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Poésie au jour le jour 26

(enregistré en octobre 2013)

Sommaire






L’ÉCRITURE POULPE

pour André Velter

 
 Il en fait trop : non seulement le théâtre, mais le roman, non seulement les invectives, mais les chansons, les petites épopées, mais le promontoire du songe; non seulement la littérature mais le dessin. Il finira par nous prendre toute la place !

 Il en dit trop : n’y a-t-il pas des secrets d’état qu’il vaut mieux ne pas ébruiter ? Des mots qu’il ne faut employer qu’entre compagnons de bamboche ?

 Il montre trop : dénonciation, impudeur, atteinte à la vie privée, scandale sur la voie publique; on est gêné.

 Il parle trop : ses phrases-tentacules s’enlacent pleines de mots-ventouses autour de siècles et d’empires; et tout cela toujours inachevé, bien sûr !

 Il écrit trop : les volumes s’accumulent, les éditions prolifèrent, fourmillent de notes; on ne peut plus suivre.

 Il en veut trop : la solitude et la gloire, l’amour et la justice, la révolution, l’éducation; et puis quoi encore ?

 Il survit trop ; ce n’est pas faute d’avoir voulu l’enterrer, le noyer, le couper en morceaux choisis; et les “hélas !”, et les dégouts; une branche semble mourir, d’autres renaissent. Une hydre !

 Il agit trop : il nous encombre, il nous malmène, il nous entraîne, il nous réveille nos rêves auxquels nous avions cru renoncer. A ce moment, nous nous sentons saisis par le pied.


 
 
 
 
 

BALLADE DU JARDINIER DES ILES

pour Leonardo Rosa
 
Dans les criques et les détroits
entre les algues et les huîtres
les épaves balancent leurs
débris de coques et de voiles
dans le soleil transfigurant
tandis que les vagues répètent
leurs homériques mélopées
l’ombre des objets régénère

Dans les tombes et les oublis
entre les erreurs et ratures
les brouillons murmurent leurs langues
dans les lagunes et faubourgs
sous la brume d’hivers moirés
sur les plages que le vent vide
entre les accords et les cris
l’envers des objets prolifère

Dans les rouilles et moisissures
entre les rages et les rires
les mâchoires mastiquent leurs
souvenirs à perpétuer
dans les celliers où ils fermentent
en vins de traditions fantasques
roulant de rêve en librairies
le négatif des objets chante

Prince des sauvetages sous
les typhons du siècle en délire
avec tes doigts d’artificier
les braises des objets fleurissent


 
 
 
 

L’OISEAU VIGNERON

pour Graziella Borghesi
 
Le plumage devient ramage
pour fêter la fin des vendanges
dans le crépuscule d’automne
couvant l’oeuf du siècle nouveau

Perché sur la plus haute branche
de l’arbre qui chante il convie
les explorateurs de fontaines
à l’eau couleur d’or ou de pourpre

En dégustant leurs tourbillons
à enregistrer sur les feuilles
qui se détachent en planant
des grappes de mots renaissants


 
 
 
 

LA FEMME-PAPILLON DES AURORES

pour Thierry Lambert
 
Ressuscitant les feuilles-mortes
en les cousant avec les fils
des araignées exploratrices
elle se drape dans des robes
qui s’épanouissent au matin
découvrant lentement son teint
s’illuminant entre les branches
où pendent les fruits du savoir

Et murmurant sur les paupières
des prairies frissonnant de brumes
elle fait s’ouvrir les bourgeons
diaprés de sèves des forêts
éveillant lièvres et chevreuils
qui donnent signal aux montagnes
de dévaler leurs pédaliers
sous les gongs des lacs et cavernes


 
 
 
 

LE VENT SOUFFLE SUR LES REMPARTS

pour Gregory Masurovsky

 
Le long des caillouteux chemins de ronde
que l’hiver a libérés des touristes
les fantômes sortent de leurs fissures
brinquebalant sur chevaux transparents
ou vieillards tremblants courbés sur leurs cannes
examinant enseignes et tarifs
et s’interrogeant sur l’Apocalypse

Comment a donc pu se dilapider
hagards se sifflent-ils les uns aux autres
cette esquisse d’une Jérusalem
que la science de nos purs enchanteurs
aurait dû arracher à ses assises
pour la faire planer sur les montagnes
et plonger dans les jardins de la mer

Dans notre bien maigre immortalité
notre infernal châtiment c’est d’entendre
le bavardage de ces visiteurs
illuminés en fantasmagorie
tandis que leurs enfants désorientés
cherchent des drogues d’abrutissement
ou la fureur du vent pour s’éveiller


 
 
 
 

DE LA NEIGE À L’INDIGO

pour Eric Cez

 
        En dépit de ma réputation de voyageur, je ne suis jamais allé dans un des Départements et Territoires d’Outre-Mer. Ce n’est pas que l’envie m’ait manqué. Si l’occasion se présente, je serai tout prêt à partir. Ce sont des régions sans grande activité universitaire, mais on aurait pu trouver d’autres prétextes; on en trouvera. Et rien ne sera plus facile que de laisser taire pour l’instant un certain malaise politique; au contraire, je ne serais que trop heureux d’essayer d’y voir et faire voir plus clair pour que cela s’arrange. Il y suffirait de quelque changement à notre Constitution qui en a vu, en verra bien d’autres. Donc je ne puis que rêver à ces vestiges d’Empires disparus qui survivent en francophonie délicieuse. Je me souviens qu’enfants nous récitions en chantonnant les noms des quelques établissements subsistants d’une Inde jadis française : “Yanaon, Pondichéry, Karikal, Chandernagor et Mahé”.

        Cherchant une liste un peu sûre de ces Départements et Territoires, après avoir fouillé en vain les dictionnaires habituels, je me suis adressé au Code Postal dont la numérotation enregistre des alluvionnements historiques. Les départements européens suivent l’ordre alphabétique depuis 1, l’Ain jusqu’à 89, l’Yonne, avec pourtant de fortes anomalies pour la Corse : 20A et 20B, et la région parisienne, le 75 de la Seine étant entouré, avec le 77 de la Seine et Marne et le 78 des Yvelines, autrefois Seine et Oise, d’une couronne de la neuvième décade. Après le 90 consacré au Territoire de Belfort, que l’on pourrait surnommer TEM, Territoire d’En-deçà des Mers, voici d’autres DEM, Départements d’En-deçà : 91, Essonne, 92, Hauts de Seine, 93, Seine Saint-Denis, 94, Val de Marne, 95, Val d’Oise. Brusquement on passe à 98 pour la Principauté de Monaco, ni Département ni Territoire; on pourrait dire PEM. La Méditerranée, n’est pas une mer comme les autres, son nom voulant dire “au milieu des Terres”; pour les deux départements de la Corse, on pourrait adopter DAM, Départements d’Au-delà ou d’Au milieu de la Mer.

        L’Outre-Mer proprement dit se signale par une lyrique montée jusqu’à 971, Guadeloupe. Suivent 972, Martinique, 973, Guyane, 974, Réunion, qui sont encore Départements, mais d’Outre-Mer, DOM, 975, Saint Pierre et Miquelon, 976, Mayotte, déjà Territoires, TOM. Encore un saut jusqu’à l’Océanie : 986, Wallis et Futuna, 987, Polynésie française, 988, Nouvelle Calédonie, nos derniers TOM, car la Terre Adélie et les îles Kerguelen, pourtant bien revendiquées par nos atlas, n’intéressent pas encore l’administration postale. Elles ne sont habitées que par de rares expéditions scientifiques et des manchots. On pourrait les nommer des POM, des Parcs d’Outre-Mer, et leur attribuer dès maintenant le numéro 1000, car on peut fort bien imaginer que s’y développe un jour quelque tourisme.

        Fascinants autant qu’elles-mêmes les alentours de ces graines disséminées si loin les unes des autres tout autour de notre planète : Saint-Pierre et Miquelon entre Terre-Neuve et l’île du Cap breton, dans l’immense élargissement de l’estuaire du Saint-Laurent. A part cet archipel septentrional, avec sa neige et ses bancs de morues, à part ses répondants aux Antipodes, Kerguelen et Terre Adélie, tout se dispose autour de l’Équateur, entre les Tropiques.

        Dans les Antilles : la Martinique et la Guadeloupe, séparées par la Dominique indépendante, entre Sainte Lucie et Antigua-et-Barbuda qui le sont aussi, mais avec à l’ouest Montserrat qui appartient à la Grande-Bretagne.

        Sur le continent d’Amérique du Sud : la Guyane entre le Surinam indépendant, autrefois hollandais, et le territoire d’Amapa dans l’état de Para qui fait partie du Brésil.

        Dans l’Océan Indien : la Réunion entre l’île Maurice et Madagascar; Mayotte entre Madagascar, mais de l’autre côté, et les Comores indépendantes.

        Dans l’immensité du Pacifique : Wallis et Futuna entre les Fidji, les Tonga, les Samoa et les Tuvalu, toutes indépendantes; la Polynésie dispersée dans le Pacifique, entre les îles Cook néo-zélandaises et les Pitcairn britanniques; la Nouvelle-Calédonie enfin entre l’Australie et le Vanuatu, autrefois Nouvelles-Hébrides.

        La civilisation des loisirs multiplie ses hôtels à quelques étoiles le long de plages étincelantes sous les palmes où elle nous invite par d’innombrables affiches et slogans, à venir bronzer en nous rafraîchissant de cocktails à base de rhum; mais c’est bien autre chose qui attirait les peintres, de Gauguin à Matisse, ou faisait naître les poètes, de Lecomte de l’Isle à Aimé Césaire. Outre l’émerveillement d’une nature différente et nettement plus chaleureuse que la nôtre, qui rend la misère moins atroce et dénude les corps en inépuisables splendeurs, avec toutes les nuances du métissage, il y a l’irisation de la langue française qui se découvre de nouveaux pouvoirs, souvent d’ailleurs dans la revendication toujours à l’ordre du jour.

