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Poésie au jour le jour 6

Sommaire





PARADIS BLANC

in memoriam René Bourdeau
1

La forêt des épines agite ses étendards transparents.

L'aigle ancestral déploie ses ailes pour réchauffer la tribu.

Dans l'aisselle du soir les traces de pas cristallisent.

Chacune de ces huit pages aura six branches comme un flocon de neige.

Les broderies de la lourde chasuble tournent sur les dossiers de l'orage.

Dans un repli de la nappe le cheval tire son traîneau.
 
 

2

La luge devant les planches, prête à se précipiter dans l'abîme.

Les arcs des églantiers font gicler leurs gouttes de sang sur la route déblayée.

Déchiquetées les feuilles survivantes font frémir les échos des vallées.

Les murs du château sont faits de poussière de neige; les fenêtres et les portes de bises violentes, comme dit le conteur scandinave.

L'effort pour arracher les pierres fait ployer l'araignée à griffes de velours.

L'ombre enracinée dans les ornières fleurit en chandelier marin.
 
 

3

Au-dessus de la palissade incrustée d'émaux, les voix imperturbables tendent leurs chemins parallèles.

Le pédalier de l'orgue transmet ses émotions aux tuyaux de l'espace.

Des ongles des ramures tombent quelques boules pour ponctuer l'avance du brouillard.

Il y a plus de cent salles formées par les tourbillons, une au moins longue de plusieurs lieues.

Les cygnes secouent leurs ailes sur les espaliers du lac vertical.

Le bouleau devient saule rieur devant le bosquet des dentellières.
 
 

4

Dans le tain du parc se réfléchissent les cortèges d'antan.

Le mimosa du nord fait éclater sa fanfare sur les dunes de sel.

L'oiseau-roc pond ses oeufs sur le duvet des vagues.

Toutes les grandes salles saupoudrées de limaille sont animées par les aurores magnétiques.

Crochets pour amarrer les navires glisseurs et les caravanes en difficulté.

Les évêques engloutis appellent avec leurs crosses.
 
 

5

La haie des soldats végétaux salue l'arrivée de la reine.

Les fantômes cuirassés défilent dans les sifflements.

Les chevrons de la montée rencontrent les rails de la descente.

Contrairement à ce que nous a dit le conteur scandinave, il y a bien ici des bals d'ours dansant sur leurs pattes de derrière de la façon la plus distinguée.

Dans les filets du matin se prennent les esturgeons éclaboussés de perles.

L'enchanteur resserre ses bras et sa barbe en protégeant dans sa robe talismans et cadeaux.
 
 

6

Phare dans l'écume des nuages le minaret sylvestre égrène son glas.

Entre les bras de l'oiseleuse, la poitrine des rocs découvre ses châteaux.

Les paumes ouvertes en éventail font surgir les dignitaires d'une cour au bois dormant.

Il y a bien des séances de bavardage autour du café entre les demoiselles renardes.

La cantatrice dépose ses souliers de nacre et de vair dans le vestiaire de l'opéra d'exil.

La laine des troupeaux de la Colchide escalade les ravins d'or.
 
 

7

Sur le pelage des prés les coraux étendent leur lingerie fine.

Sous les quenouilles éblouissantes les fileuses font ronronner leurs rouets fatidiques.

Phoques et chiens s'assemblent à l'abreuvoir pour proposer des toasts aux continents lointains.

Et le jeune Kay apprend à la petite Gerda comment faire d'innombrables figures comme les Chinois à partir de quelques morceaux de glace.

Le berger lumineux communique ses humeurs à l'oréade onduleuse.

A travers le paravent des pins le village émerge avec ses fumées.
 
 

8

Les rideaux des loges s'accrochent aux marbres tandis que dans leurs clos s'accordent les violons.

Le sillon tourne la page pour en détacher le clocher.

Virage et sillage vers la balise d'ardoise et d'étain, l'aiguille sur le cadran lunaire.

Et tout cela c'est la cérémonie des noces du jeune Kay et de la petite Gerda.

A travers la fenêtre macabre le cuir des parois défie les audacieux.

Depuis l'entrée de la caverne qui vient de se rouvrir à son commandement, le svelte bûcheron émerveillé contemple sa vie future.
 


 

LE MATIN A LUCINGES

pour Brigitte Giraud

 
 
L'aube me fait signe à travers la fenêtre dont je ne ferme jamais complètement les volets pleins.

Si je descends assez vite, je pourrai entendre les rossignols qui sont très en avance cette année. J'enfile mes charentaises dans la demi-obscurité, puis vais décrocher la robe de chambre.

Je fais entrer la lumière dans la grande salle en regardant l'état du jardin. Les merles s'en mêlent. Je passe à la cuisine pour ranger la vaisselle de la veille et faire chauffer l'eau pour le thé.

J'ouvre la télé pour savoir un peu comment va le monde. Si c'est la fin de la semaine je me mets un peu de musique. Cela attire les rouges-gorges. Je coupe des tranches de pain pour les faire griller. C'est en général le moment que Marie-Jo choisit pour descendre.

Je suis encore en demi-somnolence. Je monte mon bol jusqu'à mes lèvres et narines. Je profite de sa chaleur à travers mes doigts. Je hume et déguste, d'abord une gorgée, puis des lampées de plus en plus longues. Je paresse. Je profite de la retraite. Les minutes donnent l'impression de passer très lentement; en réalité c'est une avalanche comme le précisent les cloches de l'église, les cris des enfants dans l'école parmi les piaillements des moineaux, et l'horloge que l'on avait oubliée sur le petit écran. Le chien Eclair, un "black retriever", vient quémander ses premières caresses, puis va se coucher en soupirant sous le piano de l'autre côté de la pièce.

Je monte prendre une douche rapide et regarder le temps qu'il fait sur la vallée où montent les brumes. Les cerisiers sont en bourgeons devant le terrain de foot et le court de tennis municipal. A travers les branches des frênes les strates neigeuses et rocheuses varient leur partition sur l'horizon dressé. Voici un bouvreuil. Nombreux chants d'autres oiseaux que je suis incapable d'identifier. Je m'examine dans la glace en me rasant le cou sous la barbe, toujours surpris de ce visage que je suis bien obligé de considérer comme le mien. Le brossage des dents et des cheveux, la taille de la moustache et de quelques cheveux raréfiés en folle croissance. Enfin le nettoyage des deux paires de lunettes: une pour la ville ou les musées, une pour la lecture et le travail.

Eclair le chien gémit d'impatience. Je me couvre selon le temps. Quelques gouttes de pluie ne nous font pas peur. Laisse et collier; gambades et flairements avec la queue en métronome. Nous montons par le chemin creux en faisant lever des mésanges. Au-delà d'Annemasse les palais de Genève de l'autre côté du jet d'eau. Un avion quitte l'aéroport. On ne sait si ce sont des nuages ou bien la cime du Jura. Bientôt le lac se découvre et s'élargit. D'abord nous suivons la route, croisons des voitures, puis nous traversons des prés et nous enfonçons dans les bois. De temps à autre je m'entends dire: "que c'est beau!" et je regarde alors avec plus d'attention pour discerner ce qui a provoqué un tel émoi. Cela peut être le mouvement de tel rameau, une tache de soleil sur un pignon, un reflet dans une flaque. Il arrive que ç'ait été si fugitif que je ne l'aperçois plus que dans sa disparition, comme un rêve qui se dérobe au moment où l'on veut le raconter. Puis les humeurs se calment et ce sont les textes en cours qui font vibrer leurs cordages, qui voguent sur le roulis de la démarche, des mots passent comme des embruns et des solutions inespérées viennent dénouer les embrouillaminis, crever les impasses.

Parfois nous grimpons jusqu'à la réserve de grands animaux tout au long de la crête. Il faut que je tienne serré mon compagnon, mais quand je vois se dresser ses oreilles, son museau pointer, je sais que va me combler, si je reste parfaitement immobile et silencieux, l'apparition d'un chevreuil ou de biches dans les taillis. Sentiers sinueux avec la vue sur les villages d'en bas et les sommets autour, qui change à chaque virage. Une pie met sa signature sur la cheminée d'un chalet. Comment vais-je m'y prendre pour écrire sur le matin à Lucinges comme on me l'a demandé par téléphone il y a quelques jours, comme j'ai accepté de le faire?

Il faut redescendre en prenant un autre chemin. Nous longeons le haras où les poulains viennent se frotter à leurs mères. Certaines maisons sont déjà enfouies sous les fleurs. Les autres chiens aboient. Un couple de geais passe d'un hêtre à un sapin. La température commence à monter agréablement. Les ombres raccourcissent et deviennent plus nettes. Nous avons retrouvé les voitures dont le nombre et le bruit augmentent à chaque mètre d'altitude perdu. Pour le texte en question je commencerai tout doucement par la pénombre à l'intérieur de la chambre, quelque chose comme "l'aube me fait signe à travers la fenêtre...", et puis cela s'éclaircira peu à peu jusqu'au moment où je reverrai le chef-lieu de la commune avec mairie, école, église, auberge, boulangerie et bureau de tabac, les gens à saluer, puis les tuiles de la maison.

La grille grince. Je prends le courrier dans la boîte. Un bel épervier plane et dérive dans la direction d'un hélicoptère qui nous éclabousse de son vrombissement puis s'éloigne aussi. Le chien retrouve son coin. Je m'installe pour ouvrir les lettres et les lire. Il y en a une justement qui me rappelle ma promesse et je tire de ma poche mon petit carnet orange pour commencer à esquisser ce texte dont je sais bien évidemment qu'il ne sera pas fini pour le déjeuner, qu'il me faudra encore des heures et peut-être des jours de travail avant qu'il se stabilise en ceci.
 


