Poésie au jour le jour 6
1La forêt des épines agite ses étendards transparents.
L'aigle ancestral déploie ses ailes pour réchauffer la tribu.
Dans l'aisselle du soir les traces de pas cristallisent.
Chacune de ces huit pages aura six branches comme un flocon de neige.
Les broderies de la lourde chasuble tournent sur les dossiers de l'orage.
Dans un repli de la nappe le cheval tire son traîneau.
2
La luge devant les planches, prête à se précipiter dans l'abîme.
Les arcs des églantiers font gicler leurs gouttes de sang sur la route déblayée.
Déchiquetées les feuilles survivantes font frémir les échos des vallées.
Les murs du château sont faits de poussière de neige; les fenêtres et les portes de bises violentes, comme dit le conteur scandinave.
L'effort pour arracher les pierres fait ployer l'araignée à griffes de velours.
L'ombre enracinée dans les ornières fleurit en chandelier marin.
3
Au-dessus de la palissade incrustée d'émaux, les voix imperturbables tendent leurs chemins parallèles.
Le pédalier de l'orgue transmet ses émotions aux tuyaux de l'espace.
Des ongles des ramures tombent quelques boules pour ponctuer l'avance du brouillard.
Il y a plus de cent salles formées par les tourbillons, une au moins longue de plusieurs lieues.
Les cygnes secouent leurs ailes sur les espaliers du lac vertical.
Le bouleau devient saule rieur devant le bosquet des dentellières.
4
Dans le tain du parc se réfléchissent les cortèges d'antan.
Le mimosa du nord fait éclater sa fanfare sur les dunes de sel.
L'oiseau-roc pond ses oeufs sur le duvet des vagues.
Toutes les grandes salles saupoudrées de limaille sont animées par les aurores magnétiques.
Crochets pour amarrer les navires glisseurs et les caravanes en difficulté.
Les évêques engloutis appellent avec leurs crosses.
5
La haie des soldats végétaux salue l'arrivée de la reine.
Les fantômes cuirassés défilent dans les sifflements.
Les chevrons de la montée rencontrent les rails de la descente.
Contrairement à ce que nous a dit le conteur scandinave, il y a bien ici des bals d'ours dansant sur leurs pattes de derrière de la façon la plus distinguée.
Dans les filets du matin se prennent les esturgeons éclaboussés de perles.
L'enchanteur resserre ses bras et sa barbe en protégeant dans sa robe talismans et cadeaux.
6
Phare dans l'écume des nuages le minaret sylvestre égrène son glas.
Entre les bras de l'oiseleuse, la poitrine des rocs découvre ses châteaux.
Les paumes ouvertes en éventail font surgir les dignitaires d'une cour au bois dormant.
Il y a bien des séances de bavardage autour du café entre les demoiselles renardes.
La cantatrice dépose ses souliers de nacre et de vair dans le vestiaire de l'opéra d'exil.
La laine des troupeaux de la Colchide escalade les ravins d'or.
7
Sur le pelage des prés les coraux étendent leur lingerie fine.
Sous les quenouilles éblouissantes les fileuses font ronronner leurs rouets fatidiques.
Phoques et chiens s'assemblent à l'abreuvoir pour proposer des toasts aux continents lointains.
Et le jeune Kay apprend à la petite Gerda comment faire d'innombrables figures comme les Chinois à partir de quelques morceaux de glace.
Le berger lumineux communique ses humeurs à l'oréade onduleuse.
A travers le paravent des pins le village émerge avec ses fumées.
8
Les rideaux des loges s'accrochent aux marbres tandis que dans leurs clos s'accordent les violons.
Le sillon tourne la page pour en détacher le clocher.
Virage et sillage vers la balise d'ardoise et d'étain, l'aiguille sur le cadran lunaire.
Et tout cela c'est la cérémonie des noces du jeune Kay et de la petite Gerda.
A travers la fenêtre macabre le cuir des parois défie les audacieux.
Depuis l'entrée de la caverne qui vient de se rouvrir à son commandement, le svelte bûcheron émerveillé contemple sa vie future.
L'aube me fait signe à travers la fenêtre dont je ne ferme jamais complètement les volets pleins.Si je descends assez vite, je pourrai entendre les rossignols qui sont très en avance cette année. J'enfile mes charentaises dans la demi-obscurité, puis vais décrocher la robe de chambre.
Je fais entrer la lumière dans la grande salle en regardant l'état du jardin. Les merles s'en mêlent. Je passe à la cuisine pour ranger la vaisselle de la veille et faire chauffer l'eau pour le thé.
J'ouvre la télé pour savoir un peu comment va le monde. Si c'est la fin de la semaine je me mets un peu de musique. Cela attire les rouges-gorges. Je coupe des tranches de pain pour les faire griller. C'est en général le moment que Marie-Jo choisit pour descendre.
Je suis encore en demi-somnolence. Je monte mon bol jusqu'à mes lèvres et narines. Je profite de sa chaleur à travers mes doigts. Je hume et déguste, d'abord une gorgée, puis des lampées de plus en plus longues. Je paresse. Je profite de la retraite. Les minutes donnent l'impression de passer très lentement; en réalité c'est une avalanche comme le précisent les cloches de l'église, les cris des enfants dans l'école parmi les piaillements des moineaux, et l'horloge que l'on avait oubliée sur le petit écran. Le chien Eclair, un "black retriever", vient quémander ses premières caresses, puis va se coucher en soupirant sous le piano de l'autre côté de la pièce.
Je monte prendre une douche rapide et regarder le temps qu'il fait sur la vallée où montent les brumes. Les cerisiers sont en bourgeons devant le terrain de foot et le court de tennis municipal. A travers les branches des frênes les strates neigeuses et rocheuses varient leur partition sur l'horizon dressé. Voici un bouvreuil. Nombreux chants d'autres oiseaux que je suis incapable d'identifier. Je m'examine dans la glace en me rasant le cou sous la barbe, toujours surpris de ce visage que je suis bien obligé de considérer comme le mien. Le brossage des dents et des cheveux, la taille de la moustache et de quelques cheveux raréfiés en folle croissance. Enfin le nettoyage des deux paires de lunettes: une pour la ville ou les musées, une pour la lecture et le travail.
Eclair le chien gémit d'impatience. Je me couvre selon le temps. Quelques gouttes de pluie ne nous font pas peur. Laisse et collier; gambades et flairements avec la queue en métronome. Nous montons par le chemin creux en faisant lever des mésanges. Au-delà d'Annemasse les palais de Genève de l'autre côté du jet d'eau. Un avion quitte l'aéroport. On ne sait si ce sont des nuages ou bien la cime du Jura. Bientôt le lac se découvre et s'élargit. D'abord nous suivons la route, croisons des voitures, puis nous traversons des prés et nous enfonçons dans les bois. De temps à autre je m'entends dire: "que c'est beau!" et je regarde alors avec plus d'attention pour discerner ce qui a provoqué un tel émoi. Cela peut être le mouvement de tel rameau, une tache de soleil sur un pignon, un reflet dans une flaque. Il arrive que ç'ait été si fugitif que je ne l'aperçois plus que dans sa disparition, comme un rêve qui se dérobe au moment où l'on veut le raconter. Puis les humeurs se calment et ce sont les textes en cours qui font vibrer leurs cordages, qui voguent sur le roulis de la démarche, des mots passent comme des embruns et des solutions inespérées viennent dénouer les embrouillaminis, crever les impasses.
Parfois nous grimpons jusqu'à la réserve de grands animaux tout au long de la crête. Il faut que je tienne serré mon compagnon, mais quand je vois se dresser ses oreilles, son museau pointer, je sais que va me combler, si je reste parfaitement immobile et silencieux, l'apparition d'un chevreuil ou de biches dans les taillis. Sentiers sinueux avec la vue sur les villages d'en bas et les sommets autour, qui change à chaque virage. Une pie met sa signature sur la cheminée d'un chalet. Comment vais-je m'y prendre pour écrire sur le matin à Lucinges comme on me l'a demandé par téléphone il y a quelques jours, comme j'ai accepté de le faire?
Il faut redescendre en prenant un autre chemin. Nous longeons le haras où les poulains viennent se frotter à leurs mères. Certaines maisons sont déjà enfouies sous les fleurs. Les autres chiens aboient. Un couple de geais passe d'un hêtre à un sapin. La température commence à monter agréablement. Les ombres raccourcissent et deviennent plus nettes. Nous avons retrouvé les voitures dont le nombre et le bruit augmentent à chaque mètre d'altitude perdu. Pour le texte en question je commencerai tout doucement par la pénombre à l'intérieur de la chambre, quelque chose comme "l'aube me fait signe à travers la fenêtre...", et puis cela s'éclaircira peu à peu jusqu'au moment où je reverrai le chef-lieu de la commune avec mairie, école, église, auberge, boulangerie et bureau de tabac, les gens à saluer, puis les tuiles de la maison.
La grille grince. Je prends le courrier dans la boîte. Un bel épervier plane et dérive dans la direction d'un hélicoptère qui nous éclabousse de son vrombissement puis s'éloigne aussi. Le chien retrouve son coin. Je m'installe pour ouvrir les lettres et les lire. Il y en a une justement qui me rappelle ma promesse et je tire de ma poche mon petit carnet orange pour commencer à esquisser ce texte dont je sais bien évidemment qu'il ne sera pas fini pour le déjeuner, qu'il me faudra encore des heures et peut-être des jours de travail avant qu'il se stabilise en ceci.
