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Poésie au jour le jour 3
(enregistré le 7 décembre 2000)
UNE BOUCHÉE DE TEXTEC'est l'enveloppement d'un ciel du soir
autour des épaules de l'horizon
puis l'ombre se cristallise en braises
d'où germe un rosier de flammes
qui lèchent et carbonisent la forêtC'est une agitation de bannières
devant les sillons qui se tordent
sous la fumée des feuilles mortes
roulement de vagues mouillées
dans le chuchotement de l'automneC'est une rafale de neige
douce comme une caresse
au long des jambes du paysage
qui se blottit au creux du lac
entre les portes des glaciersC'est une étole de cristaux
taillés en écailles si fines
qu'elles ruissellent sur les yeux
au moindre pas le long des falaises
dans le vertige des embrunsC'est une coulée de métaux
qui rejaillit sur les rocs
pour s'engouffrer dans les ravins
en grappes et lianes
entre les seins des cariatidesC'est un collier de lessive
sur le torse du torrent
entre les berges d'anthracite
aux noeuds d'acajou
dans la gifle de l'ail et du benjoinCe sont des bras qui se referment
autour du cou des choses
palpant leur fuite
et s'entrouvrant pour les lâcher
vers un siècle d'essor
Juste de quoi
exciter l'oeil
les narines de l'oeil
ses papilles
et celles des doigts
une flânerie
pour neurones
puis replier
délicatement
et réinsérer
dans son emballage
pour en faire profiter
l'amateur suivant
car c'est une douceur
que l'utilisation
ne diminue pas
On prend l'escalier mécanique. On cherche. On marche dans un tunnel. On va au jardin botanique pour regarder les cactus fleurir dans leur serre. On mange un morceau au fastfood italien. On tourne. Le lys bleu. On va au musée McCord pour admirer des objets abénakis. JE ME SOUVIENS. On entre dans un supermarché. C'est l'fun. Les minutes passent. Le dollar de la reine. On suit la foule. JANVIER. On monte. Circulation calme. Verglas. On sort. On attrape un grand coup de froid. On prend le métro. Un mendiant. On va choisir à la régie des alcools un bon vin italien. Chez nous, c'est à l'étage d'une maison francophone où l'on monte par un de ces escaliers extérieurs en fer si glissants dans le gel. On fait son magasinage rue Sainte-Catherine. A travers des étages et des étages on aperçoit un peu de lumière du jour. On rencontre un Mexicain. Hockey sur glace, patinage artistique, ski de fond. On entre dans un parking. On va au biodôme pour voir des iguanes dans la forêt amazonienne reconstituée avec les jets de vapeur qui fusent au sommet des grands troncs-colonnes parmi les lianes. On s'est trompé. On discute referendum, souveraineté, enseignement du français dans la fédération, premières nations, réserves naturelles, Hydroquébec, compagnie aériennes ou ferroviaires. Les heures passent. On descend. FÉVRIER. On prend un taxi. On attrape un grand coup de soleil.SURPRISE DU PORTRAITURÉOn dit qu'il y a cinq saisons par ici
en réalité il y en a deux
l'hiver et l'attente de l'hiverOn fait un détour chez le dépanneur tenu par un Coréen, pour y acheter de la bière Molson et du dentifrice homéopathique, avant de rentrer chez soi pour découvrir à la télé sur le canal permanent météomédia le temps qu'il fait à Québec et pour les veinards vacanciers à Miami. Et ça repart. On suit les flèches. On cherche. On monte. On va au jardin botanique regarder la collection de bonzaï. On prend l'escalier mécanique. On mange au fastfood mexicain. On se demande l'heure. Le lys bleu. On va au musée MacCord admirer des objets algonquins. JE ME SOUVIENS. A travers des étages et des étages un peu de ciel tout bleu. C'est l'fun. Les jours passent. Le dollar de la reine vaut un peu moins. On entre dans un hôtel. MARS. On s'est trompé. Circulation calme. Flocons. On sort. On attrape un grand coup de blizzard. On descend. Un mendiant. On va choisir à la régie des alcools un bon whisky canadien. Chez nous, c'est un manoir cossu de Westmount avec un jardin fleuri de jacinthes. On fait son magasinage rue Sherbrooke. On marche dans un tunnel. On rencontre un Inuk. Souffleries à neige, stalactites, poudrerie. On va au biodôme voir les chauve-souris dans leur caverne. On tourne. On discute cinquième centenaire du premier voyage transatlantique de Christophe Colomb. Les nuits passent. On entre dans un cinéma. AVRIL. On suit la foule. On attrape un grand coup de pluie.
Il y a bien le printemps et ses fleurs
mais il est si courtOn fait un détour chez le dépanneur tenu par un Chinois, pour acheter de la bière Labatt et du sel avant de rentrer chez soi pour découvrir à la télé sur le canal météomédia le temps qu'il fait à Trois-Rivières et à Mexico. Et ça repart. On entre dans un grand magasin. On cherche. On s'est trompé. Au jardin botanique les tulipes. On descend. Un morceau au fastfood japonais. On prend l'ascenseur. Le lys bleu. Au musée McCord admirer des objets attikameks. JE ME SOUVIENS. On marche dans un tunnel. C'est l'fun. Les semaines passent. Le dollar de la reine vaut un peu moins que le dollar du président. MAI. On tourne. Circulation calme. Grêle. On sort. On attrape un grand coup de vigueur printanière. On entre dans un théâtre. Un mendiant. On va choisir à la régie un bon vin californien. Chez nous c'est un loft dans le quartier du port. On fait son magasinage boulevard Saint-Laurent. On monte. On rencontre un Sénégalais. Sucre d'érable, fromage de la trappe d'Oka, gelée de canneberges. On prend un taxi. On va au biodôme pour les castors dans la forêt laurentienne reconstituée; c'est l'extérieur à l'intérieur. On se demande. On discute pêcheurs basques venant traquer la morue dans les parages bien avant Jacques Cartier. Les mois passent. A travers des étages et des étages un éclair de lumière du jour. JUIN. On attrape un grand coup de chaleur.
Il y a bien les sueurs de l'été
mais avec tant de mouchesOn fait un détour chez le dépanneur tenu par un Philippin, pour y acheter de la bière Brador et des épinglettes, avant de rentrer chez soi pour découvrir à la télé sur météomédia le temps qu'il fait à Rimouski et à Los Angeles. Et ça repart. On attend. On cherche. On tourne. A l'intérieur du botanique le jardin classique chinois offert à l'occasion des jeux olympiques par la ville de Shanghaï jumelée avec
Montréal, entièrement façonné là-bas: ponts, pavillons, pagode et même la montagne artificielle, planté et monté ici par des artisans de la République Populaire en villégiature idéologique. On entre dans une église. On mange au fastfood hindou. On suit la foule. Le lys bleu. Au musée McCord les objets hurons. JE ME SOUVIENS. On monte. C'est l'fun. Les saisons passent. Le dollar de la reine vaut un peu moins que celui du président de l'autre côté de la frontière. On prend le métro. JUILLET. A travers des étages et des étages un peu de jour. Circulation calme. Foudre. On sort. On attrape un grand coup d'orage. On entre dans un hôpital. Un mendiant. On va choisir à la régie des alcools un bon bourbon du Kentucky. Chez nous, c'est le château de l'Argoat, un vieil hôtel très propre, délicieusement biscornu, rue Sherbrooke. On fait son magasinage dans le vieux Montréal. On descend. On rencontre un Norvégien. Cèdres rouges, trembles et pruches. On prend l'ascenseur. Au biodôme pour le porc-épic albinos parmi les bouleaux, et les plongeons arctiques que l'on appelle ici des huards et qui décorent la pièce d'un dollar. On marche dans un tunnel. On discute saga d'Eric le rouge et site archéologique de l'Anse aux Meadows. Les années passent. AOUT. On attrape un grand coup de tornade.Il y a bien les érables d'automne
mais les rafales de neige y viennent si viteOn fait un détour chez le dépanneur tenu par un Portugais, pour y acheter de la bière Saint-Ambroise et des serviettes en papier, avant de rentrer chez soi pour découvrir sur météomédia le temps qu'il fait à Chicoutimi et en Martinique. Et ça repart. On se demande. On cherche. A travers des étages et des étages. Au jardin botanique les érables au-delà de la maison japonaise où l'on vous sert encore du thé de cérémonie pour quelques semaines avant la fermeture annuelle. On entre dans une gare. Fastfood caraïbe. On s'est trompé. Le lys bleu. Au musée McCord objets micmacs et montagnais. JE ME SOUVIENS. On descend. C'est l'fun. Le temps passe. Le dollar de la reine vaut un peu moins que celui du président de l'autre côté de cette frontière qui devrait ne plus exister. On prend un taxi. SEPTEMBRE. On marche entre des vitrines. Circulation calme. Grésil. On sort. On attrape un grand coup de couleurs. Un mendiant. On revient à la régie des alcools pour choisir un bon vin français. Chez nous, c'est une petite maison de l'autre côté du fleuve. On va faire son magasinage à la droguerie Jean Coutu. On entre dans une galerie. On rencontre un Marocain. Caribous, orignaux, ragondins. On suit la foule. Au biodôme voir des pingouins avec de petits glaçons qui tombent régulièrement entre leurs rochers. On discute Montcalm, La Fayette, Déclaration d'Indépendance, tuniques rouges et bicentenaire de la Révolution Française. Les nuages passent. OCTOBRE. On attrape un grand coup de feuilles mortes.
