme
en prisme fouillant les recoins
tulipes et photographies
accompagnent les promeneurs
qui cherchent parmi les guirlandes
et les dômes quelque âme soeur
pour se protéger de la bise
en la serrant contre leur coeur14
Une seconde pause
un banc dans le soleil
un avion dans le ciel
le rire d'un enfant
une jeune pianiste
s'exerce à sa fenêtre15
Ferronneries au crépuscule
lampadaires arbres d'hiver
les voyages dans les vitrines
les ombres portées des lanternes
les automobiles qui passent
entre les rameaux de l'été
les saisons tournent dans la ville
avec nostalgie de vergers16
Bouquets d'antennes et de sphères
la permutation des rayures
autour des statues et des masques
la confrontation des vitesses
dans la cataracte des âges
le cheminement des fenêtres
vers les trottoirs et les allées
où les amoureux s'enhardissent17
Les tours de part et d'autre
solennelles défient
les enfants les parents
qui voudraient s'approcher
du visage central
aux sourcils menaçants18
la sombre porte sous les toits
d'ardoise s'entrouvre un instant
pour accueillir sur sa poitrine
une Madeleine d'antan
avec sa boîte de parfums
des fauteuils se sont disposés
pour le confort du pèlerin
qui compulse guides et plans19
Le gothique alangui
caresse les dernières
années de l'autre siècle
le palmier devient algues
dans l'oasis brumeuse
où tournoient les monnaies20
La jeune fille arborescente
déploie ses épaules d'érable
dans les préaux de notre enfance
nous faisions tournoyer ces graines
comme pales d'hélicoptères
la brise des récréations
revient souffler quand cette porte
s'ouvre pour nos méditations21
Le chevalier traverse
une forêt d'épines
les troncs deviennent pierres
aux abords du château
où la princesse attend
le baiser du réveil22
On voit à travers les fenêtres
d'immenses toiles d'araignées
qui encombrent les galeries
où dorment soldats en armures
sur lesquelles tombent des gouttes
à chaque minute égrenée
par le carillon de la tour
sous la surveillance des anges23
Le taureau de Saint Luc
déploie son phylactère
avant de s'envoler
dans la polyphonie
que les échafaudages
déploient sur le transept24
L'ange de Saint Matthieu proclame
la généalogie divine
tandis que le lion de Saint Marc
l'entraîne parmi les pinacles
par-delà neiges et nuages
aux quatre coins des voûtes claires
où les gravitations reprennent
les voix des fugues du grand orgue25
Cavalier annonçant
dans son apocalypse
la chute d'une étoile
amère comme absinthe
parmi les psalmodies
des animaux sauveurs26
Sur le métal de sa poitrine
le lait des traditions ruisselle
sur son casque oscillent des palmes
ou des plumes celles de l'aigle
de Saint Jean veillant à Patmos
écrivant pour notre salut
révélations de destructions
dans le mugissement des trompes27
Les gammes des moulures
les arpèges des tours
les croisements des palmes
les courbes des balcons
les drapés des statues
les sillons des ardoises28
Dans leur pause les essuie-glaces
ouvrent les rideaux des reflets
pour qu'une stéréoscopie
dresse la façade en relief
avec ses porches suspendus
les écailles de ses colonnes
abat-sons rosaces corbeaux
planant sur les émaux du ciel29
L'horloge est arrêtée
dans les filets d'échos
les embruns se faufilent
en fouillant les cavernes
où la nacre distille
ses marqueteries d'ombres30
Les tours s'enflamment dans la grille
l'azur crisse en embrasement
une grêle sur les miroirs
de papillons épileptiques
leurs ailes en papier d'argent
vont se recouvrir de soupirs
d'accords de polkas et de valses
pour les entraîner au sabbat31
Des rameaux de laurier
pour couronner l'exploit
du lointain calligraphe
sur la table de laque
venue de son pays
sous la tente rayée32
Il est terreur des ennemis
il est mainteneur des traités
l'honneur et l'amour de ses peuples
qui si l'on en croit l'inscription
devaient avoir bien de la chance
tout cela ne pouvait durer
il ne reste qu'une utopie
lueur d'un rêve de raison33
Un coup de vent du Nord
transforme les prisons
qu'inventa Piranèse
en un port où s'embarque
la reine de Thulé
pour visiter les Indes34
Les pièces de ce jeu d'échecs
s'animent pour changer de cases
les tours dansent les cavaliers
franchissent ruisseaux et barrières
les fous deviennent des évêques
rois menacés dans leurs retraites
frappent des coups d'épée dans l'eau
et rendent reines les bergères35
Chauve-souris pendue
aux parois de la grotte
où les pleurs de calcaire
forme des stalactites
dont la phosphorescence
se mire dans les lacs36
Imbriqué tel Charlie Chaplin
dans les rouages des machines
il fait retentir les tunnels
des cris de son appel à l'aide
et ses gestes d'exhortation
cherchent sauveteurs dans la foule
qui se disperse indifférente
une fois la messe finie37
Le dragon stupéfait
retrouve ses fureurs
en voyant les balustres
imiter ses vertèbres
comme dans un musée
paléontologique38
Les panaches et les ocelles
de cette faune d'une autre ère
se teignent de bave et sueur
dans un ballet cérémoniel
feuilles mortes vieilles monnaies
deviennent joyaux pour les noces
de ces chimères séductrices
avec les enchanteurs d'antan39
Une respiration
pour la dernière fois
avant de se plonger
aux grandes profondeurs
de l'océan caché
sous le goudron des rues40
Le paon devant l'huître des nuages
offre son aigrette aux regards
s'enveloppant dans le tissage
des métaux filés dans ses plumes
c'est comme une cotte de mailles
qui le protège et l'enlumine
dans les chatoiements qu'il emprunte
à l'argenterie des ruisseaux41
Creuset de fonte où refroidissent
les convulsions de la misère
lendemains de grève ou d'émeute
les cendres des révolutions
mais dans les remous magnétiques
de ces roues repliées les yeux
conservent leur vivacité
pour étinceler dans l'aurore42
Trois grâces ou naïades
revêtues par leur source
de plis ferrugineux
les transformant en phare
du hâvre de santé
sur la mer des malaises43
Les écailles de la coupole
veillent sur la vasque vidée
c'est ailleurs que les eaux ruissellent
bénéfiques dans le murmure
des conversations chuchotées
ici les arbres des froidures
saluent les fossiles des nymphes
dans l'oasis désaffectée44
Jeunes parques plongées
dans la source du Styx
et vient le nautonier
déjà bleuté de Lune
comme pour embarquer
un nouveau contingent45
La piscine de l'Achéron
étale ses flots tentateurs
sous les éruptions volcaniques
portiques et dômes accueillent
dans les coursives de Dité
non point les damnés de l'enfer
mais les âmes du purgatoire
pour laver leur sang et leur suie46
Décapité le torse
se dresse pour brandir
à bout de bras sa tête
arrachée dans la tente
où des fantômes d'arbres
viennent pour l'applaudir47
L'esclave a retrouvé sa tête
il proclame sa renaissance
un autre scrute l'horizon
qui s'agite d'hommes armés
les recherchant contre lesquels
ils n'opposeront que leurs frondes
leur art de trouver les sentiers
et leurs techniques de survie48
L'arbre noueux qui marche
devant le ciel plus sombre
du mur de toile autour
de l'orchestre invité
sous l'autre ciel de sable
sous le vrai ciel de cendres49
Jardins de lichens cerisiers
en fleurs dans le déplacement
d'une jambe avec un genou
d'une autre comme un oeuf énorme
de dinornis ou d'oiseau-roc
promesse d'envol pour Icare
s'évadant de la forteresse
pour frayer les sentiers célestes50
Le cheval se dégage
de bourbiers et de chaînes
pour tirer le Soleil
en dehors des cavernes
où le serpent Typhon
le tenait prisonnier51
Les sabots des chevaux trébuchent
sur les corniches du matin
leurs hennissements avertissent
les traîtres dans leurs vêtements
de nuit d'avoir à déguerpir
des salons qu'ils ont usurpés
pour que les enfants réussissent
à réformer l'enseignement52
Les voiles des navires
claquent pour annoncer
qu'embarque maintenant
la reine de Saba
qui s'en va questionner
l'illustre Salomon53
Observe le gabier les passes
entre les récifs les remous
les dauphins sautant sur les vagues
les maisons avec leurs fumées
le long des rivages les îles
avec leurs volcans et forêts
puis après de longues semaines
le phare les jetées les quais54
Une porte s'entrouvre
verte dans les plis bleus
de la nuit où s'agitent
les destinées de Rome
avec tous ces voyages
explorant l'univers55
Au-delà du vieil horizon
les perspectives nous amènent
vers des continents inconnus
avec d'autres arbres et d'autres
animaux même d'autres peuples
avec cérémonies et langues
musiques parfums et festins
autres peintures et légendes56
La triangulation