        André Breton, lors d’un passage qui ne lui a pas laissé que de bons souvenirs, égrène comme un chapelet la carte de la Martinique, comme il écoutera quelque temps plus tard les ressources poétiques du parler québécois : “La jambette, Favorite, Trou-au-chat, Pointe La Rose...” 30 lieux-dits auxquels il me serait facile d’en ajouter 30 autres : “Schoelcher, baie du Galion, rocher de la Caravelle, le Lorrain, le Marin, Cap Ferré...” Mais je préfère me transporter à la Guadeloupe : “Marie-Galante, la Désirade, Vieux-Habitants, Pointe des Colibris, Pointe des Châteaux, Pointe d’Antiques...” Partout la géographie prend une couleur nouvelle avec les parfums d’un dix-huitième siècle revigoré en pleine exploration du monde.

        Me sera-t-il donné, pour saluer l’avènement d’une autre mondialisation, de faire un jour le tour de ces territoires et départements d’outre-siècle, développant les éventails crépusculaires de leurs adieux aux anciens empires coloniaux, ce qui nous permettra peut-être d’éviter la constitution de nouveaux ? Les lignes aériennes ou les compagnies de voyages n’ont pas encore pensé à des avions directs entre Saint-Pierre et Pointe-à-Pitre, entre Fort-de France et Saint-Denis de la Réunion, entre Dzaoudzi de Mayotte et Mata-Utu de Wallis. Et pourtant quels paysages nous attendent dans ces intervalles ! Les paupières de la planète ne demanderaient qu’à s’ouvrir.


 
 
 
 

L’OISEAU TASTE-VIN

pour Maxime et Graziella
 
Parmi les grappes et les vrilles
la grive imbibe son plumage
de teintures et de saveurs
pour la dégustation future

 
 
 

PAPIERS D’ALTÉRITÉ

pour  Claude-Henri Bartoli
La feuille blanche

Dans des cartons ou des tiroirs
couchée dans les draps de mes soeurs
j’attends qu’on vienne m’éveiller
que l’on me sorte de ce lit
avec les précautions d’usage
que l’on m’expose à la lumière
de la fenêtre ou de la lampe
que la main caresse mon grain

L’encre peinte

Les pinceaux sont comme des lèvres
qui viennent baiser cette peau
pour l’interroger doucement
dans le silence des préludes
transformant la surface en fouilles
d’où émergent monnaies ou jarres
puis explosent dans l’allégresse
en déposant larmes et nues

L’encre écrite

La plume entre dans ma forêt
se faufile dans les ravins
patine sur mes lacs gelés
aux doigts d’Eugène ou de Bernard
traduisant le vol des oiseaux
divulguant les secrets des sources
faisant parler bêtes et gens
selon sa traque auriculaire

L’encre peinte

Les pinceaux deviennent pétales
qui s’entrouvrent à chaque noeud
de l’itinéraire ou du fil
déployant en toute clairière
fourmillant d’ailes et de signes
en réponse aux invitations
des flammes des émois des rires
et des parfums d’outre-horizon

La feuille signée

Parmi ces filets de rumeurs
replis de voiles marées d’ombres
subsistent comme des semences
quelques îlots de ma blancheur
appareillant tels des navires
à la découverte de terres
où recommencer votre Histoire
après tant d’erreurs et d’impasses


 
 
 
 

CINQUIEME BERCEUSE

aussi pour Stéphane, Mathilde et Clara

 
Ce siècle avait deux ans
ça n’allait pas très fort
campagne électorale
et des conflits partout

Alors tu es venue
à quelques jours d’avance
avec des cris tranquilles
pour nous rajeunir tous

Les murs de ta maison
serrés comme un bouton
entrouvrent leurs pétales
pour humer ton printemps

Ta grande soeur Clara
te chante des chansons
bientôt elle pourra
te conter des histoires

Que pianos clavecins
t’enlacent de leurs gammes
flûtes et percussions
avivent tes oiseaux

Marion nous t’attendons
et toute ta famille
dans l’Écart de Lucinges
Oban te fêtera

Nous chercherons ensemble
formules pour ouvrir
les écluses coincées
du fleuve des fortunes

Et ferons naviguer
ta barque de sourires
de phares en détresses
jusqu’aux îles des jeux

Jusqu’aux feux de la paix
jusqu’à l’exploration
des astres et des bêtes
sur les vagues du temps


 
 
 
 

LES PAYSAGES DE PI

pour Philippe Boutibonnes
 
L’apprenti mathématicien
quand il médite sur le cercle
découvre avec stupéfaction
qu’à mesure qu’on le raffine
le rapport entre les longueurs
de circonférence et diamètre
se refuse à s’assimiler
à toute fraction définie

Et c’est comme une déchirure
en ce lieu de sécurité
où jusqu’alors il s’abritait
mais c’est aussi comme la source
que Moïse avec son bâton
fit jaillir dans le roc de soif
une eau de chiffres qui s’écoule
dans l’irisation des rayons

Quand reparaît le chiffre trois
c’est comme un remous qui remonte
en éclaboussant la virgule
puis il creuse un autre ravin
et quand on trouve un chiffre double
c’est comme un caillou qui se dresse
sur lequel le flux doit sauter
un triple c’est une paroi

Lorsque revient le 31
on salue le point d’origine
en rencontrant 314
on est déjà dans la vallée
parmi les galets et roseaux
jouant sur la flûte des zéros
la découpure des montagnes
dont la cime fait signe au loin

En tombant sur 413
nous contemplons la réflexion
du pic d’où nous étions partis
dans le miroir d’un petit lac
avant d’en trouver de plus grands
pour goûter le renversement
de suites de chiffres plus longues
dans les moirures des rivages

Et parmi ces réminiscences
l’ondée des chiffres vient troubler
les superficies éclatantes
où les nuages et les brouillards
dessinent châteaux et forêts
traversés par des arcs-en-ciel
des canons fugues passacailles
sur des claviers d’orgues mouvants

J’aurais pu mesurer ces strophes
par les chiffres se succédant
d’abord trois vers puis un puis quatre
mais je n’aurais pas su quoi faire
du zéro j’aurais pu aussi
mesurer la longueur des vers
trois syllabes puis une puis
quatre et le zéro pour l’espace

Mais c’était plus intéressant
de tenter de canaliser
cette effervescence du nombre
entre les quais d’une chanson
pour en traversant les cités
illuminer les rêveries
des écoliers s’impatientant
devant leurs cahiers embrouillés

Alors le cercle se dégage
comme un soleil sur l’horizon
perlant d’innombrables vacances
semblable à ces disques de jade
percés d’un trou comme des yeux
que l’on exhume des tombeaux
d’anciens souverains de la Chine
admirablement nommés “pi”


 
 
 
 

MONDIALISATION

pour Michel Julliard
 
Grand-père venait des Antilles
en étant passé par Marseille
d’où son grand-père venait-il
lui-même n’en savait plus rien
on disait grand-mère bâtarde
d’un roi d’Espagne ou d’Italie
quant aux enfants de nos enfants
ils ne rêvent qu’astronautique

 
 
 
 

ANNIVERSAIRE (2)

pour Mathilde
 
Trente-cinq heures de vaillance
avant la fin de la semaine
où l’on peut aller dans le parc
écouter les cris des enfants
sur le bruit de fond des voitures

Trente-cinq journées de vacances
à la montagne ou sur la plage
découvrant de nouveaux villages
lisant des histoires de fées
chantant les chansons d’autrefois

Trente-cinq souvenirs d’enfance
parcourant pueblos et mesas
dans le très vieux Nouveau-Mexique
avec ses tourbillons de sable
et les filles de l’arc-en-ciel

Trente-cinq mois d’adolescence
à chercher un enseignement
dans les collèges du vieux port
à Nice au pied des Antipodes
et dans la ville de Rousseau

Trente-cinq oiseaux sur la branche
essayant d’agrandir leur nid
dans la banlieue des grandes villes
en sifflant des appels nouveaux
pour charmer compagnons fidèles

Trente-cinq livres de sapience
pour percer nouvelles fenêtres
avec des romans policiers
sur les pistes des vérités
dans l’Angleterre ou bien la Chine

Trente-cinq années de croissance
pour aller vers la septantaine
et trente-cinq années de plus
pour passer au siècle vingt-deux
qui s’ouvrira peut-être mieux


 
 
 
 
 

LES VOCALISES DES RAYURES

pour Geneviève Besse

 
 
Les lignes des ardoises sur les toits
les fibres des troncs fendus dans les meubles
les strates de la craie sur les falaises
les algues et les roseaux sur la Loire
les rangées de nuages sur l’horizon

Les phrases qui s’empilent sur les pages
les briques s’entassant pour nos abris
les rues qui se tortillent sur les plans
les fils qui s’entrecroisent dans les robes
les vagues se reprenant sur les plages

Les replis de l’horizon dans le soir
quand les détaillent les doigts du Soleil
et l’on se met à penser aux écumes
illuminées roulant dans les toiles
du Lorrain nous proposant d’embarquer

Vers les ports de la reine de Saba
avec nos cargaisons de cordages
de voiles de soieries d’émaux
porcelaines orfèvreries énigmes
enregistrements encyclopédies

Les dunes les remparts des forteresses
avec des oriflammes claquant au vent
toutes grilles ouvertes pour accueillir
nos caravanes et notre détresse
la faim la soif le froid la solitude

