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Poésie au jour le jour 33
(enregistré en août 2014)
Que me proposes-tu contre mes flammes ?
Je t’aime.
Des yeux.
Du bois pour les faire durer.
Un point.
Et toi contre ma faim ?
Mes yeux.
Je t’aime.
Un quignon de pain, des olives et du fromage de chèvre.
Une virgule.
Que me proposes-tu contre ma soif ?
Je t’aime.
Tes yeux.
Une vigne, un pressoir, une cave et des années.
Deux points.
Toi contre mes douleurs ?
Leurs yeux.
Je t’aime.
Des mains d’accoucheur.
Un point d’interrogation.
Que me proposes-tu contre ma fatigue ?
Je t’aime.
Les yeux.
Une lucarne pour l’astronautique.Que m’accorderas-tu en retour de ma patience ?
Je t’aime.
Le blanc des yeux.
L’art de moduler la vitesse du temps.
Une boule.
Et toi en retour de mon attention ?
Le noir des yeux.
Je t’aime.
Des oreilles d’accordeur.
Une bille.
Que m’accorderas-tu en retour de mes yeux ?
Je t’aime.
Le bleu des yeux.
D’autres qui perçoivent l’infra-rouge et l’ultra-violet.
Une balle.
Et toi de mes livres ?
Le sang des yeux.
Je t’aime.
Un château volant.
Une bulle.
Que m’accorderas-tu en retour de mes dollars ?
Je t’aime.
Le fond des yeux.
Leur destruction.Que me confieras-tu pour prix de mes ouvrages ?
Je t’aime
Les mains des yeux.
Les vagues d’une mer australe pour les rouler en douceur.
Un gond.
Et Toi pour celui de mes cartes postales ?
Les paumes des yeux.
Je t’aime.
Un papillon chanteur.
Une charnière.
Que me confieras-tu pour prix de ma voix ?
Je t’aime.
Les doigts des yeux.
L’écho des cavernes.
Un pivot.
Et toi de mon silence ?
Les ongles des yeux.
Je t’aime.
Le murmure des âges.
Un moyeu.
Que me confieras-tu pour celui de mon sang ?
Je t’aime.
Les lunules des yeux.
Le chemin des secours.Que m’enseigneras-tu si je t’ouvre mon coeur ?
Je t’aime.
L’ombre des yeux.
Le battement du mien.
Une grille.
Et toi si je t’inonde de ma sueur ?
L’éclat des yeux.
Je t’aime.
La roue des saisons.
Un porche.
Que m’enseigneras-tu si je te sacrifie mes jours ?
Je t’aime.
L’étang des yeux.
Des nuits pour les remémorer.
Une porte.
Toi si je te harcèle de mes angoisses ?
Le vent des yeux.
Je t’aime.
L’art de te métamorphoser.
Une grotte.
Que m’enseigneras-tu si je te livre mes secrets ?
Je t’aime.
Le temps des yeux.
Des maladresses heureuses.Que m’inventeras-tu si je te donne mon aide ?
Je t’aime.
Les voeux des yeux.
Le besoin de la mienne.
Une sphère.
Et toi si je te donne ma parole ?
Les noeuds des yeux.
Je t’aime.
Des perspectives de questions à l’infini.
Un globe.
Que m’inventeras-tu si je te donne mes clefs ?
Je t’aime.
Les feux des yeux.
La soie des voyages, l’énigme du retour, le clavier des hésitations.
Une terre.
Et toi mon hospitalité ?
Les jeux des yeux.
Je t’aime.
Un arc-en-ciel d’encres.
Un astre.
Que m’inventeras-tu si je te donne mes échecs ?
Je t’aime.
Les yeux des yeux.
Le jeu des dieux.
1)Certains (certaines) n’ont qu’un seul mot à dire. Dans la vie quotidienne évidemment ils ont tout un vocabulaire pour faire les courses, répondre à des questionnaires administratifs, veiller à l’éducation des enfants. Mais dans la solitude, dans l’expression, c’est toujours le même mot qui revient.
Souvenirs du froid.
Je ne te vois plus
je ne t’entends plusAnaïs a un chandail gris. Le gel a roussi les grands roseaux que le vent fait encore chanter. L'oie se promène devant les caisses de boules qui sèchent au soleil de l'hiver. Les chiens aboient. L'ombre de la brouette sur les marches de l'escalier atteint les pointes de l'agave malade. Les nuages se lèvent sur les Pyrénées couvertes de neige. Les poules passent parmi les boules. Il est trois heures dix de l'après-midi et nous sommes le 26 janvier 1985.
J’ai perdu mes yeux
je cherche mes pasUn jeune nord-africain est venu me voir. C'est le fils du patron de la fabrique de carreaux où ces boules sont cuites. C'est lui qui a modelé une partie de celles sur lesquelles j'écris.