nous permet de trouver
le chemin des trésors
que l'on croyait perdus
celui de paradis
jamais imaginés57
Tout d'un coup nous apercevons
que les murs de notre prison
où nous avons tant étouffé
et nous sommes stupidement
encore aujourd'hui tant battus
ne sont en fait que murs de toile
qu'il nous faudrait peindre autrement
pour en faire nouvelles voiles58
Les vagues de la sève
caressent les poitrines
que le peintre regarde
en prenant ses distances
avant de repartir
sur les chevaux du vent
COMPLIMENT POUR LA SEPTANTAINE
Monsieur le compositeur
vos enfants sont réunis
et quelques amis aussi
pour vous offrir tous leurs voeux
d'invention continuité
au changement de dizaine
que vous venez d'effectuerConcerts de plus en plus beaux
et de plus en plus nombreux
moral et santé d'acier
publications commentaires
mais aussi quelques vacances
voyages dégustation
lectures contemplationPour cérémonie intime
il serait certes trop long
d'aller jusqu'à la dizaine
de septains d'heptasyllabes
mais en comptant celui-ci
cent quarante sept saluts
annoncent de beaux retours
EN FELOUQUE
Les nuages se séparent
avec regretsLes plaques de neige se fendillent
pour laisser perler un torrentSur les phylactères des montagnes
les anges calligraphient
des runes indéchiffrablesC'est sur leur partition qu'ils improvisent
mais nous n'entendons pas leur cantilène
seulement la soufflerie des orguesLa nuit se fait plus indulgente
il y a des aubes sans gelée blancheLes étangs polissent leurs miroirs
la roue des paons s'irise
et se bronzeLes arcs-en-ciel proposent
à la haute-couture des prairies
des nuanciers de satins
et de gemmesLes cols se rouvrent
à la circulationUne à une
dans les stations de ski
les remontées mécaniques
se taisentLes cascades par contre
font éclater
leurs fanfaresLes arbres
que l'on croyait encore
emmitouflés de flocons
nous surprennent
par leurs bouquetsAprès les pruniers les cerisiers
après les poiriers les pommiers
une averse de pétales sur le trottoirLes pissenlits sont si nombreux
qu'on ne voit plus le vert des prés
sous leur brocardLes petites orchidées
hissent leurs oriflammes
les digitales font la haieUn faon s'est égaré sur la route
Après les jonquilles les iris
après les rhododendrons les hortensiasLes vaches sortent de leurs étables
les chevaux se roulent dans l'herbeLe virevoltement d'une pie
d'un frêne à l'autre
le cajolement d'un geai
puisque c'est ainsi qu'il faut direLes anémones et les violettes
l'oeil des renoncules
les petits oeufs de la bruyère
les ancolies et les arumsLa nef de la hêtraie
les arpèges de la sapinièreDes museaux humides
au ras du solLes brouillards matinaux
persistent dans les ravinsGlycines puis clématites
d'énormes gouttes de rosée
sur les parasols des capucinesLe tilleul répand
ses effluves de calmeAu bout du rameau de l'épicéa
de minuscules projets de cônes
rougissant de leur audaceLe cognassier du Japon
ajoute sa touche orange
au jaune serin de cytisesUne vergue de plus
aux mâts de la caravelle
un échelon de plus
à ses haubansUn vent chaud se lève
qui ramasse dans les paumes de ses mains
toutes les productions pelucheuses
des graminées pour les disséminer
sur les plus hautes pentes
ou au plus profond des crevassesOn fauche le trèfle et la luzerne
une bouffée de parfum
vous cloue sur placeDes aboiements de chiens
de vallée en valléeLe sentier a décidé
de nous faire une surprise
non seulement l'échappée
sur des cimes encore neigeuses
mais le faufilement d'une couleuvreLes jeunes filles
entrouvrent leurs manteaux
les abandonnent sur les bancs
des jardins publics
puis dans les maisonsNuages de duvets
accrochés aux peupliersPar leurs robes
et leurs sourires
elles rivalisent
avec les lilas
puis nous invitent
à venir cueillir avec elles
les premières baies
savourer le fruit
de l'arbre de la science
du bleu et du blancUne première rose
L'éclusier fait descendre
une péniche d'eau minéraleVoici déjà les groseilles
les cassis et les menues fraises
les myrtilles dans les sous-bois
on astique les bassines de cuivre
pour y transformer notre récolte en confituresOn trace son chemin
dans une jungle d'herbesLe grand-père ingénieux
installe un petit moulin à aubes
dans une rigolePiéride du chou paon du jour
tabac d'Espagne petit citron
vanesse amiral ApollonUne seconde rose
On prépare le bal du 14 juillet
drapeaux et tribunes
haut-parleurs et tréteauxLes enfants ne sont pas encore bien sûrs
d'être en vacancesLes têtards quittent leur queue
pour se joindre au choeur des grenouillesQuelques roses
On bourre les malles
on bourre les coffres des voitures
on oublie toujours
quelque chose d'essentielA la recherche du maillot séducteur
des lunettes inouïes
de la serviette la plus moëlleuseCouteaux bulots palourdes
bigorneaux praires moules
huîtres crevettes patelles
oursins crabes et langoustesDes jetés de roses
Les vacanciers sortent leurs transats
et font tinter des glaçons dans leurs verresLe chant de l'alouette
au-dessus des blés mûrsDerrière chez mon père
vole mon coeur vole
derrière chez mon père
ya un pommier douxLes abeilles s'empressent
autour de leurs ruches
les guêpes façonnent
leurs palais de papierDes arceaux de roses
Trois jeunes personnes
vole mon coeur vole
trois jeunes personnes
sont couchées dessousUn faisan doré
s'envole lourdementDeux éperviers tournoient
sur la clairièreSe dit la première
vole mon coeur vole
se dit la première
j'ai un ami douxScarabées cétoines bourdons
coccinelles mouches moustiquesDans le sillage des roses
Se dit la seconde
vole mon coeur vole
se dit la seconde
j'attends mes amoursDes enfants se baignent
dans le grand bassinDes adolescents se construisent
des cabanes entre les branches
des amoureux dorment paisiblement
sous les saulesSe dit la troisième
vole mon coeur vole
se dit la troisième
j'aimerai toujoursAprès avoir dîné dehors
on regarde les étoiles
s'allumer l'une après l'autre
puis par paquets
soudain c'est tout l'ensemble
des constellations de la saison
puis la Lune vient les effacerDes chauves-souris
planent autour des ormesEt nous verrons bientôt des étoiles filantes
Nous partirions du Caire avec plusieurs mariniers
Il y aurait une tente à bord avec un lit ou plutôt deux tentes pour que nous soyons à l'aise avec nos compagnes et une troisième pour l'équipage ce serait une très grande felouque
Nous pourrions naturellement allumer un peu de feu sur des réchauds à butane mais nous accosterions de temps en temps pour faire plus ample cuisine et manger à l'ombre des palmiers
Les mouettes les ibis et les pique-boeufs nous accompagneraient en tournoyant tout au long de notre remontée un filet traînant pour nous fournir le poisson de temps en temps et nous laisserions nos serviteurs-guides abattre des canards qu'ils égorgeraient en toute hâte avant qu'ils meurentNous verrions le Soleil se lever presque d'un seul coup au-dessus de la chaîne arabique tel un scarabée brûlant
Monter de plus en plus lentement presque jusqu'au milieu du ciel en étendant ses ailes de faucon
Ses rayons traversant voiles et toiles et les robes des mariniers et même celles noires des femmes venant laver leur vaisselle entre les roseaux
Et remonter sur le rivage tenant sur leur tête boîtes ou jarres remplies d'eauPuis nous nous apercevrions soudain que les ombres se seraient allongées en changeant de couleur déjà
De plus en plus vite l'astre descendrait pour être englouti par l'autre chaîne au-delà d'interminables déserts
Accompagné par les rugissements des sphinx puis les glapissements des chacals
Pour continuer dans les cavernes de l'autre côté de la Terre son cercle imperturbable à travers dangers et surprises jusqu'à sa réjuvénation du lendemainLa Lune viendrait à notre secours et notre navire serait comme sa miniature sur l'eau qu'elle recouvrirait de milliers de plumes tremblantes
Les ânes se hâtant dans le dernier crépuscule avec leurs charges de canne à sucre ou de coton
Les bufflesses prenant tranquillement leur dernier bain en mugissant sous la frise des dromadaires et même de quelques chevaux traînant leurs calèches brinqueballantes
Les trains s'arrêteraient aux gares avec halètements et sifflets attendus par des automobiles qui soulèveraient en démarrant des crinières de poussière teinte en rouge par leurs feux arrièreLes étoiles apparaîtraient une à une tandis que sonneraient les cloches des églises coptes et retentirait le chant des muezzins sur les minarets des villages