LA SEMAINE DES VERS LUISANTS1La ville est assise
dans un de ses recoins
comme une femme prostrée
à la perte de son mari
la princesse d'antan
cherche l'embauche
2
La ville pleure toute la nuit
vaines larmes
aucun ancien amant
ne vient la consoler
tous ceux qui la cherchaient
lui ferment leur porte
3
La plupart des gens de la ville
sont ailleurs en servitude
errance parmi les nations
sans la moindre pause
les persécuteurs atteignent les fuyards
au fond des impasses
4
Les rues sont en deuil
les cérémonies abandonnées
personne aux portes de la ville
les célébrateurs désespèrent
les jeunes filles se dessèchent
dans l'amertume et l'aigreur
5
Les ennemis chanceux
insultent la ville
en menant ses enfants
dans leurs convois d'esclavage
disant qu'elle paie
pour sa corruption
6
L'éclat de la ville s'est terni
la citadelle s'écroule
ses défenseurs criaient famine
en titubant dans les faubourgs
devant les envahisseurs préparant
leurs festins de triomphe
7
La ville se souvient
de ses jours de gloire
à travers la détresse
qui leur a succédé
remâchant son humiliation
devant les sarcasmes de l'occupant
8
La ville pourrissante
diffuse ses miasmes
les brèches de ses remparts
ses tentures en lambeaux
ne lui permettent plus de cacher ses ulcères
9
Les déjections de la ville
collent aux derniers pans
de ses manteaux brodés
dont quelques perles arrachées
émergent encore
dans la fange sanglante
10
Toutes les grilles sont tordues
les vantaux brisés
tous les coffres éventrés
les dallages souillés
la cendre des foyers éteints
se dépose sur l'eau croupie
11
Les femmes fouillent elles-mêmes
leurs impénétrables cachettes
pour en retirer les bijoux
qu'elles s'imaginaient sauver
et les proposer dans la nuit
contre quelque morceau de pain
12
Les caravaniers qui pensaient
quand ils approchaient de la ville
se délasser dans ses jardins
et s'enrichir dans ses marchés
constatant son délabrement
préfèrent passer leur chemin
13
Le feu est tombé du ciel
sur la ville
dévorant boutiques et banques
un filet a été lancé
pour renverser tous les valides
et paralyser les malades
14
Un joug s'est abattu sur la ville
qui ne peut plus se dépêtrer
des liens tressés par elle-même
que les vainqueurs ont emmêlés
avec leurs noeuds d'absurdités
qui se resserrent à chaque effort
15
Tous les vaillants de la ville
ont été déportés
toutes les femmes sont devenues servantes
ou concubines
tous les vieillards sont devenus aveugles
et les enfants se perdent dans les terrains vagues
16
Les yeux qui restent dans la ville
noyés par l'acide
guettent du haut des tours subsistantes
un libérateur éventuel
qui se précipiterait depuis l'horizon
à travers le désert patrouillé
17
La ville mendie dans sa réprobation
quelque subsistance aux soldats
de l'altière coalition
mais ils crachent en se détournant
masquant leurs yeux et leurs narines
pour marmonner leurs exorcismes
18
La ville cherche à lancer
des appels au secours
vers tous ses anciens alliés
mais les messagers qui tentent l'évasion
à travers campements et palissades
ne reviennent jamais
19
Les touristes qui se délectaient
à parcourir les fameux sites
sont allés vers d'autres attractions
que leur ont proposées leurs agences
alors que les dignitaires en loques
se tordent de faim dans la ville
20
Le coeur de la ville se retourne
l'orage incendiant ses entrailles
les épidémies se répandent
on n'enterre plus les cadavres
qui suintent sur les parvis
noircis par le vol des vautours
21
Les caravaniers interloqués dans le soir
écoutent les hoquets de la ville
à travers les ricanements des mercenaires
et présageant les retours de vengeance
ils supputent par quelle autre piste
ils pourraient passer désormais
22
Se retournant dans la fièvre
et les vomissements
les vieux font retentir l'acte d'accusation
opposant aux crimes de la ville
tous ceux qu'ils dénombrent chez ses assaillants
et qu'ils provoquent même pour mieux s'indigner
23
Les lumières de la ville se sont éteintes
la nuée de cendre est telle que même le jour
il est impossible de voir sa propre main
on tâte les parois pour se diriger
en s'efforçant d'échapper aux gravats
qui tombent des frontons brisés
24
Même les maisons qui semblaient intactes
sont profondément lézardées
même les rescapés qui semblent vigoureux
sont pris de tremblements et syncopes
même les caves taillées dans le roc
sont inondées par les sanies de la ville
25
Les braises grésillent dans tous les ventres
alors que le gel paralyse les têtes
les mains qui cherchent à saisir
se fendillent sur les poignées
grimpant aux marches de la ville
pieds s'écorchent en dérapant
26
Les projectiles grêlent sur la ville
les pillards profitent de la panique
les policiers des puissances étrangères
escaladent les décombres pour intervenir
et subtiliser leur butin
après les avoir égorgés
(27)
Il y avait autrefois des palais
des portiques et des donjons
même les pierres sont cassées
la ville crisse dans ses corridors
comme un essaim de chauves-souris
brusquement dérangées par l'effondrement
(28)
Les vergers de la ville ont brûlé
ses salons sont dévastés
ceux qui retrouvent parmi les plâtras
vêtements ou vaisselles de fêtes
couronnes ou tiares déchiquetées
ne les identifient même plus
(29)
Cris dans le vénéré temple
encore plus de bruit qu'aux liesses
mais ce sont les hourras des destructeurs
à chaque pan qui tombe en poussière
l'autel même est couvert d'ordures
qui empuantissent la ville entière
Lundi
Dans le sable
argentin
chasseresse
sinueuse
délicate
promenade
aide-moi!
DianeLuminescenteconversation
telle une opale
balbutiements
soir et matin
comme une rose
délivre-toi
La Lune passeMardi
Dans les herbes
acérées
épineux
cuirassé
délicieux
mouvement
mène-moi!
MartialIncandescenteévolution
tel un grenat
propositions
la nuit le jour
comme un narcisse
exerce-toi
Mars passeMercredi
Dans les nuages
tourmentés
fascinés
passionnés
parfumés
attirance
aime-moi!
Lucien et LuciennePhosphorescentepropagation
tel un miroir
duplication
dedans dehors
comme deux lys
déclare-toi
Mercure passeJeudi
Dans la boue
cardinale
facétieux
chaleureux
montagnard
souvenir
viens à moi!
JulesEffervescenterumination
tel un fossile
étonnement
hier demain
comme un aster
prépare-toi
Jupiter passeVendredi
Dans l'écume
voluptueuse
séductrice
ruisselante
fluctuante
écriture
lave-moi!
SuzanneEfflorescenteapparition
telle une perle
révolution
du haut en bas
comme un iris
faufile-toi
Vénus passeSamedi
Dans la paille
merveilleuse
maternelle
musicale
lactescente
profondeur
sauve-moi!
Myriam et NoëlIridescenteéducation
tel un saphir
reconnaissance
du Nord au Sud
comme une vigne
exprime-toi
Saturne passeDimanche
Dans l'espace
éclatant
paternel
généreux
perpétuel
inventeur
parle-moi!
DominiqueArborescenteirrigation
tel un corail
fulmination
de l'Est à l'Ouest
comme un glaïeul
surpasse-toi
Le Soleil passe
AU DÉPOURVUComme un tintementqui me tire
de ma torpeur
Comme une odeur
qui me poursuit
et je reviens
Il s'agit de regarder
de plus près oui
c'est sans doute cette empreinte
La loupe
ne m'est ici
d'aucun secours
Ni le chimiste
avec sa panoplie
de verre
Il faut que j'explore
patiemment
mes souvenirs embrouillés
Pour comprendre
ce qui a déclenché
ce signal d'éveil
Dont l'écho
imprègne
les pages de mon cerveau
Comme une tache de sang
qui n'en finit pas
de suinter
un instantané de Maurice Blanchot
RESPIRATIONOn l'aurait cru presque des nôtresfréquentant revues et bistrots
mais dans un silence à peine relevé
par quelques remarques au laser
un écrivain quoi pendant quelques instants
lors de ses prudentes plongées
dans la marmite parisienne
S'il n'avait été parfois si diaphane
que l'on se demandait si vraiment
on aurait continué de le voir
sans ses habits pourtant neutres un peu
comme l'homme invisible de Wells
d'ailleurs on sait qu'il n'impressionne pas
la pellicule photographique
Survivant depuis son enfance
qui me semblait se reculer
dans une fabuleuse avant-guerre
mais on ne savait plus laquelle
sans âge donc sans vieillissement
toujours sur le point d'entrer en matière
dans le névé d'interminables prolégomènes
Noctambule en plein jour somnambule
tâtant son chemin au bord des toits
avec des précautions de chat étique
cherchant un surplus de forces dans le vertige
fantôme se faufilant
dans les fissures de l'à peine possible
tel un mimi australien
Funambule nouveau Jean-François Gravelet
dit Blondin franchissant les chutes
du Niagara sur une corde
6 810 000 litres d'eau par seconde
avec un balancier de phrases
chacune équilibrant la périlleuse précédente
dans la contemplation du furieux abîme
Par un repli par un retour une rature
une correction une dissection-démontage
oiseau ajustant tordant ses brindilles
cherchant à construire un nid de silence
pour y accueillir tout frère d'exil
dans le hurlement de l'Histoire
le mur des siècles en flammes et cataracte
J'ai fait un grand détour. J'ai pris l'avion pour franchir la mer, puis atterrir près d'Emmaus, l'un des sites proposés pour Emmaus. Puis après avoir traversé la jeune forêt farcie de tanks à l'abandon, immense émotion à retrouver la ville et son feuillettement de ruines, retrouver, c'est trop dire, trouver enfin la ville que je n'avais pu qu'entrevoir de l'autre côté d'un ravin encombré de parpaings et de barbelés, il y a 28 ans.Trois religions entrelaçant leurs innombrables sectes en des strates de constructions, destructions, pillages autour de rochers à sacrifices et lamentations, envols de prophètes et supplices de messie.