J’allonge les mains
je tombe de hautDerrière mon dos, contre le mur, parmi les boules de diverses teintes de toutes les peaux, un piano droit laqué vermillon désaccordé.
La tête me tourne
je roule dans l’ombreNous sommes arrivés ce matin de Toulouse. Titi m'a prêté deux chandails que j'ai enfilés par-dessus le mien, car il fait frais malgré la vive lumière et je travaille à côté de la porte grande ouverte. Elle m'a passé aussi une couverture bleu de roi que j'ai mise sur mes genoux pour protéger la salopette de velours côtelé noir avec laquelle je dois faire mes cours à Genève mardi prochain. J'écris avec une pointe métallique prise dans un cylindre de bois; cela fait comme un crayon.
Je nage en aveugle
je fuis dans la nuitIl y a déjà longtemps.
D’autres ont à délivrer des discours interminables, extraordinairement compliqués. Il leur faudra des pages et des pages, toute une bibliothèque dont la moindre ligne sera utile, à des degrés divers certes, nécessaire pourtant.
2)
L’auteur d’un seul mot ne l’a même pas inventé. Il était là; nous l’utilisions, on l’utilisait depuis des années, des siècles même. Il était parfois très fréquent. Tout le monde l’avait employé, au moins une fois, avec plus ou moins de sincérité, de passion, d’accent.
Souvenirs des Pyrénées.
Je t’aime.
Un photographe est passé nous voir. Déclics des appareils, essais d'éclairage, sourires, arrangements, effets de groupe; et je me retrouve dans le silence des boules.
J’ai trouvé ta main
l’écho me répondDans des granges, des caves, des resserres semblables à des intérieurs de donjon, des enfants du voisinage, entre deux jeux, modèlent des boules semblables à celle-ci.
Perçant le brouillard
j’émerge sur l’eauLa boule encore humide est posée sur une table de bistrot fin du siècle dernier à plateau de marbre blanc crémeux veiné de noir mais aussi de vert épinard et d'un léger rose carminé comme celui d'une tache de confiture de fraise. Le piètement en fer moitié moulé moitié forgé avec les sabots et les entretoises habituelles. La chaise sur laquelle je suis assis vient aussi d'un bistrot, mais nettement plus récent. Elle est en bois verni avec motif d'iris, roseaux, nénuphars en plus clair sur le siège. A côté de la boule à ma gauche, quelques feuilles de papier blanc format machine, sur lesquelles je recopie le texte que je viens d'inscrire.
Je te tire à moi
j’atteins le rivageUne des petites vient de m'apporter un dessin. Elle s'est éclipsée si vite que je ne saurai dire laquelle. A peine le temps de la remercier. Il y a un Soleil rouge et une barrière à barreaux verts.
Ta respiration
ma stupéfactionUne galopade effrénée de petites jambes dans les escaliers de planches.
Humant ta chaleur
buvant ta fraîcheurIl y a déjà des années
Or voici que quelqu’un l’isole, ce mot, l’inscrit au bon endroit, le prononce au bon moment, le fait entendre de mille façons, si bien que c’est comme s’il (elle) l’avait inventé. Toutes les autres occurrences sont alors rafraîchies, rajeunies.
3)
Et cela nous montre que ce mot devrait être présent derrière tous les autres mots, que son absence les rend opaques et creux, les fait ronronner avec élégance ou sottise.
Souvenirs de paroles gelées.
Je t’aime.
Lorsqu'une face de la boule est entièrement couverte, je fais tourner celle-ci sur la table et m'attaque à la face suivante jusqu'à ce qu'il n'y ait presque plus d'espace utilisable. Alors je prends la boule entre mes paumes en ayant soin de ne pas trop effacer ce que je viens d'écrire, la soulève et la dépose sur le sol. Les irrégularités de la glaise me causent quelques difficultés. Mon stylet rencontre parfois une faille, un renfoncement, ou un petit caillou pris dans la masse. Les lettres deviennent alors presque ou même tout à fait illisibles. J'essaie de rattraper les choses, mais souvent les empire. C'est alors la rature et le grattage. Je recopie le texte face après face sur mon papier, car lorsque je suis obligé de terminer un mot ou une phrase dans une position particulièrement oblique, j'ai du mal à me relire. Je m'aperçois alors quelquefois qu'il manque quelque chose et le rajoute.
J’ouvre les paupières
je sens ton haleineLes lettres que je trace sont semblables à des enfants que l'on a du mal à tenir en place au sortir de l'école.
Je tends les oreilles
je plie les genouxLa gueule du four à pain d'antan avec ses babines de grosses pierres, l'accolade gothique sur le linteau de l'ancien seuil.
Je me tiens debout
je me mets en marchePar la fenêtre les maisons du village qui s'étalent au loin jusqu'au clocher-mur en triangle aux bords ondulés.