Les étages de la tour de Babel
avec tous leurs architectes artisans
qui rejoignent l’échelle de Jacob
où les anges descendent nous montrer
comment élargir notre espace et temps

Nos respirations nos essoufflements
nos élancements nos trébuchements
nos palpitations nos inspirations
nos emportements nos délicatesses
nos radiographies nos échographies

Nos évolutions nos révolutions
élucidations et métamorphoses
archéologies et prémonitions
les générations les exhumations
la vie palimpseste et la clef des songes


 
 
 
 

L’ÉCUME DES NUITS

pour François Garnier

 
Le charbon dissous par la mer
se dépose avec les embruns
sur les pages des dictionnaires
que feuillette notre insomnie
cherchant des tunnels sous les plages
pour passer d’une langue à l’autre
avec des galeries secrètes
menant aux palais engloutis

Où les nervures du bitume
les encres des seiches les orgues
du basalte des profondeurs
réveilleront les alvéoles
de nos poumons intoxiqués
par tant de brises mensongères
les soignant aux baumes des algues
pour la respiration future


 
 
 
 
 

LE MÉTAL NOUS FAIT SIGNE

pour Étienne Krähenbuhl
 
Autrefois le métal était impassible
il poussait à l’extrême la dureté de nos poings
les prolongeant en épées ou marteaux
pics pioches et charrues pour éventrer la terre

Devant cette agressivité grandissante
il a fallu lui demander sa protection
en lui faisant envelopper notre larve fragile
de casques de cuirasses et de boucliers

On ne pouvait le changer de forme qu’en le faisant
fondre à une température très élevée
où il devenait lumineux et pâteux
pour subir la torture de la forge

En montant encore il se liquéfiait
dans des creusets de cuisine infernale
éructant des crachats de fureur
pour être coulé dans des moules

Il devenait refroidi l’image même du refus
de l’impavide intransigeance de la rigueur
sourcilleuse en tous ses reflets brillaient
la hache du bourreau puis le couperet de la guillotine

Certes il y a bien longtemps qu’il tourne et roule
aidé par la vapeur l’essence ou l’électricité
qu’il grince vibre murmure et ronronne
en montres locomotives automobiles ou machines-outils

Vrombissant avec les avions hurlant en alarmes
ou cherchant le silence au contraire
pour nous transmettre le plus délicatement la musique
notamment celle des gongs cloches trompes et orgues

Mais maintenant le voici qui répond à notre approche
qu’il s’incline pour nous inviter à le caresser
qu’il nous ouvre un chemin à travers les roseaux
pour le refermer lentement après notre passage

Ainsi les eaux s’étaient ouvertes pour Moïse
et son peuple fuyant harassé vers la liberté
puis s’étaient précipitées en engloutissant
les chars perfectionnés du pharaon

Il danse il frémit on croirait qu’il rougit
mais tout en fraîcheur sous notre regard
sa surface rouille en velours de baisers
sa profondeur devient mémoire et dictionnaire

Il aime à se vêtir de feuilles d’arbre ou de papier
ainsi tandis que notre corps se métallise
multipliant scaphandres et prothèses
dans les viscères du métal un coeur commence à palpiter


 
 
 
 

PASSE ET REPASSE

pour Pierre Leloup
 
La Nature sèche son linge
rincé par les torrents en crue
sur les étendages des prés
où les pissenlits font la fête
les merles essaient leurs pipeaux
quand les cascades se raniment
dans la buanderie du ciel
les avions cousent leurs ourlets

Les lavandières de la mer
émulsionnent leurs détergents
pour amidonner les rivages
godronnant les ruissellements
et déroulent les laminaires
entortillées dans les rochers
pour accompagner les sillages
des paquebots et des voiliers

Le fer du trafic ferroviaire
écrase les plis des talus
et celui des camions-citernes
roussit les parkings d’autoroutes
où les vacanciers font des tresses
tentant de doubler les copains
avant de s’enfiler aux peignes
qui les délestent de leurs sous

Dans son logis la ménagère
suffisamment bien équipée
rentrant de son lieu de travail
se dépêche de transvaser
depuis la machine à laver
jusqu’à la machine à sécher
les serviettes et les torchons
qu’il faudra enfin repasser

Le littérateur qui s’applique
penché sur son ordinateur
ou brouillonnant dans ses carnets
s’efforce de lisser ses phrases
effaçant bourdes et coquilles
puis il replie ses paragraphes
ou ses vers en origami
qui s’épanouissent en pensées


 
 
 
 

VENISE AU CRÉPUSCULE

pour Michel et Monique Roncerel
   Lors de la restauration de la Salute on pouvait lire sur une palissade : “attention, chute d’anges”.
1
Un gondolier lance à son frère
un repli de canal qui croise
le sien multipliant les vagues
sous les ponts où les amoureux
se photographient tendrement
soupirs contre soupirs déclics
sous le regard des ouvriers
qui se hâtent de retrouver
leur trois pièces troisième étage
sans ascenseur pour le dîner

2
Ne pas s’approcher des façades
que l’on répare car des anges
peuvent se détacher soudain
creusant un trou dans le trottoir
formant rose d’Apocalypse
aussi tous les échafaudages
sont munis de filets solides
pour éviter des catastrophes
reproduisant les jugements
entourant l’histoire du monde

3
L’averse a dispersé la queue
des touristes qui attendaient
de pouvoir enfin pénétrer
dans les immensités dorées
où s’exercent les organistes
tandis que les guides commentent
émaux sculptures mosaïques
et qu’une vieille continue
auprès d’une veilleuse rouge
de marmonner son chapelet

4
Était-ce avant la création
de la Terre et du Ciel avant
le big bang dont aujourd’hui parlent
le astronomes que les anges
ayant voulu goûter aux joies
de la multitude divine
furent précipités en bas
dans les ténèbres de la vase
que leurs regards surent percer
pour suivre l’aventure humaine ?

5
Les musiciens se sont hâtés
de s’abriter sous les arcades
et les garçons déplient les bâches
pour protéger les vieux pianos
puis ramassent verres et tasses
abandonnés à demi pleins
précipitamment sur les tables
où les grosses gouttes s’assemblent
pour former un vernis vibrant
qui déborde sur le pavé

6
Les anges tombés des corniches
pour expier leur indépendance
auraient surveillé nos ancêtres
pour leur suggérer des idées
reprendre ainsi leur tentative
et la réussir grâce à eux
en apprivoisant les serpents
dans le paradis des épreuves
leur auraient sifflé aux oreilles
les chansons de la découverte

7
La jeune mère de famille
son dernier né dans la poussette
marche à marche gravit les ponts
qu’il faut redescendre en cascade
pour sinuer parmi les ruelles
jusqu’à la place où l’on pourra
retrouver à la garderie
au rez-de-chaussée d’un palais
les deux aînés qui en jaillissent
comme des diables de leur boîte

8
Après avoir encouragé
Eve à donner à son ami
la pomme du premier savoir
les anges tombés des balcons
ont su inspirer à Caïn
développant l’agriculture
l’édification des cités
même sur la plaine des eaux
la fabrication des outils
et des instruments de musique

9
L’ombre monte au long des façades
avec une frange de flammes
qui tournent dans les entrelacs
des fenêtres à doubles vitres
où se multiplient les reflets
de lustres vaisselles soieries
d’où sortent quelques phylactères
de musique et conversation
qu’interrompent les ambulances
qui s’enfoncent vers l’hôpital

10
Anges tombés des galeries
sentant des griffes leur pousser
ils rugissent comme des lions
traversant volutes d’encens
retrouvant l’usage des ailes
dont ils croyaient être privés
leurs pattes feuilletant grimoires
ils inscrivent les doléances
affinant leur virtuosité
pour dégager les escarboucles

11
La branche d’un figuier s’abaisse
pour agiter ses éventails
sur les péniches arrêtées
où les déménageurs accueillent
les commodes sombres luisantes
conservées depuis deux trois siècles
descendues avec précautions
par chaînes sangles et courroies
pour les livrer aux antiquaires
dans quelque continent lointain

12
Et quand le déluge est venu
pour punir d’autres ambitions
les anges tombés des tribunes
auraient dessiné pour Noé
un palais flottant pour sauver
tous les animaux menacés
puis auraient fourni les techniques
pour faire grimper jusqu’aux nuages
le campanile de Babel
qui s’écroula nombre de fois

13
Autour du puits les enfants courent
tandis que quelques japonais
malencontreusement semés
par leur groupe cherchent en vain
dans leur Europe en quinze jours
jusqu’à ce qu’un compatriote
leur montre le petit passage
qui les mènera vers l’école
où ils verront les Tintoret
que leur promettait leur programme

14
Avant la crise économique
qui risqua d’affamer l’Égypte
et tous les pays alentour
jusqu’aux rivages d’outremer
les anges tombés des coupoles
auraient enseigné à Joseph
par interprétation des songes
à construire des entrepôts
pour accumuler les merveilles
nourrissant les yeux et les ventres

15
A force de lever les yeux
pour examiner les plafonds
identifier peintre et sujet
dans les lagunes renversées
entourées de coraux dorés
on apprend à scruter les toits
où parmi les petits jardins
dans la forêt des cheminées
tiares turbans mitres clochers
marchent les pigeons et les mouettes

16
Quand viendra le nouveau déluge
feu et radioactivité
nous disent les discours des prêtres
les hommes seront divisés
comme les anges en deux camps
ceux du ciel et ceux de l’enfer
mais inlassables messagers
certains croient que les condamnés
de l’avant-monde poursuivront
leurs communications subtiles

