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Poésie au jour le jour 23b

(enregistré en juillet 2013)

Sommaire



VÉNÉRATION-HANTISE
(Le Caire)
 
 

Je me souviens des rayons du Soleil
qui traversaient les nuages de poussière
tandis que les gamins se faufilaient
entre les autobus et les camions
pour apporter des plateaux de café
avec une folle dextérité
dans une échoppe de l’autre côté
du boulevard hurlant et souriant

Tout cela s’est inscrit dans mes neurones
avec son arrière-plan de momies
d’or de pyramides et de mosquées
fleuries de haut-parleurs tonitruants
invitant à la prière du soir
si bien que maintenant où que je sois
la moindre allusion ou information
fait battre mon coeur de souci pour eux

Ville paradoxale au confluent
non seulement des siècles et cultures
mais du désert et de l’habitation
de l’enfance la vieillesse et la mort
nos voyageurs qui se sont succédé
depuis des siècles pour interroger
ta rumeur d’oracles tous ont laissé
leurs kas dans tes rues pour te célébrer


 
 
 
 

REGARDS ENTRE LES BRANCHES

pour Axel Cassel

 
1
 Une goutte de pluie tombe sur un bourgeon qui se forme, une vague, un rayon de soleil sur un bourgeon qui s’ouvre, un bouton se forme, une palme, une goutte de bave sur une feuille qui se déplie, un bouton s’ouvre, un oiseau passe, un roseau, un reflet de soleil sur une feuille qui s’épanouit, une fleur se déplie, un oiseau crie, la peau squameuse d’un homme qui dort, une liane, un lambeau d’arc-en-ciel sur une feuille qui tombe sur un bourgeon qui se forme, une fleur s’épanouit, un oiseau se pose, les cheveux laineux d’un homme qui s’éveille, la peau souple d’une femme, une porte par où se glisser.
 

2
 Une goutte de boue sur un bourgeon qui s’ouvre, un pétale tombe sur une feuille qui se déplie, un fruit se forme, un oiseau s’envole, le nombril proéminent d’un homme qui veille, les cheveux laineux d’une femme qui s’éveille, la peau couturée d’un vieillard, une ligature, un éclat de soleil sur une feuille qui s’épanouit, un fruit mûrit, une mouche, les dents jaunes d’un homme qui écoute, le nombril délicat d’une femme qui s’affaire, les rares cheveux laineux, la peau ridée d’une vieille les yeux pleins de pluie.
 

3
 Une caresse d’arc-en-ciel sur une feuille qui tombe sur un bourgeon qui se forme, un fruit s’ouvre, une mouche bourdonne, les ongles rayés d’un homme qui guette, les dents polies d’une femme qui écoute, le nombril compliqué, les replis du ventre d’une vieille, la peau douce d’un enfant qui dort, une vague, la mort qui rôde, une éclaboussure, une alerte, l’odeur humaine, un étranger.
 

4
 Une goutte de sueur tombe sur un bourgeon qui s’ouvre, une graine qui tombe sur une feuille qui se déplie, germe, une mouche sur le sexe gonflé d’un homme qui transpire, les ongles luisants d’une femme qui guette, les rares dents branlantes, les seins séchés d’une vieille qui marmonne, les cheveux laineux d’un enfant qui s’éveille, les poissons qui filent entre les doigts, un conciliabule, un repas.
 

5
 La peau délicieuse d’un bébé qui tète un peu de lait dont une goutte tombe sur une feuille qui s’épanouit, une racine rampe, une mouche au coin des paupières, les cicatrices d’un homme qui tremble, le sexe huileux d’une femme qui transpire, les ongles cassés d’une vieille, le nombril charmant d’un enfant qui joue, le toit, les rares petits cheveux laineux d’un bébé qui tète un peu de lait dont une goutte tombe sur une feuille qui tombe sur un bourgeon qui se forme, une racine s’enfonce, un moustique fureteur sur le pagne crasseux d’un homme qui tombe sur un bourgeon qui s’ouvre.
 

6
 Un bouton se forme, un moustique bourdonne devant les ornements somptueux d’un blessé qui souffre, les cicatrices d’une femme qui tremble, le sexe vide d’un vieillard, les dents aiguës d’un enfant aux aguets, la pirogue, le nombril en bouton d’un bébé qui tète un peu de lait dont une goutte tombe sur une main qui se déplie comme une feuille et s’ouvre, un moustique se pose sur le bandeau d’un homme qui râle et les ornements délicats d’une femme qui pleure et tombe sur une feuille qui s’épanouit, une fleur se déplie, un moustique s’envole depuis le pagne abandonné d’une femme qui accouche.
 

7
 Les ongles tendres d’un enfant sur le qui-vive, la nasse, les premières dents d’un bébé les yeux pleins de reflets et d’étonnement, qui tète un peu de lait dont une goutte tombe sur une fleur qui s'épanouit, parfume l’air alentour, attire un papillon qui passe devant les ornements usés d’un vieillard qui trébuche et tombe sur un fruit qui s’écrase tachant le pagne en lambeaux, les cicatrices déchirées qui se rouvrent près du sexe mignon d’un enfant qui transpire, les armes, les ongles rosés d’un bébé, la sacoche, les cendres.
 

8
 Une goutte de lait tombe sur une araignée qui parcourt les ornements d’un enfant qui se cogne, tombe et appelle à l’aide, le feu, les toutes premières cicatrices, une goutte de sang sur une palme, une tache de fiente sur une racine qui rampe, un roseau, un reste d’arc-en-ciel sur une liane, sur une plume qui tombe sur une porte, une goutte de résine, un serpent passe, un voile de brume, une fumée, une charogne, les adieux à l’étranger qui s’enfonce avec son appareil photographique vers d’autres tribus.
 

9
 Un serpent siffle, un craquement, les rares cheveux laineux d’un vieillard les yeux pleins de bourgeons qui se forment et d’étonnement encore de s’être ouverts parmi ce foisonnement, cet accablement avec des instants de soulagement, un serpent qui mord, un serpent qui tente, lové autour d’un tronc tordu, le sexe gonflé d’un homme aux aguets, les ongles luisants d’une femme sur le qui-vive, les dents déchaussées, le nombril défoncé d’une vieille, les cheveux laineux d’un enfant qui gémit dans son rêve, une vague, les crans de l’échelle-poteau pour monter jusqu’à la demeure, les noeuds du bois, les copeaux, les rubans d’écorce.
 