Je cherche fortune
changeant d’horizonJe viens de poser une nouvelle boule sur la table et je pense à Christian Dotremont et à ses logoneiges, en particulier sans doute à cause de ces petites vagues floconneuses que mon stylet soulève de chaque côté de sa trace. La glaise est certes moins froide que la neige, mais il y a quand même suffisamment de fraîcheur pour m'obliger de temps en temps à me frotter vigoureusement les mains. Alors des traîneaux glissent pour moi entre les lignes avec les rennes et les chiens. Ainsi cette boule devient une Laponie. Je parcours l'hémisphère nord en descendant parallèle à parallèle vers la frontière des Pyrénées puis l'équateur.
La nuit se déplie
le jour se déploieIl y a déjà presque vingt ans.
Cet auteur devient alors un idéogramme vivant. Lorsqu’il (elle) entre dans une réunion, toutes les conversations s’en ressentent. Inutile de le prononcer, ce mot est là, en chair et en os, imprégnant tous les autres, les rendant risibles ou merveilleux.
4)
C’est le cas pour certains philosophes; ils ont l’air de multiplier les phrases; ils entassent les volumes; mais ils en reviennent toujours à leur bénéfique obsession. Pour un tel, c’est voir, pour un autre entendre, savoir ou chercher, être ou imaginer.
Souvenirs de l’arche de Noé.
Je t’aime.
Au cours des manipulations indispensables pour mener ces boules jusqu'au four où elles vont cuire, une bonne partie de ce que j'y écris va certainement s'effacer.
Je lis dans tes mains
planant dans les nuagesOn a fermé la porte. J'ai la compagnie d'un palmier. On a apporté un petit radiateur électrique pour nous deux.
La bonne aventure
l’orbe de ta voixC'est comme écrire sur le sable, c'est comme écrire sur la buée, c'est comme écrire sur la neige, mais c'est aussi comme écrire sur l'écorce d'un arbre.
La ligne de vie
la maison des songesEntre deux boules je bois quelques gorgées de bière belge dans un verre à pied taillé à six pans.
Les filets d’espoir
la chance amoureuseLe soir tombe. Les animaux se couchent déjà. Plus du tout les mêmes bruits. Un chat miaule en passant par la porte vénérable. Coqs et poules viennent picorer un dernier grain sur les dalles. Une petite particulièrement délurée, à plumage moucheté de gris, avec un peu de jaune et de fauve en cravate, saute sur une chaise de jardin, puis sur la table de tôle dont la peinture s'écaille, et de là s'élance avec quelques coups d'ailes sur la première branche d'un arbre dont je ne puis déterminer l'essence. Les nuages ont maintenant recouvert presque tout le ciel. Il ne reste plus qu'une bande claire au-dessus des montagnes qui lancent encore quelques éclats vert pâle dans le crépuscule violacé. Je travaille à la lumière d'une ampoule avec son abat-jour émaillé, accrochée au plafond derrière moi, et ne vois plus très bien ce que je fais. Je ne vais plus pouvoir continuer longtemps. C'est la dernière boule de cette dimension pour cette fois. Mais je vais au moins tenter d'ajouter encore quelques notes sur de plus petites.
L’orgue des rencontres
la chanson du soirC’était l’aventure.
Or il y a des mots plus actifs que d’autres. Certains nous laissent en contemplation nostalgique devant d’inaccessibles horizons, nous étalent des océans vertigineux et glacés.
5)
Bienheureux celui (celle) qui trouve le mot qui vous emporte, qui se réfléchit sur autrui, sur des yeux, des lèvres, des voix, se répercute peu à peu sur tous les yeux, toutes les lèvres, toutes les respirations délicatement. C‘est l’universelle attraction des corps et la gravitation de leurs âmes.
Souvenirs de complicité.
Je t’aime.
Des textes qui cuisent comme du pain, des mots qui roulent comme des billes dans un préau, des lettres qui songent dans l'herbe comme des animaux heureux.
Je lis dans tes yeux
j’écoute en ton coeurJe t'aime, dit la flamme à la boule en venant la cuire; jusqu'à mon dernier fragment je proclamerai ta douceur, lui répond la boule au sortir du four.
Je tourne les pages
les cloches du ventLa glaise s'accumule peu à peu sur mon stylet comme la poussière sur le diamant d'un électrophone et il faut que je l'affile ou l'affûte pour retrouver la pureté du son.
Je reprends courage
ouvrant tes fenêtresTandis que les lumières du village continuaient de clignoter au loin, soudain la nôtre s'est éteinte et toutes les boules sont devenues muettes; mais dès qu'elle est revenue, elles se sont mises à pépier, babiller, même celles trop durcies déjà pour que j'y puisse plus rien graver, ou déjà cuites, comme si leur désir de parler s'était brusquement éveillé dans ces ténèbres d'un instant.