Où s'allumeraient peu à peu les lampes dans les rues et fenêtres parfois des guirlandes d'ampoules multicolores et ici et là quelques écrans de télévision
Les enfants et les chiens poursuivraient des ballons devant les vieux fumant leur narguilé en se racontant pour la millième fois les incidents de leur pèlerinage
Décidant d'ajouter sur le mur de leur maison entre la représentation de la Mecque et celle de la plus proche filature avec ses cheminées vomissantes un avion survolant le canal de Suez ou un paquebot fendant la mer RougeAinsi de jour en jour le grincement des chadoufs et norias se mêlerait à celui de nos vergues
Passés le monument de Djeser les pyramides de Dashour et l'entrée du Fayoum
Entre les tombes de Beni Hassan avec leurs décompositions des mouvements de lutteurs et le grand théâtre naturel de Tell el Amarna autour de sa ville hérétique stérilisée
A Minieh sur l'autre rive nous tenterions de retrouver la maison où j'ai vécu il y a près de 50 ans si elle existe encoreLes temples d'Abydos et Denderah la ville d'Esneh où Gustave Flaubert fut si nostalgiquement amoureux de Kuchuk Hanem
Les cars de touristes les grands hôtels les magasins de souvenirs la montagne de l'Occident
Les barques et les îles les obélisques nous rappelant Paris et Rome les salles hypostyles les déesses à têtes de lionnes dramatiquement éclairées dans leur chapelle les constellations sur les voûtes
Les jeunes gens cherchant aventure les gardiens des tombes avec leurs énormes trousseaux de clefs les vendeurs de tranches de pastèques ou boissons gazeusesEt plus loin encore parmi les rochers rouges à têtes d'éléphants les rassemblements de bédouins les orfèvres dans les rues du bazar
Les temples engloutis le barrage retenant son lac immense baratté par le vent du sud
Qui nous obligerait à rebrousser chemin nous laissant redescendre au fil du fleuve en dessinant chaque soir sur nos cahiers quadrillés quelques hiéroglyphes de plus
En photographiant quelques villages et quelques visages de plus essayant d'émerger de ce piège de millénaires en cataloguant les trésors d'images accumulés dans les souterrains où les Soleils d'aujourd'hui retrouvent ceux d'autrefois buvant du thé dans la felouque inéluctablement nous rapprochant des sinistres nouvelles d'aujourd'hui de nos journaux de nos soucis et de nos brumes
fibres
les branches des iris
les noeuds entre les yeux
les écorces au-dessous des paupières
la dryade entrouvre son rideau pour répondre au
martèlement du pivert
les cils au-dessus des couples
les nymphes et leurs pupilles
les approches des échardes
clignements
écorces
les noeuds des paupières
les racines entre les iris
les planches au-dessous des cils
la nymphe nage dans la clairière en chantant l'histoire
de sa source
les sourcils au-dessus des martèlements
les dryades et leurs clignements
les valses des troncs
feux
branches
les racines des cils
les planches entre les paupières
les noeuds au-dessous des sourcils
la dryade invite la nymphe à venir partager son
ombre
les pupilles au-dessus des sources
les satyres et leurs feux
les symphonies des lichens
larmes
noeuds
les planches des sourcils
les échardes entre les cils
les racines au-dessous des pupilles
le satyre égrillard en profite pour se faufiler
entre les roseaux
les clignements au-dessus des ombres
les sylphes et leurs larmes
les tangos des nervures
capillaires
racines
les échardes des pupilles
les troncs entre les sourcils
les lichens au-dessous des clignements
le satyre aperçoit la dryade qui s'enfuit en le
reconnaissant
les feux au-dessus des roseaux
les nymphes et leurs capillaires
les ouvertures des feuilles
éclats
planches
les troncs des clignements
les lichens entre les pupilles
les échardes au-dessous des feux
le satyre fait alors signe à la nymphe qui l'invite
à partager ses ébats
les larmes au-dessus des fuites
les dryades et leurs éclats
les menuets des fleurs
profondeurs
échardes
les lichens des feux
les nervures entre les clignements
les troncs au-dessous des larmes
la nymphe encourage la dryade à venir la rejoindre
auprès du satyre
les capillaires au-dessus des ébats
les sylphes et leurs profondeurs
les sonates des bourgeons
lueurs
troncs
les nervures des larmes
les feuilles entre les feux
les lichens au-dessous des capillaires
le sylphe aperçoit la scène et s'en rapproche
en frôlant les roseaux
les éclats au-dessus des retrouvailles
les nymphes et leurs lueurs
les sarabandes des pousses
orbites
lichens
les feuilles des capillaires
les fleurs entre les larmes
les nervures au-dessous des éclats
le sylphe entortille des tiges de lierre autour des cornes
du satyre
les profondeurs au-dessus des scènes
les dryades et leurs orbites
les fugues des poutres
puits
nervures
les fleurs des éclats
les bourgeons entre les capillaires
les feuilles au-dessous des profondeurs
le sylphe caresse la dryade qui lui fait sentir le battement
de son coeur
les lueurs au-dessus des tiges
les satyres et leurs puits
les pavanes des anneaux
cavernes
feuilles
les bourgeons des profondeurs
les pousses entre les éclats
les fleurs au-dessous des lueurs
le sylphe vient enlacer la nymphe qui l'attire dans ses
remous
les orbites au-dessus des battements
les salamandres et leurs cavernes
les blues des lianes
couleurs
fleurs
les pousses des lueurs
les poutres entre les profondeurs
les bourgeons au-dessous des orbites
le satyre plonge pour tenter d'arracher la nymphe au
sylphe
les puits au-dessus des remous
les dryades et leurs couleurs
les sambas des ronces
rires
bourgeons
les poutres des orbites
les anneaux entre les lueurs
les pousses au-dessous des puits
la dryade se précipite au secours de la nymphe
et du sylphe
les cavernes au-dessus des arrachements
les satyres et leurs rires
les variations des résines
écumes
pousses
les anneaux des puits
les lianes entre les orbites
les poutres au-dessous des cavernes
le satyre en profite pour embrasser la dryade et le sylphe
la nymphe
les couleurs au-dessus des précipitations
les elfes et leurs écumes
les boogies des fentes
vagues
poutres
les lianes des cavernes
les ronces entre les puits
les anneaux au-dessous des couleurs
la salamandre écarte quelques braises pour regarder
ce qui se passe
les rires au-dessus des baisers
les nymphes et leurs vagues
les concerts des souches
étincelles
anneaux
les ronces des couleurs
les résines entre les cavernes
les lianes au-dessous des rires
le sylphe aide la salamandre à se dégager
de ses cendres
les écumes au-dessus des braises
les satyres et leurs étincelles
les rumbas des fourches
interrogations
lianes
les résines des rires
les fentes entre les couleurs
les ronces au-dessous des écumes
le satyre ayant aperçu la salamandre détourne
l'attention du sylphe
les vagues au-dessus des cendres
les nymphes et leurs interrogations
les cantates des rameaux
flammes
ronces
les fentes des écumes
les souches entre les rires
les résines au-dessous des vagues
la nymphe esseulée retrouve le sylphe et le satyre
enlace la salamandre
les étincelles au-dessus des attentions
les dryades et leurs flammes
les marches des brindilles
mouvements
résines
les souches des vagues
les fourches entre les écumes
les fentes au-dessous des étincelles
la dryade fait signe au satyre la salamandre au sylphe
et à la nymphe
les interrogations au-dessus des enlacements
les elfes et leurs mouvements
les opéras des fibres
yeux
fentes
les fourches des étincelles
les rameaux entre les vagues
les souches au-dessous des interrogations
après un siècle de sommeil le phénix
frémit en ouvrant ses ailes
les flammes au-dessus des conjonctions
les nymphes et leurs yeux
les branles des écorces
iris
souches
les rameaux des interrogations
les brindilles entre les étincelles
les fourches au-dessous des flammes
la salamandre aperçoit le phénix et en
tombe immédiatement amoureuse
les mouvements au-dessus des ailes
les dryades et leurs iris
les choeurs des branches
paupières
fourches
les brindilles des flammes
les fibres entre les interrogations
les rameaux au-dessous des mouvements
le sylphe vole en chantant autour du phénix et
de la salamandre
les yeux au-dessus des amours
les satyres et leurs paupières
les boléros des noeuds
cils
rameaux
les fibres des mouvements
les écorces entre les flammes
les brindilles au-dessous des yeux