10
 Les cicatrices glorieuses, les sexes palpitants, les dents qui tombent, les fruits qui tombent, les oiseaux qui tombent, les ornements somptueux d’un homme qui tremble et tombe et le dernier pagne d’un homme qui meurt les yeux pleins de feuilles qui se déplient dans la pluie, le souvenir du sexe d’un vieillard qui guette le nombril en fleur d’un enfant qui s’éveille et se met à courir sur le sentier vers un bébé aux rares doux cheveux soyeux qui tète encore un coup puis s’endort sur une palme, une goutte d’huile sur un roseau, un grondement, le vent se lève, le bruissement, la foudre tombe, l’averse tombe, le fleuve monte.
 

11
 Le soir tombe sur les bourgeons qui se forment, les vagues, l’ombre envahit les bourgeons qui se ferment, les boutons qui se forment, les lianes, le soir et ses clapotements sur les feuilles qui se referment, les boutons qui attendent, les oiseaux du soir, les portes odorantes, les ténèbres envahissent les feuilles, les fleurs, les oiseaux, la peau squameuse des hommes qui s’endorment, les sentiers, la nuit tombe sur les femmes qui rangent, ferment, s’allongent, le clair de lune parmi les nuages qui se déchirent, tombe sur les cheveux d’un solitaire qui revient harassé.
 

12
 Le froid tombe sur les pétales qui tombent sur les toits des cases où des hommes et des femmes se chauffent encore autour de quelques braises tandis que les vieillards ressassent leurs chasses, leurs pêches, leurs courses, leurs festins d’antan entre leurs lèvres tremblotantes et dans leurs yeux pleins d’orages et d’inondations et de fièvres, et que les enfants s’endorment en écoutant émerveillés et terrifiés les gémissements du vent et les cris des oiseaux nocturnes, avec les bébés qui tètent encore un peu de lait avant de tomber de sommeil dans les bras de leurs mères qui tombent de sommeil.
 

(Gaillard, 16-9-88)

 
 
 
 

DON JUAN EN OCCITANIE

pour Colette Deblé

 
1

Légende inventive ! malgré moi
honteux je m’engloutissais poings rongés
sordide sur le pont brusquement
ardente Aliénor d’Aquitaine
brodeuse luxe vin
vois tes bas tes tempes
ta chaleur ta justesse élégante
m’ont redressé forge seuil
alcôve maîtresse hâte-toi !
découvrir nous renverser explorer
 

2

Courage ! dans mes désastres en mes intrigues
démon je grimaçais grinçant
tu parais sur le pont taciturne
voluptueuse Vénus songeuse
d’Auguste Glaize lune des gouffres
je le jure et détours tes accents
tes boucles joie m’ont fouetté
creuset des myrtes mimosa
si douce maîtresse dévêts-toi !
savoir nous renverser longuement
 

3

Légende innocente ! en mes intrigues
vieilli je me perdais damné
sordide sur le pont taciturne
blanche Rosalinde à la toilette
de Frédéric Bazille délice vin
je le jure tourbillonnante tes tempes
tes boucles m’ont atteint élégante
tes jambes empiégé ambre
si douce maîtresse hâte-toi !
savoir nous renverser explorer
 

4

Lyre pure ! dans mes noirceurs
sale je me droguais enragé
possédé hier peu à peu
majestueuse Diana baigneuse
de Gustave Courbet compagne des louves
bourgeon ingénieuse m’en veux-tu
ta chevelure tes élans ton sourire
m’ont retourné séduit lilas
détends-toi maîtresse penche-toi !
disparaître nous renverser à ta santé

 

5

Dans ma misère dame exauce-moi !
sale je désespérais damné
sordide pendant l’orage peu à peu
blanche Adriana de Frédéric Bazille
à la toilette résurgence vin
bourgeon admirable tes tempes
ta chevelure ta taille élégante
m’ont circonvenu désaltéré pourquoi crains-tu ?
si douce maîtresse penche-toi !
savoir nous renverser à ta santé
 

6

Amour ! dame dans ma caverne
pestiféré je haletais infâme
dans les galeries ce matin ô
ton humeur Béatrice danseuse
au tambourin de Jean-Antonin Injalbert
bourgeon unique tes tempes
tes ondulations ta poitrine ta peau
m’ont délivré nourri où m’entraînes-tu
fondre quel repos ! accueille-moi
chèvrefeuille ! plonger et partir
 

7

Aime-moi dame ! dans mes incendies
je sombrais je me lacérais stupide
bouleversement au concours silencieuse
ton humeur jeune Viola de Georges Roux
fraîche étoile vin
bourgeon des aventures tes tempes
tes ondulations tes talons élégante
m’ont circonvenu felouque où m’entraînes-tu ?
si douce je vacille accueille-moi !
savoir fouiller et partir
 

8

Presse-moi dame ! dans mes déserts
assoiffé je me lacérais j’appelais
l’heure a sonné à la chasse toi
capiteuse Colombine de François Brunel
messagère orgueil des vitraillers
tu rougis sinueuse tes reflets
tes bras tes chevilles tes palpitations
m’ont poursuivi felouque torche
clavecins je vacille accepte
rajeunir fouiller retrouver
 

9

Presse-moi dame ! dans mes incendies
assoiffé je me lacérais stupide
si belle au divertissement d’un seul coup
capiteuse Glycère fleuriste
de Joseph-Marie Vien flambeau vin
bourgeon des bises tes reflets
ton art tes peignes m’ont rajeuni
palme felouque pôle
ivre je vacille fleuris
creuser fouiller engendrer
 

10

Baise-moi oui ! dans mes repaires
dans mes tourbillons je roulais je m’enterrais
puis au parc à l’improviste
fragile Madeleine éplorée
de Peter de Kempeneer ou Campaña rose
des nuages des bises tes trilles
ta franchise tes épingles m’ont transformé
tu faiblis dorade anguille
cascade je frétille caresse-moi !
gravir appareiller et saisir
 

11

Presse-moi ! dans mes hésitations dans mes repaires
assoiffé je me détruisais je m’enterrais
puis au carrefour d’un seul coup
juvénile Notre-Dame des mouchoirs
du cimetière de Béziers rose
bourgeon des bises tes trilles
ton franc-parler tes broches m’ont touché
tu faiblis ouragan pôle
cascade je tangue fleuris !
gravir grésiller engendrer
 

12

Pourquoi tarder ? dans mes hésitations jadis
pantelant je me détruisais je me dévorais
cela s’est passé au carrefour en un instant
patiente Virgilia au grand chapeau
d’Eugène Devéria gardienne rose
des trésors et des confidences tes cavatines
joie tes bouquets m’ont interpellé
paix variété autre délire
saveurs je tangue lèche-moi !
marque-moi ! grésiller à bouche que veux-tu
 