De retour les yeux me tournent comme des rotoreliefs de Marcel Duchamp. Je cuve mon vin de massacres et de psaumes. A quand l'écriture du livre promis?
Je suis poursuivi de coulées de laves comme si toute la Terre n'était plus qu'un volcan. Ma vieille maison fume de solfatares tandis que j'étends douloureusement mes jambes avant d'entreprendre une nouvelle battue dans la jungle embrasée du savoir.
LA RÉVOLUTION DANS L'ARBORETUM
DÉFILÉ DE HAUT RAPIÉCAGE1LE BOURDONNEMENT DE L'ÉTÉ
De brindilles en rameaux envol
de bourgeons en ramures
à tous les étages des bois et sous-bois
dans l'égrenage des gouttes de pluie
dans les trouées des rayons
avec leurs tourbillons de poussières
les gouffres et les souterrains
passages retours les empires
Des insectes luttent furieusement
pour leurs éphémères prééminences
avec leurs antennes chercheuses
mandibules preneuses et mâchoires
broyeuses pattes et griffes yeux à facettes
dards suintant de venin à l'extrémité
des abdomens oscillant autour des tailles étroites
élytres métalliques ailes irisées ocellées
Drapeaux sur les champs de batailles abandonnés
vrombissant dans leur escalade et soudain
retombant dans la fatigue et l'éblouissement
pour retrouver les trésors des sèves
entre humus et graviers miroitement
les délices des nids et couverts
par la même occasion échapper quelque temps
à la voracité des oiseaux
2
LE MIROITEMENT DE L'AUTOMNE
Bassins et terrasses bourdonnement
vitres et piscines avec des architectures
d'aluminium et d'acier parcourues
d'ascenseurs et d'hélicoptères
des couronnes de phares explorent
les voûtes et les corridors les gouffres
et les souterrains tentacules et stalactites
dans les trouées des rayons
Tandis que les centrales répandent
leur électricité par ondes et câbles
dans le tintement des clochers
et les cavalcades sur les claviers
des orgues et des clavecins
passages persistance palpitation
résonance échos délectation
dans les échafaudages ruisselants
Les navires d'argent transparent
ouvrent les valves de leurs reposoirs
pour faire glisser leurs chargements
d'agrumes de nacre et d'alcools
rêvant de plumes et phalanges
martèlement câbles et laques
au long des quais étincelants
dans le velours du crépuscule
3
LE MARTELEMENT DE L'HIVER
Cassure après cassure miroitement
fissure après morsure
brisure après fêlure et brûlure
une trace de pas sur la taïga
sur les claviers des orgues
entre les fantômes des rocs et des toits
de l'autre côté de la fenêtre
ou plutôt des deux côtés à la fois
Le vent balaie pentes et rues
lacs et fleuves pétrifiés rivages
hérissés de tentacules et stalactites
pattes et griffes yeux à facettes
épines et boutons proposant
aux furieux glaneurs en blanc
qui agitent leurs blouses et drapeaux
sur les champs de bataille abandonnés
Ces instruments de chirurgie sommaire
tandis que tombent sur les gongs
les maillets du glas comptabilisant
les victimes et les condamnés
sous les suaires qui s'accumulent
en dépit de tous les craquements
sous les écorces qu'il entrouvre enfin
en envol et palpitations
4
L'ENVOL DU PRINTEMPS
Prenant courage de toutes ses racines
qui aspirent sucs et minéraux
en suspens dans la nappe phréatique
entre humus et graviers martèlement
il cherche à se visser parmi les brumes
encore tout engourdies de rhumatismes
neigeux entre les fantômes des rocs
des réverbères et des maisons
Cherche à les écarter par les efforts
de ses coudes et branches
à les métamorphoser en bourgeons
épines et boutons à tous les étages
à tous les passages des bois et sous-bois
rêvant de plumes et de phalanges
pour nous emporter au-delà des murs
et des horizons grillés par l'école
Vers les vergers promis à nos ancêtres
promis à nos enfances les vergers
océans et nuages vitres et piscines
les écorces flottant avec leurs inscriptions
les vergers du retour du beau temps
du retour de la paix et de l'exploration
les vergers villes et navires
bourdonnement cantates d'immortalité
Revêtus des splendides oripeaux trouvésà tous les coins de nos rues en dérive,
déchirés et rapetassés en tous sens,
les mannequins sibylles de toutes couleurs
déambulent de tenture en voilure
se tenant par leurs doigts enlacés
nous caressent de leurs regards entrecroisés
pour nous faire entendre l'appel du large
1
De fil en aiguille
le trait du pinceau
la femme outremer
parcourant la gamme
lovant les genoux
le bras sous la nuque
le regard penché
sur le bord des lacs
2
Court sur la paroi
le trait du pinceau
lovant les genoux
venu de la Chine
pour dire écriture
et bonne aventure
des vieux talismans
l'alphabet des âges
3
Une déchirure
dans la nuit des temps
court sur la paroi
venu de la Chine
entre les glaciers
le petit cheval
qui cherche fortune
pour cueillir le vent
des vieux talismans
4
L'oiseau des savanes
dans la nuit des temps
entre les glaciers
renvoie le taureau
contre le chasseur
le tissu des jours
envahit la toile
une autre chanson
5
La page d'après
les pieds écartés
l'oiseau des savanes
renvoie le taureau
vers d'autres poursuites
fait gonfler ses plumes
sur le bord des lacs
attend l'empereur
6
Redressant la taille
les pieds écartés
vers d'autres poursuites
ombre fascinante
prenant la relève
des vieux talismans
aux salles obscures
dessins animés
7
Un mot dans la phrase
sortant de sa tente
redressant la taille
ombre fascinante
reine tentatrice
pour cueillir le vent
de l'arbre de science
les pieds écartés
8
Entre les colonnes
sortant de sa tente
reine tentatrice
ombres et rayons
la peinture lente
envahit la toile
jusqu'au précipice
un cri dans la nuit
9
Au livre des siècles
jeune explorateur
entre les colonnes
ombres et rayons
l'oreille aux aguets
l'archer solennel
attend l'empereur
brame doucement
1O
Changement à vue
au jardin d'éden
jeune explorateur
l'oreille aux aguets
yeux écarquillés
le pantin coureur
aux salles obscures
quêtant survivance
11
La route glissante
au jardin d'éden
yeux écarquillés
le couple ancestral
détachant la pomme
de l'arbre de science
avec nos saluts
le voile du temple
12
La roue des saisons
montrant ses ramures
la route glissante
le couple ancestral
perdant ses repères
risque de sombrer
jusqu'au précipice
vertus et métaux
13
Une cicatrice
au milieu des steppes
montrant ses ramures
perdant ses repères
le cerf épuisé
repliant ses jambes
brame doucement
le regard penché
14
Courant sous les nuages
au milieu des steppes
le cerf épuisé
l'élan attaqué
par une panthère
quêtant survivance
et bonne aventure
oriflamme et flamme
15
Marque déposée
le chiffre arc-en-ciel
courant sous les nuages
l'élan attaqué
attrapant des ailes
pour franchir l'espace
avec nos saluts
qui cherchent fortune
16
La femme outremer
le chiffre arc-en-ciel
attrapant des ailes
parcourant la gamme
astres et péchés
vertus et métaux
le tissu des jours
le festin des dieux
et in memoriam Alcofribas Nasier
Face interne :Tel un détective dans un roman je rassemble les nouveaux indices qui viennent de m'être fournis; mais au lieu de les étaler sur une table, je les accroche à des planches fichées autour de mon chantier. J'ai déjà fixé naturellement les précédents sur la clôture qui prend belle apparence. Il me faudra ranger tout cela au moindre signe de pluie. D'abord, pour aujourd'hui, l'indice 18. Il s'agit d'un livre nommé Respiration. J'étale et punaise toutes ses pages, avec les photocopies des versos pour pouvoir les considérer à la fois. A côté une lettre d'accompagnement, une autre sur la vie à Thionville et une carte postale reproduisant la Joconde, légende en français et en japonais.
Le sang de l'Histoire teint toutes ces pages, dégouline et traverse. Le texte est fait pour les panser. Teint toutes ces planches en attirant vampires et charognards, mais en détournant les anges exterminateurs. Ici et là des pactes signés par notre effroi.