 

AU PIED DU MUR

pour Yehuda Lancry et Henri Maccheroni
1

La ville est assise

dans un de ses recoins

comme une femme prostrée

à la perte de son mari

la princesse d'antan

cherche l'embauche
 
 

2

La ville pleure toute la nuit

vaines larmes

aucun ancien amant

ne vient la consoler

tous ceux qui la cherchaient

lui ferment leur porte
 
 

3

La plupart des gens de la ville

sont ailleurs en servitude

errance parmi les nations

sans la moindre pause

les persécuteurs atteignent les fuyards

au fond des impasses
 
 

4

Les rues sont en deuil

les cérémonies abandonnées

personne aux portes de la ville

les célébrateurs désespèrent

les jeunes filles se dessèchent

dans l'amertume et l'aigreur
 
 

5

Les ennemis chanceux

insultent la ville

en menant ses enfants

dans leurs convois d'esclavage

disant qu'elle paie

pour sa corruption
 
 

6

L'éclat de la ville s'est terni

la citadelle s'écroule

ses défenseurs criaient famine

en titubant dans les faubourgs

devant les envahisseurs préparant

leurs festins de triomphe
 
 

7

La ville se souvient

de ses jours de gloire

à travers la détresse

qui leur a succédé

remâchant son humiliation

devant les sarcasmes de l'occupant
 
 

8

La ville pourrissante

diffuse ses miasmes

les brèches de ses remparts

ses tentures en lambeaux

ne lui permettent plus de cacher ses ulcères
 
 

9

Les déjections de la ville

collent aux derniers pans

de ses manteaux brodés

dont quelques perles arrachées

émergent encore

dans la fange sanglante
 
 

10

Toutes les grilles sont tordues

les vantaux brisés

tous les coffres éventrés

les dallages souillés

la cendre des foyers éteints

se dépose sur l'eau croupie
 
 

11

Les femmes fouillent elles-mêmes

leurs impénétrables cachettes

pour en retirer les bijoux

qu'elles s'imaginaient sauver

et les proposer dans la nuit

contre quelque morceau de pain
 
 

12

Les caravaniers qui pensaient

quand ils approchaient de la ville

se délasser dans ses jardins

et s'enrichir dans ses marchés

constatant son délabrement

préfèrent passer leur chemin
 
 

13

Le feu est tombé du ciel

sur la ville

dévorant boutiques et banques

un filet a été lancé

pour renverser tous les valides

et paralyser les malades
 
 

14

Un joug s'est abattu sur la ville

qui ne peut plus se dépêtrer

des liens tressés par elle-même

que les vainqueurs ont emmêlés

avec leurs noeuds d'absurdités

qui se resserrent à chaque effort
 
 

15

Tous les vaillants de la ville

ont été déportés

toutes les femmes sont devenues servantes

ou concubines

tous les vieillards sont devenus aveugles

et les enfants se perdent dans les terrains vagues
 
 

16

Les yeux qui restent dans la ville

noyés par l'acide

guettent du haut des tours subsistantes

un libérateur éventuel

qui se précipiterait depuis l'horizon

à travers le désert patrouillé
 
 

17

La ville mendie dans sa réprobation

quelque subsistance aux soldats

de l'altière coalition

mais ils crachent en se détournant

masquant leurs yeux et leurs narines

pour marmonner leurs exorcismes
 
 

18

La ville cherche à lancer

des appels au secours

vers tous ses anciens alliés

mais les messagers qui tentent l'évasion

à travers campements et palissades

ne reviennent jamais
 
 

19

Les touristes qui se délectaient

à parcourir les fameux sites

sont allés vers d'autres attractions

que leur ont proposées leurs agences

alors que les dignitaires en loques

se tordent de faim dans la ville
 
 

20

Le coeur de la ville se retourne

l'orage incendiant ses entrailles

les épidémies se répandent

on n'enterre plus les cadavres

qui suintent sur les parvis

noircis par le vol des vautours
 
 

21

Les caravaniers interloqués dans le soir

écoutent les hoquets de la ville

à travers les ricanements des mercenaires

et présageant les retours de vengeance

ils supputent par quelle autre piste

ils pourraient passer désormais
 
 

22

Se retournant dans la fièvre

et les vomissements

les vieux font retentir l'acte d'accusation

opposant aux crimes de la ville

tous ceux qu'ils dénombrent chez ses assaillants

et qu'ils provoquent même pour mieux s'indigner
 
 

23

Les lumières de la ville se sont éteintes

la nuée de cendre est telle que même le jour

il est impossible de voir sa propre main

on tâte les parois pour se diriger

en s'efforçant d'échapper aux gravats

qui tombent des frontons brisés
 
 

24

Même les maisons qui semblaient intactes

sont profondément lézardées

même les rescapés qui semblent vigoureux

sont pris de tremblements et syncopes

même les caves taillées dans le roc

sont inondées par les sanies de la ville
 
 

25

Les braises grésillent dans tous les ventres

alors que le gel paralyse les têtes

les mains qui cherchent à saisir

se fendillent sur les poignées

grimpant aux marches de la ville

pieds s'écorchent en dérapant
 
 

26

Les projectiles grêlent sur la ville

les pillards profitent de la panique

les policiers des puissances étrangères

escaladent les décombres pour intervenir

et subtiliser leur butin

après les avoir égorgés
 
 

(27)

Il y avait autrefois des palais

des portiques et des donjons

même les pierres sont cassées

la ville crisse dans ses corridors

comme un essaim de chauves-souris

brusquement dérangées par l'effondrement
 
 

(28)

Les vergers de la ville ont brûlé

ses salons sont dévastés

ceux qui retrouvent parmi les plâtras

vêtements ou vaisselles de fêtes

couronnes ou tiares déchiquetées

ne les identifient même plus
 
 

(29)

Cris dans le vénéré temple

encore plus de bruit qu'aux liesses

mais ce sont les hourras des destructeurs

à chaque pan qui tombe en poussière

l'autel même est couvert d'ordures

qui empuantissent la ville entière
 
 
 
 
 

LA SEMAINE DES VERS LUISANTS
pour Thierry Lambert
Lundi
 
 

Dans le sable

argentin

chasseresse

sinueuse

délicate

promenade

aide-moi!
 
 

Diane
Luminescente

conversation

telle une opale

balbutiements

soir et matin

comme une rose

délivre-toi
 
 

La Lune passe
Mardi
 
 

Dans les herbes

acérées

épineux

cuirassé

délicieux

mouvement

mène-moi!
 
 

Martial
Incandescente

évolution

tel un grenat

propositions

la nuit le jour

comme un narcisse

exerce-toi
 
 

Mars passe
Mercredi
 
 

Dans les nuages

tourmentés

fascinés

passionnés

parfumés

attirance

aime-moi!
 
 

Lucien et Lucienne
Phosphorescente

propagation

tel un miroir

duplication

dedans dehors

comme deux lys

déclare-toi
 
 

Mercure passe
Jeudi
 
 

Dans la boue

cardinale

facétieux

chaleureux

montagnard

souvenir

viens à moi!
 
 

Jules
Effervescente

rumination

tel un fossile

étonnement

hier demain

comme un aster

prépare-toi
 
 

Jupiter passe
Vendredi
 
 

Dans l'écume

voluptueuse

séductrice

ruisselante

fluctuante

écriture

lave-moi!
 
 

Suzanne
Efflorescente

apparition

telle une perle

révolution

du haut en bas

comme un iris

faufile-toi
 
 

Vénus passe
Samedi
 
 

Dans la paille

merveilleuse

maternelle

musicale

lactescente

profondeur

sauve-moi!
 
 

Myriam et Noël
Iridescente

éducation

tel un saphir

reconnaissance

du Nord au Sud

comme une vigne

exprime-toi
 
 

Saturne passe
Dimanche
 
 

Dans l'espace

éclatant

paternel

généreux

perpétuel

inventeur

parle-moi!
 
 

Dominique
Arborescente

irrigation

tel un corail

fulmination

de l'Est à l'Ouest

comme un glaïeul

surpasse-toi
 
 

Le Soleil passe

 
 
 

INDICE

pour Joël Leick
 
Comme un tintement

qui me tire

de ma torpeur
 
 

Comme une odeur

qui me poursuit

et je reviens
 
 

Il s'agit de regarder

de plus près oui

c'est sans doute cette empreinte
 
 

La loupe

ne m'est ici

d'aucun secours
 
 

Ni le chimiste

avec sa panoplie

de verre
 
 

Il faut que j'explore

patiemment

mes souvenirs embrouillés
 
 

Pour comprendre

ce qui a déclenché

ce signal d'éveil
 
 

Dont l'écho

imprègne

les pages de mon cerveau
 
 

Comme une tache de sang

qui n'en finit pas

de suinter
 
 
 
 
 

AU DÉPOURVU

un instantané de Maurice Blanchot

pour Didier Cahen

 
 
On l'aurait cru presque des nôtres

fréquentant revues et bistrots

mais dans un silence à peine relevé

par quelques remarques au laser

un écrivain quoi pendant quelques instants

lors de ses prudentes plongées

dans la marmite parisienne
 
 

S'il n'avait été parfois si diaphane

que l'on se demandait si vraiment

on aurait continué de le voir

sans ses habits pourtant neutres un peu

comme l'homme invisible de Wells

d'ailleurs on sait qu'il n'impressionne pas

la pellicule photographique
 
 

Survivant depuis son enfance

qui me semblait se reculer

dans une fabuleuse avant-guerre

mais on ne savait plus laquelle

sans âge donc sans vieillissement

toujours sur le point d'entrer en matière

dans le névé d'interminables prolégomènes
 
 

Noctambule en plein jour somnambule

tâtant son chemin au bord des toits

avec des précautions de chat étique

cherchant un surplus de forces dans le vertige

fantôme se faufilant

dans les fissures de l'à peine possible

tel un mimi australien
 
 

Funambule nouveau Jean-François Gravelet

dit Blondin franchissant les chutes

du Niagara sur une corde

6 810 000 litres d'eau par seconde

avec un balancier de phrases

chacune équilibrant la périlleuse précédente

dans la contemplation du furieux abîme
 
 

Par un repli par un retour une rature

une correction une dissection-démontage

oiseau ajustant tordant ses brindilles

cherchant à construire un nid de silence

pour y accueillir tout frère d'exil

dans le hurlement de l'Histoire

le mur des siècles en flammes et cataracte
 
 
 
 
 

RESPIRATION
pour Joël Leick

 
J'ai fait un grand détour. J'ai pris l'avion pour franchir la mer, puis atterrir près d'Emmaus, l'un des sites proposés pour Emmaus. Puis après avoir traversé la jeune forêt farcie de tanks à l'abandon, immense émotion à retrouver la ville et son feuillettement de ruines, retrouver, c'est trop dire, trouver enfin la ville que je n'avais pu qu'entrevoir de l'autre côté d'un ravin encombré de parpaings et de barbelés, il y a 28 ans.