Il y a bien le bel été des Indiens
mais pas tous les ansOn fait un détour chez le dépanneur tenu par un Grec, pour acheter de la bière boréale blonde et de la soupe en sachet, avant de rentrer chez soi pour découvrir sur la télé le temps qu'il fait à Gaspé et aux Bermudes. Et ça repart. On prend le métro. On cherche. On marche dans un tunnel. Au jardin botanique les papillons ornithoptères dans l'Insectarium. On attend. Fastfood allemand. On tourne. Le lys bleu. Au musée McCord les objets victoriens. JE ME SOUVIENS. On entre dans une foire ou un salon. C'est l'fun. Les souvenirs passent. Le dollar de la reine vaut un peu moins que celui du président de l'autre côté de cette frontière qui devrait ne plus exister, mais qu'il est encore parfois si difficile de franchir. On suit la foule. NOVEMBRE. On monte. Circulation calme. Givre. On sort. On attrape un grand coup de douceur indienne.
Il y a surtout l'hiver
avec le grand soleil sur le grand froid
mais il est si longOn prend l'ascenseur. Un mendiant. On va choisir à la régie des alcools un bon tord-boyaux d'Amérique latine. Chez nous, c'est un studio meublé avec alcôve au 20ème étage de la tour Montfort, piscine, sauna, solarium au sommet, laverie au sous-sol, toutes les langues et couleurs, avec vue sur l'immense fleuve et les premières collines des Appalaches. On fait son magasinage place Bonaventure. A travers des étages et des étages encore un peu de lumière du jour. On rencontre un Indien. Séminaires, évêchés, basiliques. Au biodôme fous de Bassan dans la côte gaspésienne reconstituée avec les esturgeons qu'on voit d'en-dessous. On discute marché commun, alliance atlantique, écroulement de ce qu'on appelait le bloc de l'Est, guerre du golfe, programmes humanitaires, perspectives du prochain millénaire. La vie passe. DÉCEMBRE. On attrape un grand coup de tempête de neige. On fait un détour chez le dépanneur tenu par un Indien pour y acheter de la bière boréale rousse et des allumettes avant de rentrer chez soi pour découvrir sur la chaîne spécialisée l'écran rouge d'alerte météorologique entre les informations sur le temps qu'il fait à Ottawa et à Paris. Et ça repart..
Est-ce bien ainsi qu'on me voit
Les miroirs seraient donc menteurs
Quelle inespérée délivrance
Je n'ai jamais pu vraiment croire
A ce qu'on nous dit de Narcisse
Comment pourrait-on se suffire
Justement pour s'aider à vivre
D'autant qu'il y avait la nymphe
Echo lui renvoyant sa plainte
Avec tant de délicatesseLes grands noms de l'autoportrait
Rembrandt Liotard ou Vincent
Et maintenant André Villers
Ne sont pas amoureux de soi
Mais parviennent à évoquer
Un autre qui vivait caché
Derrière le tain des consciences
Un démon réconciliateur
Pour réassembler les fragments
Eparpillés dans les rencontresEn visages toujours nouveaux
Sillonnés de phosphorescences
Nous découvrant les profondeurs
Des cavernes de notre temps
Ainsi les portraits de certains
Me permettent d'être moi-même
Et de continuer de chercher
De l'autre côté du décor
La lampe égarée d'Aladin
La boussole des millénaires
Derrière les barreaux
on entrevoit
une figure en attenteUne jeune fille
un écolier
un prisonnierSubrepticement
à la nuit tombante
lui faire passerUne lettre
une plume de geai
la clef des champs
Une paire de lunettes
pour voir dans l'espace
il en faut une seconde
pour regarder la nuit
la troisième permettra
de traverser les murs
la quatrième de savoir
comment était ce qui est détruit
la cinquième réveillera
ce qui est tombé dans l'oubli
et la sixième entrouvrira
les persiennes du lendemain
LE PETIT OISEAU VA SORTIROn s'imagine
souvent que les nombres
sont blancs et froids
comme des cristaux de neige
et que les mathématiciens
skient sur leurs pentes
en respirant l'air le plus purOn s'imagine
que c'est le meilleur refuge
contre les tourments de nos viscères
la pollution de nos cerveaux
les déchirements de nos familles
les haines entre nations et races
les sursauts de la barbarieEt c'est bien vrai qu'ils peuvent l'être
si le mathématicien le mérite
c'est-à-dire s'il a bien compris
qu'ils sont souvent tout autre chose
et que d'innombrables cadavres
pourrissent cloués sur les chiffres
statistiques ou matriculesIl y a des nombres tranquilles
d'autres en danger d'explosion
il y a des nombres tout simples
et d'autres remplis de recoins
d'obscurités palpitations
de crissements et perspectives
grondements précipitationsCe sont les calculs qui permettent
bombardements exploitations
aussi bien qu'envols délivrances
explorations et guérisons
il y a des nombres qui brûlent
et d'autres qui nous emprisonnent
dégoulinant de nos malheursDans le labyrinthe des chiffres
il y a jardins et donjons
plages délices et tortures
des ruisseaux de lave et de sang
à distiller en élixir
pour la fontaine de jouvence
où nous boirons la vie des dieux
Le petit oiseau va sortir
il va picorer votre coeur
puis y installer son logis
plus moyen de le renfermer
dans la cage de l'appareilMais son petit frère est tout prêt
à sortir au moindre déclic
pour picorer le coeur des choses
et des gens bâtir d'autres vies
et ceci indéfiniment
Fuir, encore fuir, mais où, mais comment, car le mur tourne et s'approche et se referme, donc fuir, frapper, crever, fendre, saigner, franchir, encore fuir, car maintenant c'est le sol qui se fendille et crevasse et s'effondre et s'écroule, donc toujours fuir, prendre son élan, se ramasser, bondir, se rassembler, éperdument fuir,descendre, fouiller, creuser, se renverser, monter, gravir, escalader, mais où, car les marches basculent, les trappes s'ouvrent, les grilles tombent, les rampes glissent, les portes claquent, les rats sont là, les chiens aussi, mais comment, oeil pour oeil, poursuivre, traquer, dent pour dent, piéger, s'arracher,
car le mur tourne et grince, griffe pour griffe, et s'approche et palpite, souffle pour souffle, et se referme et se hérisse, donc fuir, accélérer, frapper, coup pour coup, fouetter, crever, déchirer, blessure pour blessure, fendre, trancher, saigner, souffrance pour souffrance, crier, franchir, hurler, vengeance pour vengeance, encore fuir, gronder,
car maintenant c'est le sol qui suinte et se fendille, craquelure sur craquelure, et se crevasse et gondole et s'effondre, tumeur sur tumeur, et dégouline et s'écroule, et rejaillit, torrent pour torrent, cascade sur cascade, donc toujours fuir, ne pas se relâcher un instant, voir, prendre son élan, déclic, se replier, instantané, voir,
déclic, se ramasser, instantané, dresser, déclic, bondir, instantané, encore voir, déclic, planer, instantané, se redresser, déclic, s'étaler, instantané, toujours voir, déclic, éperdument fuir, instantané, transpirer, déclic, descendre, instantané, éperdument voir, un arc-en-ciel de fuites, rouler, trembler, fouiller, geindre, se forcer à voir,
creuser, tomber, se renverser, ramper, encore et toujours se forcer à voir, monter, s'accrocher, gravir, s'agripper, escalader, se hisser, tout le corps fonctionnant comme une tête, toute la tête effacée, fondue dans le fuir et le voir, mais où fuir, sombrer, voir, car les marches et les poignées basculent, les dents poussent, voir,
les trappes et les puits s'ouvrent, les flammes fusent, les grilles et les grêles tombent, encore voir, les lampes grésillent, les rampes et les barreaux glissent, les égouts débordent, toujours voir, les portes et soupiraux claquent, l'invasion, les rats, les porcs sont là, lambeau pour lambeau, les loups grognent, les chiens, les lynx aussi,
rage contre rage, les serpents, mais comment, mais pourquoi, chasser, poursuivre, filer, traquer, flair contre flair, hargne sur hargne, avidité pour avidité, voir, fuir, épier, piéger, se précipiter, s'arracher, s'écorcher, lèvre sur lèvre, car le mur et la voûte tournent et se boursouflent, voir, et grincent et se gonflent et s'approchent et bourgeonnent, fuir et voir,
et palpitent et frissonnent et se referment et s'écrasent, encore fuir et voir, et gargouillent et se hérissent et rouillent et râlent, donc toujours fuir et voir, pas contre pas, haleine sur haleine, paupière contre paupière, toujours plus vite fuir et plus sûr voir, frapper, fouetter, éperdument fuir et voir,
crever, mais où, déchirer, mais comment, engendrer, fuir, naître, se forcer à fuir, encore naître, se forcer à voir, toujours naître, éperdument naître, se forcer à naître, mais où, mais quand, mais comment, mais pourquoi, mais à quel prix, mais naître et voir.