13

Dévêts-toi ! dans mes hésitations mes imprécations
désoeuvré je me détruisais flottaison
sur la plage au carrefour par hasard
volubile Vénus d’Alexandre Cabanel
messagère cristal rose
bourgeon des ports tes cavatines
tes expressions ta patience m’ont rétabli
rossignol caille caresse-moi !
cascade je tangue lèche-moi !
gravir grésiller à bouche que veux-tu
 

14

Dévêts-toi ! dans ma lèpre mes imprécations
débris je m’effritais gourd
sanglant au concert heureusement
étrange allégorie de la Prudence
de Simon Vouet cristal vigne
des lointains et remparts tes élégies
élixir tes bagues m’ont excité
m’ont rassemblé je grandis miracle
mai je tangue éveille-toi !
se taire grésiller à perte d’âme
 

15

Dévêts-toi lumineuse ! dans mes imprécations
désoeuvré je me desséchais gourd
sur la plage au bosquet heureusement
si tendre pêcheuse d’aloses
de Louis Garneray cristal rose
des faubourgs des altitudes par bonheur
tes limpidités je me souviens ton rire
m’ont éclairé lac quel soulagement
cascade je tangue éveille-toi !
gravir grésiller à perte d’âme
 

16

Prépare-toi je le veux ! dans mes fumées
torturé je me punissais hébété
sur la terrasse au bosquet par bonheur
mignonne enfileuse de perles
de Frans van Miéris vertu rose
des faubourgs et des horizons par bonheur
tes ardeurs tes vocalises m’ont arraisonné
coquille écaille alléluia
quelle récompense ! je tangue graine
frôler grésiller sans cesse
 

17

A ta santé tendre ! dans mes épreuves
je renonçais je suffoquais furieux
fou au bosquet prudente
menue Célia trouvée
par Delacroix en Algérie rose
des faubourgs hautbois par bonheur
tes ardeurs ton sexe ton rire
m’ont changé m’ont caressé inépuisable
quelle récompense ! je tangue éveille-toi !
frôler grésiller à perte d’âme
 

18

Merci merveilleuse ! dans mes labyrinthes
maudit je suffoquais je piétinais
magie au théâtre tes tresses
brune Rosaline assise de face
les bras écartés de Matisse
n’en doute pas imaginative tes larmes
tes prévenances timide ta voix
m’ont guéri constellé encens
quelle récompense ! laurier éveille-toi !
frôler naître à perte d’âme
 

19

Approche exquise ! réprouvé
désorienté je suffoquais excommunié
enfin au crépuscule audacieuse
brune Desdémone à demi-allongée
appuyée sur le bras d’un fauteuil
de Matisse caravelle par bonheur
tes ardeurs tes paumes ta voix
m’ont changé m’ont foudroyé encens
quelle récompense ! je gémis éveille-toi !
frôler nager à perte d’âme
 

20

Interminablement délicate dans ma poix
désorienté je m’empêtrais excommunié
enfin au clair de lune audacieuse
précieuse Ariane abandonnée
de Nicolas François Octave Tassaert
courtisane incomparable tes remarques
ta gorge tes mains m’ont ressuscité
m’ont réveillé sauvé basilic
oeillet baume brille
embaumer écoute baiser
 

21

Aie pitié ! de crise en crise dans mes abîmes
désorienté je me consumais excommunié
enfin sur le quai audacieuse
précieuse Cornélie mère des Gracques
de Noël Hallé salut rose
n’en doute pas des vertiges tes remarques
tes ardeurs tes couronnes m’ont ressuscité
m’ont changé barque basilic
filet je frémis viens
embaumer respirer à perte d’âme !
 

22

Il vente généreuse dans mes enfers
désorienté je me calcinais excommunié
enfin au palais audacieuse
grave Campaspe d’Alessandro Turchi
dompteuse salut perle
des ravins il pleut tes airs
ta retenue tes colliers m’ont converti
m’ont enflammé bannière salut
festin ! je pointe allonge-toi !
m’asperger planter s’écouler
 

23

Il vente mon coeur dans mes abîmes
désorienté je blêmissais excommunié
enfin au retour audacieuse
mystérieuse Vénus demandant
à Vulcain des armes pour Énée
de Charles-Joseph Natoire
ta retenue tes hanches m’ont ressuscité
m’ont enflammé conquis basilic
festin des bruyères viens
m’asperger m’emplir à perte d’âme !
 

24

Tu le sais délabré dans mes forêts
douce je me souillais larve
immonde à la promenade grâce au ciel !
grande Portia goûtant sur les prés
pyrénéens d’Auguste Glaize
joaillière vive tes guirlandes
ta retenue ton nombril m’ont ressuscité
herbe enchanté luth
fougère je souffre exauce-moi !
communiquer circuler encore
 

25

Tu le sais je m’étranglais dans mes abîmes
désorienté je me meurtrissais larve
enfin à l’entracte grâce au ciel !
mystérieuse Perdita Meyer-Ponville
rencontrée dans le cimetière de Béziers
or des vergers tes guirlandes
ta retenue tes fourrures m’ont ressuscité
herbe talisman basilic
reliquaire je brûle prépare-toi !
flairer çà et là à jamais
 

26

Vrai ! je m’enfermais autrefois
déchiré je me meurtrissais me salissais
trêve à l’entracte tes éclats
élancée Suzanne de Jean-Marie Vien
joaillière souveraine or
des âges des nuances tes mélodies
tes gentillesses tes voiles m’ont imprégné
nacre sable et maintenant
iris je distille pare-toi !
osciller mûrir déborder
 

27

Fleuris multiple ! en dépit de tout
désorienté je me meurtrissais me salissais
enfin à l’entracte tes éclats
onduleuse Ophélie étreinte
de J.A. Injalbert énigme or
des âges des écumes tes guirlandes
tes réparties délicieusement m’ont enveloppé
nacre narcisse basilic
iris je défaille prépare-toi !
osciller inonder à jamais
 

28

Mais non ! savante quel cauchemar
impatient je me meurtrissais fuyais
sur le quai à l’entracte soudain
lascive Timandra qu’a découverte
dans son cabinet de lecture Auguste Glaize
or des cèdres tes improvisations
ta sincérité ta robe m’ont réconforté
m’ont vivifié libéré colombe
ah ! je défaille baise-moi !
baise-moi ! inonder s’éterniser
 

29

En vain superbe dans mes taudis
rebut je me meurtrissais replié
fauve à l’entracte suave
fabuleuse Violenta vue dans son village
par Frédéric Bazille étonnement or
des âges des usines tes improvisations
tes réparties lavandière m’ont réconforté
bouclier saule allonge-toi !
iris je défaille baise-moi !
osciller inonder s’éterniser
 

