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SECOND SOUS-SOL
(Matière de rêves 2)
 
 

(CHANSONS DE L’OMBRE)

1)

Je me surprends à chanter l’air des huissiers:

Après les fantômes sur la terrasse
des ibis brûlés voici
l’ombre et le givre des orgues
mordant la suie du Gouffre

Je m’empêtre dans un rouleau de fil de fer barbelé.

Et bientôt les nageurs anguilles
dans la piscine claire l’ombre
avant le gypse et les pupilles
baisant les violons de la Captivante

Alors j’entends
vilebrequins d’ossements
pour la première fois
connexions de charbon
le son de leurs voix
cordages de gypse
dans le cliquetis
essuie-glaces de neige:

C’EST L’ANTICHAMBRE DE MERCURE

2)

Je me surprends à gazouiller la rengaine des nageurs:

Après les huissiers dans l’antichambre
des langoustes noires voici
l’ombre et les ossements des clavecins
mordant le charbon de l’Ingénieux

Au sol savonneux, glissant lentement sous toute cette soupe scientifique vers je ne sais quel égout inoxydable, n’apercevant la hauteur, l’astre des mouches, que par les tourbillons qui se creusent de temps à autre, je subis les coups de leurs pieds cuirassés enveloppés de mousse huileuse.

Et bientôt les grimpeurs fourmis
dans le grenier pâle l’ombre
avant la neige et le goudron
baisant les bassons de la Terre

Alors j’entends
volants de nacre
pour la seconde fois
transistors de pupilles
le son de leurs voix
chaudières de sel
dans le clapotis
pédales de sucre:

C’EST LA PISCINE DE LA REINE

3)
Je me surprends à murmurer la comptine des grimpeurs:

Après les nageurs dans la piscine
des anguilles sombres voici
l’ombre et le gypse des violons
mordant les pupilles de Vénus

Je sens très bien maintenant qu’à travers mes nerfs passent des informations concernant mon prédécesseur, et celles qui ont passé à travers lui concernant son prédécesseur, et celles qui ont passé à travers eux concernant leurs prédécesseurs, et non seulement les ordres en réponse qui me sont adressés, mais ceux qui les dirigent eux aussi malgré toutes leurs velléités de résistance, leurs soubresauts, leurs frissons, comment! justement dans l’intention de les étudier ces frissons, ces soubresauts, ces velléités de résistance, de les inscrire là-haut sur les tableaux silencieux en courbes délicieuses dont se repaîtront leurs yeux, s’ils ont des yeux, leurs yeux d’aveugles, les circonvolutions de leurs cerveaux de maîtres et de juges, tandis que nous nous épuisons à grimper sans pouvoir nous aider de nos bras qui n’existent presque plus, réduits à des pointillés de souffrance, à grimper rampant dans nos escaliers de cruelles villes en hélices de décrépitudes, ruisselant de la sueur de nos prédécesseurs que nous suçons et rongeons jusqu’à leurs os, mâchant leur viande en la salant de nos larmes, tandis qu’à travers ce qui reste de nos intestins passe leur défécation, ruisselant de sueurs sur nos successeurs qui nous rongent et à travers le ventre desquels passent tous les déchets de notre souffrance.

Et bientôt les chandeliers castors
dans la glacière livide l’ombre
avant la nacre et le jais
baisant les cors de chasse du Soldat

Alors j’entends
tubes de porcelaine
pour la troisième fois
hélices de goudron
le son de leurs voix
freins de plâtre
dans les grincements
décodeurs de papier:

C’EST LE GRENIER DE LA FIDÈLE

4)
Je me surprends à nasiller la complainte des chandeliers:

Après les grimpeurs dans les greniers
des fourmis obscures voici
l’ombre et la neige des bassons
mordant le goudron de la Mère

Nos crocs sont des meules, nos poumons des cylindres, nos coeurs des sabliers, nos fémurs des tiges de métal avec des articulations de vinyle, et nous baignons dans l’huile qui suinte des icebergs de Dité dans la grande toundra verticale où se tortille notre chaîne.

Et bientôt les tricoteurs corbeaux
dans l’atelier lumineux l’ombre
avant le sel et l’ébène
baisant la harpe des Multipliés

Alors j’entends
coursives de givre
pour la quatrième fois
carburateurs de jais
le son de leurs voix
antennes d’ossements
dans les crépitements
conditionneurs de gypse:

C’EST LA GLACIÈRE DE MARS

5)
Je me surprends à braire l’air des tricoteurs:

Après les chandeliers dans la glacière
des castors ténébreux voici
l’ombre et la nacre des cors
mordant le jais du Séducteur