17
Les souvenirs dans les vitrines
masques à rictus et paillettes
marqueteries brocards chemises
les dentelles de Burano
les verreries de Murano
les livres de reproductions
les bouteilles d’apéritifs
et çà et là des pharmacies
pour soigner courbatures chutes
gueules de bois démangeaisons

18
Les palais se réfléchissant
en arches traversant l’espace
les anges tombés des orages
apporteront flammes aux roses
et rosée au fond des volcans
en arrachant leurs évangiles
à l’engloutissement des sables
à l’inondation des oublis
attelant à leurs tentations
la polyphonie des quadriges

19
Les cloches lâchent des essaims
d’oiseaux roucoulant et piaillant
parmi leurs échos et leurs ondes
les conversations commencées
dans la rencontre aux carrefours
trop étroits pour qu’on s’y attarde
se poursuivent dans les bistrots
dégustant amers au comptoir
en commentant les élections
qui troublent un pays voisin

20
Débarcadère embarcadère
les peintres dans leurs ateliers
les musiciens dans leurs orchestres
les écrivains dans leurs théâtres
les fantômes dans leurs miroirs
les délires de Salomon
cherchant à percer les énigmes
posées par Balkis de Saba
les archipels à la dérive
partant pour le large du Ciel

21
Après un dernier rougeoiement
puis les grandes rinçures vertes
qui continuent le balayage
du pavé des marchés déserts
les garçons éteignent les lampes
sur les tables des restaurants
tous les volets sont refermés
pour protéger les marchandises
et des relents de carnaval
se faufilent dans les ténèbres


 
 
 
 

MARIE-JO À VENISE

pour ses 70 ans
 

Après avoir attendu
quelques heures sur la place
parmi groupes de touristes
venus de tous les pays
dans la confusion des langues
pour accéder aux balcons
où admirer les chevaux
pillés à Constantinople
puis revenus de Paris
après le premier empire

Parcourir les galeries
pour déchiffrer de plus près
les légendes racontées
dans le four des mosaïques
tandis que le brouhaha
monte depuis le pavage
ébullition des chaudrons
renversés dans les coupoles
pour distiller l’élixir
l’or de réjuvénation

Nous n’avons pu cette fois
ce sera pour la prochaine
si les microbes et les
croisements des destinées
nous accordent de survivre
encore quelques années
si j’attrapais le Nobel
nous nous paierions des gondoles
nous dégusterions des spritz
au Florian ou au Quadri

Ce devrait être à l’automne
pour que les rayons détachent
les détails sur les façades
et que la rose gothique
éclaire la basilique
sans trop d’électricité
les brouillards vus par Turner
glisseraient leurs mains glacées
pour chatouiller nos épaules
quand nous franchirions les ponts

Quand nous sommes arrivés
c’était déjà la nuit noire
depuis le vaporetto
nous regardions les palais
doucement illuminés
se dissoudre dans les flots
de bitume et d’eau de Seltz
la machine renâclant
hoquetant et se cabrant
à chaque débarcadère

Et nous avons exploré
les ruelles tout autour
de notre logis perché
calle della Corona
près d’un pont en réfection
Santa Maria Formosa
où les enfants jaillissaient
d’une garderie baroque
pour glisser en toboggans
et la Vierge des Miracles

Les vieux amis retrouvés
les souvenirs remontant
depuis plus de quarante ans
autour de l’immense lit
où nous tombions épuisés
après des orgies d’églises
la fatigue d’autrefois
se transformant en courage
pour gravir allègrement
soixante-dix escaliers


 
 
 
 

CALENDRIER 2003

pour Geneviève Besse
Janvier

on s’est couché tard
il faut nettoyer
on a remplacé
les calendriers

Et voici dimanche
le vent et la pluie
on reste chez soi
près du radiateur
écouter les disques
reçus en cadeaux
quelques jours plus tôt

Nouvelle semaine
et nouveaux soucis
souvenirs de fêtes
s’estompent déjà
travaux en retard
et dans la campagne
la neige et les loups

Signe du Verseau
le Soleil pénètre
chez les gambadeurs
et comme la roue
du ciel tourne encore
ce sera bientôt
chez les amazones

Dans l’autre hémisphère
on fait les moissons
mais ici le sol
est nu sous le gel
et les sans-logis
recherchent les ponts
 
 

Février

givre sur les vitres

Et voici dimanche
sifflements du vent
gens emmitouflés
les branches noirâtres
grincent faiblement
aux allées désertes
des jardins publics

C’est le carnaval
à Venise ou Bâle
à Nice au Brésil
masques et sambas
défilés de chars
les feux d’artifice
le dégel commence

Signe des Poissons
pour les astronomes
le Soleil pénètre
au coeur des cascades
et comme l’essieu
du temps vire encore
ce sera bientôt

Chez le chevrier
de l’autre côté
les jours raccourcissent
mais ils se rallongent
dans notre région
sans se réchauffer
 
 

Mars

les premiers bourgeons

Et voici dimanche
rayons d’embellies
entre giboulées
velours et fourrures
ski dans les montagnes
renards et coucous
fumées sur les toits

Un souffle plus tiède
quelques sons de cloches
oiseaux migrateurs
retrouvent leurs lacs
pour quelques journées
puis cherchent leur nord
voici le printemps

Signe du Bélier
à mieux regarder
le Soleil s’enfonce
au vivier des mers
comme le volant
d’astres continue
bientôt ce sera

Vers nouveau déluge
dans nos antipodes
commence l’automne
ici les premiers
pruniers s’épanouissent
oiseaux de chez nous
répètent leurs airs

En cherchant nouveaux
signaux pour s’aimer
 
 

Avril

les premiers bouquets
l’envie des voyages
on lit prospectus
guides et mémoires
en cherchant fortune

Et voici dimanche
la résurrection
chants et processions
les cloches de Pâques
les oeufs dans les prés
visite aux musées
comptes embrouillés

Sentiers dans les bois
les manteaux ouverts
pots sur les fenêtres
dialogues des merles
jonquilles narcisses
poiriers et pommiers
floraison partout

Signe du Taureau
comme le temps passe
le Soleil se bat
dans les bergeries
l’horloge des mondes
poursuivant son tour
ce sera bientôt

Dans les aquariums
dans l’autre hémisphère
les vendanges faites
on presse le vin
 
 

Mai

rhododendrons s’ouvrent
glycines débordent
luzerne et sainfoin

Et voici dimanche
on marche pieds nus
le long de la mer
les enfants bondissent
dans les cours d’école
les agneaux jaillissent
sur les prés salés

Les éternuements
le rhume des foins
troublent les leçons
les torrents bouillonnent
et les amoureux
cherchent coins tranquilles
cerises groseilles

Signe des Gémeaux
au siècle où nous sommes
le Soleil combat
dans l’immense arène
la gravitation
maintenant ses lois
bientôt sifflera

L’appel des troupeaux
de l’autre côté
les feuilles jaunissent
mais les aubépines
explosent ici
et le rossignol
chante sur les toits
 
 

Juin

Et voici dimanche
temps des examens
la fenêtre ouverte
feuilles de papier
s’envolant soudain
tandis que l’élève
cherche ses idées

Sur les autoroutes
la circulation
augmente on dirait
les globules rouges
pompés par un coeur
en exaltation
solstice d’été

Signe du Cancer
c’était le passé
le Soleil embrasse
Castor et Pollux
et la précession
resserrant sa vis
bientôt mugiront

Les rois des étables
dans nos antipodes
solstice d’hiver
mais ici la sueur
sur les boulevards
à l’abri des stores

Les longues soirées
aident aux aveux
 
 

Juillet

départ en vacances
les embouteillages
retardent partout
les voitures pleines
d’enfants impatients

Et voici dimanche
on se plonge enfin
les mairies préparent
les valses-musettes
pour célébrer le
quatorze juillet
on fait les moissons

Le signe du Lion
au-delà des nuages
le Soleil combat
les pinces du crabe
la machinerie
suivant son idée
frôlera fantômes

Des princes de Thèbes
dans l’autre hémisphère
la neige et les loups
ici arcs-en-ciel
entre les orages
le jus des pastèques
ou des pamplemousses

Des amuse-gueules
au bord des piscines
des huiles solaires
des lunettes noires
et de grands chapeaux
 
 

Août

les volets fermés
on fuit la chaleur

Et voici dimanche
avec sa torpeur
un peu d’escalade
jusqu’à ce qui reste
d’un glacier rongé
par la pollution
puis respiration

Devant l’horizon
les nuages montent
du fond des vallées
il faut entasser
tout dans les valises
plus lourdes qu’avant
les jours raccourcissent

Signe de La Vierge
selon les calculs
le Soleil s’exprime
en rugissements
les dieux poursuivant
leurs métamorphoses
hurleront bientôt

Les fils de la louve
de l’autre côté
le dégel commence
ici les rafales
chassent les moiteurs
et c’est le retour
vers le gris des villes

Et l’enchaînement
 
 

Septembre

on profite encore
de belles journées
mais les matinées
se sont obscurcies
bientôt l’on revient
à l’heure d’hiver

Et voici dimanche
il faut s’acquitter
du troisième tiers
des impositions
ce qui fait manquer
de nombreux projets
par notre insouciance

Achat des cartables
livres et cahiers
la rentrée des classes
ouvre ses membranes
de chauve-souris
salut camarade
commence l’automne

On entre en Balance
dans les prés d’étoiles
le Soleil caresse
les seins de l’aimée
symboliquement
déployant ses ailes
il agitera
 

Sa forte crinière
dans nos Antipodes
voici le printemps
 
 

Octobre

d’où revenez-vous
racontez-nous çà
j’ai plein de projets
pour cette rentrée

Et voici dimanche
comment allez-vous
avez-vous revu
cet ami d’amis
mais un tel est mort
n’avez-vous pas su
comme le temps passe