Sur la suivante l'indice 19, un livret, exemplaire unique, avec couverture sous papier cristal, contenant la représentation d'un bol ou plutôt d'une énorme tasse, puisqu'il y a une anse qu'on ne peut saisir qu'à pleine main, calice ou graal rempli d'un breuvage noir, philtre à absorber si l'on prétend poursuivre l'enquête. Ne prenant jamais de café, j'ai du mal à tenter l'épreuve. J'essaie à petites gorgées, ce qui me convainc qu'il a la propriété de rendre invisible. Prudence! Mais pour l'instant seuls les cheveux ont disparu. En satellite une petite toile noire tendue sur châssis, avec la trace blanche d'un de mes pas, pour m'encourager à reprendre la route obscure.
Voici maintenant le numéro 20: une carte postale ancienne représentant la place d'armes de Metz du temps de l'annexion allemande. On y voit la garde d'honneur prussienne faire parade au milieu d'une foule peu dense et visiblement peu intéressée. Un tramway amorce un virage. Une main récente a dessiné dans une région libre quatre personnages entourés par un anneau irradiant, avec cette légende: "au centre du cercle des hommes pour la poésie!" Les poëtes disparus sans doute. Un timbre d'artiste en haut à droite déborde sur le verso. C'est lui qui a reçu l'impact du tampon circulaire: "Thionville principal, Moselle 57" avec la date: "O9.O5.94.19h." A sa gauche le timbre officiel célébrant Georges Pompidou, reçoit partie d'un autre tampon, rectangulaire lui, où l'on distingue: "Fête du timbre". L'adresse du destinataire est inscrite sur une bande de papier collée en plein milieu. De l'autre côté d'anciens messages biffés diversement pour laisser place au nouveau. Le timbre allemand de l'époque, Germania 5 pfennig, vert, conserve son tampon circulaire avec la date du 23 juin 1908. Comme le temps passe!
Enfin l'indice 21, ce livre en forme de palissade justement, cequi montre que je suis enfin sur la bonne voie et que je vais pouvoir passer de l'autre côté, accompagné d'une lettre sur papier vert Nil marqué d'une nouvelle trace de pas sang de boeuf, ce qui m'annonce sans doute qu'après avoir absorbé toute la potion, être devenu invisible, je pourrai non seulement marcher sur les eaux, mais y laisser des indices de mon passage. Accompagné aussi d'une carte postale découpée en rond, représentant une palissade encore (mais dans une autre acception), appliquée sur le mur d'un jardin lorrain. Je saute donc ce mur en revenant à la première page, et en feuilletant de l'autre côté je prendrai les planches en sens inverse comme dans un livre japonais.
Face externe :
Mon sang n'a fait qu'un tour. Me voici de l'autre côté de la Terre, aux Antipodes, dans le temple de la dive bouteille. En cette année Rabelais pouvait-on vraiment s'attendre à autre chose? Je dois ajouter qu'à l'intérieur du carton enveloppant ce dernier indice en double exemplaire sur lequel j'écris, emballage que j'ai malheureusement déchiré en l'ouvrant (mais je l'ai restauré tant bien que mal avec du ruban adhésif pour paquets), j'ai trouvé la peinture d'une superbe bouteille noire et lumineuse à la fois.
J'ai donc sauté le mur en revenant à la première page, et je feuillette de l'autre côté, prenant les pages en sens inverse comme dans un livre japonais.
Après le café qui rend invisible, ce doit être le vin qui nous rend visibles à nouveau. Mais jusqu'à quel point? Car n'y aurait-il pas des parties de moi-même déjà invisibles avant l'ingestion de ces quelques gorgées? Que verra-t-on de moi désormais? Outre mon vieux corps, des ailes j'espère, comme celles qu'on attribuait au temps dans les allégories classiques, dont je me doutais si peu que, si je les ai souvent rêvées, je ne les ai jamais essayées. Avec un peu d'expérience et d'art, je pourrais ainsi me sculpter tout autre, en secret bien sûr au début, un secret qu'il ne faudra faire partager que très lentement, très prudemment, un secret pour passer à l'autre siècle, à l'autre millénaire, à la grande cave donnant sur l'espace, au début de l'ivresse enfin.
O Bouteille
pleine toute
de mystères
d'une oreille
je t'écoute
ne diffère
et le mot profère
auquel pend mon coeur
en la tant divine liqueur
Bacchus qui fut d'Inde vainqueur
tint toute vérité enclose
vin tant divin loin de toi est forclose
toute mensonge et toute tromperie
en joie soit l'arche de Noé close
lequel de toi nous fit la temperie
sonne le beau mot je t'en prie
qui me doit ôter de misère
ainsi ne se perde une goutte
de toi soit blanche soit vermeille
O Bouteille pleine toute de mystères
(Cinquiesme Livre)
A votre santé!
Un trapèze couvert par une grille de plomb retenant des morceaux de vitrail s'ouvrant sur des champs labourés, des pampas, des immeubles ou des cornes,avec un triangle peigné par une herse d'écaille retenant des cheveux s'enroulant sur des algues, des lianes, des écheveaux de fils électriques ou des bagues.
Une voile claquant au vent de l'Atlantique au matin parmi les dauphins, exocets et mouettes sous les oriflammes, haubans et nuages,
avec un canot tanguant dans les vagues à son ombre parmi les bouées, échelles et rames sous les bastingages, écoutilles et hublots.
Un vaisseau se vrillant dans l'espace d'orbite en orbite, en écarquillant ses panneaux pour capter l'énergie solaire, assurer non seulement la survie de l'équipage, mais son confort,
avec une navette plongeant dans l'atmosphère de strate en strate, en effilant ses antennes pour dialoguer avec la tour de contrôle, permettant non seulement le transport de la cargaison mais sa croissance.
Un maître à chaussures, chaussettes et pantalon serré par une ceinture, surmonté par gilet, chemise, veston et même cravate, sans oublier lunettes et chapeau de feutre autour d'un peu de peau, autour d'un peu de chair autour d'un peu d'os,
avec un chien à griffes, pattes et poils, serré par un collier attaché à un crochet au bout d'une laisse à poignée tenue dans la main refermée, sans oublier oreilles et museau autour des babines, dents, langue et faim.
Un théorème étincelant de jolis mots venus du grec, illustré de formules et de figures tournant dans leurs coordonnées à l'intérieur d'espaces à dimensions multiples, diaphanes et nacrés,
avec un corollaire assombri d'applications techniques, alourdi d'exemples et de précautions, ahanant dans les bureaux d'études à tables orientables et grinçantes.
Un écusson écartelé de lys, tours, léopards, croix et navires, azur et sable, vair et sinople, surmonté d'un casque à couronne ducale et flanqué d'un lion pétrifié et d'une licorne métallique,
avec une devise chamarrée d'adjectifs, prépositions, adverbes et hyperboles, guillemets et soulignements, gravée en capitales romaines sourcilleuses scandées par des croissants charbonneux et des astérisques glauques.
Un couplet vigoureux, martelé, presque criard pour annoncer victoires, conquêtes, découvertes, l'inauguration d'un muséum ou le lancement d'un programme,
avec un refrain rêveur, mélancolique, presque gracile pour rappeler enfances, deuils, exils, le naufrage des croisades ou la fatigue après l'amour.
Un continent plissé de montagnes, troué de lacs, innervé de fleuves que descendent péniches et sampans sous les ponts des villes qui explosent comme des volcans,
avec une île découpée de rades, hérissée de falaises, rayée de cascades que surplombent rocs et palmiers sur les toits des pavillons recourbés comme des ailes.
Un texte à descriptions et réflexions, précipitations, ralentissements et pauses, ruisselant de paragraphes et d'assonances, d'évocations et résonances, de flammes et d'arbres,
avec un commentaire à notes et traductions, à sourires, interrogations et surprises, moiré de références et prolongements, de rapprochements et d'ouvertures, de parfums et gongs.
Une goutte d'amande tourbillonne dans le torrent des jonquilles. Rubans de virgules. Un éclat. Moire et nacre vibrent dans l'orage des primevères. Rouleaux de signes. On devine à travers le rideau mouvant les murailles d'une Jérusalem à délivrer. Strophes de filins, pointes d'abricot, soupçon de vanille. Le désert tremble. La soie des tempêtes se répand et brûle. Couplets de lignes. Encore! Mangues et chrysanthèmes caressent marbres et jaspes.Miel et résine tombent dans l'averse des géraniums. Rouleaux d'accents. Encore plus! Flaque de fraise, tache de cerise, un éclaboussement. La vitre des trombes fond et embaume. Reliures de lignes. Vaguement se dessinent les enlacements d'Olinde et Sophronie. Couplets de filets. Groseilles et framboises brillent entre émaux et écorces. Refrains de phrases. Le désert sursaute. Un pétale de pêcher clapote sous la douche des roses.
Ruisseau d'angéliques, bassin de menthes. Le désert s'éveille. L'écaille des vapeurs gicle et se balance. Reliures de signes. Encore un peu plus! Pistache et tilleul teignent échos et lichens. Réseaux de phrases. Un éclaircissement. Une touffe de citronnier tourne dans la neige des résédas. Refrains de filons. On aperçoit la forêt magique de Sharon. Envolées de pages. Lave et laine filent dans la brume des passiflores.