le satyre danse avec le sylphe et la salamandre autour
du phénix
les iris au-dessus des chansons
les nymphes et leurs cils
les suites des racines
sourcils
brindilles
les écorces des yeux
les branches entre les mouvements
les fibres au-dessous des iris
le phénix et le sylphe le satyre et la nymphe
la salamandre avec la dryade
les paupières au-dessus des danses
les elfes et leurs sourcils
les tourbillons des planches
pupilles
PÉTALES AUTOUR DE LA NAISSANCELe râtelier des Anglais
les marches du festival
plages de galets thoniers
les autocars des touristes
quelques cultures de fleurs
subsistant sur les collines
restaurants à tous les prixCarnaval et casinos
les courses d'automobiles
bougainvilliers mimosas
oliviers et citronniers
chars masques et confetti
cirques stars principauté
aéroports et villasL'arrière-pays regarde
entre lavande et rosiers
rochers canyons et bastides
les terrasses vers la mer
les fumées des barbecues
les persiennes entrouvertes
les hoquets de l'autorouteLes adolescents bruyants
enfourchent motocyclettes
pour retrouver leurs copines
et les descendre aux discos
où ils danseront des heures
en transpirant et buvant
des mélanges détonantsFouilles archéologiques
archanthropiens et romains
ateliers d'impressionnistes
céramiques et vitraux
chapelles dans les jardins
tentatives d'art moderne
ex-votos et floraliesCirculation pollution
l'azur se ternit les ombres
se dissolvent dans la brume
les haut-parleurs se déchaînent
couvrant les balbutiements
des aveux crépusculaires
tandis que tournent les pharesFeux d'artifices reflets
sur les vitres et les vagues
on croirait que les échos
venus depuis le Brésil
ont franchi sans se ternir
le détroit de Gibraltar
pour venir s'éteindre iciDéclarations empressées
respirations battements
projets d'avenir l'idée
de monter son entreprise
électronique ou pizza
garage électricité
pour surnager dans la criseArlequin Polichinelle
tous leurs frères italiens
planent par-dessus les toits
distribuant éventails
aux promeneurs nostalgiques
rêvant Trianon Venise
Orient-express et train bleuHommages rétrospectives
centenaires catalogues
cartes postales santons
tresses d'ail et de piments
les balcons de la montagne
concerts à la belle étoile
la frontière et ses traficsObservatoires bureaux
d'études laboratoires
murmures d'ordinateurs
au parfum de basilic
dans les chambres d'étudiants
recherchant des Amériques
à découvrir ou sauverDans ce paradis perdu
tandis qu'Adam sommeillait
Eve naquit de sa côte
en déferlement d'écume
sur les îles et récifs
et malgré la corruption
se perpétue son sourire
Courant éperdue
Latone supplie
les îles s'enfuient
redoutant l'éveil
des astres nouveauxMais la plus rapide
aimant naviguer
d'une rive à l'autre
de la mer nocturne
se laisse attendrirElle s'enracine
autour du palmier
que vient embrasser
la mère aux douleurs
pour sa délivranceJaillit le Soleil
avec arc et lyre
inventant le jour
qui fait ruisseler
l'or sur les rochersLa Lune survient
et toutes les îles
osent s'approcher
pour faire une ronde
d'immobilité
Il reprend de la force
en marchant sur la terre
la puissance des racines
passe dans son rireIl apprend la prudence
en glissant sur les eaux
les ruses des anguilles
brillent dans son silenceIl acquiert de la tempérance
en planant sur l'air
l'équilibre des oiseaux
soutient ses phrasesIl parvient à la justice
en sautant sur le feu
le regard des braises
aiguise son fil
LE MONDE S'ÉCROULE ET NOUS SURVIVONS
1Le monde va-t-il finir ?
Le vérificateur va-t-il appuyer sur un bouton pour qu'on entende un rugissement accompagner l'atterrissage d'un hélicoptère blanc dont le pilote, mitrailleuse à la main, viendrait se faire applaudir sur le podium du stade olympique et couronner de lauriers avec écume de Champagne par les officiels pour repartir au plus vite poursuivre son oeuvre de destruction ?
Indices.Fissures, menaces partout.
Le contrôleur va-t-il abaisser un interrupteur pour que se répande un mugissement saluant l'envol d'un bombardier teint de rouge qui lancerait des caisses de grenades, mines antipersonnelles, revolvers, toutes sortes d'armements légers et des paquets de tracts encourageant toutes formes de violence ?
Prémonitions.Combien de temps nous reste-t-il ?
L'inspecteur va-t-il ouvrir un disjoncteur pour diffuser un interminable discours encensant un noir chasseur furtif qui disperserait cultures de bactéries, ampoules de virus, doses de drogues psychotropes en proclamant la contamination des viandes et boissons ?
Pressentiments.Millénaires, siècles, décennies ?
Le commandeur va-t-il saisir une manette pour amplifier le grondement céleste qui célèbrerait une fusée verdâtre lançant ses ogives sur les centrales atomiques qui répandraient leurs nuages de cendres sur la Terre entière ?
Présages.Années, mois, semaines, journées ?
Le présentateur va-t-il tirer un rideau pour nous montrer parmi les glapissements les colonnes et les camps de réfugiés à qui l'on donnerait de minces couvertures et un peu de farine en les exhortant à manifester encore quelque temps leur patience ?
Avertissements.Le temps de lire ce texte jusqu'au bout ?
Le visiteur va-t-il percer l'horizon parmi les sifflements des bolides et les arrachements des effondrements pour nous faire contempler les tremblements de terre, la lèpre du Soleil devenu semblable à un gant de crin, la purulence de la Lune devenue plaie, la chute éperdue des Étoiles proches comme les fruits avortés que projette un figuier tordu par la bourrasque et le bleu du ciel disparaître comme un livre qu'on roule, les montagnes et les îles se déraciner, les présidents, les décideurs, les maréchaux se terrer vainement dans leurs casemates et souterrains ?
Annonces.Encore un instant, monsieur le bourreau !
Le commentateur va-t-il enfin réclamer un silence plus bruyant que tout le tumulte antérieur pour poser autrement la question : le monde doit-il finir ?
Glas.
2
L'instruction. Doit-il,
Le militaire à épaulettes encouragé par le sombre vérificateur donner le signal pour arroser le sol de grêle et de feu mêlé de sang, brûlant le tiers des champs et le tiers des forêts avec la totalité des prés ?
Les rugissements.L'accusation. Doit-il,
Le commissaire galonné poussé par le sinistre contrôleur décrocher son téléphone pour qu'une énorme masse embrasée tel un volcan tombe dans la mer dont un tiers devienne du sang, détruisant le tiers des bêtes marines et des navires ?
Les mugissements. Les interrupteurs.Les témoignages. Doit-il,
Le lieutenant décoré influencé par l'horrible inspecteur lancer la procédure pour qu'un gigantesque globe de feu rende imbuvable d'amertume le tiers des fleuves et des sources ?
Les interminables discours. Les disjoncteurs. Les bactéries.Le réquisitoire. Doit-il,
Le capitaine empanaché inspiré par l'affreux commandeur prendre toutes les dispositions pour que les nuages de poussière radioactive réduisent d'un tiers la lumière du Soleil, celle de la Lune et des Étoiles ?
Les grondements. Les manettes. Les nuages de cendres.La délibération. Doit-il,
Le commandant cuirassé téléguidé par l'effroyable présentateur tourner la clef pour ouvrir le puits de l'abîme et qu'il en sorte une fumée comme d'une immense fournaise avec des essaims de sauterelles mutantes à queues de scorpions pour tourmenter les hommes dispersés qui chercheraient la mort sans pouvoir la trouver, semblables à des chevaux à face humaine couronnée d'or, à chevelures de femmes, crocs de lion, fracas de gongs et crissements de scies ?
Les glapissements. Les rideaux. Les camps de réfugiés à qui l'on donnerait...Le jugement. Doit-il,
Le colonel hérissé hanté par l'épouvantable visiteur déchaîner les alignements de chars, bulldozers, rouleaux compresseurs à lance-flammes et bonbonnes de gaz pour exterminer le tiers des hommes ?
Les sifflements. Les horizons. La lèpre du Soleil, la purulence de la Lune, la chute éperdue des Étoiles proches.La condamnation. Doit-il,
Le général adulé possédé par le terrifiant commentateur faire apparaître enfin sur un écran de bave et de soie la star et le monstre, le vampire et le faux prophète effarés par le triple zéro apparaissant dans les convulsions du Soleil en éclipse totale entre ses noires parhélies ?
3
Et déjà, il y a mille ans, le triple zéro faisait trembler le moine dans la vision de la coupe déversant ses ulcères sur le monde; allait-il finir ?