30

Hâte-toi superbe ! dans mes tempêtes
quelle angoisse ! je virais méconnaissable
déchiqueté dans la clairière progressivement
fantasque Diane d’Hendryk van Balen
muse des usines tes rhapsodies
tes mouvements lavandière m’ont bouleversé
m’ont décanté sel des passages
cygne je défaille étends-toi !
déguster inonder exulter
 

31

Hâte-toi superbe ! dans mes taudis
épuisé je me vautrais noir
fauve sur la place progressivement
rousse jeune veuve d’Hippolyte Jalvy
rencontrée dans le cimetière de Béziers
étonnement des hirondelles tes regards
tes poignets lavandière tes nonchalances
m’ont blessé lavé fontaine
iris je défaille étends-toi !
osciller inonder exulter
 

32

 
Tes lèvres légère dans mes tourments
pustuleux je délirais ruiné
tout a eu lieu au spectacle irrésistiblement
noire Olivia de Greuze
tirant le gâteau des rois
espoir des mines tes faveurs
guitare lavandière pleurs de joie
m’ont assaini chatouillé nasse
des accords et pensées détends-toi !
planer inonder et mourir
 

33

Hâte-toi belle ! dans mes tourments
épuisé je transpirais ruiné
fauve à l’aurore irrésistiblement
noir Héléna levant son verre de vin
d’Octave Tassaert orient des soies
des mines des usines tes regards
guitare lavandière tes nonchalances
m’ont saisi m’ont rafraîchi pourquoi tarder ?
essence je soupire écoute
planer inonder exulter
 

34

Je me souviens belle dans mon malheur
sourd je grelottais fantôme
mais à l’aube naïve
mince jeune Luciana hollandaise
versant à boire de Gérard Ter Borch
je me souviens suave tes sourcils
tes épaules tes ongles ton hâle
m’ont transpercé ensorcelé roman
essence miel écoute
voler régner donner
 

35

Hâte-toi belle ! dans mon malheur
je m’enfonçais écoeuré abandonné
mais à la fête irrésistiblement
mince Bianca lisant
de François Bonvin si belle amie
je me souviens versatile tes regards
guitare tes fesses ton hâle
m’ont saisi m’ont ravi roman
essence je pâlis écoute
interroger trébucher nous répandre
 

36

Viens fraîche solitaire !
dégoûté je blasphémais dans mes châteaux
mais à la procession irrésistiblement
espiègle marquise du Chatel
de Jacques André Joseph Aved
merveilleuse mutine tes yeux
tes cuisses ta nuque ta démarche
m’ont saisi m’ont charmé roman
essence paradis écoute
mordiller à loisir semer
 

37

Courage chère ! dans mes noirceurs
épave je languissais grinçant
mais ce soir irrésistiblement
espiègle Miranda que Jean Cousin
a prise pour représenter la charité
je me souviens dentellière tes yeux
guitare ton corsage ta démarche
m’ont saisi datura roman
essence des digitales écoute
dormir plonger rêver
 

38

Courage ! je périssais dans mes noirceurs
épave quel gâchis ! grinçant
dans mes naufrages cette nuit ô
blonde Sylvia seule dans les bois
de J.A. Injalbert cavalière tes prunelles
ton menton ton corsage tes paroles
m’ont ranimé datura chut !
gentiane je tremble approche !
murmurer plonger balbutier
 

39

Courage audacieuse ! dans mes noirceurs
épave je râlais grinçant
mais au marché ô
espiègle Lychorida se caressant
de J.A. Injalbert lune fée
des rumeurs et détours tes signes
tes encouragements ton corsage m’ont invité
biche datura serre-moi !
jaillissement quel repos ! dévêts-toi !
secrètement plonger longuement
 

40

Courage ! d’erreurs en erreurs dans mes noirceurs
démon j’étouffais aveugle
tu parais au débarcadère par chance
déconcertante Dionyza dont J.A. Injalbert
s’est servi pour représenter la victoire
désir des caravanes joli temps
tes consolations tes sandales m’ont conquis
pavane caravelle presse-moi !
détends-toi ! quel repos ! aie pitié !
disparaître plonger s’évanouir
 

41

Courage ! dans mes désastres mes noirceurs
démon je grimaçais grinçant
tu parais hier ô
voluptueuse allégorie de Rubens
couturière lune des gouffres
tu rougis et détours tes accents
tes bras joie m’ont fouetté
creuset des myrtes mimosa
détends-toi ! quel repos ! dévêts-toi !
disparaître plonger longuement
 

42

Lyre inventive ! malgré moi
honteux je m’engloutissais poings rongés
possédé hier brusquement
ardente Juliette émigrant
selon Emile Loubon pour fuir
le choléra de Marseille m’en veux-tu ?
ta chaleur ta justesse ton sourire
m’ont redressé forge seuil
alcôve quel repos ! accepte !
découvrir plonger retrouver
 

43

Lyre pure ! dans mes noirceurs
pestiféré je me droguais enragé
possédé hier ô
majestueuse Bethsabée de Cornelis
Poelenburg et Alexander Keirinex
tu rougis ingénieuse m’en veux-tu
tes bras tes élans ton sourire
m’ont retourné séduit lilas
détends-toi ! quel repos ! accepte !
disparaître plonger retrouver

 
44

Légende innocente ! en mes intrigues
vieilli je me perdais infâme
dans les galeries sur le pont taciturne
fragile Sémiramis à la chasse
institutrice délice des vitraillers
je le jure tourbillonnante tes élégies
tes boucles m’ont atteint ta peau
tes jambes empiégé ambre
fondre quel repos ! hâte-toi !
chèvrefeuille plonger explorer
 

45

Amour oui ! dans ma caverne
pestiféré je haletais infâme
dans les galeries ce matin ô
fragile Béatrice qui deviendras
un lointain jour sibylle de Panzoust
tu rougis unique tes élégies
tes bras ta poitrine ta peau
m’ont délivré nourri torche
fondre quel repos ! accepte !
chèvrefeuille plonger retrouver
 

46

Dans ma misère oui ! exauce-moi
sale je désespérais damné
sordide pendant l’orage peu à peu
blanche Adriana que Jean de Troy
a imitée pour figurer la Vérité
tu rougis admirable tes élégies
ta chevelure ta taille tes palpitations
m’ont poursuivi désaltéré pourquoi crains-tu ?
clavecins maîtresse penche-toi !
rajeunir nous renverser à ta santé
 

47

Baise-moi oui ! dans mes déserts
dans mes tourbillons je roulais j’appelais
l’heure a sonné à la chasse toi
fragile Eve peinte par Pierre
Claude François Delorme non point
tentée mais tentant le serpent
tes bas tes chevilles tes palpitations
m’ont poursuivi dorade torche
clavecins je frétille accepte !
rajeunir appareiller retrouver
 