La dame offre au valet
sa rose de braiseQuelle imprudence!
l'oeil du roi crépite
sa barbe s'enflammeAux âtres du palais
piques en tison
charbons de coeur
carreaux mordorés
trèfles sous la cendre
TANGOLes rues d'un pays fabuleux
bruissent encore dans ma tête
les heures y galopent comme un troupeau
de chevaux fous en Mongolie
avant que j'ouvre le courrier
amoncelé sur mon bureau
Eclair le chien noir vient me supplier
de lui lancer un caillou dans la neige
UN TORRENT DE MONTAGNE
Faubourgs bavards
le long du fleuve
dont les eaux glissent
contre les briquesParesseusement
avant et arrière
mais fougueusement
tourbillons d'écumeUn pas sur le côté
le remous virevolte
un paquet d'herbes enlacées
à des poutres d'épavesLe bras sous l'aisselle
jupe contre pantalon
hanches ployées
jambe tendueLèvres amarante
parfum de cuir
thés et matés
peau de pampasYeux de palissandre
chevelures carbonisées
gerbes d'étincelles
dans la forêt des railsLe chant qui se reprend
freine en glissant
dans le froissis des perles
et le martelé des éperonsLe menton du texte
sur l'épaule des images
les phalanges du trait
dans la paume des phrases
1La mousse lessive les galets dans les recoins où frétillent les truites. Règlements de comptes parmi les brindilles, les graviers et les bulles. Je titube au long des racines enrobées de neige fondante, m'accrochant à de vieilles lianes de clématites comme à des cordes de clocher. C'est comme si je manoeuvrais des trappes de nuages avec des paquets d'écume qui m'éclaboussent les chaussures. J'essuie mes mains sur
l'écorce après les avoir rincées dans le froid.
2
Une flaque d'ombre parmi les érables suintant leur sucre. Quelques traces d'occupation humaine: cendres, tisons mouillés, une boîte de conserve au chapeau ourlé de graisse figée, des fragments de journaux datant du mois dernier avec des semelles profondément imprimées dans la boue noircie. Les ronces déploient leurs paraphes sur la vallée d'où monte la rumeur du trafic sommée de sifflets et de cris d'enfants qui sortent de l'école en cognant sur des boules. Par ici les branches mortes forment un escalier entre les haies à baies rouges et noires et les rochers tamponnés de lichens comme de vieux passeports.
3
La vaisselle sylvestre s'agite au risque de se briser dans les bassins de granit. Un paquet d'éclats et de tessons bondit sur les échines ruisselantes. Le lièvre a prêté ses poils pour habiller les épaules des nymphes qui grelottent après leur passage sous la douche d'aiguilles. Les cônes roulent sous les pas puis dégringolent dans les ravins en caracolant d'obstacle en obstacle pour plonger enfin parmi les glaçons dans les nappes frémissantes qu'ils troublent à peine d'un hoquet baveux comme un soupir de dragon humant ravi la soupe primitive parmi les gongs et tambours. Dans les anfractuosités entraperçues dialoguent des pelages et des cornes.
4
Une goutte après l'autre et puis tout d'un coup c'est la vague émeraude par-dessus l'évier entre les fougères rousses dont les frondes se balancent à contresens des ramures de bouleaux et d'ormes. Les pays les plus lointains prêtent leurs épices pour animer les yeux qui luisent sous la surface nacrée. Comment les bourgeons n'arriveraient-ils pas bientôt avec toute cette excitation méthodique, ce bouillonnement du potage hivernal au coin du fourneau des trolls et gnomes. Dans les ateliers intimes, au plus ténébreux des fibres, on prépare feuilles et pétales. C'est le plus grand secret, murmure-t-on partout. Bien sûr, tout le monde est au courant depuis la musaraigne jusqu'au pivert. C'est un concert de silences tout frémissants d'admonestations étouffées, d'explosions à grand peine jugulées, avant le coup d'envoi du prochain défilé des textures.
5
Broyant du noir et du marbre, touillant du sel et du miel dans les mortiers des falaises où les chevreuils comparent les crus. L'alchimiste pluriel a préparé ses décoctions. Les athanors distillent des alcools de graviers. La tuyauterie des laboratoires ligneux s'enroule autour des chaudières en laissant filer des vapeurs au long de ses fissures. Des boules de duvet s'agglomèrent dans les abris des amours nomades. Les gémissements poursuivent les ahanements. Les grelots poudroient les drapés des brèches, les dentelles des souches, les haillons des clairières. La roue du moulin délaissé tourne encore parmi les roseaux, avec des à-coups et des craquements, dans un diverticule habité jadis par une communauté farouche. Il reste quelques briques, tuiles et carreaux en dents de scie, que la végétation arbore comme des trophées.
6
Epiloguant dans le dédale des possibilités d'escalade, avec une première tentative d'énumération des ouvertures et combinaisons, attrapant au filet de ses phrases insectes et instantanés, rumeurs, vapeurs, échos et sifflements, il poursuit obstinément, presque aveuglément son texte de survie. Ce talisman de phonèmes et graphèmes ouvrira bien des écorces pour les suturer à sa peau, des branches pour que ses bronches apprennent à grincer avec elles, des troncs pour que ses os craquent de toutes leurs fibres. Ses doigts se prolongent en ongles et griffes, en écailles et plumes, ses aisselles se multiplient. Devenir flot, gel et dégel, révolution des saisons, germination, floraison, maturation, fermentation dans la danse des lettres et l'élocution des ruminations.
7
A travers les étages de la cascade, horizontales et verticales se transmettent messages et témoins, croisent leurs mains et leurs pieds, enroulent jambes et chevelures. Un moutonnement d'épines, une steppe à contre-ravine, des écroulements de brumes, la possibilité d'un village qu'on imagine blotti entre deux silex, avec la perpétuité de la chute plus ou moins violente mais avec toujours ses éclaboussures semblables à des vengeances divines. Il y aurait ici des champs et des vignes, tout un système de grottes aménageables en écuries, bergeries, basses-cours. Minuscules Robinsons nous préparons des terrasses et vergers avec
des ponts hardis pour nous rendre visite d'un ermitage à l'autre, nous apportant légumes et poèmes, céramiques de nos fourneaux, découvertes astronomiques et mathématiques, trouvailles de nos herborisations.
8
De temps en temps les pas des géants insensibles à notre musique troublent notre bruyante quiétude, apportant une menace, une autre vibration dangereuse pour nos échafaudages et nos lentes, patientes, audacieuses élaborations. Soulagés nous les entendrions s'éloigner, décidant de nous enfoncer plus profond, jusqu'au moment où nous reconnaîtrions nos éternuements dans les leurs, où nous réussirions à les prendre dans les paumes de nos mains pour les examiner avec nos microscopes, effrayés de nous-mêmes, dans le vertige de notre cascade, sombrant d'ermitage en ermitage dans le foisonnement des échelles et calendriers, étirant, contractant le paysage pour le boire et le revêtir à la fois.
DUOS JAPONAIS
Le déclic fait clac
à l'intérieur de ma tête
où le cliché baigne
de cuve en cuveRegardant le regard
sous la même lumière
je vois mes propres yeux
dans le double viseurPourquoi cet instant-là
qu'allait-il donc chercher
qu'ai-je laissé filtrer
que j'ignorais moi-mêmeQue m'a-t-il révélé
qu'il ignorait lui-même
choisissant ce miroir
pour explorer sa nuitAussi quand je verrai
l'épreuve publiée
je lui confronterai
mes archives secrètesPour lui faire avouer
ses arrière-images
pour lui faire allumer
le bûcher des oublis
LABOUR
1 Asakusa
La procession
la dévotion
l'adolescent
l'effort
la transpiration
l'exaltationLa détente
la curiosité
les enfants
la pause
la conversation
la restauration
2 Meiji
Chez l'empereur
qui a ouvert
la porte brisée
les fleurs de glycine
et de chrysanthème
sur la soieDans le temple
qui referme
la blessure vive
les mains d'infirmière
et de pleureuse
dans les plis
3 Circulation
Les lignes du trottoir
parallèles
au flux des voitures
avec les cycles
prenant leurs poses
pour le voyeurLes rubans de béton
en échafaudage
au-dessus des toits
avec les camions
prenant leur envol
de dragons lourds
4 Pisciculture
Le pelage de l'arbre
comme les écailles
du poisson-suicide
arrachées
par les racloirs
du rideau de métalLes ocelles dans l'aquarium
comme les éventails
d'un arbre-aux-écus
flottant
sur les lumières
des enseignes
5 Figures
Triangles
en tiges brisées
sur le miroir
de l'étang
avec les soucoupes
des feuilles oubliéesLosanges
les uns dans les autres
sur le tableau noir
de l'eau boueuse
avec les encriers
pour terminer l'annonce
6 Quartier
Les ombres
devant la boutique fermée
en plein sommeil
la main tendue
immobile
aux fantômesLes lumières
devant le restaurant ouvert
à toute vitesse
les baguettes agitées
faisant jaillir
les nourritures
7 Nikko
L'écharpe de l'eau
dans le gouffre
entre les ramures
avec le souvenir
des chercheurs
de bénédictionLes rubans dévots
dans les fissures
entre les fibres
avec l'espoir
de détourner
le mauvais sort
8 Pélerinage
Les ramures des manches
dans la danse
près des mausolées
comme une supplication
d'accorder aux victimes
leur libérationLes doigts des bois
dans la transe
près de la forêt
comme une bénédiction
délivrant le chasseur
de son cauchemar
9 Humide
Les carpes sont les yeux
du canal entre les herbes
et les arbres
ou encore ses mains
qui se faufilent
sur les caillouxLes yeux sont les carpes
du visage entre les cheveux
et les lèvres
ou encore les cailloux
qui roulent
sur la paume de cette main
10 Horizontal
Circulation
dans les rectangles
des fenêtres
les antennes
et lessives
sur les toitsDéambulation
devant les rayures
du rideau fermé
les phares
et pneus
sur le bitume
11 Fuji
En escaladant
la montagne sainte
l'accompagnement
des idéogrammes
tracés par les branches
sur la soie du cielEn vissant nos pas
autour du cratère
l'avertissement
des cimes brouillées
par les éclaboussures
de la giboulée
12 Sommet
Couchées par le vent
les broussailles
les peignes des rayons
filtrant leurs tignasses
broderies sur la robe
qui tourne avec les heuresBalayées par les nuages
les pierrailles
les brosses des mousses
lustrant leurs toisons
aisselles sous les épaules
qui roulent avec les saisons13 Matsumoto
En approchant
de la ville ancienne
les graviers et les feuilles
le chrome du pare-chocs