Combien de temps lui restait-il ?
Les indices de l'instruction.
Tremblait le marinier imaginant la coupe ensanglantant la totalité de la mer.Pouvait-on espérer encore un millénaire ?
Les prémonitions de l'accusation.
Tremblait le chevalier dans sa vision de l'ensanglantement des fleuves et des sources.Un siècle encore ?
Les pressentiments des témoignages.
Tremblait le paysan craignant l'embrasement de ses moissons.Une décennie ?
Les présages du réquisitoire.
Tremblait l'évêque saisi devant les douleurs saisissant les rois.Une année peut-être ?
Les avertissements de la délibération.
Tremblait l'empereur se voyant vomissant vipères et frelons.Encore un instant, Notre Seigneur le bourreau !
Le glas de la condamnation.
Tremblait le pape tombant en morceaux et voyant tous les autres hommes fondre comme des cierges.
4
Et bien auparavant, l'eau du Nil
Allait-elle, devait-elle se changer en sang ?
Le rugissement des pillages.Il y a déjà bien longtemps les grenouilles
Allaient-elles boucher les canaux du delta ?
Le mugissement des dévastations.Il y a déjà des années les moustiques
Devaient-ils bourdonner dans les rues des villages de la vallée ?
Les interminables discours des incendies.Il y a des dizaines d'années les taons
N'ont-ils pas dû envahir masures et palais de la capitale ?
Les grondements des démantèlements.Il y a des siècles la peste
N'est-elle pas venue pourrir bétail et chevaux dans toute l'Égypte ?
Les glapissements des enlèvements.Il y a des millénaires les ulcères
N'ont-ils pas taraudé membres et viscères,
La grêle ruiné falaises et pyramides,
Les sauterelles dévoré tout ce qui serait resté vert,
Les ténèbres caché les dieux dont les temples ne parvenaient pas à voiler la honte ?
Les sifflements des supplices.Et il n'y a finalement pas si longtemps les premiers-nés
N'ont-ils pas eu à se tordre dans la mort subite, même celui du pharaon ?
Le silence des exécutions.
5
Mais le monde n'est-il pas, n'était-il pas déjà fini depuis longtemps ?
Depuis des années, des dizaines d'années.
Depuis des siècles, des millénaires, des millions d'années ?
Les ammonites et bélemnites n'avaient-il pas disparu rejoints par les lépidodendrons et sigillaires, puis les brontosaures et ptéranodons, les mégathériums et les mastodontes, les drontes et les pigeons passagers dont John James Audubon déclare avoir vu un vol de 1 115 136 000 en 1813 près de Louisville, Kentucky, massacrés au cours du XIXème siècle par des industriels qui voulaient les exploiter commercialement, et dont le dernier spécimen connu est mort au zoo de Cincinnati, Ohio, en 1914 ?Depuis longtemps déjà enfouis, Akkad et Sumer, Babylone et Memphis, Teotihuacan, Tikal et Tiahuanaco,
Rejoints par tant d'instaurations, anciens, moyens et nouveaux empires, décadences, invasions, démembrements,
Avec pillages, dévastations, incendies, démantèlements, enlèvements, supplices, exécutions,
Tant de sombres papes, sinistres empereurs, horribles évêques, affreux paysans, effroyables chevaliers, épouvantables mariniers et moines terrifiants,Avec les sécheresses, les déluges, les glissements de terrain, les avalanches, les éruptions, les raz-de- marée, les tornades,
Les naufrages, épaves, échouages, inondations, envasements, ensablements, enfouissements,
Avec les migrations, colonisations, humiliations, transplantations, occupations, déportations, aliénations,Tant de généraux des grenouilles-scorpions, de commentateurs de pillages, tant de colonels des moustiques-frelons, de visiteurs de dévastations,
Tant de commandants des taons-cafards, de présentateurs d'incendies, tant de capitaines des pestes-fureurs, de commandeurs de démantèlements,
Tant de lieutenants des ulcères-cancers, d'inspecteurs d'enlèvements, tant de commissaires des grêles- gangrènes, de contrôleurs de supplices,
Tant de militaires-sauterelles-murènes, de vérificateurs de ténèbres et d'assassinats,Parmi les balbutiements, éducations, initiations, installations, maturations, vieillissements, décrépitudes,
Agonies, ruines, vestiges, cadavres, ossements, fossiles, traces,
Les réflexions, les explorations, les méditations, les explications, les inventions, les improvisations, les mutations,
Et les nuages qui changent comme les vagues qui changent comme les forêts qui changent comme les villes qui changent comme les rêves qui voyagent comme les nuages et les astres qui survivent dans la précarité comme nous.
A
Messe de Saint Jacques par Fulbert de Chartres
refarcie de commentaires pour un récitantINTROIT
Ecce adest nunc Jacobus
qui extollandis laudibus
cujus nos festa colimus
quemque de votis mentibus
officiis attollimus
quem colit omnis populusJacques était le fils du pêcheur galiléen Zébédée
Qualis sit iste Jacobus
nobis narrate omnibus
quem nos tenetis nexibus
et honoratis vocibus
ut veneremur carius
eum amemus mentibus
et laudemus attentius
et perquiramus precibusSon jeune frère était Jean le bien-aimé
Hic est revera Jacobus
quem amat valde Dominus
Christi miles emeritus
et signifer egregius
milicia probissimus
Gallecie apostolus
peregrinis notissimus
et honore dignissimus
miraculis mirificus
in gloria magnificus
quem conctus petit populus
domesticus et barbarusIls avaient si grande stature et voix
Alleluia in gloria
sit Deo laus per omnia
gratuletur ecclesia
tanto patrono florida
laetetur caeli curia
polus sidus et maria
laetare nostra tormula
dic Deo laudum carmina EyaQue Jésus les avait surnommés les fils du tonnerre
Jhesus
vocavit Jacobum Zebedei
et Johannem fratrem Jacobi
et imposuit eis nomina Boanerges
quod est filii tonitrui (Marc 3,17)Au lendemain de la Pentecôte Jacques s'embarqua vers l'ouest
Caeli enarrant gloriam Dei
et opera ejus annuntiat firmamentum
Gloria patri...Après des mois de voyage sinueux
Reges terrae et omnes populi
principes et omnes judices terrae
juvenes et virgines
senes cum junioribus
laudent nomen domini
quia ejus filius JhesusOù pirates et tempêtes le respectaient
Vocavit Jacobum Zebedei
et Johannem fratrem Jacobi
quia bonum est et jocundum
habitare fratres in unum Deum
et imposuit eis nomina Boanerges
quod est filii tonitruiSuivant aux nuits claires le chemin désigné par trois étoiles en ligne
Quoniam tonitruum de nube terrificum
in monte Thabor audierunt
hic est filius meus dilectus
quod est filii tonitruiIl parvint à la mer Atlantique au-delà des colonnes d'Hercule
Dies diei eructat verbum
et nox nocti indicat scientiam
laudent Deum caeli et terra
mare et omina reptilia
in eis quoniam DominusEt remonta tandis que grondait le tonnerre
Vocavit Jacobum Zebedei
et Johannem fratrem Jacobi
et muteret eos praedicare regnum dei
et imposuit eis nomina Boanerges
quod est filii tonitruiJusqu'au pays des Galiciens sauvages
Chorus unus e celestibus intonuit
in principio erat verbum
quod est filii tonitrui
Gloria patri et filio et spiritui sancto...Qui avaient le pouvoir de se changer en loups
Omnes gentes plaudent mentibus
jubilent Deo in voce exultationis
quoniam Dominus excelsus
terribilis rex magnus Jhesus
Vocavit Jacobum Zebedei
et Johannem fratrem JacobiKYRIE
Rex cunctorum
seculorum
eleison
Kyrie eleison
Cuncta palmo
tenens almo
eleison
Kyrie eleison
Parce natis
leto datis
eleison
Kyrie eleisonChriste magne
mitis agne
eleison
Christe eleison
Fili Dei
salus rei
eleison
Christe eleison
O Mariae
fili pie
eleison
Christe eleisonO inclite
Paraclite
eleison
Kyrie eleison
Consolator
et amator
eleison
Kyrie eleison
Qui Jacobum
lustras probum
eleison
Kyrie eleisonGLORIA
(texte normal)VERSUS
Qui vocasti supra mare
Jacobum Galileae e
Quique illum elegisti
apostolica vice e
Qui solarem vultum tuum
montrasti ei monte e
Qui vocasti Boanerges
illum com ejus fratre e
Quii Herodem peremisti
vindex pro ejus nece e
Qui ditasti ejus gleba
populum Galleciae e
Qui cum patre regnans semper
tibi sit laus rex pie eCum sancto spiritu in gloria Dei patris Amen
ANTIENNE
Misit Herodes rex manus ut affligeret quosdam de ecclesia
Occidit autem Jacobum fratrem Johannis gladio (Actes 12, 1, 2)LECTURE
Cantemus Domino cantica glorie
beati Jacobi haec festa hodie
colentes premiis caelice gratieBien accueilli par les pêcheurs de la Galice
Ut praesens lectio divina docuit