Trois religions entrelaçant leurs innombrables sectes en des strates de constructions, destructions, pillages autour de rochers à sacrifices et lamentations, envols de prophètes et supplices de messie.

De retour les yeux me tournent comme des rotoreliefs de Marcel Duchamp. Je cuve mon vin de massacres et de psaumes. A quand l'écriture du livre promis?

Je suis poursuivi de coulées de laves comme si toute la Terre n'était plus qu'un volcan. Ma vieille maison fume de solfatares tandis que j'étends douloureusement mes jambes avant d'entreprendre une nouvelle battue dans la jungle embrasée du savoir.


 
 
 

LA RÉVOLUTION DANS L'ARBORETUM

pour Hedda Sterne

 
 
1

LE BOURDONNEMENT DE L'ÉTÉ
 
 

De brindilles en rameaux envol

de bourgeons en ramures

à tous les étages des bois et sous-bois

dans l'égrenage des gouttes de pluie

dans les trouées des rayons

avec leurs tourbillons de poussières

les gouffres et les souterrains

passages retours les empires
 
 

Des insectes luttent furieusement

pour leurs éphémères prééminences

avec leurs antennes chercheuses

mandibules preneuses et mâchoires

broyeuses pattes et griffes yeux à facettes

dards suintant de venin à l'extrémité

des abdomens oscillant autour des tailles étroites

élytres métalliques ailes irisées ocellées
 
 

Drapeaux sur les champs de batailles abandonnés

vrombissant dans leur escalade et soudain

retombant dans la fatigue et l'éblouissement

pour retrouver les trésors des sèves

entre humus et graviers miroitement

les délices des nids et couverts

par la même occasion échapper quelque temps

à la voracité des oiseaux
 
 

2

LE MIROITEMENT DE L'AUTOMNE
 
 

Bassins et terrasses bourdonnement

vitres et piscines avec des architectures

d'aluminium et d'acier parcourues

d'ascenseurs et d'hélicoptères

des couronnes de phares explorent

les voûtes et les corridors les gouffres

et les souterrains tentacules et stalactites

dans les trouées des rayons
 
 

Tandis que les centrales répandent

leur électricité par ondes et câbles

dans le tintement des clochers

et les cavalcades sur les claviers

des orgues et des clavecins

passages persistance palpitation

résonance échos délectation

dans les échafaudages ruisselants
 
 

Les navires d'argent transparent

ouvrent les valves de leurs reposoirs

pour faire glisser leurs chargements

d'agrumes de nacre et d'alcools

rêvant de plumes et phalanges

martèlement câbles et laques

au long des quais étincelants

dans le velours du crépuscule
 
 

3

LE MARTELEMENT DE L'HIVER
 
 

Cassure après cassure miroitement

fissure après morsure

brisure après fêlure et brûlure

une trace de pas sur la taïga

sur les claviers des orgues

entre les fantômes des rocs et des toits

de l'autre côté de la fenêtre

ou plutôt des deux côtés à la fois
 
 

Le vent balaie pentes et rues

lacs et fleuves pétrifiés rivages

hérissés de tentacules et stalactites

pattes et griffes yeux à facettes

épines et boutons proposant

aux furieux glaneurs en blanc

qui agitent leurs blouses et drapeaux

sur les champs de bataille abandonnés
 
 

Ces instruments de chirurgie sommaire

tandis que tombent sur les gongs

les maillets du glas comptabilisant

les victimes et les condamnés

sous les suaires qui s'accumulent

en dépit de tous les craquements

sous les écorces qu'il entrouvre enfin

en envol et palpitations
 
 

4

L'ENVOL DU PRINTEMPS
 
 

Prenant courage de toutes ses racines

qui aspirent sucs et minéraux

en suspens dans la nappe phréatique

entre humus et graviers martèlement

il cherche à se visser parmi les brumes

encore tout engourdies de rhumatismes

neigeux entre les fantômes des rocs

des réverbères et des maisons
 
 

Cherche à les écarter par les efforts

de ses coudes et branches

à les métamorphoser en bourgeons

épines et boutons à tous les étages

à tous les passages des bois et sous-bois

rêvant de plumes et de phalanges

pour nous emporter au-delà des murs

et des horizons grillés par l'école
 
 

Vers les vergers promis à nos ancêtres

promis à nos enfances les vergers

océans et nuages vitres et piscines

les écorces flottant avec leurs inscriptions

les vergers du retour du beau temps

du retour de la paix et de l'exploration

les vergers villes et navires

bourdonnement cantates d'immortalité
 
 
 
 
 

DÉFILÉ DE HAUT RAPIÉCAGE
pour Marcel Alocco

 
 
Revêtus des splendides oripeaux trouvés

à tous les coins de nos rues en dérive,

déchirés et rapetassés en tous sens,

les mannequins sibylles de toutes couleurs

déambulent de tenture en voilure

se tenant par leurs doigts enlacés

nous caressent de leurs regards entrecroisés

pour nous faire entendre l'appel du large
 
 

1

De fil en aiguille

le trait du pinceau

la femme outremer

parcourant la gamme

lovant les genoux

le bras sous la nuque

le regard penché

sur le bord des lacs
 
 

2

Court sur la paroi

le trait du pinceau

lovant les genoux

venu de la Chine

pour dire écriture

et bonne aventure

des vieux talismans

l'alphabet des âges
 
 

3

Une déchirure

dans la nuit des temps

court sur la paroi

venu de la Chine

entre les glaciers

le petit cheval

qui cherche fortune

pour cueillir le vent

des vieux talismans
 
 

4

L'oiseau des savanes

dans la nuit des temps

entre les glaciers

renvoie le taureau

contre le chasseur

le tissu des jours

envahit la toile

une autre chanson
 
 

5

La page d'après

les pieds écartés

l'oiseau des savanes

renvoie le taureau

vers d'autres poursuites

fait gonfler ses plumes

sur le bord des lacs

attend l'empereur
 
 

6

Redressant la taille

les pieds écartés

vers d'autres poursuites

ombre fascinante

prenant la relève

des vieux talismans

aux salles obscures

dessins animés
 
 

7

Un mot dans la phrase

sortant de sa tente

redressant la taille

ombre fascinante

reine tentatrice

pour cueillir le vent

de l'arbre de science

les pieds écartés
 
 

8

Entre les colonnes

sortant de sa tente

reine tentatrice

ombres et rayons

la peinture lente

envahit la toile

jusqu'au précipice

un cri dans la nuit
 
 

9

Au livre des siècles

jeune explorateur

entre les colonnes

ombres et rayons

l'oreille aux aguets

l'archer solennel

attend l'empereur

brame doucement
 
 

1O

Changement à vue

au jardin d'éden

jeune explorateur

l'oreille aux aguets

yeux écarquillés

le pantin coureur

aux salles obscures

quêtant survivance
 
 

11

La route glissante

au jardin d'éden

yeux écarquillés

le couple ancestral

détachant la pomme

de l'arbre de science

avec nos saluts

le voile du temple
 
 

12

La roue des saisons

montrant ses ramures

la route glissante

le couple ancestral

perdant ses repères

risque de sombrer

jusqu'au précipice

vertus et métaux
 
 

13

Une cicatrice

au milieu des steppes

montrant ses ramures

perdant ses repères

le cerf épuisé

repliant ses jambes

brame doucement

le regard penché
 
 

14

Courant sous les nuages

au milieu des steppes

le cerf épuisé

l'élan attaqué

par une panthère

quêtant survivance

et bonne aventure

oriflamme et flamme
 
 

15

Marque déposée

le chiffre arc-en-ciel

courant sous les nuages

l'élan attaqué

attrapant des ailes

pour franchir l'espace

avec nos saluts

qui cherchent fortune
 
 

16

La femme outremer

le chiffre arc-en-ciel

attrapant des ailes

parcourant la gamme

astres et péchés

vertus et métaux

le tissu des jours

le festin des dieux
 


 
 

PALISSADE

pour Joël Leick

et in memoriam Alcofribas Nasier

Face interne :

Tel un détective dans un roman je rassemble les nouveaux indices qui viennent de m'être fournis; mais au lieu de les étaler sur une table, je les accroche à des planches fichées autour de mon chantier. J'ai déjà fixé naturellement les précédents sur la clôture qui prend belle apparence. Il me faudra ranger tout cela au moindre signe de pluie. D'abord, pour aujourd'hui, l'indice 18. Il s'agit d'un livre nommé Respiration. J'étale et punaise toutes ses pages, avec les photocopies des versos pour pouvoir les considérer à la fois. A côté une lettre d'accompagnement, une autre sur la vie à Thionville et une carte postale reproduisant la Joconde, légende en français et en japonais.