Disparition des Poissons. Ira ouvrir le capot de son moteur, rangera le bras derrière le radiateur, m’engagera à descendre. Coucher du Poisson Austral de serrures. La voiture se roulera en boule, soupirera, me roulera saisi par ses bielles; c’est moi qui tournerai dans la voiture; désespérément j’essaierai d’agripper ce bras vert qui m’irait si bien; le pétrole, l’huile et l’eau bouillante ruisselleront. Les Pléiades récitent: Les Cors de Chasse du Soldat, Les Harpes des Multipliés. Cahots. La Poupe me confie le bébé du Coffre; je le caresse, et le donne à ma soeur Colette. La vitesse ralentira, le bruit diminuera, tout rouillera. Le bébé. Des accrocs se formeront dans la carrosserie. Disparition. La vie de la petite Marie ne tient plus qu’à un souffle. Coucher des Pléiades d’étoiles. Le petit Pierre baisse. La Poupe récite: Les Harpes des Multipliés, les Violoncelles de Jupiter. Les nouvelles d’Emma Bovary ne sont pas brillantes. Le Coffre me confie le bébé du Filet; je le couche, et le donne à ma soeur Marthe. Marie-Jo se rendort. Le bébé du Filet. Tu n’en peux plus. Tant pis, les lambeaux de ton vieil imperméable vert cachent en partie ta honte, ignorant. Tu cours. A la frontière du sommeil tes souvenirs de Saint-Étienne. Rebroussement. Gockel avait une femme qui s’appelait Hinkel. Douleurs. Cornelius Nepos accouche. Dehors une conversation. J’entraîne le jeune Charles-Quint à l’écart. Il me caresse. Bulles. Marie-Jo se réveille....................................................
............................................................Des accrocs se formeront dans la carrosserie. Ne pas oublier, avec la Lune: nous suivrons le bord de la mer. J’allais oublier: trous dans le tableau de commandes. J’oubliais: des deux mains j’empoignerai le volant. Danger mortel. Des requins viendront déchiqueter les roues qu’ils emporteront vers la haute mer, désosseront le châssis. Je vous assure, Monsieur le Douanier, je n’ai même pas quelques flammèches pour mes sorcelleries, quelques philtres pour mes complices. Je suis trop timide, vous voyez, je rougis déjà, et pourtant je n’ai rien qu’une magique petite bombe, je vous assure, Monsieur le resplendissant Douanier-normalisateur vert............
......................................................................................Dans l’inquiétude ligne après ligne les protocoles avec lesquels ils ligoteront nos décisions, notre indécision, notre effritement, conformément à la comptabilité de leurs télex et ordinateurs. Et le flot descend d’étage en étage recouvrant les épaules de leurs inférieurs qui sécrètent les fils d’autres chapes telles des araignées, pour leurs inférieurs semblables, s’enroulant autour de leurs clavicules assoiffées.

Et bientôt les ravaudeurs abeilles
dans le garage blanc l’ombre
avant le sucre et l’encre
baisant les violoncelles de Jupiter

Alors j’entends
radiateurs de neige
pour la cinquième fois
diodes d’ébène
le son de leurs voix
mâts de nacre
dans les froissements
batteries de sel:

C’EST L’ATELIER DES ENFANTS

6)
Je me surprends à aboyer la marche des ravaudeurs:

Après les tricoteurs dans l’atelier
des corbeaux brûlés voici
l’ombre et le sel des harpes
mordant l’ébène des Astéroïdes

Élégance grouillante.

Et bientôt les tisserands huîtres
dans le théâtre clair l’ombre
avant la porcelaine et la poix
baisant les pianos du Père

Alors j’entends
haut-parleurs de sucre
pour la sixième fois
vergues d’encre
le son de leurs voix
solénoïdes de porcelaine
dans les gargouillements
cadrans de plâtre:

C’EST LE GARAGE DE L’ÉQUITABLE

7)
Je me surprends à grincer le cantique des tisserands:

Après les ravaudeurs dans le garage
des abeilles noires voici
l’ombre et le sucre des violoncelles
mordant l’encre du Roi

Ce n’est que l’usure de toutes nos tringles qui les amasse, limaille liquide, manne crémeuse ou visqueuse;

Et bientôt les magiciens mouettes
dans la serre pâle l’ombre
avant le plâtre et la fonte
baisant les flûtes de l’Immense

Alors j’entends
haubans de papier
pour la septième fois
phares de poix
le son de leurs voix
potentiomètres de givre
dans les applaudissements
traverses d’ossements:

C’EST LE THÉÂTRE DE SATURNE

8)
Je me surprends à couiner le répons des magiciens:

Après les tisserands dans le théâtre
des huîtres sombres voici
l’ombre et la porcelaine des pianos
mordant la poix du Prophétique

L’arbre à épingles se penche vers le buisson à clous.

Et bientôt les déchiffreurs taupes
dans la cave livide l’ombre
avant le papier et la laque
baisant les contrebasses de Neptune

Alors j’entends
avertisseurs de gypse
pour la huitième fois
bobinages de fonte
le son de leurs voix
échelles de neige
dans les bouillonnements
cardans de nacre:

C’EST LA SERRE DU CIEL

9)
Je me surprends à meugler le quadrille des déchiffreurs:

Après les magiciens dans la serre
des mouettes obscures voici
l’ombre et le plâtre des flûtes
mordant la fonte d’Uranus

Le frai niche sous nos aisselles.

Et bientôt les fantômes ibis
sur la terrasse lumineuse l’ombre
avant le givre et la suie
baisant les orgues du Généreux

Alors j’entends
condensateurs de sel
pour la neuvième fois
filets de laque
le son de leurs voix
différentiels de sucre
dans les écoulements
connexions de porcelaine:

C’EST LA CAVE DE L’OCÉAN

10)
Je me surprend à bramer la valse des fantômes:

Après les déchiffreurs dans la cave
des taupes ténébreuses voici
l’ombre et le papier des contrebasses
mordant la laque du Voyageur

Je prononce des paroles de silence.

Et bientôt les huissiers langoustes
dans l’antichambre blanche l’ombre
avec les ossements et les charbons
baisant les clavecins du Messager

Alors j’entends
quilles de plâtre
pour la dixième fois
tambours de suie
le son le leurs voix
transistors de papier
dans les bombardements
étraves de givre:

C’EST LA TERRASSE DE PLUTON
 

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