48

Aime-moi oui ! jadis
je sombrais je roulais me dévorais
bouleversement au concours silencieuse
ton humeur Mireille de Pierre-Auguste Cot
fraîche étoile vigne
des nuages des aventures tes tempes
tes ondulations tes talons élégante
m’ont circonvenu dorade où m’entraînes-tu ?
si douce je frétille accueille-moi !
savoir appareiller et partir
 

49

Baise-moi oui ! jadis
dans mes tourbillons je roulais je me dévorais
cela s’est passé au parc à l’improviste
fragile Lucrèce d’outre-mer
couturière gardienne vigne
des nuages des confidences tes élégies
ta franchise tes épingles m’ont transformé
paix dorade anguille
saveurs je frétille caresse-moi
marque-moi ! appareiller et saisir
 

50

Pourquoi tarder dame ? dans mes incendies
pantelant je me lacérais stupide
si belle au divertissement en un instant
capiteuse Cléopâtre que Jacques de Stella
utilisa pour figurer Marie
dans la présentation de Jésus au temple
ton art tes peignes m’ont rajeuni
palme felouque autre délire
ivre je vacille graine
creuser fouiller sans cesse
 

51

Pourquoi tarder ? dans ma lèpre jadis
pantelant je m’effritais me dévorais
cela s’est passé au concert en un instant
patiente Virgilia rencontrée
dans le cimetière de Béziers vigne
des trésors et des confidences tes élégies
joie tes bouquets m’ont interpellé
paix variété autre délire
saveurs laurier graine
marque-moi ! naître sans cesse
 

52

Presse-moi ! dans ma lèpre dans mes repaires
assoiffé je m’effritais je m’enterrais
puis au concert d’un seul coup
juvénile Marguerite mon dragon
comme chez Pierre Frédéric Peyson
tu l’as terrassé vigne des lointains
ton franc-parler tes broches m’ont touché
tu faiblis ouragan pôle
mai laurier fleuris !
se taire naître engendrer
 

53

Prépare-toi ! dans ma lèpre dans mes fumées
débris je m’effritais hébété
sanglant au concert par bonheur
étrange Écho de François Xavier Fabre
déplorant la mort de Narcisse
vigne des remparts tes élégies
élixir tes bagues m’ont excité
m’ont rassemblé je grandis miracle
mai laurier graine
se taire naître sans cesse
 

54

Prépare-toi ! dans mes hésitations dans mes fumées
torturé je me détruisais flottaison
sur la terrasse au carrefour par hasard
volubile Été de Jean-Antoine Houdon
messagère vertu des canaux
bourgeons des ports tes cavatines
tes expressions ta patience m’ont rétabli
rossignol caille caresse-moi !
oeillet laurier lèche-moi !
communiquer naître à bouche que veux-tu
 

55

Prépare-toi je te veux ! dans mes fumées
torturé je me punissais hébété
sur la terrasse au théâtre par bonheur
mignonne Desdémone dénichée
par David Téniers le jeune à la kermesse
de Saint Georges vers 1645
tes prévenances tes vocalises m’ont arraisonné
coquille écaille alléluia
oeillet laurier graine
communiquer naître sans cesse
 

56

Dévêts-toi lumineuse ! dans mes imprécations
désoeuvré je me desséchais gourd
sur la plage au théâtre heureusement
si tendre Agathe rendue sainte
par Francesco Zurbaran cristal
des chuchotements et des altitudes tes larmes
tes limpidités je me souviens m’ont converti
m’ont éclairé lac quel soulagement !
cascade laurier brille !
gravir naître baiser
 

57

Merci merveilleuse ! dans mes labyrinthes
maudit je m’empêtrais je piétinais
magie au théâtre tes tresses
grave Esmeralda de Narcisse Virgile
Diaz de la Pena cousine
des canaux imaginative tes larmes
tes prévenances timide m’ont converti
m’ont guéri constellé salut
oeillet ! laurier brille !
communiquer naître baiser
 

58

A ta santé tendre ! dans mes épreuves
je renonçais je m’empêtrais furieux
fou au bosquet prudente
menue Daphné que le Bernin
fait poursuivre par Apollon guérisseuse
des faubourgs hautbois tes airs
ta gorge ton sexe ton rire
m’ont réveillé m’ont caressé inépuisable
oeillet je tangue brille !
communiquer grésiller baiser
 

59

Interminablement délicate dans ma poix
douce je m’empêtrais je me fuyais
immonde au clair de lune soudain
grave Callisto représentée rêveuse
dans son paysage par Alexander Keirinex
impératrice des chuchotements tes airs
ta gorge tes mains m’ont converti
m’ont réveillé sauvé salut
oeillet ! baume brille !
communiquer écoute baiser
 

60

Approche exquise ! réprouvé
douce je suffoquais je me fuyais
immonde au crépuscule soudain
brune Méléagre tuant
le sanglier de Calydon selon
Jacques van Schuppen par bonheur
tes gentillesses tes paumes ta voix
m’ont vivifié m’ont foudroyé encens
quelle récompense ! je gémis éveille-toi !
frôler nager s’écouler
 

61

Vrai ! généreuse dans mes enfers
douce je me calcinais me fuyais
immonde au palais soudain
grave Elvire saisie
dans ton intérieur par Gamelin perle
des ravins il pleut tes airs
tes gentillesses tes colliers m’ont converti
m’ont vivifié bannière salut
fougère ! je pointe allonge-toi !
communiquer planter s’écouler
 

62

Aie pitié ! de crise en crise dans mes forêts
douce je me consumais je me fuyais
immonde sur le quai soudain
précieuse Thaïsa frileuse à qui
Jean Antoine Houdon a fait représenter
l’hiver rose des vertiges
tes remarques tes ardeurs m’ont imprégné
m’ont changé barque luth
filet je frémis exauce-moi !
embaumer respirer encore
 

63

Vrai ! délabré dans mes forêts
douce je me souillais me fuyais
immonde à la promenade soudain
grande Mustiola dont Guido Cagnacci
a représenté le martyre fille
des cèdres vive tes mélodies
tes gentillesses ton nombril m’ont imprégné
m’ont vivifié enchanté luth
fougère je souffre exauce-moi !
communiquer circuler encore
 

64

Il vente mon coeur autrefois
déchiré je blêmissais excommunié
trêve au retour audacieuse
élancée Rosaline surprise nue
par Frédéric Bazille en 1863
muse des cèdres tes mélodies
tes gentillesses tes hanches m’ont imprégné
m’ont enflammé conquis et maintenant
festin des bruyères viens
m’asperger m’emplir à perte d’âme
 