Le sang de l'Histoire teint toutes ces pages, dégouline et traverse. Le texte est fait pour les panser. Teint toutes ces planches en attirant vampires et charognards, mais en détournant les anges exterminateurs. Ici et là des pactes signés par notre effroi.

Sur la suivante l'indice 19, un livret, exemplaire unique, avec couverture sous papier cristal, contenant la représentation d'un bol ou plutôt d'une énorme tasse, puisqu'il y a une anse qu'on ne peut saisir qu'à pleine main, calice ou graal rempli d'un breuvage noir, philtre à absorber si l'on prétend poursuivre l'enquête. Ne prenant jamais de café, j'ai du mal à tenter l'épreuve. J'essaie à petites gorgées, ce qui me convainc qu'il a la propriété de rendre invisible. Prudence! Mais pour l'instant seuls les cheveux ont disparu. En satellite une petite toile noire tendue sur châssis, avec la trace blanche d'un de mes pas, pour m'encourager à reprendre la route obscure.

Voici maintenant le numéro 20: une carte postale ancienne représentant la place d'armes de Metz du temps de l'annexion allemande. On y voit la garde d'honneur prussienne faire parade au milieu d'une foule peu dense et visiblement peu intéressée. Un tramway amorce un virage. Une main récente a dessiné dans une région libre quatre personnages entourés par un anneau irradiant, avec cette légende: "au centre du cercle des hommes pour la poésie!" Les poëtes disparus sans doute. Un timbre d'artiste en haut à droite déborde sur le verso. C'est lui qui a reçu l'impact du tampon circulaire: "Thionville principal, Moselle 57" avec la date: "O9.O5.94.19h." A sa gauche le timbre officiel célébrant Georges Pompidou, reçoit partie d'un autre tampon, rectangulaire lui, où l'on distingue: "Fête du timbre". L'adresse du destinataire est inscrite sur une bande de papier collée en plein milieu. De l'autre côté d'anciens messages biffés diversement pour laisser place au nouveau. Le timbre allemand de l'époque, Germania 5 pfennig, vert, conserve son tampon circulaire avec la date du 23 juin 1908. Comme le temps passe!

Enfin l'indice 21, ce livre en forme de palissade justement, cequi montre que je suis enfin sur la bonne voie et que je vais pouvoir passer de l'autre côté, accompagné d'une lettre sur papier vert Nil marqué d'une nouvelle trace de pas sang de boeuf, ce qui m'annonce sans doute qu'après avoir absorbé toute la potion, être devenu invisible, je pourrai non seulement marcher sur les eaux, mais y laisser des indices de mon passage. Accompagné aussi d'une carte postale découpée en rond, représentant une palissade encore (mais dans une autre acception), appliquée sur le mur d'un jardin lorrain. Je saute donc ce mur en revenant à la première page, et en feuilletant de l'autre côté je prendrai les planches en sens inverse comme dans un livre japonais.
 
 

Face externe :

Mon sang n'a fait qu'un tour. Me voici de l'autre côté de la Terre, aux Antipodes, dans le temple de la dive bouteille. En cette année Rabelais pouvait-on vraiment s'attendre à autre chose? Je dois ajouter qu'à l'intérieur du carton enveloppant ce dernier indice en double exemplaire sur lequel j'écris, emballage que j'ai malheureusement déchiré en l'ouvrant (mais je l'ai restauré tant bien que mal avec du ruban adhésif pour paquets), j'ai trouvé la peinture d'une superbe bouteille noire et lumineuse à la fois.

J'ai donc sauté le mur en revenant à la première page, et je feuillette de l'autre côté, prenant les pages en sens inverse comme dans un livre japonais.

Après le café qui rend invisible, ce doit être le vin qui nous rend visibles à nouveau. Mais jusqu'à quel point? Car n'y aurait-il pas des parties de moi-même déjà invisibles avant l'ingestion de ces quelques gorgées? Que verra-t-on de moi désormais? Outre mon vieux corps, des ailes j'espère, comme celles qu'on attribuait au temps dans les allégories classiques, dont je me doutais si peu que, si je les ai souvent rêvées, je ne les ai jamais essayées. Avec un peu d'expérience et d'art, je pourrais ainsi me sculpter tout autre, en secret bien sûr au début, un secret qu'il ne faudra faire partager que très lentement, très prudemment, un secret pour passer à l'autre siècle, à l'autre millénaire, à la grande cave donnant sur l'espace, au début de l'ivresse enfin.
 
 

O Bouteille

pleine toute

de mystères

d'une oreille

je t'écoute

ne diffère

et le mot profère

auquel pend mon coeur

en la tant divine liqueur

Bacchus qui fut d'Inde vainqueur

tint toute vérité enclose

vin tant divin loin de toi est forclose

toute mensonge et toute tromperie

en joie soit l'arche de Noé close

lequel de toi nous fit la temperie

sonne le beau mot je t'en prie

qui me doit ôter de misère

ainsi ne se perde une goutte

de toi soit blanche soit vermeille

O Bouteille pleine toute de mystères


























(Cinquiesme Livre)

A votre santé!


 
 
 

SATELLITES GALBÉS

pour Carmelo Arden Quin

 
 
Un trapèze couvert par une grille de plomb retenant des morceaux de vitrail s'ouvrant sur des champs labourés, des pampas, des immeubles ou des cornes,

avec un triangle peigné par une herse d'écaille retenant des cheveux s'enroulant sur des algues, des lianes, des écheveaux de fils électriques ou des bagues.
 
 

Une voile claquant au vent de l'Atlantique au matin parmi les dauphins, exocets et mouettes sous les oriflammes, haubans et nuages,

avec un canot tanguant dans les vagues à son ombre parmi les bouées, échelles et rames sous les bastingages, écoutilles et hublots.
 
 

Un vaisseau se vrillant dans l'espace d'orbite en orbite, en écarquillant ses panneaux pour capter l'énergie solaire, assurer non seulement la survie de l'équipage, mais son confort,

avec une navette plongeant dans l'atmosphère de strate en strate, en effilant ses antennes pour dialoguer avec la tour de contrôle, permettant non seulement le transport de la cargaison mais sa croissance.
 
 

Un maître à chaussures, chaussettes et pantalon serré par une ceinture, surmonté par gilet, chemise, veston et même cravate, sans oublier lunettes et chapeau de feutre autour d'un peu de peau, autour d'un peu de chair autour d'un peu d'os,

avec un chien à griffes, pattes et poils, serré par un collier attaché à un crochet au bout d'une laisse à poignée tenue dans la main refermée, sans oublier oreilles et museau autour des babines, dents, langue et faim.
 
 

Un théorème étincelant de jolis mots venus du grec, illustré de formules et de figures tournant dans leurs coordonnées à l'intérieur d'espaces à dimensions multiples, diaphanes et nacrés,

avec un corollaire assombri d'applications techniques, alourdi d'exemples et de précautions, ahanant dans les bureaux d'études à tables orientables et grinçantes.
 
 

Un écusson écartelé de lys, tours, léopards, croix et navires, azur et sable, vair et sinople, surmonté d'un casque à couronne ducale et flanqué d'un lion pétrifié et d'une licorne métallique,

avec une devise chamarrée d'adjectifs, prépositions, adverbes et hyperboles, guillemets et soulignements, gravée en capitales romaines sourcilleuses scandées par des croissants charbonneux et des astérisques glauques.
 
 

Un couplet vigoureux, martelé, presque criard pour annoncer victoires, conquêtes, découvertes, l'inauguration d'un muséum ou le lancement d'un programme,

avec un refrain rêveur, mélancolique, presque gracile pour rappeler enfances, deuils, exils, le naufrage des croisades ou la fatigue après l'amour.
 
 

Un continent plissé de montagnes, troué de lacs, innervé de fleuves que descendent péniches et sampans sous les ponts des villes qui explosent comme des volcans,

avec une île découpée de rades, hérissée de falaises, rayée de cascades que surplombent rocs et palmiers sur les toits des pavillons recourbés comme des ailes.
 
 

Un texte à descriptions et réflexions, précipitations, ralentissements et pauses, ruisselant de paragraphes et d'assonances, d'évocations et résonances, de flammes et d'arbres,

avec un commentaire à notes et traductions, à sourires, interrogations et surprises, moiré de références et prolongements, de rapprochements et d'ouvertures, de parfums et gongs.
 


 
 

LES SAVEURS DE LA PLUIE

pour Anne Walker

 
Une goutte d'amande tourbillonne dans le torrent des jonquilles. Rubans de virgules. Un éclat. Moire et nacre vibrent dans l'orage des primevères. Rouleaux de signes. On devine à travers le rideau mouvant les murailles d'une Jérusalem à délivrer. Strophes de filins, pointes d'abricot, soupçon de vanille. Le désert tremble. La soie des tempêtes se répand et brûle. Couplets de lignes. Encore! Mangues et chrysanthèmes caressent marbres et jaspes.

Miel et résine tombent dans l'averse des géraniums. Rouleaux d'accents. Encore plus! Flaque de fraise, tache de cerise, un éclaboussement. La vitre des trombes fond et embaume. Reliures de lignes. Vaguement se dessinent les enlacements d'Olinde et Sophronie. Couplets de filets. Groseilles et framboises brillent entre émaux et écorces. Refrains de phrases. Le désert sursaute. Un pétale de pêcher clapote sous la douche des roses.