L'horizon des falaises sombre et remonte. Réseaux de lignes. On croirait Tancrède poursuivant Clorinde. Rinceaux de pages. Myrtilles et myosotis bouillonnent parmi dunes et brises. Envolées de fêlures. Le désert sourit. Une rivière de raisins dévale dans le miroir des hortensias. Reprises de virgules. Toujours un peu plus! Rochers et braises glissent dans le murmure des cinéraires. Un éclairage; étang de mûres, massif de glycines.
Violettes et clématites fusent parmi velours et failles. Rinceaux de phrases. Une éclaircie. Un fleuve de prunes se précipite dans les reflets des aconits. Rosaces de virgules. Le désert s'anime. Bourdonnements et tintements accompagnent les cristaux des orchidées. Reprises de fibres. En transparence n'est-ce pas Armide qui essaie de retenir Renaud? Litanies d'accents. Mer de cassis, frondaisons de bougainvilliers. Encore et toujours! Perles et gemmes pleurent et plongent.
Un delta de fumée chante dans les regards des narcisses. Rosaces de pages. Perpétuellement océans de cendres et montagnes de thé; un éclair. Sautes et envols éclatent dans les grappes d'arums. Rubans de lignes. Le désert germe. Sifflements et plumes improvisent et respirent. Litanies de ficelles. Voici sans doute les bergers accueillant Herminie. Strophes de lignes. Cafés et lys roulent parmi semis et salves.
On se demande si l'on va rouvrir les yeux. On est dans un mauvais sommeil avec picotements et sursauts. Pas de rêves; des gémissements optiques, des puanteurs acoustiques. Comme un bel et bon cauchemar serait le bienvenu avec ses poursuites et péripéties! On ne sait ni où on est ni qui on est, ni depuis quand cela dure. On voit du blanc. Ce ne peut être qu'un plafond.Quelle heure? On se demande si l'on arrivera jusqu'à demain. Impossible de bouger quoi que ce soit, serré qu'on est comme une momie dans des bandelettes qui vous meurtrissent. Il faudrait qu'un dieu vienne vous ouvrir la bouche. Ici ce sera plutôt une infirmière. En fait, c'est déjà le lendemain. On a fait de vrais rêves avec des dieux égyptiens et des infirmières parisiennes. On ne sait si on a chaud ou froid; on étouffe et frissonne à la fois.
Un instant on a eu le sentiment qu'on était bien dans sa peau, puis on a été roulé dans les draps d'une vague. On se demande si l'on tiendra jusqu'à la semaine suivante. Des gens passent. On devrait les reconnaître. Si l'on ne sait pas encore très bien qui l'on est, eux semblent n'avoir pas le moindre doute à cet égard. Ils vous demandent de vos nouvelles. On voudrait leur en donner. Il y a une horloge dans la chambre et même un calendrier. En fait il y a déjà huit jours. Le menu change; les soins aussi. On vous assoit. Les souvenirs reviennent; les soucis s'en mêlent.
On essaie tant bien que mal de redresser la pile écroulée des projets, mais sans trop y croire, car on se demande si on durera jusqu'à l'an prochain. On se retrouve chez soi. On s'exerce à être le même qu'avant. Voici les meubles presqu'à l'endroit où on les avait laissés. A peine si certains se sont déplacés de quelques centimètres, et encore, ont grandi, raccourci, vieilli. Alourdi, oui certainement tout s'est alourdi. Mais pas tellement au fond, moins qu'on aurait cru. Il faudrait risquer un voyage, murmure l'entourage, vérifier si l'on est capable. On se laisse doucement persuader, mais d'abord se remettre au travail, sans excès, comme par jeu. Il y a déjà plus d'un an. C'est le moment que choisissent les membres de la Faculté pour venir vous dire d'un air goguenard: "vous savez, nous avons préféré ne pas trop vous en parler, mais vous l'avez échappée belle!"
Je me faufiledans la futaie
brisant les ronces
de mon enfance
cueillant les mûres
et les morilles
guettant les plumes
dans les fontaines
parmi cantiques
et narrations
apparitions
miroitements
enluminures
malédictions
embarcadères
pèlerinages
irisations
répercussions
Les chapiteaux
rongés du temps
que la photo
fait remonter
de leur naufrage
avec les treuils
de la lumière
comme trésors
de caravelle
parmi les cendres
et les palmiers
vergues échelles
chiffres sextants
prélude et fugue
damier d'odeurs
dans une crique
au crépuscule
d'adolescence
Saintes offrant
lèvres et seins
martyrs en flammes
rayons de sang
entraînés par
la sarabande
rustre et savante
amère et douce
nymphes satyres
monstres démons
arcs et hautbois
casques dentelles
rinceaux guirlandes
aveux soupirs
princes bergères
ondulations
reconnaissances
la bête et l'ange
Arrachement
à chaque pas
de mes racines
enchevêtrées
parmi coquilles
gravats et mousses
flaques de vin
sur les carreaux
empreintes vives
sur les tuyaux
gamme en roseaux
démangeaisons
gémissements
alléluias
sèves perlant
aux échancrures
plaies dans la peau
d'espoirs anciens
Au seuil de ce palace à mille chambresenroulables et feuilletables
qu'édifient inlassablement
mes crayons suaves
Je scrute vos regards chers invités
pour décrocher dans ma conciergerie
la clef qui convienne à vos capacités
avec services personnalisés
Vous faire glisser le long des corridors
menant aux ascenseurs d'annales
avec vos placards et miroirs d'oublis
où vous recevront vos propres fantômes
PASSAGER CLANDESTIN DANS LA BARQUE DES DIEUX
HENRI L'OISELEUROn croyait l'avoir quitté à Parisvoici qu'on l'identifie dans une tombe
ensablée donnant sur la vallée
maintenant gorgée de béton
On le croyait sage dans sa vitrine
dégagé de ses bandelettes
il vient de se lever de son sarcophage
ouvrant les yeux sur un monde méconnaissable
On pourrait croire tout transformé pourtant
c'est toujours le temps de la captivité
naviguant aux échos douteux de l'ancien langage
son regard est à la recherche de son regard
Espiègle dans les plis des rideauxtransformant les planches en nuages
il emmène tous les rats de la ville
pour les faire planer dans les chants
Les yeux partout l'oreille au guet
depuis la terrasse de l'embarcadère
au bord du golfe où naufragea
le petit empereur entre deux îles
Ariel devenant Prospero
Merlin l'enchanteur électronicien
invite les infants de Saba
aux vertiges des caravanes harmoniques
Les arcs jumeaux sur la mer vernielavée de son écume après la naissance
ou plutôt le jaillissement de la séductrice
annoncent l'ouverture d'une saison nouvelle
Qui s'insinue à la fin de septembre
entre le soir du 21 et la matinée du 22
une boucle dans l'équinoxe
trois mois supplémentaires de vacances
Pour graver sur le sable des plages italiennes
des congrès de gastéropodes et d'oiseaux
que les grandes marées emporteront dans leurs caresses
jusqu'aux ivresses multipliées par la valse des millénaires
VERTIGINEUSES BERGERIESKilomètre 22: la factureSection 23: la partition
Station 24: l'instant présent
Mouvement 25: le refus
Piste 26: les caractères
LA CORSE AUX TRÉSORSBêlements au pied des glaciersboucles de toisons accrochées
aux griffes des genévriers
cloches dans toutes les saisons
Echos d'une vallée à l'autre
pâturages de trèfles noirs
précipitation de cyprès
dans les pierriers retentissants
Aux officines des abbayes
on distille des élixirs
pour réchauffer les égarés
loin de leurs stations à bastringue
Les chiens rassemblent les troupeaux
contournant les blocs erratiques
tandis que tournoient les derniers
vautours maintenant protégés
Les relais de télévision
se renvoient d'un sommet à l'autre
les rengaines transatlantiques
les folies des gouvernements
Fredonnant les refrains d'antan
on interroge les tarots
sur le temps qu'il fera demain
et les humeurs des séduisantes
En Corse vous aimerez Ajaccio et son port, Bonifacio et ses falaises, avec les souvenirs des expositions parisiennes au passage: chaises trouées débordant de graisse et cercueils de feutre,les roches rouges, rousses, roulantes des calanches de Piana, et les aiguilles de Bavella,
l'îlot du Grain de sable aperçu depuis le chemin pédestre du Campo Romanello vers le phare de Pertusato, après avoir dégusté un cassis à l'auberge de la Scala, Sartène et sa place,
la facture du 12 avril 1895, due par l'institutrice de Feliceto à Monsieur Costa, épicier-restaurateur à l'Ile-rousse, pour la fourniture de riz, eau-de-vie, savon, sucre, farine, café avec maint repas, Corte, sa citadelle et le hasard de ses rues,
(Puisque vous avez pénétré jusqu'à notre repaire, voici l'un de nos secrets. Dessinez sur la partie libre de cette feuille une carte de Corse avec mention de tous les lieux cités dans le texte. Vous joindrez ceux-ci deux par deux, ce qui vous donnera un idéogramme. En épuisant les possibilités vous obtiendrez un alphabet que vous reconnaîtrez un jour sur une inscription qu'il vous faudra déchiffrer sous peine d'amnésie. Mais ne vous inquiétez pas outre-mesure; des anges hyperlinguistes viendront à votre secours. Cela devrait vous conduire naturellement vers d'autres trésors.)
le trou et le galet correspondant à l'intérieur du panorama vétuste de Vigianello, Cargèse et ses deux églises,
les îles Sanguinaires avec les plumes de leurs oiseaux, la fameuse vallée de la Restonica,
le dessin minutieux d'un four de fabrication anglaise (mais l'image provient d'un ouvrage allemand) pour la normalisation des tôles fines et d'un autre à recuire les tôles fines en caisses avec deux chambres de combustion pour chauffage par dessous, envoyé par l'ancêtre du télécopieur, le lac de montagne Melo, la cascade des Anglais et celle du Voile de la mariée qui fait rêver à celle de la rivière Niagara, ou dont rêvent certains en voyage de noces à Niagara Falls,
Le morceau de revêtement de sol, incorporé à la couverture de cet ouvrage, fibreux, noir comme s'il s'agissait de donner au local l'apparence d'une tourbière, la forêt de Zonza, et le sentiment d'être loin de Thionville où il faudra pourtant prochainement revenir, mais avec un coffre plein d'indices pour d'autres trésors encore.