65

Vrai ! je m’enfermais autrefois
déchiré je virais je me fuyais
trêve dans la clairière soudain
élancée Cressida que Jean de Troy
utilisa pour représenter la Justice
muse des nuances tes mélodies
tes gentillesses tes voiles m’ont imprégné
m’ont vivifié sable et maintenant
ah ! je distille pare-toi !
baise-moi ! mûrir déborder
 

66

Tu le sais je m’étranglais dans mes abîmes
impatient je virais larve
sur le quai dans la clairière grâce au ciel !
mystérieuse Madeleine pénitente
devineresse parfum muse
ta retenue tes fourrures m’ont ressuscité
herbe talisman colombe
reliquaire je brûle détends-toi !
flairer çà et là et mourir
 

67

Mais non ! savante quel cauchemar !
impatient je virais je me fuyais
sur le quai dans la clairière soudain
lascive Catherine d’Alexandrie
qu’Henri Lehman fait porter au tombeau
muse des cèdres et des marbres
tes rhapsodies ta robe m’ont bouleversé
m’ont vivifié libéré colombe
ah ! pensées détends-toi !
baise-moi ! régner et mourir
 

68

Fleuris multiple ! en dépit de tout
désorienté je virais je me salissais
enfin dans la clairière tes éclats
onduleuse Cécile agonisante
devineresse énigme muse
des flots et des écumes tes guirlandes
tes mouvements délicieusement m’ont enveloppé
nacre narcisse basilic
cygne pensées prépare-toi !
déguster régner à jamais
 

69

Tes lèvres légère ! dans mes tempêtes
quelle angoisse ! je virais méconnaissable
déchiqueté dans la clairière naïve
fantasque Vénus d’Alessandro Allori
devineresse espoir muse
des flots suave tes rhapsodies
tes mouvements tes ongles m’ont bouleversé
m’ont décanté sel des passages
cygne pensées détends-toi !
déguster régner et mourir
 

70

En vain légère solitaire
rebut je me meurtrissais replié
tout a eu lieu à l’entracte suave
fabuleuse Violenta nymphe
à la coquille de J.A. Injalbert espoir
or des âges tes improvisations
tes réparties tes ongles m’ont réconforté
bouclier saule allonge-toi !
accords et pensées baise-moi!
voler régner s’éterniser
 

71

Tes lèvres légère solitaire !
pustuleux je délirais fantôme
tout a eu lieu au spectacle naïve
blonde Olivia présentant
ton offrande à Pan devant J.A. Injalbert
merveilleuse suave tes faveurs
tes épaules tes ongles pleurs de joie
m’ont assaini chatouillé nasse
des accords et pensées détends-toi !
voler régner et mourir
 

72

Je me souviens superbe dans mes taudis
sourd je me vautrais noir
dans mes naufrages sur la place progressivement
rousse Didon agonisant
sous le pinceau d’Antoine Coypel
étonnement des philosophes suave
tes sourcils tes poignets tes ongles
m’ont blessé lavé fontaine
iris je défaille étends-toi !
osciller régner donner
 

73

Je me souviens fraîche solitaire
sourd je grelottais fantôme
dans mes naufrages à l’aube naïve
blonde Psyché reconnaissant l’Amour
endormi de Jean-Marie Vien
merveilleuse suave tes sourcils
tes épaules tes ongles tes paroles
m’ont transpercé ensorcelé chut !
gentiane miel approche !
voler régner donner
 

74

Viens fraîche ! dans mes tourments
épuisé je transpirais ruiné
fauve à l’aurore par chance
noire Catherine dont Nicolas Mignard
dépeint le mariage mystique
orient des mines tes prunelles
tes cuisses lavandière tes nonchalances
m’ont ranimé m’ont rafraîchi pourquoi tarder ?
gentiane je soupire approche !
planer inonder exulter
 

75

Viens fraîche solitaire !
dégoûté je blasphémais dans mes châteaux
dans mes naufrages à la procession par chance
blonde Médée que Maurice Marmot représente
en train de tuer ses enfants cavalière
merveilleuse mutine tes prunelles
tes cuisses ta nuque tes paroles
m’ont ranimé m’ont charmé chut !
gentiane paradis approche !
mordiller à loisir semer
 

76

Hâte-toi belle ! dans mon malheur
je m’enfonçais écoeuré abandonné
dans mes naufrages à la fête par chance
mince nourrice vue par Edgar Degas
dans le jardin du Luxembourg si belle
étoile versatile tes regards
ton menton tes fesses ton hâle
m’ont ranimé m’ont ravi chut !
gentiane je pâlis approche !
interroger trébucher nous répandre
 

77

Légende ! je périssais malgré moi
honteux quel gâchis ! aveugle
dans mes naufrages cette nuit par chance
blonde Vierge fuyant en Égypte
selon Ludovico Cordi dit Cigoli
étoile tes bas tes prunelles
ton menton tes sandales tes paroles
m’ont ranimé caravelle chut !
gentiane je tremble approche !
murmurer nous renverser balbutier
 

78

Légende chère ! malgré moi
honteux je languissais aveugle
sordide ce soir irrésistiblement
déconcertante Miranda donnant
la bouillie selon Jean-François Millet
je me souviens tes bas tes yeux
guitare tes sandales ta démarche
m’ont saisi caravelle roman
essence des digitales écoute !
dormir nous renverser rêver
 

79

Légende ! d’erreurs en erreurs malgré moi
honteux je m’étouffais aveugle
sordide au débarcadère par chance
déconcertante vierge flamande
avec son enfant luxe désir
des caravanes tes bas joli temps
tes consolations tes sandales m’ont conquis
pavane caravelle presse-moi !
alcôve maîtresse aie pitié !
découvrir nous renverser s’évanouir
 

80

Légende audacieuse ! malgré moi
épave je râlais poings rongés
mais au marché brusquement
espiègle jeune Lychorida
que Giuseppe Bonito nous peint
avec son enfant tes bas tes signes
tes encouragements ton corsage m’ont invité
biche datura serre-moi !
jaillissement maîtresse hâte-toi !
secrètement nous renverser exploser
 

81

Lyre pure ! dans mes noirceurs
démon je me droguais enragé
possédé hier peu à peu
majestueuse Aspasie d’Eugène Delacroix
fraîche compagne des louves
bourgeon ingénieuse m’en veux-tu ?
ta chevelure tes élans ton sourire
m’ont retourné séduit lilas
détends-toi maîtresse dévêts-toi !
disparaître nous renverser longuement
 

82

Amour inventive ! dans ma caverne
pestiféré je haletais infâme
dans les galeries ce matin ô
ardente jeune fille grecque
en costume d’Athènes peinte
par Louise-Rose-Julie Duvidal de Montferrier
ta chaleur ta poitrine ta peau
m’ont délivré nourri seuil
fondre quel repos ! accueille-moi !
chèvrefeuille plonger et partir
 