Traversant ta peau
lissant tes cheveuxCela continue.
Alors les mots se mettent à dire “je t’aime” à toutes les phrases et à toutes les formes; une possibilité s’annonce que le monde se remette (ou se mette) à tourner rond.
Je t’aime
Je fuis dans ta voix
je vis dans ta vue
LE GOÛT DES CHOSES
(TABLE OUVERTE 2)
1) D’un repas à l’autreLa lumière coule tiède
une saveur de citron
sur les plats et les couteaux
le silence des attentesLes vestiges d’un repas
des ténèbres de grenat
surprises perplexités
une saveur d’aubergineLes jus dessinent leurs jeux
le silence des oublis
les apprêts pour un repas
des ténèbres d’améthysteUne saveur de pistache
perplexités et lenteurs
sur les bois et les émaux
le silence des désertsLes vergers des Antipodes
des ténèbres de granit
une saveur d’ananas
un peu d’eau dans un grand verre
2) D’une journée à l’autre
Lenteurs et atermoiements
le silence des étés
les escabeaux de l’enfance
des ténèbres d’émeraudeUne saveur de grenade
un rayon de soleil frais
le silence des matins
atermoiements et questionsLes secrets de la cuisine
des ténèbres de saphir
une saveur d’estragon
une irisation dans l’airLe silence des fumets
les recettes d’autrefois
questions tergiversations
des ténèbres de topazeUne saveur d’avocat
sur les veines de la table
le silence des adieux
les inventions d’aujourd’hui
3) D’une semaine à l’autre
Des ténèbres de rubis
tergiversations énigmes
une saveur de groseille
la dentelle du tapisLe silence des voyages
l’aménagement des plats
des ténèbres d’escarboucle
le commerce des épicesRuminations glaciations
une saveur d’abricot
le reflet de la fenêtre
le silence des lointainsLe commerce des épices
des ténèbres de turquoise
glaciations et grondements
une saveur de ceriseDans les couverts nickelés
le silence des regrets
les confitures de l’ombre
des ténèbres de corail
4) D’une saison à l’autre
Une saveur de raisin
grondements germinations
le passage d’un nuage
le silence des reprochesLes pépins et les amandes
des ténèbres de béryl
une saveur d’angélique
sur la corbeille d’osierGerminations et murmures
le silence des remords
les quartiers et les pelures
des ténèbres de pollenUne saveur de pastèque
la nature n’est pas morte
le silence des angoisses
murmures stupéfactionsLes tranches de vie tranquille
des ténèbres d’outremer
une saveur de brugnon
elle a le souffle coupé
5) D’un siècle à l’autre
Le silence des effrois
les échanges de luisance
stupéfactions et appels
des ténèbres d’outre-nuitUne saveur de morille
c’est le bruit que nous faisons
le silence de la neige
la transparence du noirDes ténèbres de patience
appels interrogations
une saveur de myrtille
le silence des souriresLe rendez-vous des parfums
des ténèbres d’espérance
les enlacements des nombres
qui nous empêche d’entendreUne saveur de victoire
le battement de son coeur
le silence des regards
gravitations vigilanceEnvoi)
Une saveur de naissance
des ténèbres de jouissance
au coeur de chaque silence
le garde-manger des anges
des ténèbres d’abondance
les festins du paradis
Comme je revenais de Nice
dans le marais de mon courrier
j’ai découvert un instrument
sans doute posé par l’oiseau
homonyme lors d’un virage
dans ses voyages de blancheurSi différent de mon totem
qui ne me convient que trop bien
avec ses troubles mouchetures
qu’il me faut si péniblement
transformer en constellations
pour justifier son nom savantEmblème de mon impuissance
à mener à bien jusqu’au bout
mes entreprises trop nombreuses
je le dépose entre mes livres
pour qu’il me rappelle à l’ouvrage
quand l’âge me fait somnolerEn dépôt sur mes rayonnages
il attendra le photographe
maître de cette oeuvre future
qui en perpétuera l’image
modeste stèle d’amitié
parmi les plumes et les pages
1) PASSEPORTLe pouce de la forêt appose son empreinte sur le document du ciel. Alors la porte du coffre où sont enfermés les trésors oubliés de notre enfance, va pouvoir tourner sur ses gonds pour faire entrer la lumière d’un autre monde sur l’écorce de nos doigts et la porcelaine de nos visages. Une pluie de sève monte des étangs; une brume de brindilles aère le temps qui s’essouffle en grimpant l’escalier des âges.
2) MIGRATION
Venue du lointain nord de la Suède la troupe étale ses plumages de soleil de minuit sur la glèbe féconde de nos campagnes. Nils Holgersson écarte une aile à son réveil pour humer la brume de ces régions dont on lui a vanté la douceur. C’est un goût de miel d’émeraude que doivent distiller des abeilles fileuses dans leurs hexagones d’ardoise.