1) -Au secours! - Pierre. -Ne me fuyez pas! -Une flamme. -J'erre. -La flaque. -Un horizon de trous. - Précipices. -Vivre. -Des couteaux. -Silence. -Les yeux. -Ne m'abandonnez pas!2) -Allo! -Eclair. -Gifle. -Ne me laissez pas! -Un trou. -Je cherche. -Le précipice. -Un océan de couteaux. -Yeux. -Mourir. -Des bouteilles. -Solitude. -Les revolvers.
3) -Ne vous éloignez pas! -Rouge. -Orage et abîme. -Ne m'oubliez pas. -Un précipice. -Un couteau. -Je marche. -L'oeil. -Un désert de bouteilles. -Revolvers. -Guérir. -Des mains.
4) -Murmure. -Les oreilles. -Ne m'oubliez pas! -Noir. -Chaîne et menace. -Ne me trahissez pas. -Un couteau et un oeil. -Je nage. -La bouteille. -Une fatalité de revolvers. -Oreilles.
5) -Finir. -Des cordes. -Hantise. -Les plumes. -Ne m'ignorez pas! -Ne me tuez pas! -Pair. -Fièvre et angoisse. -Nausée. -Ne me videz pas! -Une bouteille et un revolver.
6) -Je rampe. -L'oreille. -Un incendie de cordes. -Plumes. -Vieillir. -Des portes. -Agitation. -Les lucarnes. -Ne me tourmentez pas! -Ne me torturez pas! -Impair. -Récif et roulis.
7) -Acide. -Ne me lâchez pas! -Un revolver et une oreille. -Je glisse. -Je descends. -La corde. -Une inondation de plumes. -Portes. -Payer. -Des lucarnes. -Bruit. -Les poteaux.
8) -Ne me trompez pas! -Ne m'endormez pas! -Passe. -Naufrage et gargouillis. -Inflammation. -Ne me blessez pas! - Une oreille et une corde. -Je monte et je plane. -La plume. -La porte.
9) -Une tempête de lucarnes. - Poteaux. -Vendre. -Des barques. -Foule. -Les grilles. -Ne m'écrasez pas! -Ne m'exploitez pas! -Manque. -Banquise et blizzard. -Fureur. -Ne m'asservissez pas!
10) -Une corde et une plume. -Une porte. -Je tourne. -J'ai chaud. -La lucarne et le poteau. -Une éruption de barques. -Grilles. -Montrer. -Des murs. -Foudre. -Les tuiles.
11) -Ne m'écorchez pas! -Ne m'écartelez pas! -Au secours! -Tunnel et miasme. -Crise. -Ne m'enterrez pas! -Une plume et une porte. -Une lucarne. -J'ai froid. -J'attends.- Le poteau.
12) -La barque. -Une épidémie de grilles. -Un écroulement de murs. -Tuiles. -Voir. -Des ardoises. -Grouillement. - Les lèvres. -Ne m'ensevelissez pas! -Ne me perdez pas!. -Allo! -Puits et ruissellement.
13) -Tourmente. -Epouvante. -Ne m'égarez pas! - Une lucarne et un poteau. -Une barque. -J'ai faim. -J'ai mal. -La grille et le mur. -Un labyrinthe de tuiles. -Une prison d'ardoises. -Lèvres.
14) -Entendre. -Des chevelures. -Cataclysme. -Les seringues. -Ne me fourvoyez pas! -Ne m'empoisonnez pas! -Rouge. -Egout et verrou. -Donjon avec treuil. -Ne m'asphyxiez pas! -Un poteau.
15) -Une barque et une grille. -J'ai sommeil et je craque. -Le mur et la tuile.-Un horizon d'ardoises avec un océan de lèvres. -Chevelures. -Seringues. -Parler. -Une aiguille. -Chaos.
16) -La roue. -Ne m'enfumez pas! -Ne me brûlez pas! -Noir. -Souterrain et barreau. -Fosse avec cadavre. -Ne me lacérez pas! -Une barque et une grille. -Un mur. -Je meurs.
17) -Je rêve. -La tuile et l'ardoise. -Un désert de lèvres avec une fatalité de chevelures. -Seringues et aiguilles. -Peindre. -Dénoncer. -Des roues. -Accalmie. -Les arbres. -Ne me crevez pas!
18) -Ne vous détournez pas! -Pair. -Echarde et sanie. -Styx avec chimère. -Ne me vomissez pas! -Une grille et un mur. -Une tuile. -Je délire et transpire.-L'ardoise.
19) -La lèvre. -Un incendie de chevelures avec une inondation de seringues. -Aiguilles et roues. -Garder et veiller. -Des arbres. -Des vitres. -Silence. -Les crevasses. -Ne me noyez pas! -Ne m'enfouissez pas!
20) -Impair. -Malaise et crochet. -Ravine avec fauve. -Ne m'étranglez pas! -Ne m'enfermez pas! -Un mur et une tuile. -Une ardoise. -Je tombe et tremble. -La lèvre.
21) -La chevelure. -Une tempête de seringues avec une éruption d'aiguilles. -Roues et arbres. -Ecouter et sentir. -Des vitres et des crevasses. -Solitude. -Les plaies. -Ne me jugez pas! -Ne m'inculpez pas!
22) -Passe. -Malchance et échec. -Cratère avec vautour. -Ne m'effacez pas! -Ne m'éliminez pas! -Une tuile et une ardoise. -Une lèvre. -Je sombre et coule. -La chevelure.
23) -La seringue et l'aiguille. -Une épidémie de roues avec un écroulement d'arbres. -Vitres. -Crevasses. -Oser. -Insister. -Des plaies et des croûtes. -Murmure. -Les escaliers. -Ne m'infectez pas!
24) -Ne m'injectez pas! -Manque. -Horreur et évasion. -Fissure avec marais. -Ne me jetez pas! -Ne m'expulsez pas! -Une lèvre et une chevelure. -Une seringue. -Je frissonne et gèle.
25) -L'aiguille et la roue. -L'arbre. -Un labyrinthe de vitres avec une prison de crevasses. -Plaies et croûtes. -Ouvrir et fermer. -Des escaliers et des glas. -Hantise. -Les déchirures.
26) -Les cendres. -Ne m'extradez pas! -Ne me broyez pas! -Au secours! -Panique et tentative. -Monstre avec griffe. -Ne me brisez pas! -Ne m'arrachez pas! -Une chevelure et une seringue. -Une aiguille.
27) -Une roue. -Je me fendille et sue. -L'arbre et la vitre. -La crevasse. -Un horizon de plaies avec un océan de croûtes. -Escaliers et glas. -Ecrire et donner. -Des déchirures.
28) -Des cendres. -Agitation. -Les poussières et les ordures. -Ne m'extirpez pas! -Ne m'étouffez pas! -Allo! -Abomination et alarme. -Grimace avec loque. -Ne me liquidez pas! -Ne m'exterminez pas!
29) -Une seringue et une aiguille. -Une roue avec un arbre. -Je claque et clapote. - La vitre et la crevasse. - La plaie. -Un désert de croûtes avec une fatalité d'escaliers. -Glas et déchirures.
30) -Aimer et délivrer. -Des cendres et des poussières. -Bruit. -Les ordures et les affiches. -Ne me fuyez pas! -Ne m'abandonnez pas! -Rouge. -Catastrophe et infection. -Fouet.
31) -Dard. -Ne me laissez pas! -Ne vous éloignez pas! -Une aiguille et une roue. -Un arbre avec une vitre. -Je me brouille et je tente. -La crevasse et la plaie. -La croûte. -Un incendie d'escaliers.
32) -Une inondation de glas. -Déchirures et cendres. -Multiplier et naître. -Des poussières et des ordures. -Foule. -Foudre. -Les affiches et les voitures. -Ne m'oubliez pas! -Ne me trahissez pas!
33) -Noir. -Fatigue et contamination. -Massue avec épine.- Roue. -Ne m'ignorez pas! -Ne me tuez pas! -Un arbre et une vitre. -Une crevasse avec une plaie. -Je ruse.