les vitres glauques
les bruits sylvestresEn longeant
le château des seigneurs
les pierres et les tuiles
le bois noir
le plâtre blanc
le clapotis des douves
14 Croisements
Un avion cherchant
les voies de la Terre
ailes tranquilles
comme celles d'un moulin
tournoyant
d'autrefoisDes enseignes escaladant
les degrés du ciel
piétons rapides
sur les passages rayés
des carrefours
d'aujourd'hui
15 Tsumago
Le parapluie
comme une carapace
ruisselante
parmi les camarades
qui égouttent
leurs cheveuxLe crustacé
comme une écolière
affolée
parmi les gros doigts
qui se redressent
en colonnes
16 Parapluies
Les octogones incurvés
prêts à partir
comme des cerfs-volants
il suffirait presque
de nouer à leur manche
un peloton de ficelleLes dômes tendus
prêts à se poser
sur des pavillons
il faudrait seulement
les amarrer
à quelques colonnes
17 Takayama
Je cache mon rire
devant l'étranger
qui ne doit pas savoir
ce qu'il éveille en moi
ce que je vois en lui
derrière son masqueNous cherchons nos ailes
parmi les nuages
en tirant nos cordes
pour les manoeuvrer
afin qu'elles descendent
pour nous emporter
18 Calligraphie
L'inscription
sur le bref rideau
à l'entrée du restaurant
avec les mains
qui préparent
le prochain serviceLes caractères
gravés dans la stèle
au-dessus du menu passage
dans le temple
où l'on voudrait s'armer
pour toute une vie
19 Étape
Les poissons de toile
nagent dans le vent
au-dessus des flots
les rubans de la route
oscillent dans la grappe
des rétroviseursLes rayures de la blouse
pliées sur la poitrine
au-dessus des mains
le visage de profil
comme s'il était celui
de la séparation
20 Kyoto
Ici je ne sais plus
c'est évidemment la nuit
dans l'ancienne capitale
mais les lumières mouillées
se mêlent aux ombres
comme des algues aux poissonsIci je n'attends plus
la pluie s'est arrêtée
dans les clairières du parc
mais les gouttes
tombent encore
de feuille en feuille
21 Dégustation
C'est l'eau non seulement
fraîche mais savoureuse
avec son pépiement
de lâcher d'oiseaux
comme si le bassin
était une cage ouverteC'est l'enfance non seulement
vive mais inventive
avec ses répons
entre garçons et filles
comme si le temple
était une école de musique
22 Ombres
C'est dans un quartier récent
de la ville vénérable
la chorégraphie
des sorties nocturnes
la Terre et la tête
qui tournentC'est dans la rue du soir
avec sa solitude
le cérémonial
du retour chez soi
entre l'Est et l'Ouest
qui chavirent
23 Kinkakuji
Devant le pavillon
non seulement reconstruit
mais redoré
photographiez-nous
conservez nos braises
dans votre appareilDevant le filet d'eau
non seulement tombant
mais rejaillissant
déchiffrez-nous
conservez notre encre
dans votre rouleau
24 Tradition
Méditation devant la stèle
ici les siècles dialoguent
on écoute la voix des arbres
qui racontent les pluies d'antan
la voix des ancêtres enfants
qui attendent leur renaissanceRécréation près de la stèle
ici s'affirme le nouveau
on envoie le ballon aux ombres
pour leur annoncer le beau temps
les enfants qui seront ancêtres
font la passe à leurs descendants
25 Daitokuji
Au milieu des cercles
de gravier sec
ondes s'élargissant
autour d'une graine
une louche d'eau
pour la faire sonnerDevant le mur couvert
de plâtre vieilli
branches se déployant
au-dessus d'une fougère
un pétale de silence
pour la faire vibrer
26 Ginkakuji
Au pavillon d'argent
les pierres du chemin
que tient-il à la main
pendant sa pause
en se remémorant
des poèmes anciensAprès la grande pluie
la montagne de sable
conserve la rigueur
de sa géométrie
mais les ondes de gravier
ruissellent
27 Rives
L'ombre du toit
sur les vagues du bois
près des rochers
dans la houle de graviers
que l'écume des écoliers
faire rire d'arcs-en-cielL'ombre de quelqu'un
sur les rizières
de la mer de sable
conservant sa tranquillité
malgré vents et marées
comme sur la Lune
28 Nara
Un bâtonnet d'encens
ajoute sa petite vague
de fumée odorante
à la mer de cendres
l'esquif scolaire
passera la barreUne larme d'émotion
trempe un peu le mouchoir
puis se transforme en vapeur
dans le bassin brûlant
la jonque sentimentale
voguera vers les îles
29 Dragons
Je me souviens que
dans une existence antérieure
j'étais moi-même
un roi-dragon
c'est ce qui me donne
cet air conquérantJe me demande si
dans une existence future
je ne deviendrai pas
un enfant japonais
c'est pourquoi je m'essaie
aux sourires narquois
30 Visas
Une brèche dans la figure
formée par les barres
où s'entrechoquent
éclats et murmures
cherchant des signatures
pour leurs permis de séjourUn regard dans la loge
creusée dans le miroir
où s'entremêlent
vivants et souvenirs
comparant les tampons
de leurs passeports funèbres
LE PENSEUR ET L'ÉVENTAIL
La charrue tourne au bout du champ
pour gratter la peau de la Terre
autrefois tirée par chevaux ou boeufs
aujourd'hui par moteur dieselLa phrase sursaute au bout de la ligne
pour frictionner le cuir du cerveau
autrefois tracée par calame ou plume
aujourd'hui par ordinateurL'encre et la boue mots et semences
conjonctions et conjugaisons
ici l'on arrache un caillou
là on supprime une coquilleLe jeune oiseau migrateur cherche
les marais au bas des montagnes
il préfère l'abri des ombres
pour glaner aux chaumes d'antanMais au détour de la saison
le voici sur l'autre versant
s'égosillant dans la moisson
qui fait bourdonner les désertsToute une page de sillons
hectares de médiation
découvrant les faces cachées
de l'astre que nous habitonsRepos et repas bien gagnés
les outils rangés dans les granges
l'ange nous ouvre les celliers
où fermentent grappes et strophesDans le sommeil définitif
nous naviguerons plus profond
entre les sédimentations d'oubli
et le soc des germinations
LES DAMES DU MONDE
Dans le musée où je médite
quelqu'un s'évente savamment
brise du Japon murmure de Chine
un touriste d'Extrême-Orient
active flammes de l'enfer
pour éclairer mon Occident
espérant qu'au siècle prochain
ailes et portes s'ouvriront
ARC-EN-CIEL SÉRAPHIQUE
abandonnées accompagnatrices actrices
italiennes abenakis ou israéliennes
volubiles voluptueuses voyageuses
ivoiriennes abitibi ou islandaises
aériennes aguicheuses aiguës
jamaïcaines albertines ou irlandaises
vivaces vives vivifiantes
japonaises algonquines ou iraniennes
ambassadrices amoureuses angéliques
jordaniennes anticostiennes ou irakiennesversatiles virevoltantes visionnaires
laotiennes attikameks ou indonésiennes
angoissées animatrices attentives
libanaises bella-coola ou indoues
traductrices transparentes vaporeuses
libériennes burlingtoniennes ou hongroises
audacieuses bavardes bergères
libyennes calgariennes ou honduriennes
tentatrices timides tourbillonnantes
luxembourgeoises chicoutimiennes ou hollandaisesbrillantes brûlantes capiteuses
malawites colombiennes ou haïtiennes
sourcières tendres ténébreuses
maliennes crees ou guinéennes
caressantes changeantes chanteuses
marocaines edmontoniennes ou guatémaltèques
sombres sorcières souples
mauritaniennes gaspésiennes ou grecques
claires commentatrices conservatrices
mexicaines haïda ou ghanéennessilencieuses sinueuses soigneuses
monégasques halifaxiennes ou gabonaises
constantes courageuses cuisinières
mongoles hamiltoniennes ou françaises
séductrices séduisantes sérieuses
népalaises huronnes ou finlandaises
danseuses déployées désinvoltes
nigériennes inuit ou éthiopiennes
rusées savoureuses sculpturales
norvégiennes kingstoniennes ou espagnolesdiseuses dompteuses douces
néozélandaises kwakiutl ou équatoriennes
riantes rieuses ruisselantes
ougandaises labradoriennes ou égyptiennes
éducatrices effervescentes élancées
pakistanaises manitobiennes ou danoises
reposantes respectueuses rêveuses
panaméennes micmacs ou dahoméennes
électriques élégantes enchanteresses
paraguayennes mohicanes ou cubainesrapides réconfortantes remémoratrices
péruviennes monctoniennes ou coréennes
enfantines énigmatiques enivrantes
philippines montagnaises ou congolaises
radieuses rafraîchissantes rajeunissantes
polonaises montréalaises ou cinghalaises
enveloppantes envoûteuses épicées
portugaises néo-brunswickoises ou chypriotes
provoquantes prudentes questionneuses
roumaines nouvelles écossaisses ou chinoiseséveilleuses excitantes explicatrices
ruandaises ontariaises ou chiliennes
pionnières précieuses profondes
russes ottawaises ou centrafricaines
explosives fantasques fantastiques
salvadoriennes port-Hardiennes ou camerounaises
pédagogues pétillantes perspicaces
sénégalaises prince-Edwardiennes ou cambodgiennes
fines florales gaies
slovaques prince-Rupertoises ou burundiennesorganisatrices parfumées patientes
somaliennes québécoises ou bulgares
gracieuses graves humides
soudanaises réginiennes ou brésiliennes
oiseleuses onctueuses ondulantes
suédoises rimouskiaises ou birmanes
illustratrices imaginatives initiatrices
suisses saskatchewannaises ou belges
navigatrices nocturnes nostalgiques
syriennes saskatoonoises ou autrichiennesinsouciantes institutrices intelligentes
tanzaniennes sherbrookoises ou australiennes
musiciennes nageuses narratrices
tchadiennes témiscamingues ou arméniennes
inspiratrices interprètes interrogatrices
tchèques terre-neuvaises ou argentines
ménagères menues merveilleuses
thaïlandaises tlingit ou arabes
inventives irisées jardinières
togolaises torontinaises ou anglaisesmarmoréennes mélancoliques mélodieuses
tunisiennes tsmimshianes ou américaines
joyeuses juvéniles légères
turques vancouveroises ou allemandes
lucides lumineuses magiciennes
uruguayennes victoriennes ou algériennes
lentes libératrices lieuses
vénézuéliennes winnipegoises ou albanaises
limpides liquides liseuses
zaïroises yukoniennes ou afghanes
Un léger brouillard blanc couvre les vallées et les montagnes du fjord dont les sommets étincelants comme des étoiles, le percent en lui donnant l'apparence d'une Voie lactée en marche. Pour parler depuis la France vers la Norvège d'un peintre éminemment français amoureux de la Norvège, j'ai choisi d'emprunter quelques touches au seul grand texte littéraire français consacré à la Norvège, le Séraphîta de Balzac, lequel utilise d'ailleurs dans sa première édition la belle orthographe ancienne : Norwège, avec un W qui évoque la découpure non seulement de son horizon, mais de ses côtes et de ses églises de bois.