Herodis gladium compati voluit
hinc caelum Jacobus ingredi meruitJacques ne put rencontrer leur reine louve
Lectio libri ecclesiasticae historiae
Et ne fit parmi eux que peu de conversions
In qua Jacobi lucida
narrantur quanter praelia
de Herode superbo
quem ipse triumphavit
pulchre minas illius
perimens teterrimasCar ils étaient très attachés à leurs coutumes
Inmisit inquit Herodes manus suas
aliquos de ecclesia
et interfecit Jacobum
fratrem Johannis gladioUn peu déçu tandis que grondait le tonnerre
Ad sui damni cumulum
Jacobum Dei famulum
vera docentem populum
decollavit apostolumJacques décida de revenir en Judée
De hoc autem Jacobo Clemens Alexandrinus etiam historiam dignam memoria in septimo dispositionum suarum libro scribit
De retour près de son frère Jean l'aigle
Ut in memoria aeterna sit justus
Devenu l'évangéliste lui aussi le fils du tonnerre
Perlatam ad se usque ex traditione majorum
Ayant retrouvé toute sa foi et ses vertus
Ut cognoscat generatio altera
Jacques enflamma le courroux des grands prêtres et du vieux roi Hérode
Quoniam quidem inquit et hic qui obtulerat Jacobum judici ad martyrium motus penitencia
Or celui même qui le menait au supplice
Viso aegroti miraculo
Josias extraxit funem
de collo apostoliJosias le voyant guérir un paralytique au passage
Etiam ipse confessus est se esse christianum
Et confessus est et non negavit Christum DominumLui enleva la corde de son cou
Ducti sunt inquit ambo pariter ad supplicium
Ut mererentur accipere coronam gloriae alleluiaEt lui demanda de le baptiser
Et cum ducerentur invisa rogavit Jacobum dare sibi remissionem
Sanctorum communionem remissionem peccatorumJacques lui accorda le baiser de paix
At ille parumpter deliberans baptisavit eum Jacobus in clementia Patriset Filii et Spiritui sancti
Et la rémision de tous ses péchés
Pax tibi inquit
Pacem pius consolator tibi praestet
Et oscula tuus est eum
O admiranda divini amoris basiaIls allèrent ainsi tous deux au supplice
Et ita ambo simul capite plexi sunt
Et ideo coronas triumphales merueruntEt la même épée trancha les deux têtes
Sed tunc inquit ut ait scriptura divina
videns Herodes qui Jacobi nece gratum esset Judeis
Qui cum male fecerint exultant in rebus pessimisComme les grands prêtres félicitaient Hérode
Addidit adhuc et Petrum conjecit in carcerem
Tradensque quatuor quaternionibus militum custodiendum
Sine dubio etiam ipsum punire volensLe vieux roi décida d'enfermer aussi Pierre
nisi divinum adfuisse auxilium
quo angelus ei noctu adsistens
Et lumen refulsit in habitaculo carcerisMais un ange vint illuminer le cachot du chef des apôtres
Mirabiliter eum vinculorum nexibus solvit
Et ceciderunt catenae de manibus ejus
Et ad ministerium praedicationis ire liberum jussitdénoua ses liens et le libéra
Et cum Petro quidem haec gesta sint Regis vero facinus in apostolos perpetratum dilationem non patitur ultionis sed continuo vindex adest divina dextera
Quia delictum sine ultione non deserit Dominus
Sicut historia in apostolorum actibus conscripta nos edocet
cum inquit Caesaream descendisset Herodes
et in die solemnis praeclara veste regia indutus
pro tribunali consedisset
ac de sublimi concionaretur ad populumOr comme Hérode était descendu à Césarée
O caecum divitem
juxta est die perditionis eius
et adesse festinant temporaPour siéger dans le tribunal
Cumque populus acclamaret ei Dei voces et non hominis statim inquit
Somptueusement vêtu acclamé comme un dieu
Percussit eum angelus Domini eo quod non dedisset gloriam Deo
A planta pedis usque ad verticem capitis non est in eo sanitasUn ange le foudroya de la tête aux pieds
Et scatens vermibus expiravit
Qui quasi putredo consumiturHérode expira fourmillant de vermine
et quasi vestimentum quod comeditur
a tineaDévoré de teigne comme son vêtement
Laus Deo sit et gloria a
pax decus et victoria a
qui Herodem ad tartarea a
sua misit nequitia a
et Jacobum sedilia a
transvexit ad celestia a
cum quo et nos siderea a
perfruamur laetitia a
AmenALLELUIA
Sanctissime apostole Jacobe sedule
pro salute cuncti populi Christum deprecare
LABYRINTHE
Six personnages se présentent successivement à l'entrée du labyrinthe, un au début de chaque strophe. De plus en plus nombreux, ils arpentent un quart de cercle à chaque verset. Il y a 11 cercles concentriques. A la fin du dernier verset (44ème) le premier personnage arrive au centre. Les cinq autres sont disposés en croix autour de lui selon les points cardinaux.
Entrée de l'apôtre
Jacques était le fils du pêcheur galiléen Zébédée
son jeune frère était Jean le bien-aimé
ils avaient si grande stature et voix
qu'on les avait surnommés les fils du tonnerre
au lendemain de la Pentecôte Jacques s'embarqua vers l'ouest
pendant des mois de voyage sinueux où tempêtes et pirates le respectaient
il suivit aux nuits claires le chemin désigné par trois étoiles en ligneEntrée du Galicien
Jacques parvint à la mer Atlantique au-delà des colonnes d'Hercule
et remonta tandis que grondait le tonnerre jusqu'au pays des Galiciens sauvages
qui avaient le pouvoir de se changer en loups
bien accueilli par les pêcheurs il ne put rencontrer la reine
et ne fit que peu de conversions car ils étaient attachés à leurs coutumes
un peu déçu tandis que grondait le tonnerre
accompagné par un seul disciple il décida de revenir en JudéeEntrée d'Hermogène
Or le magicien Hermogène qui y était alors en grande vogue
tenta de profiter des hésitations de Jacques pour se l'attacher
il lui envoya son complice Philétus pour le séduire
mais Jacques revenu parmi les siens et notamment Jean l'aigle devenu l'évangéliste lui aussi le fils du tonnerre
ayant récupéré sa foi et toutes ses vertus fit de tels miracles
que l'apprenti magicien converti décida de se joindre à sa troupe
son ancien maître Hermogène furieux sut le paralyserEntrée du démon
Du seul toucher de sa chemise Jacques délivra Philétus
Hermogène contraignit alors un démon de sa connaissance à tenter d'enchaîner Jacques Philétus et le galicien
mais le démon tandis que grondait le tonnerre
se mit à hurler dans les airs qu'il brûlait injustement avant le Jugement dernier
à la prière de Jacques le feu desserra son étreinte
le démon enchaîna Hermogène pour montrer sa bonne volonté
Philétus apitoyé fit délivrer celui qui l'avait autrefois paralyséEntrée d'Abiathar
Le magicien tremblant à l'idée d'une vengeance du démon qu'il ne savait plus contrôler
supplia Jacques de lui donner coquille et bâton protecteur tandis que grondait le tonnerre
baptisant dans la mer ses anciens livres qui lui enseignèrent de nouveaux prodiges
alors l'abominable grand-prêtre Abiathar sentant son autorité vaciller
réussit à insinuer au vieux roi Hérode que le seul moyen
d'apaiser le terrible dieu du ciel en courroux depuis le massacre des innocents
était de trancher d'un seul coup la tête de l'apôtreEntrée de la reine des loups
La tête de Jacques roula jusqu'à un navire sans gouvernail
qui dès que les disciples lui eurent joint le reste du cadavre tandis que grondait le tonnerre
partit seul sur la mer jusqu'au pays des Galiciens sur qui régnait la grande Louve
les disciples débarquèrent le corps sur une grande pierre qui se fondit en sarcophage
inquiète la reine des loups demanda son aide au roi d'Espagne mais les hommes envoyés par lui furent tous noyés dans l'écroulement d'un pont
tandis que grondait le tonnerre les taureaux indomptés qu'ils menaient avec eux passèrent de l'autre côté du fleuve
d'eux-mêmes vinrent s'atteler à la pierre du saint sous le commandement d'un dragon
et la hissèrent au lieu dit le champ des étoiles jusqu'à la grande salle du palais de la reine louve qui se convertit comme le roi d'Espagne qu'elle épousa en retrouvant sa forme humaine
et c'est au-dessus que s'établirent les cathédrales qui au cours des siècles accueillirent des nuées de pèlerins inlassablement racontant à leur retour le ruissellement des miracles
OFFERTOIRE
Ascendens Jhesus in montem vocavit ad se Jacobum Zebedei et Johannem
fratrem Jacobi et imposuit eis nomina Boanerges quod est filii tonitrui alleluia (Marc 3, 13, 17)Et c'est au-dessus de ce lieu dit le champ des étoiles