3) DÉCLIC
Le coup de pouce de la déesse a fait jaillir un volcan d’anthracite dans la lucarne découpée sur l’horizon qui, dans sa révérence attentive, s’enfonce dans le flou. Un choral de nuages salue la nativité de la bave céleste.
4) ASSAUT
Griffant le cuir du ciel en essayant de l’escalader, la branche enfonce ses suçoirs entre les veines de la pluie. Elle palpite dans son effort douloureux et joyeux, laissant perler quelques gouttes de résine.
5) BÛCHER
Sous l’oeil du chiromancien qui voulait décrypter ses lignes de chance et de vie, la paume de l’amie est devenue torse brûlant surgi d’un passé d’enchantements périlleux, sorcière disséminant son lait d’ombre consolatrice.
6) DEUIL
Finies les déclarations d’amour entre les dernières giboulées. Les fourmis vont nettoyer la chair miette à miette. D’autres oiseaux prendront des plumes pour leurs nids, et les enfants des humains en maraude s’émerveilleront de la délicatesse du crâne et de ses phalanges.
7) L’ÂGE DU PLÂTRE
Quels paysages d’autres mondes y aurait découverts Léonard de Vinci ! Des nuages d’ocre sur un ciel de tôle et turquoise, des arbres dénudés immenses devant des colonnes de fumées indiquant la route vers d’autres déserts.
8) POISON AGRICOLE
Les abeilles vont en perdre le chemin de leurs ruches; les hommes vont en perdre leurs ressources de miel. Il est vrai que les vaches auront plus de maïs et que les actionnaires se frotteront les mains. Tout en déconseillant à leurs enfants de mettre du lait dans leur soupe. La mort émeraude change la couleur du sang.
9) ALLUMAGE
À vouloir trop presser sur l’interrupteur, celui-ci s’est réduit en poudre de charbon que le feu des artères transforme en braises. Tandis que l’ongle se calcine toute la main devient lumineuse comme une aile d’oiseau-phénix montrant le chemin de la traversée des mers en balbutiant un au revoir incertain.
10) LE BILLARD DES MAINS
La rouge dit à la noire : “seras-tu capable de franchir les brumes de cet horizon déjeté ? - Il suffira que je donne le signal pour qu’il se redresse et vienne à notre rencontre, inondant de pétales toute la route qui mène à ton manoir-balise. - Alors nous ne ferons plus qu’un seul corps. - Alors nous dessinerons sur le tapis des plantations les figures de nos rencontres.”
11) LA FONDATRICE
De quelle matrice de pierre a pu jaillir ce siège avec sa carte d’identité maritime ? En jailliront des populations de marins quadrillant la muraille des îles.
12) STRATIGRAPHIE
Enfouie dans le sable que le photographe tamise avec son cadrage, elle offre sa chevelure en débarcadère pour les embruns voyageurs. Le sel cristallise sur ses épaules.
Une liane qui s’allonge et se tord et tourne autour de la peau et soudain
la voici de l’autre côté qui s’irise et flambe et grimpe au long des pierres intérieures pour arriver jusqu’à la baie des songesUne graine qui germe en écartant peu à peu ses bras et nage à l’intérieur de la terre et soudain
la voici de l’autre côté de la surface où elle devient tige et feuilles oscillant dans le vent découvre les bienfaits de la lumière et cherche à se reproduire dans le labyrinthe des branches
1)
Qui va m’interpeller
quelle femme ou quel arbre
quelle ombre ou quel éclat
Pour ouvrir le coffre aux trésors
appuyer sur l’interrupteur
À peine l’Ève du sumac eut-elle proposé sa pomme de discorde, que la foudre a embrasé son bras jusqu’à l’épaule.
Dans les wagons de ses dix doigts2)
le paysage est renversé
Roulant sur l’autoroute
un regard un instant
me rappelle à moi-même
Malgré la lumière des seins
la Joconde ne sourit plus
Le hérisson transparent traverse la route des épices, grandissant d’une étape à l’autre jusqu’à recouvrir le ciel.
L’haleine de la capitale3)
dans son piano à quatre mains
Remâchant ma fatigue
remémorant l’oubli
interrogeant le temps
Miroir gentil miroir dis-moi
que je suis toujours la plus belle
Sur son lit de gravats elle accroche une large ceinture comme si le décollage de la plage entière devait avoir lieu.
Main métamorphosée en cygne4)
dans le miroitement du mur
Entre deux horizons
le souvenir des palmes
et des boules de gui
La voiture devient navire
les pavés jaillissent en gerbes
Le visage recouvert d’un masque de bois buriné, sans yeux ni bouche ni narines, elle s’apprête à plonger dans les profondeurs du silence.