Le soleil se voit à travers cette fumée terrestre comme un globe de fer rouge. Un léger brouillard blanc. De nombreux éléments dans cette description d'une Norvège rêvée, s'appliquent merveilleusement aux toiles du peintre réalisées dans la Norvège réelle.
Malgré ces derniers jeux de l'hiver, quelques bouffées d'air tièdes chargées des senteurs du bouleau, déjà paré de ses blondes efflorescences, et pleines des parfums exhalés par les mélèzes dont les houppes de soie étaient renouvelées, ces brises réchauffées par l'encens et les soupirs de la terre attestaient le beau printemps du nord, rapide joie de la plus mélancolique des natures. Un léger brouillard rouge couvre les vallées blanches. S'appliquent également à celles réalisées dans la Touraine où est né le romancier. Salut!
Le vent commence à enlever ce voile de nuages qui dérobe imparfaitement la vue du golfe. Un léger brouillard orangé couvre les vallées rouges et les montagnes blanches. Soupirs de la terre. A celles réalisées dans le Paris natal, à celles réalisées pour des opéras lointains. Salut, foyer brûlant d'amour!
Les oiseaux chantent. Un léger brouillard jaune couvre les vallées orangées et les montagnes rouges du fjord blanc. Routes des frimas. Pour accentuer cela il suffit presque d'y faire passer d'autres couleurs. Salut, toi qui, courbé sur un sillon arrosé de ta sueur, te relèves un moment pour interroger le ciel!
L'écorce des arbres, où le soleil n'avait pas séché la route des frimas qui en étaient découlés en ruisseaux murmurants, égaie la vue par de fantastiques apparences. La lumière enfante la mélodie. Un léger brouillard vert couvre les vallées jaunes et les montagnes orangées du fjord rouge dont les sommets blancs étincellent. Fantastiques apparences. Tout un arc-en-ciel d'autres couleurs, qui se trouve déjà dans la description. Salut, toi qui recueilles les enfants pour les nourrir de ton lait!
Le torrent s'échappe entre les rochers, au bout de la longue avenue bordée de vieux sapins que son cours a onduleusement tracée dans la forêt, sentier couvert en arceaux à fortes nervures comme ceux des cathédrales. La mélodie enfante la lumière. Un léger brouillard bleu couvre les vallées vertes et les montagnes jaunes du fjord orangé.
Quel petit nuage au matin plane
parmi les cheveux des sapins?
Les sommets rouges étincellent comme les étoiles blanches. Onduleusement tracée. J'ai tout mis au présent de la peinture dans la description. Salut, toi qui noues les cordages au fort de la tempête!
De là le fjord se découvre tout entier, et la mer étincelle à l'horizon comme une lame d'acier. Les couleurs sont lumière et mélodie. Un léger brouillard indigo couvre les vallées bleues et les montagnes vertes.
Ce qui s'agite à l'intérieur
c'est un essaim d'esprits enfants.
Les sommets orangés le percent. Parcelles étincelantes. J'ai enlevé toute présence humaine dans la description, à part le village. Salut, toi qui restes assise au creux d'un rocher attendant le père!
En ce moment le brouillard dissipé laisse voir le ciel bleu. Le mouvement est un nombre doué de la parole. Ailleurs le léger brouillard violet couvre encore les vallées indigo et les montagnes du fjord vert.
Enfants nés du dernier minuit
esprits éveillés mais à peine.
Les sommets jaunes, étincelants comme les étoiles orangées, le percent. Paysage, oui. Soleil blanc. Chatons de gouttes suspendues. Si j'ai enlevé la présence humaine d'un côté, les personnages de ce roman si peu roman, c'était naturellement pour la réintroduire autrement, d'une façon mieux adaptée. Salut, vous tous qui tendez la main après une vie consumée en d'ingrats travaux!
Partout dans les vallées, autour des arbres, voltigent encore des parcelles étincelantes, poussière de diamants balayée par une brise fraîche, magnifiques chatons de gouttes suspendues au bout des rameaux en pyramide. Tout est à la fois sonore, diaphane, mobile. Un léger brouillard gris couvre les vallées violettes et les montagnes indigo du fjord bleu.
Sitôt perdus pour vos parents
aussitôt gagnés pour les Anges.
Les sommets verts, étincelants comme les étoiles jaunes, le percent en lui donnant l'apparence d'une Voie lactée. Paysage enraciné dans nos paysages. On voit le soleil rouge à travers la fumée blanche. Rameaux en pyramide. J'ai donc pris un autre passage, mais en le renversant complètement. Salut, soldat mourant qui cries inconnu!
De la nappe du torrent qui roule au-dessus s'échappe une vapeur teinte de toutes les nuances de la lumière par le soleil, dont les rayons s'y décomposent en dessinant des écharpes aux sept couleurs, en faisant jaillir les feux de mille prismes dont les reflets se contrarient. Chaque chose se pénétrant l'une l'autre, l'étendue est sans obstacle et peut être parcourue par les Anges. Un léger brouillard noir couvre les vallées grises et les montagnes violettes du fjord indigo.
C'est l'amour qui vous accompagne
ressentez-le rapprochez-vous..
Les sommets bleus, étincelants comme les étoiles vertes, le percent en lui donnant l'apparence d'une Voie lactée jaune. Paysage enraciné dans nos paysages les plus proches mais à la recherche des plus lointains. On voit le soleil orange à travers la fumée rouge. Une voix. Malgré les derniers jeux blancs de l'hiver. Dessinant des écharpes. Cet autre passage est en effet un adieu au monde proféré par l'étrange héros avant sa mort-transfiguration. Salut, homme trompé qui pleures et clames dans le désert!
Ce quai sauvage est tapissé par plusieurs espèces de lichens, belle étoffe moirée par l'humidité, qui figure une magnifique tenture de soie. Le Séraphin replie légèrement ses ailes pour prendre son vol. L'immense envergure de son scintillant plumage. Un léger brouillard couvre les vallées noires et les montagnes grises du fjord violet.
Les rudes chemins de la Terre
chanceux vous les ignorez tous.
Les sommets indigo, étincelants comme les étoiles bleues, le percent en lui donnant l'apparence d'une Voie lactée verte en marche. Talismans pour voir les paysages. On voit le soleil jaune à travers la fumée orange comme un globe de fer rouge. Une autre voix. Quelques bouffées blanches. Reflets contrariés. J'ai renversé l'adieu en un salut au monde, à toutes ces présences et à tous ces regards pour lesquels se fait la peinture. Salut, vous qui mourez pour les rois de la terre, mais aussi peuples sans patries, terres sans peuples qui vous souhaitez les uns les autres!
Des bruyères déjà fleuries couronnent les rochers de leurs guirlandes habilement mélangées. Des myriades d'Anges accourent tous du même vol. Un léger brouillard couvre les vallées et les montagnes noires du fjord gris.
Installez-vous dedans mes yeux
adaptés au monde inférieur.