83

Courage ! dans mes désastres mes déserts
démon je grimaçais j’appelais
l’heure a sonné à la chasse toi
voluptueuse Stratonice d’Ingres
messagère orgueil des vitraillers
tu rougis sinueuse tes accents
tes bras tes chevilles tes palpitations
m’ont poursuivi myrte torche
clavecins je vacille accepte !
rajeunir fouiller retrouver
 

84

Baise-moi oui ! malgré moi
dans mes tourbillons je roulais poings rongés
puis au parc à l’improviste
fragile Imogène choisie
par Berthe Morizot pour figurer l’été
rose des nuages tes trilles
ta franchise tes épingles m’ont transformé
m’ont redressé dorade anguille
alcôve je frétille caresse-moi !
découvrir appareiller et saisir
 

85

Pourquoi tarder ? dans mes désastres jadis
pantelant je grimaçais me dévorais
cela s’est passé au carrefour en un instant
patiente Virgilia couchée sur le divan
peinte à mi-corps par Joseph-Désiré Court
gardienne des trésors tes accents
joie tes bouquets m’ont interpellé
paix variété autre délire
saveurs je tangue dévêts-toi !
marque-moi grésiller longuement
 

86

Dévêts-toi ! dans ma lèpre malgré moi
débris je m’effritais poings rongés
sanglant au concert brusquement
étrange Fernande Olivier de Van Dongen
brodeuse luxe vigne
des lointains des remparts tes élégies
élixir tes bagues m’ont excité
m’ont rassemblé je grandis miracle
mai je tangue éveille-toi !
se taire grésiller à perte d’âme
 

87

Prépare-toi je te veux ! dans mes fumées
torturé je me punissais hébété
sur la terrasse au bosquet par bonheur
mignonne jeune Desdémone
d’Alexandre Cabanel vertu des gouffres
des faubourgs et des horizons tes accents
tes ardeurs tes vocalises m’ont arraisonné
coquille écaille alléluia
quelle récompense ! je tangue graine
frôler grésiller sans cesse
 

88

Merci merveilleuse ! dans mes labyrinthes
maudit je m’engloutissais piétinais
magie au théâtre tes tresses
ardente Didon agonisante
sous le pinceau d’Antoine Coypel
vois imaginative tes larmes
tes prévenances timide ta voix
m’ont guéri constellé seuil
alcôve laurier réveille-toi !
découvrir naître à perte d’âme

89

Interminablement généreuse dans mes enfers
démon je me calcinais grinçant
tu parais au palais audacieuse
grave Elvira négresse aux pivoines
de Frédéric Bazille impératrice perle
des ravins il pleut tes airs
ta gorge tes colliers m’ont converti
m’ont réveillé bannière salut
oeillet ! je pointe allonge-toi !
m’asperger planter s’écouler
 

90

Approche inventive ! malgré moi
honteux je m’engloutissais poings rongés
enfin au crépuscule brusquement
ardente Juliette commentant
avec Jan Steen le proverbe
comme chantent les vieux piaillent les jeunes
ta chaleur ta justesse ta voix
m’ont redressé forge seuil
alcôve je gémis réveille-toi !
découvrir nager à perte d’âme
 

91

Interminablement délicate dans ma poix
désorienté je m’empêtrais excommunié
enfin au clair de lune audacieuse
mystérieuse Léda ornant son divin cygne
d’une guirlande de fleurs selon
Joseph-Marie Vien jardinière des chuchotements
ta gorge tes mains m’ont ressuscité
m’ont réveillé sauvé basilic
oeillet baume brille
m’asperger écoute baiser
 

92

Vrai ! je m’enfermais autrefois
déchiré je me souillais me salissais
trêve à la promenade tes éclats
élancée Albertine de Rubempré
représentée en Sainte Catherine d’Alexandrie
par Eugène Delacroix souveraine des nuances
tes gentillesses tes voiles m’ont imprégné
nacre sable et maintenant
fougère je distille pare-toi !
communiquer mûrir déborder
 

93

Mais non ! savante quel cauchemar !
impatient je blêmissais me fuyais
sur le quai au retour soudain
lascive Timandra sibylle
de Natoire clef or
des cèdres et marbres tes improvisations
ta sincérité ta robe m’ont réconforté
m’ont vivifié libéré colombe
ah ! bruyère viens !
baise-moi ! m’emplir à perte d’âme
 

94

Hâte-toi ! délabré dans mes tempêtes
quelle angoisse ! je virais méconnaissable
déchiqueté dans la clairière progressivement
fantasque Vertumne de Jean Ranc
devineresse fille muse
des flots vives tes rhapsodies
tes mouvements ton nombril m’ont bouleversé
m’ont décanté sel des passages
cygne je souffre exauce-moi !
déguster circuler encore
 

95

Tes lèvres légère ! dans mes tourments
pustuleux je délirais excommunié
tout a eu lieu au spectacle audacieuse
noire Albaydé d’Alexandre Cabanel
danseuse espoir des navigateurs
et des mines adorable tes faveurs
guitare tes hanches pleurs de joie
m’ont assaini chatouillé nasse
des accords et pensées détends-toi !
m’asperger m’emplir et mourir
 

96

Je me souviens délabré dans mes forêts
sourd je grelottais fantôme
immonde à l’aube naïve
grande Hérodiade portant la tête
renaissante de Saint-Jean-Baptiste
je me souviens suave tes sourcils
tes épaules tes ongles ton hâle
m’ont transpercé ensorcelé luth
fougère miel exauce-moi !
voler régner donner
 

97

Viens fraîche solitaire !
dégoûté je blasphémais dans mes châteaux
mais à la procession audacieuse
espiègle Marie l’Égyptienne de Ribera
jardinière soeur des nymphes
merveilleuse mutine tes yeux
tes cuisses ta nuque ta démarche
m’ont enflammé m’ont charmé roman
festin paradis viens
mordiller à loisir semer
 

98

Lyre ! je périssais dans mes forêts
douce quel gâchis ! enragé
dans mes naufrages cette nuit ô
blonde Chiaruccia d’Alexandre Cabanel
ère duchesse des tournois
étoile vive tes prunelles
ton menton ton nombril tes paroles
m’ont ranimé enchanté chut !
gentiane je tremble approche !
murmurer circuler balbutier
 

99

Il vente d’erreurs en erreurs dans mes noirceurs
pestiféré j’étouffais aveugle
possédé au débarcadère par chance
déconcertante Dionyza vierge au lys
de Carlo Dolci salut désir
des caravanes adorable joli temps
tes consolations tes sandales m’ont conquise
pavane caravelle presse-moi !
festin des bruyères aie pitié !
m’asperger m’emplir s’évanouir
 