Ruisseau d'angéliques, bassin de menthes. Le désert s'éveille. L'écaille des vapeurs gicle et se balance. Reliures de signes. Encore un peu plus! Pistache et tilleul teignent échos et lichens. Réseaux de phrases. Un éclaircissement. Une touffe de citronnier tourne dans la neige des résédas. Refrains de filons. On aperçoit la forêt magique de Sharon. Envolées de pages. Lave et laine filent dans la brume des passiflores.

L'horizon des falaises sombre et remonte. Réseaux de lignes. On croirait Tancrède poursuivant Clorinde. Rinceaux de pages. Myrtilles et myosotis bouillonnent parmi dunes et brises. Envolées de fêlures. Le désert sourit. Une rivière de raisins dévale dans le miroir des hortensias. Reprises de virgules. Toujours un peu plus! Rochers et braises glissent dans le murmure des cinéraires. Un éclairage; étang de mûres, massif de glycines.

Violettes et clématites fusent parmi velours et failles. Rinceaux de phrases. Une éclaircie. Un fleuve de prunes se précipite dans les reflets des aconits. Rosaces de virgules. Le désert s'anime. Bourdonnements et tintements accompagnent les cristaux des orchidées. Reprises de fibres. En transparence n'est-ce pas Armide qui essaie de retenir Renaud? Litanies d'accents. Mer de cassis, frondaisons de bougainvilliers. Encore et toujours! Perles et gemmes pleurent et plongent.

Un delta de fumée chante dans les regards des narcisses. Rosaces de pages. Perpétuellement océans de cendres et montagnes de thé; un éclair. Sautes et envols éclatent dans les grappes d'arums. Rubans de lignes. Le désert germe. Sifflements et plumes improvisent et respirent. Litanies de ficelles. Voici sans doute les bergers accueillant Herminie. Strophes de lignes. Cafés et lys roulent parmi semis et salves.


 
 

CONVALESCENCE

pour Bertrand Dorny

 
On se demande si l'on va rouvrir les yeux. On est dans un mauvais sommeil avec picotements et sursauts. Pas de rêves; des gémissements optiques, des puanteurs acoustiques. Comme un bel et bon cauchemar serait le bienvenu avec ses poursuites et péripéties! On ne sait ni où on est ni qui on est, ni depuis quand cela dure. On voit du blanc. Ce ne peut être qu'un plafond.

Quelle heure? On se demande si l'on arrivera jusqu'à demain. Impossible de bouger quoi que ce soit, serré qu'on est comme une momie dans des bandelettes qui vous meurtrissent. Il faudrait qu'un dieu vienne vous ouvrir la bouche. Ici ce sera plutôt une infirmière. En fait, c'est déjà le lendemain. On a fait de vrais rêves avec des dieux égyptiens et des infirmières parisiennes. On ne sait si on a chaud ou froid; on étouffe et frissonne à la fois.

Un instant on a eu le sentiment qu'on était bien dans sa peau, puis on a été roulé dans les draps d'une vague. On se demande si l'on tiendra jusqu'à la semaine suivante. Des gens passent. On devrait les reconnaître. Si l'on ne sait pas encore très bien qui l'on est, eux semblent n'avoir pas le moindre doute à cet égard. Ils vous demandent de vos nouvelles. On voudrait leur en donner. Il y a une horloge dans la chambre et même un calendrier. En fait il y a déjà huit jours. Le menu change; les soins aussi. On vous assoit. Les souvenirs reviennent; les soucis s'en mêlent.

On essaie tant bien que mal de redresser la pile écroulée des projets, mais sans trop y croire, car on se demande si on durera jusqu'à l'an prochain. On se retrouve chez soi. On s'exerce à être le même qu'avant. Voici les meubles presqu'à l'endroit où on les avait laissés. A peine si certains se sont déplacés de quelques centimètres, et encore, ont grandi, raccourci, vieilli. Alourdi, oui certainement tout s'est alourdi. Mais pas tellement au fond, moins qu'on aurait cru. Il faudrait risquer un voyage, murmure l'entourage, vérifier si l'on est capable. On se laisse doucement persuader, mais d'abord se remettre au travail, sans excès, comme par jeu. Il y a déjà plus d'un an. C'est le moment que choisissent les membres de la Faculté pour venir vous dire d'un air goguenard: "vous savez, nous avons préféré ne pas trop vous en parler, mais vous l'avez échappée belle!"


 
 

COLONNES

pour Bertrand Dorny et Maxime Godard
Je me faufile

dans la futaie

brisant les ronces

de mon enfance

cueillant les mûres

et les morilles

guettant les plumes

dans les fontaines

parmi cantiques

et narrations

apparitions

miroitements

enluminures

malédictions

embarcadères

pèlerinages

irisations

répercussions
 
 

Les chapiteaux

rongés du temps

que la photo

fait remonter

de leur naufrage

avec les treuils

de la lumière

comme trésors

de caravelle

parmi les cendres

et les palmiers

vergues échelles

chiffres sextants

prélude et fugue

damier d'odeurs

dans une crique

au crépuscule

d'adolescence
 
 

Saintes offrant

lèvres et seins

martyrs en flammes

rayons de sang

entraînés par

la sarabande

rustre et savante

amère et douce

nymphes satyres

monstres démons

arcs et hautbois

casques dentelles

rinceaux guirlandes

aveux soupirs

princes bergères

ondulations

reconnaissances

la bête et l'ange
 
 

Arrachement

à chaque pas

de mes racines

enchevêtrées

parmi coquilles

gravats et mousses

flaques de vin

sur les carreaux

empreintes vives

sur les tuyaux

gamme en roseaux

démangeaisons

gémissements

alléluias

sèves perlant

aux échancrures

plaies dans la peau

d'espoirs anciens


 
 

LE MAITRE D'HOSPITALITÉ

pour l'oncle Octave

 
 
Au seuil de ce palace à mille chambres

enroulables et feuilletables

qu'édifient inlassablement

mes crayons suaves
 
 

Je scrute vos regards chers invités

pour décrocher dans ma conciergerie

la clef qui convienne à vos capacités

avec services personnalisés
 
 

Vous faire glisser le long des corridors

menant aux ascenseurs d'annales

avec vos placards et miroirs d'oublis

où vous recevront vos propres fantômes


 
 
 

PASSAGER CLANDESTIN DANS LA BARQUE DES DIEUX

in memoriam Edmond Jabès

 
 
On croyait l'avoir quitté à Paris

voici qu'on l'identifie dans une tombe

ensablée donnant sur la vallée

maintenant gorgée de béton
 
 

On le croyait sage dans sa vitrine

dégagé de ses bandelettes

il vient de se lever de son sarcophage

ouvrant les yeux sur un monde méconnaissable
 
 

On pourrait croire tout transformé pourtant

c'est toujours le temps de la captivité

naviguant aux échos douteux de l'ancien langage

son regard est à la recherche de son regard
 
 
 
 

HENRI L'OISELEUR
pour Icare ménétrier

 
Espiègle dans les plis des rideaux

transformant les planches en nuages

il emmène tous les rats de la ville

pour les faire planer dans les chants
 
 

Les yeux partout l'oreille au guet

depuis la terrasse de l'embarcadère

au bord du golfe où naufragea

le petit empereur entre deux îles
 
 

Ariel devenant Prospero

Merlin l'enchanteur électronicien

invite les infants de Saba

aux vertiges des caravanes harmoniques


 
 
 

LE DÉDOUBLEMENT DU BEAU TEMPS

pour Graziella dans le miroir

 
 
Les arcs jumeaux sur la mer vernie

lavée de son écume après la naissance

ou plutôt le jaillissement de la séductrice

annoncent l'ouverture d'une saison nouvelle
 
 

Qui s'insinue à la fin de septembre

entre le soir du 21 et la matinée du 22

une boucle dans l'équinoxe

trois mois supplémentaires de vacances
 
 

Pour graver sur le sable des plages italiennes

des congrès de gastéropodes et d'oiseaux

que les grandes marées emporteront dans leurs caresses

jusqu'aux ivresses multipliées par la valse des millénaires


 
 
 

QUELQUES PAS

pour Joël Leick
Kilomètre 22: la facture

Section 23: la partition

Station 24: l'instant présent

Mouvement 25: le refus

Piste 26: les caractères
 
 
 
 
 

VERTIGINEUSES BERGERIES
pour Joël Leick
 
Bêlements au pied des glaciers

boucles de toisons accrochées

aux griffes des genévriers

cloches dans toutes les saisons
 
 

Echos d'une vallée à l'autre

pâturages de trèfles noirs

précipitation de cyprès

dans les pierriers retentissants
 
 

Aux officines des abbayes

on distille des élixirs

pour réchauffer les égarés

loin de leurs stations à bastringue
 
 

Les chiens rassemblent les troupeaux

contournant les blocs erratiques

tandis que tournoient les derniers

vautours maintenant protégés
 
 

Les relais de télévision

se renvoient d'un sommet à l'autre

les rengaines transatlantiques

les folies des gouvernements
 
 

Fredonnant les refrains d'antan

on interroge les tarots

sur le temps qu'il fera demain

et les humeurs des séduisantes
 
 
 
 
 

LA CORSE AUX TRÉSORS
pour Joël Leick

 
 
En Corse vous aimerez Ajaccio et son port, Bonifacio et ses falaises, avec les souvenirs des expositions parisiennes au passage: chaises trouées débordant de graisse et cercueils de feutre,

les roches rouges, rousses, roulantes des calanches de Piana, et les aiguilles de Bavella,

l'îlot du Grain de sable aperçu depuis le chemin pédestre du Campo Romanello vers le phare de Pertusato, après avoir dégusté un cassis à l'auberge de la Scala, Sartène et sa place,

la facture du 12 avril 1895, due par l'institutrice de Feliceto à Monsieur Costa, épicier-restaurateur à l'Ile-rousse, pour la fourniture de riz, eau-de-vie, savon, sucre, farine, café avec maint repas, Corte, sa citadelle et le hasard de ses rues,