Les sommets violets, étincelants comme les étoiles indigo, le percent en lui donnant l'apparence d'une Voie lactée bleue en marche. Talismans qui nous montrent ce qu'il y a de lointain dans les paysages les plus proches. On voit le soleil vert à travers la fumée jaune. Quelle est cette autre voix qui s'est mêlée aux nôtres? Quelques bouffées orangées d'air tiède, chargées des senteurs du bouleau rouge déjà paré de ses blanches efflorescences. Lichens moirés. La peinture est une façon de saluer le monde. Salut, toi qui ne sais où reposer ta tête, proscrit sublime!
Tous les feuillages mobiles attirés par la fraîcheur des eaux laissent pendre au-dessus leurs chevelures. Le scintillement de leurs diadèmes réunis s'allume dans les espaces, comme les feux du ciel au moment où le jour paraît. Un léger brouillard couvre les vallées et les montagnes du fjord noir.
Faites comme s'ils étaient vôtres
découvrez-moi ce paysage!
Les sommets gris, étincelants comme les étoiles violettes, le percent en lui donnant l'apparence d'une Voie lactée indigo en marche. Talismans qui nous montrent ce qu'il y a de fantastique dans les paysages que nous avions crus les plus proches. On voit le soleil bleu à travers la fumée verte. Cette nouvelle voix a été appelée par le mot "séraphin". Quelques bouffées jaunes d'air tiède, chargées des senteurs du bouleau orangé déjà paré de ses efflorescences rouges, et pleines des parfums exhalés par les mélèzes blancs. Couronnes de bruyères. La peinture est une façon de transmettre un salut de génération en génération. Salut, chères innocentes traînées par les cheveux pour avoir trop aimé!
Ces mélèzes agitent leurs dentelles en caressant les pins, immobiles comme des vieillards soucieux. De leurs chevelures sortent des ondes de lumière, et leurs mouvements excitent des frémissements onduleux semblables aux flots d'une mer phosphorescente. Un léger brouillard couvre les vallées et montagnes.
Voici des arbres des rochers
un torrent qui se précipite
avec des virages inouïs
pour finir son parcours abrupt.
Les sommets noirs, étincelants comme les étoiles grises, le percent en lui donnant l'apparence d'une Voie lactée violette en marche. Talismans, c'est pourquoi j'ai voulu chercher dans d'autres pages encore quelques échappées vers le fantastique. On voit le soleil indigo à travers la fumée bleue. Cette nouvelle voix c'est celle du pater seraphicus à la fin du second Faust. Quelques bouffées vertes d'air tiède, chargées des senteurs du bouleau jaune déjà paré de ses efflorescences orangées, et pleines des parfums exhalés par les mélèzes rouges dont les houppes de soie blanche se renouvellent. Feuillages mobiles. Le texte ancien de cet adieu-salut se baigne à toutes les couleurs de l'arc-en-ciel peinture. Salut, pauvres, petits et faibles, vous tous qui gravitez dans la sphère de l'instinct en y souffrant pour autrui!
Cette luxuriante parure contraste avec la gravité des vieilles colonnades que décrivent les forêts étagées sur les montagnes et dans la grande nappe étalée du fjord où le torrent noie sa fureur. Le Séraphin tout obscur au milieu des légions immortelles dont les ailes sont comme l'immense panache des forêts agitées par une brise. Un léger brouillard couvre ses vallées.
Magnifique à regarder
mais nous trouvons ça trop sombre
nous tremblons nous frissonnons
artiste délivre-nous!
Les sommets, étincelants comme des étoiles noires, le percent en lui donnant l'apparence d'une Voie lactée grise en marche. Un fantastique enraciné dans notre enfance en souffrance, enraciné dans les paysages les plus proches en navigation vers les plus lointains. On voit le soleil violet à travers la fumée indigo. Avec les voix des enfants nouveau-nés, mort-nés qui lui répondent. Quelques bouffées bleues d'air tiède, chargées des senteurs du bouleau vert déjà paré de ses efflorescences jaunes, et pleines des parfums exhalés par les mélèzes orangés dont les houppes de soie rouge se renouvellent, ces brises blanches échauffées par l'encens. Fraîcheur des eaux. La peinture nous baigne dans les irisations de sa fontaine de jouvence. Salut, navigateurs qui cherchez l'Orient à travers les ténèbres épaisses, à travers les sphères studieuses où nous entendons la plainte du génie insulté, le soupir du savant éclairé trop tard!
Enfin la mer encadre cette page et le village est un point perdu dans cette immensité. Des lignes de feu sans ombre. Un léger brouillard.
Vers un cercle supérieurLes sommets, étincelants comme des étoiles, le percent en lui donnant l'apparence d'une Voie lactée noire en marche. Anges qui transmettent le salut-adieu d'enfance en enfance. On voit le soleil gris à travers la fumée violette. Toutes les voix s'éloignent peu à peu. Quelques bouffées indigo d'air tiède, chargées des senteurs du bouleau bleu déjà paré de ses efflorescences vertes, et pleines des parfums exhalés par les mélèzes jaunes dont les houppes de soie orangée se renouvellent, ces brises rouges échauffées par l'encens et les soupirs de la terre blanche. Forêts étagées. La peinture baigne le monde dans son adieu-salut qui nous montre la voie. Salut, granit qui deviendras fleur, fleur qui deviendras colombe qui deviendra femme qui deviendra souffrance, homme qui deviendra croyance, qui deviendrez foyer brûlant d'amour perçant à travers un léger brouillard comme un soleil en train de se renouveler !
croissez toujours en secret
vers la pure éternité
force du divin présent.Voici le pain des esprits
don de l'éther le plus libre
l'amour dans l'éternité
nous découvrant le bonheur.
ÉLÉGIE DU NOUVEAU-MEXIQUE
(1)
D'abord ces seins jaunâtres sortant de la falaise ocre
interrompue par le rectangle de ma fenêtre
au-dessus de la fracture dans la croupe orangée
Lorsque Claude Monet en 1862 s'installe au premier étage
d'un immeuble de Rouen pour peindre ses Vingt vues
de la cathédrale il se souvient des 36 et dix
Vues du mont Fuji par Hokusaï
Et plus loin ce rectangle rougeoyant à la hanche
Le Fuji est un point de repère topographique
extraordinaire il relie tous les habitants
de la région qu'il domine par sa haute présence
A gauche les antennes de l'émetteur de télévision
Le sentier monte parmi les oliviers et chênes verts
du sommet du Ventoux on peut apercevoir
les monts du Dauphiné et le Viso en Italie
Puis un prisme bleuté souligne une poitrine d'argent
et la barque de la lune au chargement de cendres
(2)
D'abord ce même mur de seins orangés un navire
au-dessus de la fissure fauve dans la rougeoyante un oiseau
et plus loin cette avalanche de losanges violacés depuis la hanche
Lorsqu'en septembre 1970 je m'installe au premier étage
d'une maison d'Albuquerque pour décrire mes 35
et neuf Vues du mont Sandia le soir l'hiver
je me souviens évidemment de Claude Monet
Les mots que je viens de tracer se cassent en lettres pierreuses
Le Fuji joue par rapport à la partie centrale du Japon
le rôle même que la cathédrale de Rouen devrait jouer
par rapport à cette ville ce pour quoi elle a été construite
A droite les blocs d'étain ventres bleutés dans la neige
Le sentier monte parmi les vignes
du sommet du Ventoux on peut apercevoir
les Cévennes et le Gerbier de Jonc
Ainsi je m'efforce de tendre mon filet minuscule
sur cette proie énorme épaule de plâtre jaunâtre
(3)
D'abord les griffes blanchissantes en strates
cela s'organise un instant dans la précipitation de mon regard
en les lettres du mot découpure je lève les yeux
Dans ce souvenir au Nouveau-Mexique au long des mois
tandis que je m'efforçais de peindre la montagne avec mes mots
passaient évidemment les Vues du mont Fuji
pour me désespérer et m'encourager à la fois
La lumière est déjà différente la faille change
Le mont Sandia joue pour la région d'Albuquerque
le même rôle que pour les parisiens la Tour Eiffel,
ce qui fait qu'elle est toujours là malgré les protestations
L'aiguille de l'église interrompue par la fenêtre
Le sentier monte parmi les lavandes et ruches
du sommet du Ventoux on peut apercevoir
la Méditerranée au-delà de la plaine d'Arles
Silencieux dans les nuages de plomb
ainsi je trébuche en mon humble marche
(4)
D'abord ces ravins ces éboulis qui disparaissent
entre les cuisses de gravats interrompues dans la brume
au-dessus de cette lézarde qui traverse les replis
Lorsque Patrice Pouperon en 1992
s'installe en sa maison de Lirac pour peindre
ses 21 Vues du mont Ventoux son Olympe
il est tout envahi du souvenir de Claude Monet
De plus en plus pâles dans les avalanches de neige
Le mont Ventoux est un repère topographique extraordinaire
il joue par rapport à cette région de Provence
le même rôle que la Tour Eiffel pour les parisiens
Et plus loin ces amas de rectangles qui deviennent flaques
Le sentier monte parmi les hêtres et pins
du sommet du Ventoux on peut apercevoir
par temps très clair les Pyrénées
Parmi les côtes beiges dans la nuit tombante
et le reflet de la pleine lune grenue dans une vitre lisse
(5)
D'abord ces blanchissants piliers à griffes
qui deviennent tentacules au-dessus de ces toujours
changeantes dents jaunâtres à cassures noires
A travers la cathédrale de Rouen lui font signe
par delà un siècle de plus et de nombreux océans
la courbe dramatique du mont Fuji immense
irrésistible déesse comme le soleil en ce pays-là
Toujours ce même parallélogramme de crochets gris
Deux personnes éloignées l'une de l'autre
deux amants deux amis savent qu'ils ont en commun
ce volcan cette falaise tour ou cathédrale
Toute montagne est indescriptible à gauche les ouvriers
Le sentier monte parmi la pierraille parfumée
du sommet du Ventoux les nuits par temps très clair
on peut apercevoir un des phares de Marseille
Sortant de plâtras beiges parmi les nuages bistres
genoux dégoulinants de verre pourpre
(6)
D'abord toujours ces mêmes seins changeants
aux rainures orangées qui deviennent rubis au-dessus
des arêtes horizontales parmi ces rougeoyantes croupes
Lorsque je désespérais dans mes tentatives de descriptions
du mont Sandia j'espérais qu'un jour un peintre
différent de ces maîtres qui m'avaient tant appris
me découvrirait encore un autre moyen de multiplier les Vues
J'ai l'impression d'être au fond d'une mer très transparente
Deux amants deux amis ont en commun dans le paysage
non seulement le ciel et les astres mais le mont Ventoux
Olympe séjour du divin signe qui organise l'alentour
Ventres bleutés dans la neige puis le croissant
Le sentier passe sous un roc dit la Femme géante
du sommet du Ventoux par les matinées très limpides
on peut apercevoir le sommet du mont Blanc
Qui ouvre la parenthèse de l'ombreuse un avion
et l'épaule vertigineuse de ciment jaunâtre évanoui
C'était le pays de l'enchantement du ciel très pur bleu presque sombre pendant des mois et soudain des armées de nuages.HUIT TENTURES OU TEINTURESC'était le pays de l'enchantement des murs de boue ocre rose avec leurs poutres rondes juste au-dessous de la terrasse et les gouttières brinquebalant au moindre vent.