Et enim sagittae tuae Domini transeunt vocem tonitrui tui in rota quod est filii tonitrui alleluia
Où repose le corps de Jacques le voyageur
SANCTUS
Sanctus sanctus sanctus Dominus Deus Sabaoth
pleni sunt caeli et terra gloria tua
Hosanna in excelsis
Benedictus qui venit in nomine DominiJacques dit comme Jean son frère fils du tonnerre
Hosanna salvifica tuum plasma
qui creasti potens omnia a
Temet laus honor decet et gloria
rex aeterne in saecula aC'est là que s'établirent au cours des siècles les cathédrales
Qui de patris gremio
genitis advenisti summo o
Redimere perditum
hominem sangue proprio oQui accueillirent des nuées de pèlerins
Quem deceperat letifer frode
nequam callidissime
serpentino conjugis dente e
Quem expulerat propere
hoc in nexo crimine
paradisi lumine
atque limite eInlassablement racontant à leur retour
Nunc dignare salvare e
Jhesus Christe superne e
in excelsisLe ruissellement des miracles
AGNUS DEI
Agnus Dei
qui tollis peccata mundi
qui pius ac mitis
et clemens atque suavis
miserere nobisAgnus Dei
qui tollis peccata mundi
angelicus panis
sanctorum vita perennis
miserere nobisAgnus Dei
qui tollis peccata mundi
cul pas indulge
virtutum munera prebe
dona nobis pacem
COMMUNION
Ait Jhesus Jacobo et Johanni potestis bibere calicem quem ego bibiturus sum
dicunt ei possumus (Matthieu, 20, 22)
Si mens vestra appetit quod demulcet prius bibite quod dolet
Potestis bibere calicem quod bibiturus sum
dicunt ei possumus
B
Chemin de Saint Jacques
parcours sur le labyrinthe de Chartres
d'après la Messe de Saint Jacques de l'évêque Fulbert
et la Légende dorée de Jacques de Voragine
Chaque personnage, portant une enseigne indiquant sa fonction, pénètre dans le labyrinthe à son appel, en faisant un quart de tour à chaque verset. Il y a onze cercles concentriques; donc au verset 44 l'apôtre arrive au centre du labyrinthe. Au verset 49 il y est rejoint par le Galicien, au 54 par Hermogène. converti, qui se disposent de chaque côté. Les autres sont disposés en croix autour d'eux selon les points cardinaux.
Entrée de l'apôtre avec un navire
(v.1)
Jacques était le fils du pêcheur galiléen Zébédée
son jeune frère était Jacques le bien-aimé
ils avaient si grande stature et voix
que Jésus les avait surnommés les fils du tonnerre
au lendemain de la Pentecôte il s'embarqua vers l'ouestEntrée du Galicien avec un loup
(v.6)
Après des mois de voyage sinueux où tempêtes et pirates le respectaient
suivant aux nuits claires le chemin désigné par trois étoiles en ligne
il parvint à la mer Atlantique au-delà des colonnes d'Hercule
et remonta tandis que grondait le tonnerre jusqu'au pays des Galiciens sauvages
qui avaient le pouvoir de se changer en loupsEntrée d'Hermogène avec un livre
(11)
Bien accueilli par les pêcheurs il ne put rencontrer leur reine Louve
et ne fit que peu de conversions car ils étaient attachés à leurs coutumes
un peu déçu tandis que grondait le tonnerre accompagné par un seul disciple
il décida de revenir en Judée où le magicien Hermogène qui était alors en grande vogue
tenta de profiter de cette hésitation pour se l'attacherEntrée de Philétus avec un agneau
(16)
Hermogène lui envoya son complice Philétus pour le séduire
mais Jacques revenu parmi les siens et notamment son frère Jean l'aigle devenu l'évangéliste lui aussi le fils du tonnerre
ayant retrouvé sa foi et toutes ses vertus
l'impressionna tant par ses miracles qu'il décida de se joindre à sa troupe
Hermogène furieux sut le paralyserEntrée du démon avec une flamme
(21)
Du seul toucher de sa chemise Jacques délivra Philétus
Hermogène contraignit alors un démon de sa connaissance à tenter d'enchaîner Jacques Philétus et le galicien
mais le démon tandis que grondait le tonnerre
se mit à hurler dans les airs qu'il brûlait injustement avant le Jugement dernier
à la prière de Jacques le feu desserra son étreinteEntrée d'Abiathar avec les tables de la loi
(26)
Le démon enchaîna Hermogène pour montrer sa bonne volonté
Philétus apitoyé délivra celui qui l'avait autrefois paralysé mais le magicien tremblant à l'idée d'une vengeance du démon qu'il ne savait plus contrôler
supplia Jacques de lui donner coquille et bâton protecteur tandis que grondait le tonnerre
baptisant dans la mer ses anciens livres qui lui enseignèrent de nouveaux prodiges
alors l'abominable grand-prêtre Abiathar sentit son autorité vacillerEntrée de Josias avec une corde
(31)
Le grand-prêtre réussit à persuader au vieux roi Hérode
que le seul moyen d'apaiser le terrible dieu du ciel en courroux depuis le massacre des innocents
était de trancher d'un seul coup la tête de l'apôtre
or celui même qui le menait au supplice Josias le voyant guérir un paralytique au passage
lui enleva la corde de son cou et lui demanda le baptêmeEntrée de l'apôtre Pierre avec des clefs
(36)
Jacques lui accorda le baiser de paix et la rémission de tous ses péchés
ils allèrent ainsi tous deux au supplice et la même épée trancha les deux têtes
et comme les grands prêtres le félicitaient le vieil Hérode décida d'enfermer aussi Pierre
mais un ange vint illuminer le cachot du chef des apôtres
dénoua ses liens et le libéraEntrée de l'ange vengeur avec un éclair
(41)
Or comme Hérode était descendu à Césarée pour siéger dans le tribunal
somptueusement vêtu acclamé comme un dieu
un ange le foudroya de la tête aux pieds
il expira fourmillant de vermine (v.44)
dévoré de teigne comme son vêtementEntrée de la reine des loups avec une couronne
(46)
La tête de Jacques roula jusqu'à un navire sans gouvernail qui dès que les disciples lui eurent joint le reste du cadavre
partit à lui seul sur la mer en les emportant tandis que grondait le tonnerre
jusqu'au pays des Galiciens sur qui régnait alors la grande Louve
les disciples débarquèrent le corps sur une grande pierre
qui se fondit en sarcophage sous son poidsEntrée du roi d'Espagne avec une cathédrale
(51)
Inquiète la reine des loups demanda son aide au roi d'Espagne
mais les hommes envoyés par lui furent tous noyés dans l'écroulement d'un pont
tandis que grondait le tonnerre les taureaux indomptés qu'ils menaient avec eux passèrent de l'autre côté du fleuve
d'eux-mêmes vinrent s'atteler à la pierre du saint sous le commandement d'un dragon
et la hissèrent au lieu dit le champ des étoiles jusqu'à la grande salle du palais de la reine Louve
qui se convertit comme le roi d'Espagne qu'elle épousa en retrouvant sa forme humaine
et c'est au-dessus que s'établirent les cathédrales qui au cours des siècles accueillirent des nuées des pèlerins inlassablement racontant à leur retour le ruissellement des miracles
AVEC L'ÉTRANGERLes oiseaux des mots se posent sur le sable
que les courants de l'Histoire plissent et lissent
parfois ce sont de rapides traces parallèles
tels des sillons tirés par des laboureurs de l'écume
ou bien cela rivalise avec les maisons et les digues
les phares ou même les rochers et les alguesLa marée du matin ouvre ses rideaux
sur des merveilles luisantes ou transparentes
et celle du soir va les refermer doucement
dans la nostalgie des derniers rayons
la bibliothèque de la nuit dispose ses tomes
et le vent du large peaufine les troncsL'oubli passe et repasse mais demeurent
des épaves de plus en plus douces
qui émergent et replongent inlassablement
dans les vagues des années balbutiantes
en se chargeant de coquilles inventives
que de nouvelles phrases viendront cueillirPour les lâcher dans nos mains surprises
qui auront d'abord bien du mal à les retenir
parmi des éclaboussements de mouettes
des rires des glapissements et des grondements
comme les anneaux de nos fiançailles
avec la mer des fibres et l'horizon des yeux
- Qui aimes-tu le mieux, homme énigmatique, dis ? ton père, ta mère, ta soeur ou ton frère ?Il reste dans son coin, ne parle presque jamais. Il porte l'énigme sur son visage. C'est comme s'il nous interrogeait constamment. Nous ne comprenons pas ce qu'il va regarder le jour ou la nuit avec des trajets compliqués : des gens qui nous semblent ordinaires ou seulement bizarres, des paysages insignifiants, des bâtiments absents de tous les guides, des ruines, des murs lépreux, des chiens errants. Et parfois il s'enfonce dans d'interminables lectures.