(Puisque vous avez pénétré jusqu'à notre repaire, voici l'un de nos secrets. Dessinez sur la partie libre de cette feuille une carte de Corse avec mention de tous les lieux cités dans le texte. Vous joindrez ceux-ci deux par deux, ce qui vous donnera un idéogramme. En épuisant les possibilités vous obtiendrez un alphabet que vous reconnaîtrez un jour sur une inscription qu'il vous faudra déchiffrer sous peine d'amnésie. Mais ne vous inquiétez pas outre-mesure; des anges hyperlinguistes viendront à votre secours. Cela devrait vous conduire naturellement vers d'autres trésors.)

le trou et le galet correspondant à l'intérieur du panorama vétuste de Vigianello, Cargèse et ses deux églises,

les îles Sanguinaires avec les plumes de leurs oiseaux, la fameuse vallée de la Restonica,

le dessin minutieux d'un four de fabrication anglaise (mais l'image provient d'un ouvrage allemand) pour la normalisation des tôles fines et d'un autre à recuire les tôles fines en caisses avec deux chambres de combustion pour chauffage par dessous, envoyé par l'ancêtre du télécopieur, le lac de montagne Melo, la cascade des Anglais et celle du Voile de la mariée qui fait rêver à celle de la rivière Niagara, ou dont rêvent certains en voyage de noces à Niagara Falls,

Le morceau de revêtement de sol, incorporé à la couverture de cet ouvrage, fibreux, noir comme s'il s'agissait de donner au local l'apparence d'une tourbière, la forêt de Zonza, et le sentiment d'être loin de Thionville où il faudra pourtant prochainement revenir, mais avec un coffre plein d'indices pour d'autres trésors encore.


 
 
 

LIGNE D'URGENCE

pour Kaviiik

 
 
1) -Au secours! - Pierre. -Ne me fuyez pas! -Une flamme. -J'erre. -La flaque. -Un horizon de trous. - Précipices. -Vivre. -Des couteaux. -Silence. -Les yeux. -Ne m'abandonnez pas!

2) -Allo! -Eclair. -Gifle. -Ne me laissez pas! -Un trou. -Je cherche. -Le précipice. -Un océan de couteaux. -Yeux. -Mourir. -Des bouteilles. -Solitude. -Les revolvers.

3) -Ne vous éloignez pas! -Rouge. -Orage et abîme. -Ne m'oubliez pas. -Un précipice. -Un couteau. -Je marche. -L'oeil. -Un désert de bouteilles. -Revolvers. -Guérir. -Des mains.

4) -Murmure. -Les oreilles. -Ne m'oubliez pas! -Noir. -Chaîne et menace. -Ne me trahissez pas. -Un couteau et un oeil. -Je nage. -La bouteille. -Une fatalité de revolvers. -Oreilles.

5) -Finir. -Des cordes. -Hantise. -Les plumes. -Ne m'ignorez pas! -Ne me tuez pas! -Pair. -Fièvre et angoisse. -Nausée. -Ne me videz pas! -Une bouteille et un revolver.

6) -Je rampe. -L'oreille. -Un incendie de cordes. -Plumes. -Vieillir. -Des portes. -Agitation. -Les lucarnes. -Ne me tourmentez pas! -Ne me torturez pas! -Impair. -Récif et roulis.

7) -Acide. -Ne me lâchez pas! -Un revolver et une oreille. -Je glisse. -Je descends. -La corde. -Une inondation de plumes. -Portes. -Payer. -Des lucarnes. -Bruit. -Les poteaux.

8) -Ne me trompez pas! -Ne m'endormez pas! -Passe. -Naufrage et gargouillis. -Inflammation. -Ne me blessez pas! - Une oreille et une corde. -Je monte et je plane. -La plume. -La porte.

9) -Une tempête de lucarnes. - Poteaux. -Vendre. -Des barques. -Foule. -Les grilles. -Ne m'écrasez pas! -Ne m'exploitez pas! -Manque. -Banquise et blizzard. -Fureur. -Ne m'asservissez pas!

10) -Une corde et une plume. -Une porte. -Je tourne. -J'ai chaud. -La lucarne et le poteau. -Une éruption de barques. -Grilles. -Montrer. -Des murs. -Foudre. -Les tuiles.

11) -Ne m'écorchez pas! -Ne m'écartelez pas! -Au secours! -Tunnel et miasme. -Crise. -Ne m'enterrez pas! -Une plume et une porte. -Une lucarne. -J'ai froid. -J'attends.- Le poteau.

12) -La barque. -Une épidémie de grilles. -Un écroulement de murs. -Tuiles. -Voir. -Des ardoises. -Grouillement. - Les lèvres. -Ne m'ensevelissez pas! -Ne me perdez pas!. -Allo! -Puits et ruissellement.

13) -Tourmente. -Epouvante. -Ne m'égarez pas! - Une lucarne et un poteau. -Une barque. -J'ai faim. -J'ai mal. -La grille et le mur. -Un labyrinthe de tuiles. -Une prison d'ardoises. -Lèvres.

14) -Entendre. -Des chevelures. -Cataclysme. -Les seringues. -Ne me fourvoyez pas! -Ne m'empoisonnez pas! -Rouge. -Egout et verrou. -Donjon avec treuil. -Ne m'asphyxiez pas! -Un poteau.

15) -Une barque et une grille. -J'ai sommeil et je craque. -Le mur et la tuile.-Un horizon d'ardoises avec un océan de lèvres. -Chevelures. -Seringues. -Parler. -Une aiguille. -Chaos.

16) -La roue. -Ne m'enfumez pas! -Ne me brûlez pas! -Noir. -Souterrain et barreau. -Fosse avec cadavre. -Ne me lacérez pas! -Une barque et une grille. -Un mur. -Je meurs.

17) -Je rêve. -La tuile et l'ardoise. -Un désert de lèvres avec une fatalité de chevelures. -Seringues et aiguilles. -Peindre. -Dénoncer. -Des roues. -Accalmie. -Les arbres. -Ne me crevez pas!

18) -Ne vous détournez pas! -Pair. -Echarde et sanie. -Styx avec chimère. -Ne me vomissez pas! -Une grille et un mur. -Une tuile. -Je délire et transpire.-L'ardoise.

19) -La lèvre. -Un incendie de chevelures avec une inondation de seringues. -Aiguilles et roues. -Garder et veiller. -Des arbres. -Des vitres. -Silence. -Les crevasses. -Ne me noyez pas! -Ne m'enfouissez pas!

20) -Impair. -Malaise et crochet. -Ravine avec fauve. -Ne m'étranglez pas! -Ne m'enfermez pas! -Un mur et une tuile. -Une ardoise. -Je tombe et tremble. -La lèvre.

21) -La chevelure. -Une tempête de seringues avec une éruption d'aiguilles. -Roues et arbres. -Ecouter et sentir. -Des vitres et des crevasses. -Solitude. -Les plaies. -Ne me jugez pas! -Ne m'inculpez pas!

22) -Passe. -Malchance et échec. -Cratère avec vautour. -Ne m'effacez pas! -Ne m'éliminez pas! -Une tuile et une ardoise. -Une lèvre. -Je sombre et coule. -La chevelure.

23) -La seringue et l'aiguille. -Une épidémie de roues avec un écroulement d'arbres. -Vitres. -Crevasses. -Oser. -Insister. -Des plaies et des croûtes. -Murmure. -Les escaliers. -Ne m'infectez pas!

24) -Ne m'injectez pas! -Manque. -Horreur et évasion. -Fissure avec marais. -Ne me jetez pas! -Ne m'expulsez pas! -Une lèvre et une chevelure. -Une seringue. -Je frissonne et gèle.

25) -L'aiguille et la roue. -L'arbre. -Un labyrinthe de vitres avec une prison de crevasses. -Plaies et croûtes. -Ouvrir et fermer. -Des escaliers et des glas. -Hantise. -Les déchirures.

26) -Les cendres. -Ne m'extradez pas! -Ne me broyez pas! -Au secours! -Panique et tentative. -Monstre avec griffe. -Ne me brisez pas! -Ne m'arrachez pas! -Une chevelure et une seringue. -Une aiguille.

27) -Une roue. -Je me fendille et sue. -L'arbre et la vitre. -La crevasse. -Un horizon de plaies avec un océan de croûtes. -Escaliers et glas. -Ecrire et donner. -Des déchirures.

28) -Des cendres. -Agitation. -Les poussières et les ordures. -Ne m'extirpez pas! -Ne m'étouffez pas! -Allo! -Abomination et alarme. -Grimace avec loque. -Ne me liquidez pas! -Ne m'exterminez pas!

29) -Une seringue et une aiguille. -Une roue avec un arbre. -Je claque et clapote. - La vitre et la crevasse. - La plaie. -Un désert de croûtes avec une fatalité d'escaliers. -Glas et déchirures.

30) -Aimer et délivrer. -Des cendres et des poussières. -Bruit. -Les ordures et les affiches. -Ne me fuyez pas! -Ne m'abandonnez pas! -Rouge. -Catastrophe et infection. -Fouet.

31) -Dard. -Ne me laissez pas! -Ne vous éloignez pas! -Une aiguille et une roue. -Un arbre avec une vitre. -Je me brouille et je tente. -La crevasse et la plaie. -La croûte. -Un incendie d'escaliers.

32) -Une inondation de glas. -Déchirures et cendres. -Multiplier et naître. -Des poussières et des ordures. -Foule. -Foudre. -Les affiches et les voitures. -Ne m'oubliez pas! -Ne me trahissez pas!

33) -Noir. -Fatigue et contamination. -Massue avec épine.- Roue. -Ne m'ignorez pas! -Ne me tuez pas! -Un arbre et une vitre. -Une crevasse avec une plaie. -Je ruse.