C'était le pays de l'enchantement des barbelés imitant avec toute la maladresse humaine l'imagination des cactus, des ronces ou des buissons roulants pour tenter d'interdire un arpent dans l'immensité.
C'était le pays de l'enchantement des ombres précises s'allongeant dans le soir en grandes lames comme les vagues d'une marée jusqu'au moment où le crépuscule vous recueillait dans sa fraîcheur glauque.
C'était le pays de l'enchantement des chemins sinuant parmi les rochers et les touffes d'herbes sèches jusqu'à l'esplanade naturelle à la gloire de l'horizon, de ses volcans et de ses neiges.
C'était le pays de l'enchantement des églises telle des bourgeons qui seraient en train de s'ouvrir au milieu des villages, une floraison si lente qu'il semblerait qu'il s'agisse de millénaires alors que ce ne sont que siècles.
C'était le pays de l'enchantement des écorces ravinées, parcheminées sous les branches qui proposent leur carnaval de flocons sur les rives du fleuve intermittent où se suivent à quelque distance les vastes demeures doucement ténébreuses et tièdes.
C'était le pays de l'enchantement des chevaux grignotant patiemment l'herbe rare en attendant que l'homme les fasse galoper dans les ranchs et sauter par-dessus les ravins à la poursuite des boeufs ou du gibier.
C'était le pays de l'enchantement des portes avec leurs rideaux de perles de bois ou leurs grillages contre les mouches, les épaisses planches contre les dangers nocturnes, ou les vitres pour continuer à suivre les rares passants depuis la cuisine ou l'atelier.
C'était le pays de l'enchantement des cimetières toujours à la limite d'un autre monde, isolés pour que les fantômes puissent s'en donner à coeur joie ou désolation depuis les premières migrations perdues dans les brumes des légendes ou de l'archéologie jusqu'aux déferlements de pionniers, colons ou touristes.
C'était le pays de l'enchantement des camionnettes pour transporter famille, animaux ou meubles, cahotant au fond ou au bord des canyons, tribunes mobiles pour assister au marquage des troupeaux ou aux envols de montgolfières, fonds de tente pour les nuits calmes et lumineuses avec feulement du puma et chant du rossignol.
C'était le pays de l'enchantement des lendemains de fête, quand la poussière se dépose doucement sur la place et que l'on range dans les armoires ou les jarres tous les ornements, masques ou accessoires des diverses cérémonies tandis que les enfants dispensés d'école dorment d'un lourd sommeil traversé de danses et d'apparitions.
C'était le pays de l'enchantement des antennes qui apportent au fin fond des vallées ou sur les escarpements des promontoires les dernières chansons à la mode sur les côtes des deux océans, des images de continents lointains que l'on a du mal à distinguer des planètes de la science-fiction ou des décors de l'opéra de Santa-Fe, des nouvelles de guerre ou famine qui font que l'on regarde avec soulagement le supermarché au carrefour de deux routes presque vides et toutes droites au long des montagnes abruptes où la chute d'une pierre éveille d'interminables échos.
C'était le pays de l'enchantement et malgré tous ses changements, cela doit bien l'être toujours. Quand retournerai-je au Nouveau-Mexique ?
1Atre au miroir
peau de la mer
oscillations
réfléchissant
des peupliers
s'entrecroisant
et les moirures
dans les méandres
La peau de la mer palpitant
parmi les palais ocre et marbre
Les mouettes s'entrecroisant
dans les intervalles des nuages
dans les oscillations des voiles
et les moirures des filets
remplis de poissons frétillant
qui se déversent sur les quais
Depuis Venise, la foule de San Marco, les vaporetti sur le grand canal, les ruelles désertes, l'obscurité des intérieurs d'église avec les tableaux qu'on devine à la flamme des cierges, un mouvement de la draperie nous transporte jusqu'aux plages de l'océan
2
Peau de la mer
draps de couleurs
vibrant aux doigts
s'entrecroisant
la découpure
des peupliers
dans les méandres
emmitouflés
Les pommiers dans les prés laissant
tomber la manne des pétales
sur nappes et draps de couleurs
vibrant aux doigts du vent harpiste
les peupliers dans les méandres
des fleuves chargés de péniches
les sirènes des transbordeurs
répondant à celles d'Ulysse
Depuis les plages de l'océan, leurs rochers et falaises, leurs coquillages, flottilles de chalutiers, leurs prés, leurs écluses, leurs essaims de nuages et de mouettes et les automobilistes cheveux au vent, un repli de terrain nous transporte jusqu'aux immensités de l'Ouest.
3
Draps de couleurs
les cavaliers
emmitouflés
les peupliers
fauves domptés
cérémonies
la découpure
les bancs du cirque
Les cavaliers à grands chapeaux
galopant au bord des canyons
sous la découpure des neiges
dans l'azur plus bleu que chez nous
les bâches sur les camionnettes
cahotant avec les familles
emmitouflées de couvertures
au retour des cérémonies
Depuis les immensités de l'Ouest, leurs poussières, volcans et cactus, leurs couvertures à chevrons, battements de tambours, sables blancs, déserts peints, ruines précolombiennes et montgolfières, un coup d'aile nous transporte jusqu'au campement d'une caravane.
4
Les cavaliers
les bancs du cirque
fauves domptés
emmitouflés
premières gouttes
spots lumineux
île au trésor
éclairs crissant
La foule sur les bancs du cirque
la fanfare dans sa tribune
pelages de fauves domptés
bondissant derrière les grilles
d'un spot lumineux jusqu'à l'autre
applaudis par les écoliers
qui rêvent d'îles à trésors
et d'habitations dans les arbres
Depuis le campement d'une caravane avec ses roulottes et cages, parades, fumées, loteries et manèges, grandes roues et huits, jongleurs, équilibristes, anneaux et trapèzes, rires, émois, fanfares et trépignements, un fondu-enchaîné du film nous transporte jusqu'aux boulevards du crépuscule.
5
Les bancs du cirque
premières gouttes
passants se hâtent
spots lumineux
dans la fatigue
rideaux de fer
éclairs crissants
doigts et cahiers
Premières gouttes de l'orage
couvrant peu à peu le bitume
tandis que les passants se hâtent
et que l'on baisse les rideaux
de fer devant les étalages
les éclairs crissant aux fenêtres
l'averse fouettant les pavés
dans les claques et grondements
Depuis les boulevards du crépuscule avec leurs enseignes lumineuses, vitrines, terrasses de café à multiples bouteilles et rutilantes machines, klaxons, insultes, imperméables ruisselants, parapluies brusquement refermés, l'ouverture d'un rideau nous transporte jusqu'aux souvenirs de l'enfance.
6
Premières gouttes
le tableau noir
dans la fatigue
passants se hâtent
piétinements
gouttes de sang
doigts et cahiers
les arabesques
Les chiffres huit multipliés
sur le tableau noir de l'école
devenu vert tendre aujourd'hui
mais dans la fatigue des yeux
après tant d'efforts et d'ennuis
il passe brusquement au rouge
et ce sont des gouttes de sang
qui tachent les doigts et cahiers
Depuis les souvenirs de l'enfance avec leurs ennuis et jeux dans la cour, les rêveries tandis que la voix du professeur s'éloigne et ronronne, les coups de règle sur les pupitres maculés et gravés, l'émerveillement des vacances, des claquements de bannières nous transportent jusqu'aux gradins chargés de foule.