Crise économique
mais je croyais que
oui c’est revenu
le Moyen-Orient
ne m’en parlez pas
à votre santé
les vendanges faites

Signe du Scorpion
en retardataire
le Soleil oscille
entre deux plateaux
les ventilateurs
balayant l’espace
il retrouvera

La reine des lys
dans l’autre hémisphère
floraison partout
ici la splendeur
des érables roux
aux rayons du soir
 
 

Novembre

murmure des morts

Et voici dimanche
au Père-Lachaise
les mousses verdissent
tombes vénérables
tandis que le glas
monte de la ville
et que les avions

Grondent dans la brume
en nous ressassant
souvenirs de guerre
abominations
des armes futures
les chiens se querellent
les arbres jaunissent

Vient le Sagittaire
sous cette apparence
le Soleil évite
le dard venimeux
dans la cavalcade
des constellations
régnera bientôt

Grande incertitude
de l’autre côté
cerises groseilles
ici l’on suspend
au fond des placards
ses imperméables
qu’il faut remplacer

Par manteaux plus chauds
 
 

Décembre

déjà l’on prépare
la fin de l’année
sapins et cadeaux
dinde pour Noël
huîtres pour la nuit
de la Saint-Sylvestre

Et voici dimanche
la première neige
ne peut pas durer
il est rarissime
que les stations ouvrent
avant que le froid
soit bien installé

Le réchauffement
de notre planète
nous prive de beaux
spectacles en blanc
mais l’humidité
pénètre nos os
solstice d’hiver

C’est le Capricorne
cela recommence
le Soleil décoche
ses dernières flèches
et le décalage
augmentant toujours
bientôt ce seront

Les pièges des sables
dans nos antipodes
solstice d’été
chez nous c’est la nuit


 
 
 
 

COMPOST
(Témoins retrouvés)

pour Jean Lecoultre

 
          Dans un champ d’épandage semi-clandestin qu’on a laissé se développer, lors d’une panne de l’usine de traitement des déchets, le long d’un sentier qui commençait enchanteur, je suis arrêté par un vieil ours en peluche, tout éraillé, perdant sa sciure par plusieurs accrocs, mais qui ressemble étonnamment, avec son oeil manquant, à celui que m’avait donné un oncle que je n’ai jamais revu depuis, dont mes parents ne m’ont plus parlé, dont j’ignore même le nom, car je n’ai jamais osé leur poser de questions à son sujet. Mais son regard bienveillant me semblait être passé dans celui de son cadeau qui me servait de refuge et de secours lors de ces difficultés enfantines dont j’étais loin de me douter qu’elles n’étaient que le prélude à d’autres incomparablement plus sérieuses. Un instant j’ai eu envie d’aller le prendre, de le ramener chez moi pour le nettoyer, pour l’interroger, mais je me suis vite rendu compte que j’aurais cédé à une illusion, car, malgré la ressemblance, ce n’était évidemment pas celui-là, qu’il me serait rapidement devenu insupportable, et qu’au lieu de devoir le jeter une seconde fois, il valait mieux le laisser parmi les autres exclus de toute sorte, attendre tranquillement son incinération.

*

             Dans une poubelle au bord d’un trottoir avant le passage des éboueurs, je suis intrigué par une décoration qui semble s’évader de sa boîte entrouverte. J’examine celle-ci en parfait état en dehors des souillures qu’elle vient de contracter, gainée de cuir vert sombre avec une inscription encore dorée dans une écriture que je suis incapable de déchiffrer. Cela doit venir de quelque pays asiatique et dater déjà d’un bon siècle. La croix elle-même semble flambant neuve avec ses émaux, son bronze brillant comme s’il avait été astiqué la veille même. Pourquoi donc le possesseur a-t-il donc voulu s’en débarrasser ? Cela devait venir d’un arrière-grand-père à peine identifié. Ou bien était-ce justement un trésor familial dont on racontait fièrement l’origine à tous les visiteurs ? Ce qui est curieux, c’est qu’à première vue, on aurait pu en tirer quelque argent chez un spécialiste de ces honneurs périmés. Il y a des collectionneurs. C’est donc un mouvement de rage soudaine. Sans doute une partie de la légende s’est brusquement révélée mensongère. Il fallait s’en débarrasser, l’humilier, n’en rien tirer, ne la donner à personne et surtout pas à un enfant, de peur de lui transmettre la contagion, l’inoculation, la malédiction.

*

             Dans un grenier chez de lointains cousins que je n’avais pas revus depuis des décennies, alors qu’ils essayaient en vain de ranimer en moi des souvenirs communs, je m’installe sans y penser dans un de ces fauteuils trop bas, trop mous, dont il est difficile de sortir seul; et j’ai le sentiment de m’enfoncer, de glisser dans une sorte de traineau capitonné sur une steppe de hautes herbes décolorées givrées tandis que des fumées montent sur l’horizon qui défile à toute vitesse : forêts et ruines. On me parle encore. Un rayon tranche la poussière pour dessiner un couperet de guillotine sur les planches mal rabotées. Mais moi, je suis emporté dans un vent glacé avec des tourbillons qui m’accompagnent. Les chevaux qui auraient dû me tirer se sont dispersés le long de la mer parmi des épaves. Je m’enlise dans les sables qui se referment sur moi. Une main vigoureuse me remet debout. “Les enfants nous attendent”. Personne ne s’est aperçu de rien. La serrure de la porte refermée ricane d’un air entendu.

*

             Dans un marché aux puces, entre une brassée de parapluies croulant sur un seau à charbon et des encriers de cristal, une petite commode à deux tiroirs, en bois blanc, recouverte de papier peint dont quelques angles se décollent. Ce sont des guirlandes de fleurs : pivoines, roses, tulipes de fantaisie. J’y cherche les pétunias qui accompagnaient ces variétés sur les murs de la chambre d’une grand-mère, avec une grande tache brunâtre au-dessus de son lit, comme une éclaboussure que l’on n’aurait même pas cherché à nettoyer. Cela me faisait penser à l’histoire de Barbe-bleue; je tremblais en apercevant les robes pendues,  montais sur les branches d’un grand chêne pour interroger l’herbe qui verdoie et la route qui poudroie; mais je ne voyais rien venir. Quant au meuble lui-même, c’est un de ses camarades de la même série qui accueillait mes habits chez mon autre grand-mère lors des vacances de Pâques que nous passions traditionnellement chez elle. Je l’avais moi-même maladroitement ripoliné en rouge sombre. Je vois un amateur s’approcher, demander le prix, ouvrir les tiroirs poussiéreux mais vides, s’éloigner vers d’autres éventaires, revenir pour le considérer encore une fois, mais de loin; et un autre s’insinuer très décidé, l’acheter sans marchander, le transporter à l’aide du vendeur vers sa camionnette garée non loin. Rapidement d’autres objets viennent combler le vide laissé : un petit fauteuil à bascule, une malle en bois à couvercle bombé, une bassinoire.

*

             Dans la vitrine d’un brocanteur “à l’enseigne du bon vieux temps”, tout un ensemble d’appareils photographiques d’époques diverses. Comme un ami japonais s’y intéresse, j’entre pour demander les prix, mais surtout vérifier s’ils sont en bon état de marche. Malheureusement il n’en est rien. Les soufflets sont crevés, les leviers rouillés, les obturateurs bloqués. Seuls les objectifs semblent intacts; mais en y regardant de plus près, voici que quelque chose bouge à l’intérieur de l’un d’entre eux. Je n’ose en parler à la vieille en bonnet noir qui somnole derrière sa caisse, encore moins dévisser pour tirer la chose au clair. Je fais mine d’examiner de vieux berceaux, des potiches transformées en lampes. Et voici que dans un miroir piqueté, je vois un liquide noirâtre sortir de l’appareil en question, couler jusqu’au bord de la table d’acajou, puis par terre en une grande flaque qui s’étend jusqu’à la porte, s’infiltre au-dessous, traverse le trottoir, envahit la chaussée jusqu’à un carrefour où passe un tramway qui dérape. La vieille qui s’est levée, me demande alors si je désire qu’elle cherche d’autres appareils qu’elle a dans sa réserve. Me retournant brusquement je note que l’acajou de la table est intact, le sol aussi, que tout est rentré dans l’ordre. Un tintement nous avertit qu’un autre amateur ouvre la porte. C’est un Japonais; il s’intéresse justement aux appareils de photo anciens. Il pose les mêmes questions que moi dans un français presque impeccable. Je lui demande s’il connaît mon ami. Mais oui ! Il l’a vu quelques semaines plus tôt. C’est lui justement qui... Nous sortons ensemble, buvons une bière. Après l’avoir quitté je m’aperçois que je ne lui ai même pas demandé son nom.

*

             Lors d’un déménagement, collée sur une planche au dos d’une grande armoire normande très difficile à déplacer, qui ne pourra sortir de la pièce que démontée, une page de journal pour colmater une fente. Cela date de quelques jours avant le début de la dernière guerre, septembre 39. C’est jauni comme sur un papier collé de Braque ou de Picasso. La publicité sommaire de l’époque fait sourire avec un très léger fumet de nostalgie. L’éditorialiste se demande si Hitler osera franchir le pas, sauter la dernière barrière. Il s’efforce de rassurer ses lecteurs : l’armement de l’Allemagne est illusoire, la France et l’Angleterre déterminées, la ligne Maginot imprenable; les hostilités ne dureraient que quelques jours, quelques semaines au pire... Je m’aperçois que sous cette page il y en a une autre. Je décolle ce que je peux, mais ne parviens à dégager que quelques fragments, heureusement suffisamment lisibles pour que je puisse dater le numéro de quelques jours avant le début de la guerre précédente, dite longtemps la “grande”, celle de 14-18. L’éditorialiste se demande... Et le reste se perd sous la couche plus récente. J’ai l’impression qu’il y a encore une page en-dessous, mais il m’est impossible d’apercevoir autre chose que quelques centimètres de marge. Dans le nouveau logis, avant de remonter l’armoire, il me faudra coller une nouvelle feuille, mais je me garderai bien d’utiliser une page de journal.