34) -J'échoue. -La croûte et l'escalier. -Le glas. -Une tempête de déchirures avec une éruption de cendres. -Poussières et ordures. -Renaître. -Expliquer. -Des affiches et des voitures. -Grouillement.

35) -Cataclysme. -Les coups et les sifflements. -Ne me videz pas! -Ne me tourmentez pas! -Pair. -Dégoût et corruption. -Echafaud avec billot-. -Arbre. -Ne me torturez pas. -Ne me lâchez pas!

36) -Ne me trompez pas! -Une vitre et une crevasse. -Une plaie avec une croûte. -Je rate et j'appelle. -L'escalier et le glas. -La déchirure. -Une épidémie de cendres avec un écroulement de poussière. -Ordures.

37) -Affiches.- Découvrir. -Voyager. -Des voitures et des coups. -Chaos puis accalmie. -Les sifflements et les enclumes. -Ne m'endormez pas! -Ne me blessez pas! -Impair. -Impossibilité.

38) -Poing et pilori. -Gouffre avec vitre. -Ne m'écrasez pas! -Ne m'exploitez pas! -Ne m'asservissez pas! -Une crevasse et une plaie. -Une croûte avec un escalier. -Je hurle et fuis.

39) -Le glas et la déchirure. -La cendre. -Un labyrinthe de poussière avec un écroulement d'ordures. -Affiches et voitures. -Vivre. -Mourir. -Des coups et des sifflements. -Silence puis solitude.

40) -Les enclumes et les poutres. -Ne m'écorchez pas! -Ne m'écartelez pas! -Passe. -Impasse et potence. -Fournaise avec fourche. -Crevasse.- Ne m'enterrez pas! -Ne m'ensevelissez pas! -Ne me perdez pas!

41) -Une plaie et une croûte. -Un escalier avec une déchirure. -Je cours et manque. -La cendre et la poussière. -L'ordure. -Un horizon d'affiches avec un océan de voitures. -Un désert de coups. -Sifflements.

42) -Enclumes. -Guérir. -Finir. -Des poutres et des nuages. -Murmure puis hantise. -Les pluies et les neiges. -Ne m'égarez pas! -Ne me fourvoyez pas! -Manque. -Rebuffade.

43) -Braise et poursuite. -Déliquescence avec plaie. -Ne m'empoisonnez pas! -Ne m'asphyxiez pas! -Ne m'enfumez pas! -Une croûte et un escalier. -Un glas avec une déchirure. -Je crie et murmure.

44) -Je souffle. -La cendre et la poussière. -L'ordure. -Un désert d'affiches avec une fatalité de voitures sur un incendie de coups. -Sifflements et enclumes. -Poutres. -Vieillir. -Payer. -Des nuages.

45) -Des pluies. -Agitation puis bruit. -Les neiges et les grêles. -Ne me brûlez pas! -Ne me lacérez pas! -Au secours! -Insulte et humiliation. -Lèpre avec amputation. -Croûte.

46) -Ne me crevez pas! -Ne vous détournez pas! -Ne me vomissez pas! -Un escalier et un glas. -Une déchirure avec une cendre. -Je souffre et sursaute. -Je palpite. -La poussière et l'ordure. -L'affiche.

47) -Une inondation de voitures avec une tempête de coups sur une éruption de sifflements. -Enclumes et poutres. -Nuages. -Vendre. -Montrer. -Voir.- Des pluies et des neiges. -Foule puis foudre.

48) -Les grêles et les suies. -Ne me noyez pas! -Ne m'enfouissez pas! -Allo! -Injure et invective. -Fracture avec tumeur. -Escalier. -Ne m'étranglez pas! -Ne m'enfermez pas! -Ne me jugez pas!

49) -Un glas et une déchirure. -Une cendre avec une poussière. -Une ordure. -Je crache et râle. -Je grésille. -L'ordure et l'affiche. -La voiture. Une épidémie de coups avec un écroulement de sifflements sur un labyrinthe d'enclumes.

50) -Poutres et nuages. -Pluies. -Entendre. -Parler. -Peindre. -Des neiges et des grêles. -Des suies. -Grouillement puis cataclysme. -Les sangs.

51) -Les morves. -Ne m'inculpez pas! -Ne m'effacez pas! -Rouge. -Mensonge et ulcère. -Ruine avec caveau. -Glas. -Ne m'éliminez pas! -Ne m'infectez pas! -Ne m'injectez pas! -Une déchirure.

52) -Une cendre et une poussière. -Une ordure. -Je bouillonne et je me craquelle. -Je vire. -L'affiche et la voiture. -Le coup. -Une prison de sifflements avec un horizon d'enclumes sur un océan de poutres. -Nuages.

53) -Pluies et neiges. -Dénoncer. -Garder. -Veiller. -Des grêles et des suies. -Des sangs. -Chaos puis accalmie. -Les morves et les crasses. -Les graisses.

54) -Ne me jetez pas! -Ne m'expulsez pas! -Noir. -Traquenard et cyclone. -Séisme avec exode. -Déchirure. -Ne m'extradez-pas! -Ne me broyez pas! -Ne me brisez pas! - Une cendre et une poussière.

55) -Une ordure avec une affiche. -Je cuis et désespère. -Je recommence. -La voiture et le coup. -Le sifflement. -Un désert d'enclumes avec une fatalité de poutres sur un incendie de nuages. -Pluies et neiges.

56) -Grêles. -Ecouter. -Sentir. -Oser. -Des suies et des sangs. -Des morves. -Silence puis solitude. -Les crasses et les graisses. -Les pétroles. -Ne m'arrachez pas!

57) -Ne m'extirpez pas! -Ne m'étouffez pas!- Pair. -Impair. -Piège et secret. -Choc avec élongation. -Cendre. -Ne me liquidez pas! -Ne m'exterminez pas! -Ne me fuyez pas! -Une poussière.

58) -Une ordure et une affiche. -Une voiture. -J'arrête. -Je titube. -Je plonge. -Le coup et le sifflement. -L'enclume. -Une inondation de poutres avec une tempête de nuages sur une éruption de pluie. -Neiges.

59) -Grêles et suies. -Insister. -Ouvrir. -Fermer. -Des sangs et des morves. -Des crasses. -Murmure puis hantise. -Les graisses et les pétroles. -Les rouilles.

60) -Ne m'abandonnez pas! -Ne me laissez pas! -Ne vous éloignez pas!. -Passe. -Manque. -Trappe et grondement. -Honte avec frayeur. -Poussière. -Ne m'oubliez pas! -Ne me trahissez pas! -Ne m'ignorez pas!

61) -Une voiture et un coup. -Un sifflement et une enclume. -Une poutre. -Je disparais. -Je m'évanouis. -Je renonce. -Le nuage et la pluie. -La neige. -Une épidémie de grêle.

62) Un écroulement de suie sur un labyrinthe de sang. -Morves et crasses. -Graisses. -Ecrire. -Donner. -Aimer. -Des pétroles et des rouilles. -Des éclairs.

63) -Agitation puis bruit. -Les orages et les chaînes. -Les fièvres. -Ne me tuez pas! -Ne me videz pas! -Ne me tourmentez pas! -Au secours! -Allô! -Fatigue et dégoût. -Impossibilité.

64) -Impasse et rebuffade. -Ne me torturez pas! -Ne me lâchez pas! -Ne me trompez pas! -Une insulte et une injure. -Un mensonge et un traquenard. -Un piège. - J'erre. -Je cherche. -Je marche.

65) -La pierre et la flamme. -La flaque. -Une prison de trous avec un horizon de précipices sur un océan de couteaux. -Yeux et bouteilles. -Revolvers. -Délivrer.

66) -Multiplier. -Naître. -Des mains et des oreilles. -Des cordes. -Foule puis foudre. -Grouillement. -Les plumes et les portes. -Les fenêtres. -Ne m'endormez pas! -Ne me blessez pas!

67) -Ne m'écrasez pas! -Noir. -Pair. -Poteau et barque. -Grille avec mur. -Tuile. -Ne m'exploitez pas! -Ne m'asservissez pas! -Ne m'écorchez pas! -Une ardoise et une lèvre.

68) -Une chevelure et une seringue. -Une aiguille. -Je nage. -Je rampe. -Je glisse. -La roue et l'arbre. -La vitre. -Un désert de crevasses avec une fatalité de plaies.

69) -Un incendie de croûtes. -Escaliers et glas. -Grincements. -Renaître. -Expliquer. -Découvrir. -Des déchirures et des cendres. -Des poussières. -Cataclysme puis chaos.

70) -Accalmie. -Les ordures et les affiches. -Les voitures. -Ne m'écartelez pas! -Ne m'enterrez pas! -Ne m'ensevelissez pas! -Impair. -Passe. -Manque. -Coup et sifflement. -Enclume.


 
 
 

FRAICHEUR ARDENTE (indice 35)

pour Joël Leick

 
 
Une ombre de peintre avec une ombre de pinceau trace une ombre d'image sur une paroi qui n'en était pas vraiment une d'où s'écoulent maintenant des ruisseaux de vraie peinture sur un vrai mur puis un vrai plancher jusqu'à un vrai peintre qui jusqu'à présent n'était pas bien sûr d'en être un.