100

Légende innocente ! en mes intrigues
vieilli je me perdais infâme
immonde sur le pont taciturne
grande Rosalinde représentée
en vénérable Battistina Vernezza
par Pierre Subleyras tes élégies
tes boucles m’ont atteint ta peau
tes jambes empiégé ambre
fougère je souffre hâte-toi !
communiquer circuler explorer
 
 

101

Dans ma misère mon coeur exauce-moi !
sale je désespérais damné
sordide pendant l’orage peu à peu
blanche Adriana fileuse
endormie contemplée par Gustave Courbet
tu rougis admirable tes élégies
ta chevelure ta taille tes palpitations
m’ont enflammé désaltéré pourquoi crains-tu ?
festin maîtresse penche-toi !
m’asperger nous renverser à ta santé
 

102

Aime-moi ! délabré dans mes forêts
je sombrais je me souillais me dévorais
bouleversement au concours silencieuse
ton humeur Pomone de Jean Ranc
fraîche étoile des rives
des nuages et des aventures tes tempes
tes ondulations tes talons élégante
m’ont circonvenu enchanté où m’entraînes-tu ?
si douce je souffre accueille-moi !
savoir circuler et partir
 

103

Il vente dame dans mes incendies
pantelant je me lacérais stupide
si belle au divertissement audacieuse
capiteuse Cléopâtre Grand-Coste
découverte au cimetière de Béziers
jardinière des trésors tes reflets
tes nattes peignes m’ont rajeuni
palme felouque autre délire
ivre je vacille viens
creuser fouiller à perte d’âme


 
 
 
 
 

COURIR LE MONDE

(Marie-Jo photographe 2)

         Marie-Jo Butor a commencé par la photo discrètement familiale. Une fois ses quatre filles débarquées de l’autre côté des études secondaires, elle a pu accompagner plus souvent son mari, commis-voyageur en culture française, dans ses tournées sur les cinq continents. Des amis japonais lui ayant fait don d’un meilleur appareil, elle s’est efforcée de fixer les visions que l’extrême charge du programme rendait en général par trop fugitives. La photographie devient alors l’art de regarder ce qu’on n’avait pu qu’entrevoir.

         Il s’agit d’attraper au vol ce qu’on voudrait examiner longuement. Cette fois le petit oiseau ne va pas sortir; il est au contraire pris doucement dans la main du déclic pour être réveillé à loisir, s’éveillant à une vie silencieuse.

         Monuments, fleurs ou coins de rue, personnages singuliers qui surgissent sur la scène du dépaysement, mais surtout des enfants que l’on voudrait voir grandir. L’immobilisation de l’image permet en quelque sorte de déplier les pétales de leur bouton pour imaginer une existence que l’on voudrait heureuse. C’est comme si une parenté magique s’instaurait le temps d’un éclair, permettant d’y faire quelque chose. Et si, pour la plupart, ils restent définitivement éloignés dans leur anonymat, leur geste, leur attitude, la lueur dans leur regard permet d’en rencontrer d’autres plus proches que l’on croisait sans leur accorder d’attention.

         Parmi bien des voyages on en a retenu sept :
         le Mexique, les pieds enfouis dans les laves coloniales et précolombiennes, avec en particulier le labyrinthe en relief de la ville de Taxco,
         l’extérieur du musée Guggenheim à Bilbao (car pour l’intérieur il faut des autorisations spéciales),
         le Japon tendu entre ses traditions raffinées et son explosion moderne,
         Israël électrisé par ses balafres historiques, le ring où se défient les dieux jaloux,
         la Chine qui édifie ses nouvelles murailles de verre et béton avec des échafaudages de bambous,
         Nice lors d’une merveilleuse parenthèse accordée à leur insu par les gouvernants européens, suspendant la vieille ville dans les préparations d’une fête que la réalisation aura sûrement galvaudée,
        l’Éthiopie au lendemain d’une grande sécheresse avec le souvenir d’un photographe malheureux et marchand passionné nommé Arthur Rimbaud.

         Les artistes photographes préfèrent souvent le noir et blanc, moyen de détacher l’image de son sujet, lui faisant dire : regardez à travers moi, mais regardez-moi. On comprend que la couleur est essentielle à ce projet biographique. Dans la saisie de l’instant qui s’échappe, tous les éléments sont bons pour pouvoir activer la mémoire, la rendre perception véridique. Il ne s’agit pas de faire dire : comme ce rouge est beau !, mais : comme il devait être beau, et comme on voudrait le redécouvrir çà et là !

         Il faudrait aussi le son, mais comment le concentrer en un aussi bref instant ? Ce ne peut donc être la mélodie, seulement le timbre qui se prolongera en une résonance illimitée, à l’intérieur de laquelle de nouvelles mélodies se développeront. Un timbre chromatique fonctionnant comme un parfum grâce auquel nous est redonnée une chance de trouver le temps qui s’était perdu.

(Marie-Jo photographe 3)

         Marie-Jo s’est mise à pratiquer intensément la photographie lors d’un séjour au Japon en 1989. Elle fêtait alors des 57 ans. Des amis lui ont offert un appareil plus performant et bourraient ses sacs de pellicules. C’est un pays où l’on perd toute inhibition dans ce domaine, car tout le monde s’y photographie tout le temps, même s’il n’y a aucune chance que l’image revienne un jour vers son modèle, comme si le seul fait de l’inscrire et multiplier prolongeait la jeunesse et favorisait la longévité, freinait l’érosion du temps. Examinant au retour les centaines de clichés engrangés, j’ai trouvé certains si remarquables que l’idée nous est venue de les faire agrandir et de les accompagner sur la Marie-Louise d’une légende manuscrite un peu développée.

         Depuis son déclic m’accompagne de par le monde. Parfois je lui signale telle scène, ou un détail qui me semble pouvoir la retenir, mais c’est toujours elle qui cadre et appuie sur le bouton. Souvent, la cherchant près de moi, je la découvre absorbée dans une fièvre d’investigation visuelle d’où je me garderais de la distraire. Il s’agit pour elle de pouvoir regarder un jour à loisir ce qu’elle a eu à peine le temps d’apercevoir, de saisir au vol, et de nous le montrer. Dans cette conquête de la fraîcheur, il n’est pas étonnant que son thème favori soit l’enfance dont elle a collectionné les aspects sur les cinq parties du monde. Encouragée par ses amis photographes, elle n’hésite plus à exposer régulièrement, fidèle à l’argentique en couleurs, certains de nos duos tant en France qu’à l’étranger.
 


 
Sommaire n°23b :
VÉNÉRATION-HANTISE,
REGARDS ENTRE LES BRANCHES,
DON JUAN EN OCCITANIE et
COURIR LE MONDE.

 
 
 

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