7
Les tableaux noirs
piétinements
sabots fendus
gouttes de sang
hennissements
respirations
les arabesques
déchiffrements
Le piétinement dans l'arène
les traces des sabots fendus
les museaux frôlant les satins
la sueur fonçant les chemises
la respiration retenue
tous les éventails se déplient
accompagnant les arabesques
de cornes de cape et d'épée
Depuis les gradins chargés de foule brillante, bruyante, houleuse et passionnée avec la lunule d'ombre qui dévore peu à peu l'ellipse ensoleillée devant les toits à tuiles roses et les clochers à ferronneries, le déploiement d'un manteau nous transporte jusqu'au laboratoire de l'alchimiste.8
Piétinements
l'âtre au miroir
réfléchissant
les arabesques
s'entrecroisant
hennissements
déchiffrements
peau de la mer
Les braises dans l'âtre au miroir
réfléchissant cuivres et cuirs
les grappes jetées dans les hottes
ruisselant de larmes poisseuses
les hennissements des pressoirs
les murmures des alambics
le déchiffrement des grimoires
l'élixir la pierre et la clé
Depuis le laboratoire de l'alchimiste avec ses livres, balances et cornues, ses flammes, vitraux, caves et celliers à tonneaux balayés par les pinceaux des soupiraux, escaliers en vis pour l'observatoire, une lampée d'ivresse nous transporte jusqu'à Venise.
BROCÉLIANDE
Le journal quotidien
est comme une fenêtre
par laquelle nous découvrons
une mer agitée sous un ciel gris
où nous apercevons des navires en détresse
et même des gens qui se noient
mais nous n'avons aucune bouée à jeter
de toute façon ce serait trop loin
la sirène d'alarme ne cesse plus
on est obligé d'élever la voix
pour se faire entendre dans la maison
un paquet de mer vient nous éclabousser
qui nous force à fermer les vitres
quelques phares tournoient sur les digues
mais souvent le brouillard nous les cache
et lorsque la nuit se confirme
avec son surcroît d'angoisses
nous nous empressons de tirer les volets
pour reprendre en paix la lecture
de notre journal quotidienLe journal quotidien
est comme un théâtre
dans lequel les décors sont retournés
les acteurs ont oublié leurs rôles
ils répètent certaines répliques
comme des enregistrements enrayés
leurs costumes sont couverts de poussière
les loges ont été détruites lors d'un bombardement
masqué par des salves d'applaudissements
car il y a encore des spectateurs
qui pour la plupart lisent leurs journaux
avec des éclairages de fortune
c'est que s'ils ont encore des dorures
les lustres n'ont presque plus d'ampoules
personne n'arrive plus à diriger
les rares projecteurs qui fonctionnent
s'attardant longuement sur tel ou tel
puis soudain les oubliant dans la nuit
où retombe le rideau fané
de notre journal quotidienLe journal quotidien
est comme une forêt
où s'éternise un incendie provoqué
par l'étourderie ou la malveillance
la plupart des branches sont carbonisées
des feuilles en cendres tournent en planant
pour rejoindre le tapis de braises
qui fume sous la bruine ou la neige grise
il y a bien quelques bourgeons
qui résistent encore assez vaillamment
on signale une floraison rabougrie
qui assurera la relève dit-on
dès que les dangers les plus pressants
commenceront à s'éloigner
des bandits caparaçonnés d'amiante
rançonnent les troupeaux de réfugiés
qui cherchent en vain leur demeure
dans le paysage méconnaissable
où s'éparpillent les suppléments
de notre journal quotidienLe journal quotidien
est comme un hôpital
dont les façades sont arrachées
il n'y a plus que les départements
des urgences et des suicides
tous les autres malades sont transportés
dans des campements provisoires
qu'il faut toujours déménager
un peu plus loin dans les décombres
où les stalactites de glace
pendent aux tuyaux
des anciens radiateurs accrochés
aux pans de mur déchiquetés
de place en place les infirmiers
handicapés viennent se chauffer
autour des braseros malingres
alimentés par les manuels
des écoles d'antan désaffectées
et les vieux numéros spéciaux
de notre journal quotidienLe journal quotidien
est comme un moniteur
d'un circuit de télévision
qui surveille un parking
d'où les automobiles ne sortent plus
faute d'essence et de mécaniciens
des salons de jeux se sont installés
entre les piliers de béton suintant
avec de grands panneaux sur lesquels
on affiche les défections de chanteurs
les pronostics de courses qui n'ont jamais lieu
les cours d'actions en bourse d'entreprises
qui n'existent plus depuis des années
entre deux parades publicitaires
pour les salons d'autres étages
ou les vieux autocars de plaisir
où l'on contemple des photographies
d'anciennes attractions touristiques
découpées dans les lambeaux rescapés
de notre journal quotidien
LES ESPRITS DU VAL
Je pénètre dans la forêt
où tous les arbres ont des titres
toutes les feuilles sont couvertes
de nervures que le vent lit
et qu'il emporte sur les eaux
de la fontaine qui murmure
un accompagnement nouveau
pour les chants à tous les échos
des cavernes dans les rochers
et des ravins dans les vallées
où se retrouvent les ruisseaux
comparant mainte variation
des paragraphes et couplets
qui se poursuivent et s'enlacent
comme des saumons remontant
les rapides jusqu'aux montagnes
et les fleurs ce sont les images
ruissellement d'illustrations
avec les bourgeons des lettrines
les graines des index et tables
et les écorces des reliuresJe pénètre dans les rayons
où tous les livres sont des pousses
où les lettres sont des insectes
où les titres sont des parfums
que brassent les vents de lecture
dans la tête des écoliers
qui ont su ne pas renoncer
malgré les passages d'années
aux escalades dans les branches
du savoir et de l'ignorance
inventive guettant aux cimes
dangereuses de la recherche
oscillant au moindre soupir
les aventures des châteaux
les navires en découverte
les atlas des explorations
les dictionnaires des planètes
les celliers des langues anciennes
les volières du temps qui passe
les clefs des songes et des veilles
A LA FLAMME DU RETABLE
1 L'esprit du ruisseau
Caressant les galets moirés
les roulant parmi les détours
au long des hautes graminées
où ruminent les boeufs repus
chatouillant les menues racines
des arums et des orchidées
feuilletant mes reflets de nuages
dictionnaires du temps qui passe
je cherche un étang de repos
pour repartir à l'aventure
2 L'esprit du marais
Parmi les prêles et roseaux
les canards cherchent leurs moitiés
le timide butor se dresse
pour préparer sa migration
les libellules et moustiques
font étalage de nervures
les canaux enlacent des îles
plantées de saules et de trembles
où le héron vient atterrir
parmi les tiges d'angéliques
3 L'esprit de la clairière
Les fougères et digitales
se redressent après les bonds
d'une famille de chevreuils
venue pour se désaltérer
au bord de la mare où surnagent
les nénufars et populages
parmi feuilles de hêtres pourpres
tandis que martèle un pivert
et que les merles se répondent
aux cimes des pins et des chênes
4 L'esprit des landes
Les genévriers sur les sables
les genêts auprès des ajoncs
les traces des renards et lièvres
les épilobes et bruyères
les rosaces de l'araignée
où viennent se prendre les mouches
que le vent secoue et délivre
en aspergeant de gouttes d'eau
les fourmilières perturbées
5 L'esprit des rochers
Les lichens au milieu des mousses
décorant les pans du granit
avec leurs drapés grumeleux
les marches pour les escalades
les abreuvoirs pour hirondelles
pourchassant les menus insectes
en virant comme ailes delta
avant de se poser en rangs
sur les lignes du téléphone
ou les gouttières du refuge
Les feuilles du livre de peinture
ont été dressées dans l'égliseIncapable de tourner les pages
c'est moi qui déambule autourLes monstres se dorent aux accents des anges
les épines fleurissent en ulcères de mielVignes de métal frémissant aux runes
violes de crépuscule répondant aux lueursLe sang de l'agneau coule sur le cadre
le cri des pleureuses monte vers la nuitLe doigt du prophète montre la blessure
celui de l'archange annonce les douleursL'arc-en-ciel de la résurrection frappe les soldats
le museau de l'épidémie flaire l'enfançonLa pierre des statues s'anime
dans l'orage de la bontéPalmiers écartant les rochers
ronces enlaçant les grimoiresChevelures se retrouvant écailles
toisons faisant exploser les vitresLa tentation dans la fureur des montagnes
la conversation dans les asiles sous-marinsA l'hôpital de la piété violente
les corbeaux nourrissent les sagesCuirasses de larmes séchées
lait des roses dans les ravinesLes yeux s'éveillant dans les plumes
les drapés gelés en cimeterresLes flèches à travers les cuisses
les ogives sur le grouillement des désertsLes éruptions gagnant les sables
les rayons riant sur les mantesLa plainte clouée accuse les cieux
la révolte des oiseaux passe aux insectesLes fantômes lavent leurs suaires
quand le musée ferme ses portesLes visiteurs cadenassent leurs gouffres
quand ils se retrouvent dehors
Sommaire n° 3 :
DRAPÉS DE LAQUES
UNE BOUCHÉE DE TEXTE
DÉPANNEUR
SURPRISE DU PORTRAITURÉ
GRILLE
L'OPTICIEN D'ARGUS
LE SANG DES CHIFFRES
LE PETIT OISEAU VA SORTIR
A BRIDE ABATTUE
FEU DE CARTES
RETOUR A LUCINGES
TANGO
UN TORRENT DE MONTAGNE
DU TAC AU TAC
DUOS JAPONAIS
LABOUR
LE PENSEUR ET L'ÉVENTAIL
LES DAMES DU MONDE
ARC-EN-CIEL SÉRAPHIQUE
LES PHASES DU VENTOUX
ÉLÉGIE DU NOUVEAU-MEXIQUE
HUIT TENTURES OU TEINTURES
ACTUALITÉS
BROCÉLIANDE
LES ESPRITS DU VAL
A LA FLAMME DU RETABLE