 
 
 

DERNIERES NOUVEAUTÉS

pour Joël Leick

 
 
Dans nos galeries de la maison du livre sise en la cité, vous pourrez trouver en permanence

Une Montagne Sainte-Victoire découverte dans une accumulation de boules de Jean-Luc Parant

Trois animaux vivants: vache, coq et chien

Une empreinte de girafe avec une fusée interplanétaire en enfance

Une autre Montagne Sainte-Victoire à Majorque avec le profil d'un ermite

Sans compter tous les articles exposés habituellement dans ce genre de galeries


 
 
 

ÉMANATION SUR LA PLAGE DE GARBET

pour François Garnier

 
 
L'écume, toujours l'écume, et toujours celle qui naît de l'écume et qui nous attire dans ses tourbillons d'écume parmi rochers ferrugineux, algues, bois flottés, polis, déchiquetés, chevelures, dépôts salins, qui naît de l'écume provoquée par la rencontre avec la côte brave et tendre, comme Eve qui naquit de la poitrine du premier homme à l'intérieur du paradis que nous cherchons depuis toujours à travers elle.

Les flots, toujours les flots, et toujours celle qui naît des flots et qui nous poursuit dans le resserrement de ses flots parmi récifs rugueux, ravins, épaves rouillées, éventrées, écartelées, nappes, roues ocellées, qui naît des flots répercutés par le déroulement des sables gris et ambre comme Danaë qui reçut Jupiter dans sa geôle en pluie d'or et libération.

Les nuages, toujours les nuages, et toujours celle qui naît des nuages et qui nous fascine dans les illuminations de ses nuages parmi frondaisons rousses, défilés, buissons ardents, inondés, mouvants, falaises, tours crénelées, qui naît des nuages bouleversés par l'éclatement de la foudre sinistre et salvatrice comme Sémélé qui engendra Dionysos dans l'embrasement de l'Olympe.

Les fibres, toujours les fibres, et toujours celle qui naît des fibres et qui nous enlace dans l'entrecroisement de ses fibres parmi velours brochés, cotons, dentelles nouées, rebrodées, perlées, rubans, soies damassées, qui naît des fibres secouées par la vibration du métier incrusté de nacre et d'argent comme Pénélope qui ne défaisait pas, mais repliait et cachait soigneusement son travail du jour en l'attente d'Ulysse.

Les écailles, toujours les écailles, et toujours celle qui naît des écailles et qui nous séduit dans les irisations de ses écailles parmi coquilles flammées, anémones, poissons rayés, veinés, échevelés, astéries, crustacés au guet, qui naît des écailles agitées par la palpitation de la nage poursuivante et poursuivie comme Mélusine dans sa fontaine en communication avec le grand large.

Les yeux, toujours les yeux, et toujours celle qui naît des yeux et qui nous baigne dans les larmes de ses yeux parmi paupières ciliées, sourcils, lèvres incarnadines, sinueuses, pulpeuses, tempes, oreilles attentives, qui naît des yeux tendus dans l'observation des flux caressants ou furieux comme Galatée surprise par le cyclope jaloux Polyphème, assistant à la métamorphose effroyable d'abord puis interminablement délicieuse de son amant le berger Acis en fleuve tumultueux et miroitant, alors que ses soeurs néréïdes célèbrent son retour parmi elles en liesse d'éclaboussures et cavalcades.

Les ombres, toujours les ombres, et toujours celle qui naît des ombres et qui nous emporte dans les profondeurs de ses ombres parmi demeures enfumées, tombeaux, chambres chaudes, sombres, hantées, roseraies, terrasses lunaires, qui naît des ombres qui s'allongent dans le basculement progressif de l'après-midi laborieuse ou voyageuse comme Eurydice découvrant le regard d'Orphée qui l'oblige à marier les enfers au ciel au lieu de seulement les abandonner.


 
 
 

JEUX D'ÉTERNITÉ

pour James Guitet

 
Le prince retrouve la bergère

ici voix fraîches

la reine invite le jardinier

là odeurs tendres
 
 

Maintenant fontaines chantantes

le satyre poursuit la nymphe

bientôt ombres propices

l'ange écoute la musicienne
 
 

Plus loin le dragon salue la chimère

ailleurs le dragon reçoit la licorne

plus tard le centaure accompagne la sirène

le lendemain le fantôme accueille l'ermite
 
 

Oiseaux valseurs couleurs suaves

prés ondoyants caresses vives

miroirs secrets échos rieurs

nuages nacrés vergers brumeux
 
 

Doucement le roi reconnaît l'étrangère

passionnément la princesse embrasse l'aventurier

appels le marin suit la cuisinière

zéphyrs le cavalier séduit la nonne
 
 

Navires pavoisés cavernes lumineuses

la salamandre entretient le phénix

escaliers multiples plages marbrées

l'hippogriffe emporte l'enchanteresse
 
 

Echos rieurs torches oiseaux valseurs

l'instituteur émerveille l'héritière

vergers brumeux moirures prés ondoyants

l'astronaute enlève la pharmacienne
 
 

Délicatement fontaines chantantes

le centaure accompagne la sirène

respectueusement ombres propices

l'ange écoute la musicienne
 
 

Plus loin navires pavoisés

le prince retrouve la bergère

ailleurs escaliers multiples

la reine invite le jardinier

...
 
 
 
 

PLANÉTARIUM ZIGGURAT
pour James Guitet

 
 
Véga croise Sirius salue Procyon au zénith une flamme aiguillonne Aldébaran

Un séraphin précède un trône éclipse une vertu à l'orient une fumée récompense un ange

Uranie dépasse Erato bénit Calliope au nadir un nuage inspire Melpomène

Mercure poursuit la Terre courtise Jupiter au ponant l'anneau découvre Pluton


 
 
 

RIDEAU

pour James Guitet

 
 
Le velours tombe sur la scène poussiéreuse

où les acteurs épongent leur transpiration

Les spectateurs applaudissent à tout rompre

en commençant à rassembler leurs affaires

Les vedettes viennent saluer avec des sourires

les machinistes regardent leurs montres

Toute la troupe s'incline parmi les fleurs

voici même l'auteur et le décorateur

Le bruit se calme les rangées se vident

la hâte et les soucis reviennent

La lumière baisse la rampe s'éteint

on se bouscule aux vestiaires

Quelques attardés rêvent sous les lustres

en boutonnant leur pardessus

Il ne reste que quelques lueurs pour les balayeuses

puis seulement le grignotement des souris
 


 
 

AU FOND DU TIROIR LE MIROIR

pour Pierre Leloup

 
On est pris en ouvrant par une odeur d'ancien

presque décrépitude et même fermentation

on n'aurait jamais cru que tant d'emballages

notes ficelles boutons planchettes et crayons

se seraient accumulés cela fait donc tant d'années

non que l'on n'avait pas ouvert

mais qu'on n'avait pas regardé
 
 

On n'aurait jamais cru que tant de métissages

se seraient produits entre ces écartés

pas entièrement exclus pas jetés ni brûlés

mais mis en réserve pour un emploi

ou un examen ultérieur qu'une telle jungle

aurait proliféré avec ses lianes et fantômes

avec ses bourdonnements et batteries
 
 

On n'aurait jamais cru que les mâchoires s'ouvriraient

malaxant haleines écorces venins et semences

autour de cet étang dans la clairière

où soudain nous apercevons notre visage

émerveillé traqué cherchant le chemin du retour

avec une récolte de pépites et de récits

notre autre familier que nous avions perdu
 


 
 

LES PORTES DE L'HISTOIRE

pour les enfants de Saint-Denis

 
Derrière moi les entrelacs

des arrestations et supplices

ruminations germinations

dans les cénotaphes royaux
 
 

Devant moi les gens font la queue

sous la tyrannie de l'horloge

pour sauter dans le bon trolley

qui les passe au siècle prochain
 
 

Dans mes yeux le clignotement

du sommeil durant dans l'éveil

battement d'hier à demain

car tous les Ages sont moyens


 
 

CUEILLI SUR LA PLAGE

pour Leonardo Rosa

 
Les vagues du siècle moribond

déferlent sur les récifs

en trombes tonitruantes

et dans les criques la corruption

amalgame ses ingrédients

épaves de naufrages d'antan

ou de pique-niques d'hier

emballages restes seringues

transformant les terrains de jeux

en foyers de peste
 
 

Les allers-retours de l'ordure

politiciens papiers souillés

traversent parfois l'immensité

de l'inquiète mer atlantique

tandis que nous nous apprêtons

à doubler le cap des 2000

tempêtes mais en maintenant

quelque peu de bonne espérance

bien qu'il soit dépourvu de tout

phare pour éclairer nos passes
 
 

Cependant aux écrins profonds

tapissés d'algues mordorées

mûrissent comme de vieux vins

les écailles de notre Histoire

tessons caressés retournés

creusés rainurés satinés

comme par les sables des déserts

archéologiques mais roulés

par les tourbillons lents moirés

des crustacés et des poissons
 
 

Par les faufilements prudents

des plongeurs en quête d'amphores

en quête des moindres indices

pour reconstituer les sentiers

des ancêtres contrebandiers

l'un après l'autre se dessinent

dans les cycles entrecroisés

les sceaux visant nos passeports

pour survivre à la traversée

des frontières ensanglantées
 
 
 
 

Sommanire n° 6 :
PARADIS BLANC
LE MATIN A LUCINGES
AU PIED DU MUR
LA SEMAINE DES VERS LUISANTS
INDICE
AU DÉPOURVU
RESPIRATION
LA RÉVOLUTION DANS L'ARBORETUM
DÉFILÉ DE HAUT RAPIÉCAGE
PALISSADE
SATELLITES GALBÉS
LES SAVEURS DE LA PLUIE
CONVALESCENCE
COLONNES
LE MAITRE D'HOSPITALITÉ
PASSAGER CLANDESTIN DANS LA BARQUE DES DIEUX
HENRI L'OISELEUR
LE DÉDOUBLEMENT DU BEAU TEMPS
QUELQUES PAS
VERTIGINEUSES BERGERIES
LA CORSE AUX TRÉSORS
LIGNE D'URGENCE
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