*

             Dans le fond d’un placard, derrière les costumes se pavanant sur leurs cintres et les cartons où s’entassent des cravates que je ne mettrai plus jamais (il y a bien longtemps que je n’en porte plus), des ceintures définitivement trop courtes, des lunettes qui ne sont plus à ma vue, comme j’essaie d’éliminer ce qu’il y a de plus périmé pour mieux ranger ce que je veux conserver encore par un petit attachement sentimental qui ne durera guère, je constate que ce qui me gêne est un objet assez volumineux que je dégage pour le considérer dans ma cuisine à la lumière du jour. C’est incontestablement un os, sans doute un fémur de boeuf, parfaitement propre sous sa poussière. C’est vrai que c’est magnifique. Un peintre, un sculpteur devrait y trouver de l’inspiration. Soudain cela me revient. J’avais vu chez un antiquaire de splendides crânes d’éléphants. C’était pour moi inaccessible. Question non seulement d’argent, mais de place. Non loin de là une boucherie, avec ses containers ouverts devant son rideau de fer baissé. J’ai choisi le plus beau vestige que j’ai caché sous mon imperméable en l’entourant d’un sac de plastique que le vent avait fait voler jusque là. Il était encore humide et rouge avec quelques lambeaux de tendons  attachés, et même des soupçons de viande. Pas question de le montrer tout de suite. Alors je me suis souvenu d’un graveur canadien d’origine indienne qui m’avait dit que pour nettoyer les crânes d’animaux divers dont il aimait orner son intérieur, rien ne valait les fourmis. J’ai donc mis le fémur au fond du jardin, bien caché derrière un buisson. Au bout de quelques semaines les ouvrières avaient achevé leur lessive. Il fallait maintenant attendre l’occasion de montrer ma trouvaille. Elle n’est jamais venue.

*

             Dans le tiroir secret d’un secrétaire Louis XVI, je constate qu’il existe encore un double fond. Le ressort est coincé, mais avec la pointe d’un couteau je parviens à faire sauter la menue planche. Dans cette logette des lettres auraient été à l’étroit, mais on aurait pu dissimuler une clef, un flacon de parfum ou de poison, une boucle de cheveux nouée d’une faveur... Il n’y a qu’un morceau de dentelle. Pour l’extraire, je saisis un fil qui dépasse, mais les mailles commencent immédiatement à se défaire. Je vais chercher des pinces à épiler pour le déloger tout entier d’un seul coup, mais le fil s’accroche à une petite fente et la destruction continue. Le voici enfin sur un papier de soie. Je m’efforce de l’étaler pour en admirer le point savant à l’extrême avec écussons et fleurs; mais à mesure que je regarde, il se défait. Il ne reste plus qu’un petit écheveau lâche de couleur isabelle. Je suspens le fil à un clou, espérant qu’il conservera quelque souvenir de sa forme, que les changements de température et de pression le rendront à sa merveilleuse complexité figurative. Mais bien qu’il soit agité par les courants d’air à chaque ouverture de porte, il devient chaque jour plus rectiligne. Un mouvement brusque l’emportera.

*

            Entre les deux pages d’un livre, un classique que j’ai beaucoup aimé, mais que je n’ai pas relu depuis longtemps, Les Natchez de Chateaubriand, la photographie d’une jeune femme qui ressemble un peu à ma mère dans les plus anciens portraits qui me restent d’elle, ceux datant d’avant ma naissance. Ce doit être une de mes camarades de la Sorbonne, mais j’en avais évidemment plusieurs et je ne réussis pas à identifier de laquelle il s’agit. Rien au dos. Ni nom, ni date. Ce qui m’intrigue, c’est que je n’avais certainement pas lu ce livre à l’époque. Ce portrait était donc dans un autre livre d’où je l’ai transféré vers celui-ci que je viens malheureusement de refermer. En examinant le passage j’aurais peut-être pu remonter jusqu’à l’ouvrage précédent dont la relecture m’avait suggéré d’interroger celui-ci. Muni de cet indice j’aurais peut-être pu préciser le passage antérieur, dégager le passage intérieur qui m’aurait permis de retrouver le nom, la date, la scène. Tout cela est enfoui désormais. Je range le livre à la lettre C; je pose la photographie par devant; vraisemblablement dès demain quelque autre document viendra s’y poser à son tour. Bientôt cela fera une masse telle qu’il faudra tout classer, ranger, et quand j’aurai cette image de nouveau entre mes mains j’aurai probablement déjà oublié dans quel livre proche je l’avais retrouvée.

*

             Dans la poche d’une salopette d’été que je n’ai pas portée depuis près d’un an, une page d’agenda. Il s’agit d’un côté de la deuxième moitié du mois d’août de l’an passé, de l’autre de la première de septembre. En gros tout est clair : passages d’amis, rendez-vous médicaux, anniversaires, petits voyages. Pourtant déjà certains noms ne me disent plus rien. Je cherche dans mon carnet d’adresses. Certains y sont mais pour la plupart cela ne m’éclaire pas. D’autres n’y sont même pas. D’autre part je suis sûr que certains des événements prévus n’ont pu avoir lieu, que d’autres beaucoup plus importants parfois, mais que je n’avais pas jugé utile d’enregistrer, ont pris leur place. Il y a çà et là des points d’interrogation, ce qui veut dire qu’il y avait incertitude, mais il y a encore incertitude sur le fait que cela ait eu lieu ou non. Il me faudrait faire des recherches de détective ou d’historien pour l’élucider. Et il n’y a qu’un an ! Moins d’un an. Il n’y a aucune adresse sur cette page, donc je ne comprends pas ce qu’elle pouvait faire dans ma poche. Pourquoi l’avais-je arrachée ? A quel moment ? Dans quelles circonstances devais-je en avoir besoin ? Ce qui est sûr c’est que ce besoin a été fort passager, puisque j’ai enlevé le moment venu, le lendemain peut-être, tous les objets qui l’accompagnaient : porte-monnaie, trousseau de clefs, mouchoir, pour les transférer dans la salopette suivante, en négligeant cette page. Il se trouve que j’ai conservé l’agenda d’origine, lequel accompagnera un jour d’autres documents dans une bibliothèque. Le feuilletant pour remettre la page à sa place, je m’arrête sur le nom de Jean Lecoultre.


 
 
 
 
 

DÉVELOPPEMENT
(avant la marée montante)

pour Joël Leick

 
A l’assaut du mur céleste
la végétation des griffes
de ses mille égratignures
il coule un lait de salpêtre
qui murmure dans la nuit
des ongles de clair de Lune
sur les reflets des chaussées

La chorale des scorpions
arrivée avec les figues
depuis l’orée des déserts
propose ses requiem
aux amateurs minuscules
cafards araignées et blattes
dans l’opéra des égouts

Sur la plage des vacances
le ruissellement des pluies
désensable les coquilles
les papiers et les morceaux
de barques et de cageots
que vont cueillir les artistes
avant la marée montante

Sur les pages d’agenda
les fourmis des rendez-vous
grouillent d’aménagements
notes rectifications
si bien qu’on ne peut plus lire
et qu’il faut téléphoner
pour vérifier heure et lieu

Dans le discours intérieur
de l’écrivain qui parcourt
les sentiers de la forêt
les branches font des accrocs
qu’il cherche à cicatriser
accumulant les variantes
pour coaguler les mots

Et quand il trouve une souche
pour s’asseoir dans le temps sec
il sort son petit carnet
et griffonne son esquisse
tentant de raccommoder
les lacunes de mémoire
en sutures de ratures

Devant son ordinateur
sur le mur de son écran
il recopiera ses lignes
s’efforçant de corriger
pour la lisibilité
les fautes orthographiques
suintant du bout de ses doigts


 
 
 
 

LA SUSPENSION

pour Jacques Clauzel

 
             Dans le grand soleil, avec son abat-jour et son réflecteur de tôle émaillée écaillée, son ampoule éteinte piquetée de chiures de mouche, exilé non seulement d’autres heures mais déjà d’un autre siècle, le réverbère funambule transforme inlassablement la lumière en ténèbres. Ou plutôt il prélève tout ce qu’il peut de son éclat pour l’emmagasiner dans ses silos. Jalousie par rapport à l’astre qui va bientôt nous abandonner. Il réapparaîtra demain sans doute. Cela fait des siècles que cela dure, des millénaires, malgré quelques éclipses que nous savons maintenant prévoir avec précision, il ne nous a jamais fait faux bond. Mais les mauvais miracles guettent toujours à la limite du possible la fissure qui leur permettra d’envahir notre réalité. Quand la nuit sera venue, tout sera quelque temps en suspens, dans l’expectative, jusqu’au moment où une main appuiera sur l’interrupteur pour que rejaillisse l’or thésaurisé, pour que les objets renaissent de leur perdition dans cette fontaine de jouvence. Alors le mur que l’on avait cru un instant dissous par les brumes, retrouvera sa solidité. On pourra s’appuyer dessus pour regarder la préparation du repas. Surtout on pourra de nouveau lui faire confiance pour soutenir le toit dont nous avons tant besoin dans l’appréhension des démons de midi et minuit.