Entre mes doigts le paysage5)
un flottement d’écailles peintes
Laissant traîner mes yeux
comme des hameçons
dans le fleuve des heures
Le rocher conserve le nuage
dans le tiroir de ses deux mains
A travers le triangle elle observe la progression des insectes qui ont découvert la fissure fendillant le mur de granit.
Pour habiller l’homme sans tête6)
l’univers déploie ses tissus
Tournant autour du feu
le vent chasse les cendres
sur le pré du matin
Appuyez sur l’interrupteur
la muraille part en lambeaux
Un voile de soie lui sert de bandeau, un autre de masque antipollution dans sa recherche des survivants.
La Joconde ne sourit plus7)
mais ses yeux se sont dédoublés
Objectif ou pinceau
papiers de toutes fibres
indices pour ma quête
Miroir gentil miroir dis-moi
comment plonger dans l’eau des rues
La jeune sorcière descend de sa monture pour faire son plein de philtre aux pompes du sabbat.
Les pavés jaillissent en gerbes8)
le paysage est inondé
Traînant dans l’atelier
traversant la fenêtre
emportées par le vent
Un flottement d’écailles peintes
main métamorphosée en cygne
Sur la plage du torse la branche née de la fourche allonge son ombre jusqu’à sa perpendiculaire légère.
Le rocher dédouble le nuage9)
dans son piano à quatre mains
Feuilles de notre automne
intérieur et semences
de notre liberté
L’haleine de la capitale
le paysage est renversé
Comment plonger dans l’eau des rues rouler dans les câbles du temps
Le rocher multiplie le nuage10)
dans les wagons de ses dix doigtsLa poésie classique compare notre vie à un fleuve où se réfléchissent passantes et passerelles. Dans la barque de nos entreprises nous essayons de les saisir, mais elles glissent comme des anguilles tandis que les feuilles des arbres se déposent en inscriptions énigmatiques sur la rétine séductrice.
ÉCOUTE
NOCTURNE
(dix pages et demie)
Ne me fuyez pas !
rouge
fièvre
je dors
Ne m'abandonnez pas !
impair
murmure
je ne dors pas
Ne me laissez pas !
manque
température
je veille
Ne vous éloignez pas !
noir
bruit
je ne veille pas
Ne m’oubliez pas !
pair
tension
je rêveNe me trahissez pas !
passe
craquement
je ne rêve pas
Ne m'ignorez pas !
faites vos jeux
examen
je glisse
Ne me tuez pas !
mise
grondement
je ne glisse pas
Ne me videz pas !
rien ne va plus
radio
je nage
Ne me tourmentez pas !
perte
ronflement
je ne nage pasNe me torturez pas !
défaites vos jeux
nausée
je plane
Ne me lâchez pas !
la boule tourne
stridence
je ne plane pas
Ne me trompez pas !
tricherie
analyse
je dérive
Ne m'endormez pas !
mensonge
sifflement
je ne dérive pas
Ne me blessez pas !
chance
attente
je m’éloigneNe m'écrasez pas !
malchance
hululement
je ne m’éloigne pas
Ne m'exploitez pas !
hasards
diagnostic
je m’efface
Ne m'asservissez pas !
pari
explosion
je ne m’efface pas
Ne m'écorchez pas !
probabilité
piqûre
je tombe
Ne m'écartelez pas !
improbabilité
crépitements
je ne tombe pasNe m'enterrez pas !
permanence
anesthésie
je sombre
Ne m'ensevelissez pas !
impermanence
frottements
je ne sombre pas
Ne me perdez pas !
projections
intervention
je tourne
Ne m'égarez pas !
supputations
grognements
je ne tourne pas
Ne me fourvoyez pas !
erreur
réanimation
je me replieNe m'empoisonnez pas !
impasse
tintements
je ne me replie pas
Ne m'asphyxiez pas !
fêlure
perfusion
je brûle
Ne m'enfumez pas !
fissure
vibrations
je ne brûle pas
Ne me brûlez pas !
écroulement
transfusion
je disparais
Ne me lacérez pas !
ruine
palpitations
je ne disparais pasNe me crevez pas !
enfoncement
doutes
je remue
Ne vous détournez pas !
enfouissement
réverbérations
je ne remue pas
Ne me vomissez pas !
famine
conciliabules
je bouge
Ne me noyez pas !
dérive
cris
je ne bouge pas
Ne m'enfouissez pas !
essai
exaspération
je résisteNe m'étranglez pas !
harangues
râles
je ne résiste pas
Ne m'enfermez pas !
barreaux
tentatives
je rampe
Ne me jugez pas !