34) -J'échoue. -La croûte et l'escalier. -Le glas. -Une tempête de déchirures avec une éruption de cendres. -Poussières et ordures. -Renaître. -Expliquer. -Des affiches et des voitures. -Grouillement.
35) -Cataclysme. -Les coups et les sifflements. -Ne me videz pas! -Ne me tourmentez pas! -Pair. -Dégoût et corruption. -Echafaud avec billot-. -Arbre. -Ne me torturez pas. -Ne me lâchez pas!
36) -Ne me trompez pas! -Une vitre et une crevasse. -Une plaie avec une croûte. -Je rate et j'appelle. -L'escalier et le glas. -La déchirure. -Une épidémie de cendres avec un écroulement de poussière. -Ordures.
37) -Affiches.- Découvrir. -Voyager. -Des voitures et des coups. -Chaos puis accalmie. -Les sifflements et les enclumes. -Ne m'endormez pas! -Ne me blessez pas! -Impair. -Impossibilité.
38) -Poing et pilori. -Gouffre avec vitre. -Ne m'écrasez pas! -Ne m'exploitez pas! -Ne m'asservissez pas! -Une crevasse et une plaie. -Une croûte avec un escalier. -Je hurle et fuis.
39) -Le glas et la déchirure. -La cendre. -Un labyrinthe de poussière avec un écroulement d'ordures. -Affiches et voitures. -Vivre. -Mourir. -Des coups et des sifflements. -Silence puis solitude.
40) -Les enclumes et les poutres. -Ne m'écorchez pas! -Ne m'écartelez pas! -Passe. -Impasse et potence. -Fournaise avec fourche. -Crevasse.- Ne m'enterrez pas! -Ne m'ensevelissez pas! -Ne me perdez pas!
41) -Une plaie et une croûte. -Un escalier avec une déchirure. -Je cours et manque. -La cendre et la poussière. -L'ordure. -Un horizon d'affiches avec un océan de voitures. -Un désert de coups. -Sifflements.
42) -Enclumes. -Guérir. -Finir. -Des poutres et des nuages. -Murmure puis hantise. -Les pluies et les neiges. -Ne m'égarez pas! -Ne me fourvoyez pas! -Manque. -Rebuffade.
43) -Braise et poursuite. -Déliquescence avec plaie. -Ne m'empoisonnez pas! -Ne m'asphyxiez pas! -Ne m'enfumez pas! -Une croûte et un escalier. -Un glas avec une déchirure. -Je crie et murmure.
44) -Je souffle. -La cendre et la poussière. -L'ordure. -Un désert d'affiches avec une fatalité de voitures sur un incendie de coups. -Sifflements et enclumes. -Poutres. -Vieillir. -Payer. -Des nuages.
45) -Des pluies. -Agitation puis bruit. -Les neiges et les grêles. -Ne me brûlez pas! -Ne me lacérez pas! -Au secours! -Insulte et humiliation. -Lèpre avec amputation. -Croûte.
46) -Ne me crevez pas! -Ne vous détournez pas! -Ne me vomissez pas! -Un escalier et un glas. -Une déchirure avec une cendre. -Je souffre et sursaute. -Je palpite. -La poussière et l'ordure. -L'affiche.
47) -Une inondation de voitures avec une tempête de coups sur une éruption de sifflements. -Enclumes et poutres. -Nuages. -Vendre. -Montrer. -Voir.- Des pluies et des neiges. -Foule puis foudre.
48) -Les grêles et les suies. -Ne me noyez pas! -Ne m'enfouissez pas! -Allo! -Injure et invective. -Fracture avec tumeur. -Escalier. -Ne m'étranglez pas! -Ne m'enfermez pas! -Ne me jugez pas!
49) -Un glas et une déchirure. -Une cendre avec une poussière. -Une ordure. -Je crache et râle. -Je grésille. -L'ordure et l'affiche. -La voiture. Une épidémie de coups avec un écroulement de sifflements sur un labyrinthe d'enclumes.
50) -Poutres et nuages. -Pluies. -Entendre. -Parler. -Peindre. -Des neiges et des grêles. -Des suies. -Grouillement puis cataclysme. -Les sangs.
51) -Les morves. -Ne m'inculpez pas! -Ne m'effacez pas! -Rouge. -Mensonge et ulcère. -Ruine avec caveau. -Glas. -Ne m'éliminez pas! -Ne m'infectez pas! -Ne m'injectez pas! -Une déchirure.
52) -Une cendre et une poussière. -Une ordure. -Je bouillonne et je me craquelle. -Je vire. -L'affiche et la voiture. -Le coup. -Une prison de sifflements avec un horizon d'enclumes sur un océan de poutres. -Nuages.
53) -Pluies et neiges. -Dénoncer. -Garder. -Veiller. -Des grêles et des suies. -Des sangs. -Chaos puis accalmie. -Les morves et les crasses. -Les graisses.
54) -Ne me jetez pas! -Ne m'expulsez pas! -Noir. -Traquenard et cyclone. -Séisme avec exode. -Déchirure. -Ne m'extradez-pas! -Ne me broyez pas! -Ne me brisez pas! - Une cendre et une poussière.
55) -Une ordure avec une affiche. -Je cuis et désespère. -Je recommence. -La voiture et le coup. -Le sifflement. -Un désert d'enclumes avec une fatalité de poutres sur un incendie de nuages. -Pluies et neiges.
56) -Grêles. -Ecouter. -Sentir. -Oser. -Des suies et des sangs. -Des morves. -Silence puis solitude. -Les crasses et les graisses. -Les pétroles. -Ne m'arrachez pas!
57) -Ne m'extirpez pas! -Ne m'étouffez pas!- Pair. -Impair. -Piège et secret. -Choc avec élongation. -Cendre. -Ne me liquidez pas! -Ne m'exterminez pas! -Ne me fuyez pas! -Une poussière.
58) -Une ordure et une affiche. -Une voiture. -J'arrête. -Je titube. -Je plonge. -Le coup et le sifflement. -L'enclume. -Une inondation de poutres avec une tempête de nuages sur une éruption de pluie. -Neiges.
59) -Grêles et suies. -Insister. -Ouvrir. -Fermer. -Des sangs et des morves. -Des crasses. -Murmure puis hantise. -Les graisses et les pétroles. -Les rouilles.
60) -Ne m'abandonnez pas! -Ne me laissez pas! -Ne vous éloignez pas!. -Passe. -Manque. -Trappe et grondement. -Honte avec frayeur. -Poussière. -Ne m'oubliez pas! -Ne me trahissez pas! -Ne m'ignorez pas!
61) -Une voiture et un coup. -Un sifflement et une enclume. -Une poutre. -Je disparais. -Je m'évanouis. -Je renonce. -Le nuage et la pluie. -La neige. -Une épidémie de grêle.
62) Un écroulement de suie sur un labyrinthe de sang. -Morves et crasses. -Graisses. -Ecrire. -Donner. -Aimer. -Des pétroles et des rouilles. -Des éclairs.
63) -Agitation puis bruit. -Les orages et les chaînes. -Les fièvres. -Ne me tuez pas! -Ne me videz pas! -Ne me tourmentez pas! -Au secours! -Allô! -Fatigue et dégoût. -Impossibilité.
64) -Impasse et rebuffade. -Ne me torturez pas! -Ne me lâchez pas! -Ne me trompez pas! -Une insulte et une injure. -Un mensonge et un traquenard. -Un piège. - J'erre. -Je cherche. -Je marche.
65) -La pierre et la flamme. -La flaque. -Une prison de trous avec un horizon de précipices sur un océan de couteaux. -Yeux et bouteilles. -Revolvers. -Délivrer.
66) -Multiplier. -Naître. -Des mains et des oreilles. -Des cordes. -Foule puis foudre. -Grouillement. -Les plumes et les portes. -Les fenêtres. -Ne m'endormez pas! -Ne me blessez pas!
67) -Ne m'écrasez pas! -Noir. -Pair. -Poteau et barque. -Grille avec mur. -Tuile. -Ne m'exploitez pas! -Ne m'asservissez pas! -Ne m'écorchez pas! -Une ardoise et une lèvre.
68) -Une chevelure et une seringue. -Une aiguille. -Je nage. -Je rampe. -Je glisse. -La roue et l'arbre. -La vitre. -Un désert de crevasses avec une fatalité de plaies.
69) -Un incendie de croûtes. -Escaliers et glas. -Grincements. -Renaître. -Expliquer. -Découvrir. -Des déchirures et des cendres. -Des poussières. -Cataclysme puis chaos.
70) -Accalmie. -Les ordures et les affiches. -Les voitures. -Ne m'écartelez pas! -Ne m'enterrez pas! -Ne m'ensevelissez pas! -Impair. -Passe. -Manque. -Coup et sifflement. -Enclume.
Une ombre de peintre avec une ombre de pinceau trace une ombre d'image sur une paroi qui n'en était pas vraiment une d'où s'écoulent maintenant des ruisseaux de vraie peinture sur un vrai mur puis un vrai plancher jusqu'à un vrai peintre qui jusqu'à présent n'était pas bien sûr d'en être un.