 
 
 
 
 

LA PISCINE INTERDITE

pour Patrice Pouperon

 
Dans les corridors du sérail
frôlant les murs avec nos hottes
remplies de charbons et de bûches
pour chauffer les chambres des dames
que nous n’apercevions jamais
mais que nous entendions soudain
chanter d’exotiques romances
en s’accompagnant de théorbes
sur les terrasses qui donnaient
sur les ports et sur les détroits

Nous rencontrions des eunuques
le plus souvent patibulaires
qui parfois nous interpellaient
pour s’amuser de nos émois
quand ils décrivaient leurs maîtresses
leurs déshabillages parures
si bien que nous les connaissions
toutes par leurs noms et détails
et choisissions nos combustibles
pour celles que nous préférions

Dans leurs jours d’excellente humeur
ils nous conduisaient jusqu’aux portes
qu’ils surveillaient jalousement
par les interstices desquelles
filtraient des vapeurs et parfums
des éclaboussements des rires
pour nos oreilles exercées
des bribes de conversations
ils rêvaient que l’un d’entre nous
se mît à envier leur état

Sans se faire trop d’illusions
ils détaillaient les avantages
que cela nous procurerait
se gaussaient de notre misère
de pauvres petits charbonniers
ils aplaniraient tout pour qui
oserait se joindre à leur troupe
puis nous ramenaient goguenards
jusqu’aux grilles qu’ils refermaient
en faisant grincer leurs trousseaux


 
 
 
 

DANS LA TOURAINE SOUTERRAINE
si ce n’est toi, c’est donc ton chien

pour Maxime Godard
 
Dans le ventre de la baleine
Jonas interroge les voûtes
suintant de sucs et de salpêtre
pour découvrir par quel gosier
il sera vomi sur la plage
avec ses chansons spiritueuses
il sera couché sur la page
parmi les épaves des dieux
dont il déchiffrera les restes
pour en reconstituer la force

Mon père mon frère mon maître
qui jouais à la Devinière
avec les tonneaux et les chars
viens m’aider pour aménager
loin des replis de la muqueuse
qui cherche à nous assimiler
dans l’antre du siècle présent
à l’ombre de ton Abbaye
un petit logis de survie
avec fontaine de Jouvence


 
 
 

NYMPHÉAS

pour Henri Maccheroni

 
1
Les étangs de Mercure

Les ingénieux médecins
dénouent sur leurs caducées
les serpents chercheurs de baumes
et de poisons renversés
lançant des ponts sur les gorges
et se changeant en chacals
pour pénétrer chez les morts

 tulipes liquides mercure à l’aube fougères passent le lointain appel d’une alouette passe-pieds une goutte tombe flûtes échos les lianes voyagent en Normandie la menthe apparaît citrons éclairs grises courbures les yeux tournent doucement pluies ruisseaux je regarde les branches je rêve de dallages j’imagine des navires je regarde fumées effervescences douces le vent se lève pétales nappes langues encore

 L’amateur de branches
  LIQUIDES
 S'endormir en Normandie

 tulipes fer liquide mercure prêles à l’aube fougères pins le temps passe peupliers je déchiffre des bourrées le lointain appel d’un merle passe-pieds j’invente des palais trompes une feuille tombe flûtes le vent susurre chardons ondes lianes le laurier voyage en Bretagne la menthe disparaît apparaît le citron éclairs aveux silences longtemps encore

 Le chant des dallages
  MERCURE
 Se réveiller en Bretagne

 glycines tulipes fraîcheur fer je contemple les palmes liquides mercure prêles je dessine des ruines chênes à l’aube fougères pins le vent balbutie des pavanes les heures passent peupliers bourrées orgues le lointain appel d’une pie passe-pieds trompes tournesols une tige tombe flûtes chardons estragon répercussions lianes le laurier se renverse la grenade voyage en Angleterre la menthe disparaît devant les myrtilles

Intensément volatile
changeant de sexe et d’habits
le surveillant des écluses
organise des battues
dans les fourrés des rivages
pour débusquer les canards
les loutres et les castors
 
 

2
Les étangs de Mars

Les épées frappent dans l’eau
les boucliers se polissent
pour refléter les sourires
des populations tranquilles
qui conversent sur les seuils
des maisons rafistolées
après les déflagrations

 glycines liquides fer au matin prêles les journées passent pins le lointain appel d’un geai bourrées une brindille tombe trompes réverbérations les chardons voyagent en Écosse les lauriers disparaissent orages nuages rouges saluts les oreilles reviennent lentement brouillards fleuves j’admire les rameaux je rêve de terrasses je parcours des salles j’admire flammes fureurs lentes le vent gronde étamines toiles traductions aveux longtemps

 L’amateur de navires
  AUBES
 S'endormir en Angleterre

 glycines étain liquide fer palmes au matin prêles chênes les semaines passent pins j’écoute des pavanes le lointain appel d’un pivert bourrées j’édifie des remparts orgues une branche tombe trompes le vent siffle tournesols influences chardons l’estragon voyage en Irlande les lauriers se renversent disparaissent myrtilles oranges rayons nuages discours traductions déclarations à n’en plus finir longtemps

 Le chant des  fumées
  FOUGERES
 Le voyageur en Écosse

 iris glycines douceur étain j’examine les roseaux liquides fer palmes je surmonte des difficultés oliviers au matin prêles chênes le vent hurle des sarabandes les mois passent pins pavanes violes le lointain appel d’un épervier bourrées orgues digitales une fleur tombe trompes tournesols poivre conséquences chardons l’estragon recommence son voyage en Bourgogne les pêches se renversent devant les grenades

Le champion d’escrime aiguise
les fleurets de ses averses
sur les silex des écueils
qui accompagnent les îles
où se plaignent les vestiges
des donjons démantelés
par les tornades civiles
 
 

3
Les étangs de Jupiter

Les couronnes se dissolvent
les sceptres flottent parmi
les corolles soulagées
sur les marges des décrets
qui nagent parmi les pousses
germent les enluminures
des bouffons émerveillés

 iris liquides étain à midi palmes les saisons passent chênes le lointain appel d’un butor pavanes une graine tombe orgues croissances tournesols l’estragon voyage en Suisse et se renverse devant les myrtilles rayons verts processions les doigts répondent calmement orages torrents j’étudie les écorces je rêve de tapis j’établis des plans j’étudie braises foudres calmes le vent s’affirme pistils rideaux discours à n’en plus finir

 L’amateur de palais
  PASSAGES
 S'endormir en Irlande

 iris cuivre liquide étain roseaux à midi palmes oliviers les années passent chênes j’analyse des sarabandes le lointain appel d’un faon pavanes je construis des cités violes une capsule tombe orgues le vent résiste digitales augmentations tournesols le poivre voyage en Italie l’estragon recommence à se renverser devant les pêches myrtilles reflets rayons discours émois déclarations augmentant toujours à n’en plus finir

 Le chant des  palmes
  LOINTAINS
 Se réveiller en Bourgogne

 lys iris chaleur cuivre je considère les joncs liquides étain roseaux je bâtis de grands sarcophages platanes à midi palmes oliviers le vent se fâche valses les guerres passent chênes sarabandes hautbois le lointain appel d’une biche pavanes violes arums une mouche tombe orgues digitales sauges prolongements tournesols le poivre recommence son voyage en Touraine l’estragon se renverse devant les pêches

Au milieu de ses tonnerres
le souverain se désole
seul sur son trône de verre
dans la serre du pouvoir
de n’avoir su dénicher
la bergère dont l’anneau
prouvait qu’elle était princesse
 
 

4
Les étangs de Vénus

Sous le cristal des caresses
les seins offrent leurs tétons
et les nombrils rivalisent
avec les bulles qui montent
des profondeurs agitées
par les rames qui propulsent
les barques des invités

 lys liquides cuivre le soir roseaux les frontières passent oliviers le lointain appel d’un cerf sarabandes une guêpe tombe violes reprises les digitales voyagent en Castille le poivre recommence grenades reflets jaunes baisers les lèvres coulent langoureusement rafales cascades je détaille les arches je rêve de fenêtres je décore des places je détaille tisons caresses prolongées le vent s’amuse halos plis dialogues émois en augmentant toujours

 L’amateur de ruines
  APPELS
 S'endormir en Suisse

 lys titane liquide cuivre joncs le soir roseaux platanes les règnes passent oliviers je compare les valses le lointain appel d’un chien sarabandes je visite des galeries hautbois une abeille tombe violes le vent chante arums accumulations digitales les sauges voyagent en Andalousie le poivre recommence insistent pêches grenades ombres effrois émois en accélérant de plus en plus en augmentant toujours

 Le chant des  rameaux
  PASSE-PIEDS
 Se réveiller en Italie

 lilas lys excitation titane je hume la mousse liquide cuivre joncs j’orne les jardins hêtres le soir roseaux platanes le vent joue des gigues les régimes passent oliviers valses gongs le lointain appel d’un enfant sarabandes hautbois ancolies une libellule tombe violes arums rhum développements digitales les sauges insistent pour leur voyage aux Canaries le poivre recommence avec les raisins

Pliant dépliant ses voiles
Salomé poursuit sa danse
en mirant ses avantages
dans l’argenterie mobile
autour du plat où la tête
de Saint Jean-Baptiste étale
les ronces de ses cheveux
 
 

5
Les étangs d’Uranus

Les enseignes du zodiaque
défilent sur les parvis
des cathédrales célestes
engloutis dans les miroirs
des télescopes fleuris
où les galaxies racontent
leurs secrets d’outre-lumière

 lilas liquides titane au crépuscule joncs les villes passent platanes le lointain appel d’une femme valses hautbois effets les arums voyagent en Allemagne la sauge recommence pêches ombres violettes fugues les chevelures s’enfoncent délicatement bourrasques vagues je goûte les racines je rêve de perspectives je cherche des pistes je goûte rumeurs élans délicats le vent gazouille couronnes ourlets murmures effrois en accélérant de plus en plus