- Je n'ai ni père, ni mère, ni soeur, ni frère.
Orphelin ? Peut-être. Mais c'est plutôt comme s'il avait connu son père, et même qu'il l'avait admiré, sa mère qu'il n'avait que trop aimée, comme s'il avait eu des frères et soeurs autour de lui, tendrement chéris, les avait quittés sur un coup de tête, quelque malentendu, s'était arraché après des mots qu'il veut encore juger impardonnables, s'efforçant d'effacer de sa mémoire tous ces visages, passant toutes ses journées à se demander comment il pourrait faire taire toutes ces voix, rêvant aux absents, s'éveillant brusquement comme si c'était là un cauchemar.
- Tes amis ?
- Vous vous servez là d'une parole dont le sens m'est resté jusqu'à ce jour inconnu.N'est-ce pas à leur recherche qu'il était parti secrètement par quelque petit matin de brume et gelée blanche ? Et n'a-t-il pas cru mainte fois qu'il en avait trouvé un, l'approchant timidement, ne sachant comment s'y prendre avec lui, essayant maladroitement de lui rendre service ? Il aura donc été exploité, rabroué, moqué, insulté, humilié, renié, chassé. Sans autre solution qu'un arrachement de plus, moins douloureux en apparence, mais dans la crainte chaque fois d'une déception encore plus amère.
- Ta patrie ?
- J'ignore sous quelle latitude elle est située.N'était-ce pas un hasard qui l'avait fait naître dans le pays quitté ? Comm ent aurait-il pu en être le produit ? Certes on lui faisait miroiter un impressionnant héritage, mais tordu, fané, souillé, dilapidé, défiguré. Le soleil n'était pas assez chaud, la pluie pas assez douce; les hivers trop longs. Mais plus au sud, en restant dans notre hémisphère, c'était la brûlure ou la tornade, plus au nord évidemment les frissons malgré la splendeur du gel, la clarté des soirs d'été, les aurores, la violence du printemps. Une course éperdue de nostalgie en nostalgie.
- La beauté ?
- Je l'aimerais volontiers, déesse et immortelle.La femme donc, mais nullement les femmes avec les caprices qu'on leur attribue, simples projections de ceux de leurs poursuiveurs, à la fois thuriféraires et persécuteurs; au contraire la permanence, le repos ondoyant, la variété calme, ce vers quoi (vers qui) l'on retourne toujours avec une tremblante avidité et qui fait réinventer la famille perdue, les amis dispersés, la patrie trahie, la beauté dont on désespère.
- L'or ?
- Je le hais comme vous haïssez Dieu.Haïssons-nous Dieu ? Nous lui reprochons son absence, tout au moins son éloignement infini. Et c'est pour qu'il s'approche un peu qu'absurdement nous monnayons l'or, le détruisons en le thésaurisant, nous recroquevillons dans une prétendue croissance, reculons dans un progrès vain le plus souvent, mais dont l'apparence déjà nous donne un peu de courage pour continuer à le chercher en vérité.
- Eh ! qu'aimes-tu donc, extraordinaire étranger ?
- J'aime les nuages... les nuages qui passent... là-bas... là-bas... les merveilleux nuages !Aurions-nous vraiment vendu père et père qui auraient déjà vendu les leurs et ainsi jusqu'aux plus obscures origines, torturé nos amis bourreaux eux-mêmes, lacéré nos patries sacrilèges, insulté la beauté, rendu l'or haïssable ? Ne serions-nous donc pas tous depuis toujours en exil ? En enfer ? Mais ce qu'il y a de plus intolérable en celui-ci, cet étranger, c'est qu'il le sente, le sache un peu, le montre un peu, déchiffre un peu pour nous le texte et la leçon des nuages.
Je regarde l'opéra des neiges :
Hourrah !
J'écoute la cantate des sources :
Exultate, jubilate.
Il regarde :
Exultez, jubilez !
Je poursuis le motet des cimes et j'imite la messe des rues :
O vos animae beatae.
Il écoute :
O vous les âmes bienheureuses !
J'interprète l'ode des forêts en murmurant et reprends le divertissement des torrents :
Dulcia cantica canendo.
Il poursuit :
Chantant cantiques délicieux.
Il regarde l'archevêque. Je traduis la symphonie des jardins en faisant voyager le menuet et chante l'air des toits :
Cantui vestro respondens.
Il imite :
En répondant à votre chant.
Il écoute son professeur. Je joue la mélodie des oiseaux en détaillant la fugue et caresse le quintette des fenêtres :
Psallant aethera cum me.
Il interprète :
Les cieux résonnent avec moi.
Il poursuit le violoncelliste. Je regarde la cantate des lèvres en écrivant les variations des neiges, écoute le motet des yeux :
Fulget amica dies.
Il reprend :
Le jour amical resplendit.
Il imite l'abbesse et je poursuis la messe des cheveux en transposant le trio des cimes, imite l'ode des épaules :
Jam fugere et nubilae et procellae.
Il traduit :
Nuées et tempêtes disparues.
Il interprète la duchesse, et moi le divertissement des mains en murmurant l'andante des forêts, reprends la symphonie des ongles :
Exorta est justis inexpectata quies.
Il chante :
Pour les justes est arrivée.
Il reprend le palefrenier. Je traduis l'air des jambes en faisant voyager l'ouverture des jardins, chante la mélodie des voix :
Undique obscura regnabat nox..
Il joue :
Tranquillité inespérée.
Il traduit le fossoyeur. Je joue la mélodie des sourires en détaillant le requiem des oiseaux, caresse le quintette des larmes :
Surgite tandem laeti.
Il caresse :
Partout régnait la nuit obscure.
Il fait chanter l'ambassadeur. J'écoute le motet des neiges en écrivant la sonate des yeux et poursuis la messe des sources :
Qui timuistis adhuc et jucundi.
Il appelle :
Vous qui jusqu'ici trembliez.
Il fait jouer le voyageur. J'imite l'ode des cimes en transposant le quatuor des épaules et j'interprète le divertissement des rues :
Aurorae fortunatae dextera plena et lilia date.
Il écrit :
Redressez-vous dans l'allégresse.
Il reprend la symphonie des forêts en accompagnant l'allegro des ongles et je traduis l'air des torrents :
Tu virginum corona.
Il déchiffre :
Et joyeusement à l'aurore.
L'archevêque appelle. Il chante la mélodie des jardins en colorant le menuet des voix et joue le quintette des toits :
Tu nobis pacem dona.
Il transpose :
De votre bonheur présentez.
Il écrit à son professeur. Je renverse la fugue des larmes :
Tu consolare affectus.
Il murmure :
Votre droite remplie de lys.
J'écris en écoutant l'opéra des sources et en déchiffrant la messe des yeux :
Unde suspirat cor.
Il accompagne :
O toi la couronne des vierges.
Imitant le motet des rues je murmure le divertissement des épaules :
Alleluia.
J'enregistre la symphonie des mains :
O toi répands sur nous ta paix.
En reprenant l'ode des torrents :
O toi qui aimes consoler.
Et fais voyager l'air des ongles :
Partout où quelque coeur soupire
Alleluia.
Sommaire n°18 :
RÉPONSES DE LA MYSTÉRIEUSE À ROBERT DESNOS
UNE ROSE POUR MA MERE
LE FINANCIER DANS LA FORET
LE GRAND DUC EN SES TRANSPORTS
LES FONTAINES DE NANCY
COMPLIMENT POUR LA SEPTANTAINE
VERS L'ÉTÉ
EN FELOUQUE
LES REGARDS DU BOIS
CÔTE À CÔTE
PÉTALES AUTOUR DE LA NAISSANCE
LES SEMELLES DE L'ESCALADEUR
LE MONDE S'ÉCROULE ET NOUS SURVIVONS
LE CHEMIN DE SAINT JACQUES
SUR LA PLAGE
AVEC L'ÉTRANGER
RUMEURS DE SALZBURG (2)