Dans nos galeries de la maison du livre sise en la cité, vous pourrez trouver en permanenceUne Montagne Sainte-Victoire découverte dans une accumulation de boules de Jean-Luc Parant
Trois animaux vivants: vache, coq et chien
Une empreinte de girafe avec une fusée interplanétaire en enfance
Une autre Montagne Sainte-Victoire à Majorque avec le profil d'un ermite
Sans compter tous les articles exposés habituellement dans ce genre de galeries
ÉMANATION SUR LA PLAGE DE GARBET
L'écume, toujours l'écume, et toujours celle qui naît de l'écume et qui nous attire dans ses tourbillons d'écume parmi rochers ferrugineux, algues, bois flottés, polis, déchiquetés, chevelures, dépôts salins, qui naît de l'écume provoquée par la rencontre avec la côte brave et tendre, comme Eve qui naquit de la poitrine du premier homme à l'intérieur du paradis que nous cherchons depuis toujours à travers elle.Les flots, toujours les flots, et toujours celle qui naît des flots et qui nous poursuit dans le resserrement de ses flots parmi récifs rugueux, ravins, épaves rouillées, éventrées, écartelées, nappes, roues ocellées, qui naît des flots répercutés par le déroulement des sables gris et ambre comme Danaë qui reçut Jupiter dans sa geôle en pluie d'or et libération.
Les nuages, toujours les nuages, et toujours celle qui naît des nuages et qui nous fascine dans les illuminations de ses nuages parmi frondaisons rousses, défilés, buissons ardents, inondés, mouvants, falaises, tours crénelées, qui naît des nuages bouleversés par l'éclatement de la foudre sinistre et salvatrice comme Sémélé qui engendra Dionysos dans l'embrasement de l'Olympe.
Les fibres, toujours les fibres, et toujours celle qui naît des fibres et qui nous enlace dans l'entrecroisement de ses fibres parmi velours brochés, cotons, dentelles nouées, rebrodées, perlées, rubans, soies damassées, qui naît des fibres secouées par la vibration du métier incrusté de nacre et d'argent comme Pénélope qui ne défaisait pas, mais repliait et cachait soigneusement son travail du jour en l'attente d'Ulysse.
Les écailles, toujours les écailles, et toujours celle qui naît des écailles et qui nous séduit dans les irisations de ses écailles parmi coquilles flammées, anémones, poissons rayés, veinés, échevelés, astéries, crustacés au guet, qui naît des écailles agitées par la palpitation de la nage poursuivante et poursuivie comme Mélusine dans sa fontaine en communication avec le grand large.
Les yeux, toujours les yeux, et toujours celle qui naît des yeux et qui nous baigne dans les larmes de ses yeux parmi paupières ciliées, sourcils, lèvres incarnadines, sinueuses, pulpeuses, tempes, oreilles attentives, qui naît des yeux tendus dans l'observation des flux caressants ou furieux comme Galatée surprise par le cyclope jaloux Polyphème, assistant à la métamorphose effroyable d'abord puis interminablement délicieuse de son amant le berger Acis en fleuve tumultueux et miroitant, alors que ses soeurs néréïdes célèbrent son retour parmi elles en liesse d'éclaboussures et cavalcades.
Les ombres, toujours les ombres, et toujours celle qui naît des ombres et qui nous emporte dans les profondeurs de ses ombres parmi demeures enfumées, tombeaux, chambres chaudes, sombres, hantées, roseraies, terrasses lunaires, qui naît des ombres qui s'allongent dans le basculement progressif de l'après-midi laborieuse ou voyageuse comme Eurydice découvrant le regard d'Orphée qui l'oblige à marier les enfers au ciel au lieu de seulement les abandonner.
PLANÉTARIUM ZIGGURATLe prince retrouve la bergèreici voix fraîches
la reine invite le jardinier
là odeurs tendres
Maintenant fontaines chantantes
le satyre poursuit la nymphe
bientôt ombres propices
l'ange écoute la musicienne
Plus loin le dragon salue la chimère
ailleurs le dragon reçoit la licorne
plus tard le centaure accompagne la sirène
le lendemain le fantôme accueille l'ermite
Oiseaux valseurs couleurs suaves
prés ondoyants caresses vives
miroirs secrets échos rieurs
nuages nacrés vergers brumeux
Doucement le roi reconnaît l'étrangère
passionnément la princesse embrasse l'aventurier
appels le marin suit la cuisinière
zéphyrs le cavalier séduit la nonne
Navires pavoisés cavernes lumineuses
la salamandre entretient le phénix
escaliers multiples plages marbrées
l'hippogriffe emporte l'enchanteresse
Echos rieurs torches oiseaux valseurs
l'instituteur émerveille l'héritière
vergers brumeux moirures prés ondoyants
l'astronaute enlève la pharmacienne
Délicatement fontaines chantantes
le centaure accompagne la sirène
respectueusement ombres propices
l'ange écoute la musicienne
Plus loin navires pavoisés
le prince retrouve la bergère
ailleurs escaliers multiples
la reine invite le jardinier
...
Véga croise Sirius salue Procyon au zénith une flamme aiguillonne AldébaranUn séraphin précède un trône éclipse une vertu à l'orient une fumée récompense un ange
Uranie dépasse Erato bénit Calliope au nadir un nuage inspire Melpomène
Mercure poursuit la Terre courtise Jupiter au ponant l'anneau découvre Pluton
Le velours tombe sur la scène poussiéreuseoù les acteurs épongent leur transpiration
Les spectateurs applaudissent à tout rompre
en commençant à rassembler leurs affaires
Les vedettes viennent saluer avec des sourires
les machinistes regardent leurs montres
Toute la troupe s'incline parmi les fleurs
voici même l'auteur et le décorateur
Le bruit se calme les rangées se vident
la hâte et les soucis reviennent
La lumière baisse la rampe s'éteint
on se bouscule aux vestiaires
Quelques attardés rêvent sous les lustres
en boutonnant leur pardessus
Il ne reste que quelques lueurs pour les balayeuses
puis seulement le grignotement des souris
On est pris en ouvrant par une odeur d'ancienpresque décrépitude et même fermentation
on n'aurait jamais cru que tant d'emballages
notes ficelles boutons planchettes et crayons
se seraient accumulés cela fait donc tant d'années
non que l'on n'avait pas ouvert
mais qu'on n'avait pas regardé
On n'aurait jamais cru que tant de métissages
se seraient produits entre ces écartés
pas entièrement exclus pas jetés ni brûlés
mais mis en réserve pour un emploi
ou un examen ultérieur qu'une telle jungle
aurait proliféré avec ses lianes et fantômes
avec ses bourdonnements et batteries
On n'aurait jamais cru que les mâchoires s'ouvriraient
malaxant haleines écorces venins et semences
autour de cet étang dans la clairière
où soudain nous apercevons notre visage
émerveillé traqué cherchant le chemin du retour
avec une récolte de pépites et de récits
notre autre familier que nous avions perdu
Derrière moi les entrelacsdes arrestations et supplices
ruminations germinations
dans les cénotaphes royaux
Devant moi les gens font la queue
sous la tyrannie de l'horloge
pour sauter dans le bon trolley
qui les passe au siècle prochain
Dans mes yeux le clignotement
du sommeil durant dans l'éveil
battement d'hier à demain
car tous les Ages sont moyens
Les vagues du siècle moribondSommanire n° 6 :déferlent sur les récifs
en trombes tonitruantes
et dans les criques la corruption
amalgame ses ingrédients
épaves de naufrages d'antan
ou de pique-niques d'hier
emballages restes seringues
transformant les terrains de jeux
en foyers de peste
Les allers-retours de l'ordure
politiciens papiers souillés
traversent parfois l'immensité
de l'inquiète mer atlantique
tandis que nous nous apprêtons
à doubler le cap des 2000
tempêtes mais en maintenant
quelque peu de bonne espérance
bien qu'il soit dépourvu de tout
phare pour éclairer nos passes
Cependant aux écrins profonds
tapissés d'algues mordorées
mûrissent comme de vieux vins
les écailles de notre Histoire
tessons caressés retournés
creusés rainurés satinés
comme par les sables des déserts
archéologiques mais roulés
par les tourbillons lents moirés
des crustacés et des poissons
Par les faufilements prudents
des plongeurs en quête d'amphores
en quête des moindres indices
pour reconstituer les sentiers
des ancêtres contrebandiers
l'un après l'autre se dessinent
dans les cycles entrecroisés
les sceaux visant nos passeports
pour survivre à la traversée
des frontières ensanglantées
PARADIS BLANC
LE MATIN A LUCINGES
AU PIED DU MUR
LA SEMAINE DES VERS LUISANTS
INDICE
AU DÉPOURVU
RESPIRATION
LA RÉVOLUTION DANS L'ARBORETUM
DÉFILÉ DE HAUT RAPIÉCAGE
PALISSADE
SATELLITES GALBÉS
LES SAVEURS DE LA PLUIE
CONVALESCENCE
COLONNES
LE MAITRE D'HOSPITALITÉ
PASSAGER CLANDESTIN DANS LA BARQUE DES DIEUX
HENRI L'OISELEUR
LE DÉDOUBLEMENT DU BEAU TEMPS
QUELQUES PAS
VERTIGINEUSES BERGERIES
LA CORSE AUX TRÉSORS
LIGNE D'URGENCE
FRAICHEUR ARDENTE (indice 35)
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JEUX D'ÉTERNITÉ
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RIDEAU
AU FOND DU TIROIR LE MIROIR
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CUEILLI SUR LA PLAGE