 L’amateur de terrasses
  GOUTTES
 S'endormir en Touraine

 lilas plomb liquide titane mousses au crépuscule joncs hêtres les siècles passent platanes je plane gigues le lointain appel d’un blessé valses je traverse des déserts gongs un caillou tombe hautbois le vent roule des ancolies résultats arums le rhum voyage en Pologne la sauge insiste recommencent raisins pêches rides ruses effrois en se retirant en accélérant de plus en plus

 Le chant des  flammes
  CHUTES
 Se réveiller en Castille

 roses lilas torpeur plomb je plonge lichens liquides titane mousses je devine des horizons saules au crépuscule joncs hêtres le vent roucoule tangos les langues passent platanes gigues clavecins le lointain appel d’un rossignol valses gongs algues une plume tombe hautbois ancolies romarin générations arums le rhum triomphe dans son voyage en Russie les sauges insistent auprès des prunes

L’époux de notre planète
répand son sperme d’étoiles
dans tout l’espace alentour
et la reine des abîmes
tournoyant en nébuleuses
répond par sa voie lactée
pour nourrir l’évolution
 
 

6
Les étangs de Saturne

Joyaux mûris dans les grottes
aux ténèbres traversées
par maintes phosphorescences
ou les lampes des chercheurs
développent leurs énigmes
sur les lutrins vermoulus
des bibliothèques sombres

 roses liquides plomb la nuit mousses les ères passent hêtres le lointain appel d’une automobile gigues une goutte de sang tombe gongs descendances les ancolies voyagent en Grèce le rhum insiste raisins rides noires plongeons arômes filent savamment averse écume je respire des bourgeons je rêve d’arcades je déchiffre des inscriptions je respire cendres rages savantes le vent s’allonge parfums broderies éclats ruses en se retirant

 L’amateur de remparts
  FLÛTES
 S'endormir en Andalousie

 roses iode liquide plomb lichens la nuit mousses saules les calendriers passent hêtres je poursuis des tangos le lointain appel d’un train gigues j’observe des migrations clavecins un oiseau tombe gong le vent faiblit algues multiplications ancolies le romarin voyage en Turquie le rhum triomphe insistent prunes raisins lueurs soupirs ruses en s’effaçant en se retirant

 Le chant des  roseaux
  ÉCHOS
 Se réveiller aux Canaries

 anémones roses apaisement iode je vole fougères liquides plomb lichens je trace des sentiers peupliers la nuit mousses saules le vent se reprend passe-pieds les espèces passent hêtres tangos flûtes le lointain appel d’un avion gigues clavecins lianes une note tombe gongs algues menthes populations ancolies le romarin apparaît le rhum triomphe des citrons

Moissonnant avec sa faux
les blés des cavernes pourpres
les mouvements de ses ailes
y dessinent des sillons
comme ceux des caravelles
découvrant de nouveaux mondes
sans le vouloir ni savoir
 
 

7
Les étangs de Neptune

Les poissons et les couleuvres
se souviennent de la mer
ils regrettent les méduses
les huîtres et les crevettes
les phares coraux lagunes
et les communications
entre îles et continents

 anémones liquides iode au clair de lune lichens les climats passent saules le lointain appel d’une douleur tangos un cri tombe clavecins foules les algues voyagent au Maroc le romarin triomphe prunes lueurs bleues houles les giboulées fondent précipitamment cratères replis je suis absorbé par les grappes je rêve de miroirs je me perds dans des labyrinthes remous courants précipités le vent se calme épines rubans rires soupirs en s’effaçant

 L’amateur de difficultés
  LIANES
 S'endormir en Allemagne

 anémones mercure vaporeux iode fougères au clair de lune lichens peupliers les continents passent saules je danse des passe-pieds le lointain appel d’une sirène tangos je découvre des trésors flûtes un adieu tombe clavecins le vent meurt lianes invasions algues la menthe voyage en Iran le romarin apparaît triomphent les citrons les lueurs et les éclairs les soupirs et silences encore en s’effaçant

 Le chant des écorces
  APPARITIONS
 Se réveiller en Pologne

 tulipes anémones mercure je suis devenu prêles liquides iode fougères je m’enfonce dans les profondeurs pins au clair de lune lichens peupliers le vent se tait bourrées les mondes passent saules passe-pieds trompes le lointain appel d’une conflagration tangos flûtes chardons un glas tombe clavecins lianes lauriers massacres algues la menthe disparue voyage en Chine le romarin réapparaît avec les oranges

Parmi voiles et cordages
virevoltent les marins
venus de l’autre côté
de l’Inde et même au-delà
du cap de Bonne Espérance
qui nous servira d’escale
sur la voie du paradis


 
 
 
 

L’ASTROLOGUE TOMBÉ DANS UN PUITS DE SCIENCE
 
 

1
La Lune

Chasseresse avec son arc
mais pour sauver les espèces
transformant par sa lumière
la Terre entière en réserve
et les mers en aquarium
non seulement pour garder
ce qui risque de s’éteindre

Mais aussi pour inventer
dans la rosée de ses phases
des organismes nouveaux
crustacés ou dinosaures
hippogriffes et chimères
pour partir à l’aventure
dans les dimensions cachées

2
Mercure

Les ingénieux médecins
dénouent sur leurs caducées
les serpents trouveurs de baumes
et de poisons renversés
lancent des ponts sur les gorges
et se changent en chacals
pour pénétrer chez les morts

Intensément volatile
modifiant allure et sexe
le surveillant des écluses
organise des battues
dans les fourrés des rivages
pour débusquer les eiders
les loutres et les castors

3
 Mars

Les épées frappent dans l’eau
les boucliers se polissent
pour refléter les sourires
des populations tranquilles
qui conversent sur les seuils
des maisons rafistolées
après les déflagrations

Le champion d’escrime aiguise
les fleurets de ses averses
sur les silex des écueils
qui accompagnent les îles
où se plaignent les vestiges
des donjons démantelés
par les tornades civiles

4
Vénus

Sous le cristal des caresses
les seins offrent leurs tétons
et les nombrils rivalisent
avec les bulles qui montent
des profondeurs agitées
par les rames qui propulsent
les barques des invités

Pliant dépliant ses voiles
Salomé poursuit sa danse
en mirant ses avantages
dans l’argenterie mobile
autour du plat où la tête
de Saint Jean-Baptiste étale
les ronces de ses cheveux

5
Jupiter

Les couronnes se dissolvent
les sceptres flottent parmi
les corolles soulagées
sur les marges des décrets
qui louvoient entre les pousses
germent les enluminures
des bouffons émerveillés

Au milieu de ses tonnerres
le souverain se désole
seul sur son trône de verre
dans la serre du pouvoir
de n’avoir su dénicher
la bergère dont l’anneau
prouvait qu’elle était princesse

6
Saturne

Joyaux mûris dans les grottes
aux profondeurs traversées
par maintes phosphorescences
où les lampes des chercheurs
développent leurs énigmes
sur les lutrins vermoulus
des bibliothèques sombres

Moissonnant avec sa faux
les blés des cavernes pourpres
les mouvements de ses ailes
y dessinent des sillons
comme ceux des caravelles
découvrant de nouveaux mondes
sans le vouloir ni savoir

7
Uranus

Les enseignes du zodiaque
défilent sur les parvis
des cathédrales d’espace
englouties dans les miroirs
des télescopes fleuris
où les galaxies racontent
leurs secrets d’outre-lumière

L’époux de notre planète
répand son sperme de lave
dans l’esplanade alentour
et la reine des abîmes
tournoyant en nébuleuses
répond par sa voie lactée
pour nourrir l’évolution

8
Neptune

Les saumons et les couleuvres
se souviennent de la mer
ils regrettent les méduses
les huîtres et les crevettes
les phares coraux lagunes
et les communications
entre archipels et déserts

Parmi voiles et cordages
virevoltent les marins
venus de l’autre côté
de l’Inde et même au-delà
du cap de Bonne Espérance
qui nous servira d’escale
sur la voie du paradis

9
Pluton

Tsar de toutes les ténèbres
gardien des enfers célestes
au-delà de la ceinture
d’où reviennent les comètes
roulant avec Proserpine
dans chars tirés de vampires
sur les murailles du vide

Écoutant la voix d’Orphée
déchiré par les Ménades
qui s’approche d’orbe en orbe
creusant les mines d’absence
pour retrouver Eurydice
il décide en son conseil
de réunir leurs errances


 
 
Sommaire n°26 :
L’ÉCRITURE POULPE
BALLADE DU JARDINIER DES ILES
L’OISEAU VIGNERON
LA FEMME-PAPILLON DES AURORES
LE VENT SOUFFLE SUR LES REMPARTS
DE LA NEIGE À L’INDIGO
L’OISEAU TASTE -VIN
PAPIERS D’ALTÉRITÉ
CINQUIEME BERCEUSE
LES PAYSAGES DE PI
MONDIALISATION
ANNIVERSAIRE (2)
LES VOCALISES DES RAYURES
L’ÉCUME DES NUITS
LE MÉTAL NOUS FAIT SIGNE
PASSE ET REPASSE
VENISE AU CRÉPUSCULE
MARIE-JO À VENISE
CALENDRIER 2003
COMPOST
DÉVELOPPEMENT
LA SUSPENSION
LA PISCINE INTERDITE
DANS LA TOURAINE SOUTERRAINE
NYMPHÉAS
L’ASTROLOGUE TOMBÉ DANS UN PUITS DE SCIENCE

 

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