échecs
glas
je ne rampe pas
Ne m'inculpez pas !
surveillance
abandon
je sape
Ne m'effacez pas !
rature
battement
je ne sape pasNe m'éliminez pas !
brouillard
éloge
je fouille
Ne m'infectez pas !
accusation
déchirure
je ne fouille pas
Ne m'injectez pas !
réquisitoire
oubli
je creuse
Ne me jetez pas !
séduction
grattement
je ne creuse pas
Ne m'expulsez pas !
corruption
ironie
je gratteNe m'extradez pas !
déliquescence
grincement
je ne gratte pas
Ne me broyez pas !
écartèlement
suffisance
je dessine
Ne me brisez pas !
pilori
ovation
je ne dessine pas
Ne m'arrachez pas !
fosse
fanfares
j’imagine
Ne m'extirpez pas !
disparition
plébiscite
je n’imagine pasNe m'étouffez pas !
invasion
défilés
je n’imagine plus
Ne me liquidez pas !
désastre
révolution
je m’éveille
Ne m'exterminez pas !
germination
stupéfaction
QUE RESTE-T-IL DU CHIFFRE XX ?
L’ère chrétienne avait XX siècles
quand parut le triple zéro
nous imaginions que la guerre
reculerait sur tous les fronts
que les hôpitaux s’ouvriraient
que les voyages deviendraient
pour tous de plus en plus faciles
que l’école serait partoutOn nous avait promis la Lune
et bientôt la planète Mars
mais on dit aujourd’hui patience
il nous faut gagner de l’argent
tout cela peut encore attendre
la damnation de la croissance
nous oblige à vous exploiter
encore pour un siècle au moinsLes croix instruments de supplice
qui devaient annoncer la paix
ont retrouvé leur ancien rôle
se penchent en chevaux de frise
puis s’alignent aux cimetières
très souvent dans l’anonymat
recouvrant faubourgs et collines
de leurs quinconces de questionsLe millénaire agonisait
dans les soubresauts des marchés
après tant de murs et de pestes
on arrachait les barbelés
on découvrait des antidotes
mais les microbes sont malins
comme les escrocs ils inventent
des arnaques et mutationsLorsque ce siècle avait XX ans
on sortait d’une grande guerre
où la chevalerie d’antan
avait sombré dans la boue froide
finis destriers et tournois
plus rien que la peur et la faim
ce devait être la dernière
mais craquements n’ont pas cesséEt moi lorsque j’avais XX ans
venait de finir l’autre guerre
avec ses horreurs différentes
que l’on n’avait pas su prévoir
pourtant signes avant-coureurs
s’étaient multipliés partout
les croix devenant des potences
les étoiles malédictionLes jeunes gens qui ont fêté
leurs XX ans dans l’année deux mille
s’interrogeaient sur les tyrans
mais pensaient qu’une Europe unie
équilibrerait les puissances
que le chômage s’en irait
puisqu’on avait argent et tâches
mais chaque année sonna son glasSécurité sécurité
voilà ce qu’on entend partout
mais il y a malentendu
celle que l’on cherche détruit
celle que l’on croyait tenir
vous verrez dans les années XX
vous verrez au siècle prochain
tenez bon jusqu’au millénaire
Un bâton pour nous soutenir
tous handicapés que nous sommes
depuis que nous ne marchons plus
engoncés dans nos carapaces
de plastique ou d’aluminium
qui devaient pouvoir nous mener
plus vite que le vent d’hiver
mais cela nous est interditC’est que notre population
a vieilli ce qui est fort bien
puisque la santé se faufile
à travers les épidémies
la retraite la plus active
en fêtant les anniversaires
des arrière-petits enfants
pourvu que ça dure longtempsOn cherche dans tous les recoins
de la planète des réserves
de pétrole mais on sait bien
que bientôt nous verrons la fin
alors bruyants écroulements
d’industries et de dynasties
il y aura nécessité
de se reconvertir d’urgenceLa planète sera plus chaude
nul programme d’économie
n’ayant pu être mis en oeuvre
avant l’épuisement des nappes
après les bouleversements
nous goûterons la délivrance
et pourrons enfin contrôler
les révolutions du climatAlors les déserts fleuriront
d’éoliennes dans le silence
vibrant des murmures du vent
et les innombrables miroirs
concentrant l’ardeur du soleil
ce seront de grands lacs de flammes
nous apportant de l’énergie
pour entretenir la fraîcheurPlus besoin de se battre pour
vendre un peu plus d’automobiles
finie cette agressivité
les enfants voudront visiter
les gigantesques cimetières
de carrosseries périmées
de grands navires glisseront
sur le tracé des autoroutesQuand la recherche sera reine
dans les ruines aménagées
des usines abandonnées
on installera des écoles
appelées des récréations
où toutes les générations
rivaliseront pour former
la nouvelle imaginationEn grimpant l’escalier des âges
on débouchera sur les quais
d’embarquement pour le prochain
siècle où l’on cicatrisera
les blessures de celui-ci
ce que nous n’aurons pas su faire
pour celles du siècle passé
trop paralysés par les nôtres
La feuille s’ouvre et je la traverse comme une porte, une porte pour insecte bien sûr, car voilà ce que j’étais devenu pour quelque temps, mais sans rien changer à ma forme. Un vent végétal y passe avec moi. L’arbre m’invite en ses clairières intimes. C’est comme s’il me prenait par la main.“Voici les flots de sève dans lesquels tu peux plonger, nager, respirer pour acquérir ma persistance. Voici les travées et croisées de ma cathédrale avec mes colonnes de fibres qui s’épanouissent en chapiteaux et nervures. Voici les vitraux de mon écorce qu’illuminent des rayons plus acérés que ceux que percevaient tes yeux et que je te rends capable de distinguer. Adopte ma vue, mes perspectives et mes horizons.
Quand tu retourneras dans ton espace, tu auras l’air un peu hébété. On le serait à moins. D’autant plus que tu ne pourras presque rien dire pour raconter cette aventure, encore moins l’expliquer. Certains de tes congénères riront de ce qu’ils croiront être tes maladresses, alors que tu viendras peut-être de la sauver de quelque péril que tu auras été le seul à voir venir. Prépare-toi au pire; les quolibets pleuvront.
Explore encore les branches de mon savoir, les noeuds de ma circulation. Hâte-toi; ne relâche pas ton attention ! Non que je veuille te mesurer le temps, mais c’est toi qui bientôt n’en pourras plus de nostalgie. Donc il te faut profiter à plein de ces quelques minutes que tu t’accordes.
Certes j’accepterai tes nouvelles visites si tu réussis à me repérer dans la forêt que je cache mais qui me cache aussi. Sauras-tu en saisir l’occasion ? Car tu vas avoir un tel travail pour traduire dans ta langue ce que je te montre dans la mienne en te l’infusant sans que j’aie besoin de te l’enseigner. Après ton retour tu seras seul.
Parviendras-tu à accumuler suffisamment de loisir pour revenir ici t’abreuver, te détendre dans mon immensité ? Il le faudrait si tu voulais vraiment faire partager mon vide à tes frères, leur vide aux miens, pour que chaque membre de ton peuple ait son espace dans le nôtre.”
Écouter regarder
cheminer converser
proposer partager
méditer décider
échanger mélanger
composer contraster
les couleurs les valeurs
les humeurs les senteurs
les trottoirs les crépis
les échos les fantômes
les oiseaux les orages
les écrits les voyages
les émois les silences
les dangers les secours
les déclics les épreuves
les essais les errances
les retours les naissances
les projets et les ombres
Se creuse un nombril d’écume
au milieu d’un ventre d’algues
à travers sangs et courants
on distingue les vertèbres
qui se cambrent sous le selUn bras nageant va rejoindre
un autre bras qui devient
une jambe s’enfonçant
comme une queue de sirène
dans un tourbillon d’écaillesLes pieds des vagues descendent
les escaliers des marées
essuyés par les cheveux
ruisselant des Danaïdes
faisant rouler leurs deniersMonnaies qui se liquéfient
dans les doigts qui les arrachent
aux coffres-forts des rochers
pour rejaillir en geyser
de lait de sperme et de riresAinsi les élancements
de ton corps et tes soupirs
feraient déborder les gouffres
des Sécurités Sociales
en averses de Jouvence
Ce que voient
Lorsque la flûte nous donne
nos yeux
le la trois nous percevons
n’est pas
comme une coulée soyeuse
ce qu’entendent
mais si nous l’enregistrons
nos oreilles
puis ralentissons la bande
n’est pas
nous descendons doucement
ce que sentent
vers des profondeurs grondantes
nos narines
puis des battements semblables
n’est pas
à des rafales de grêle
ce que goûtent
nos langues
Nous avons le sentiment
n’est pas
d’arpenter des labyrinthes
ce que touchent
souterrains et d’assister
nos doigts
au déchaînement des forces
n’est pas
antérieures à tous les
ce que disent
paysages de nos vies
nos voix
machinerie des volcans
n’est pas
pédaliers des premiers arbres
ce que savent
percussions des océans
nos yeux
n’est pas
Régularité bien sûr
ce que voient
mais avec palpitations
nos oreilles
des flammes entre les grilles
n’est pas
l’escalier des chromosomes
ce qu’entendent
remontant les tours du temps
nos narines
la respiration cherchant
n’est pas
à s’exprimer dans la voix
ce que sentent
le rythme des raies du tigre
nos langues
les taches des ocelots
n’est pas
ce que goûtent
Et si nous accélérons
nos doigts
après divers sifflements
n’est pas
nous passons dans des domaines
ce que touchent
que les chiens peuvent entendre
nos voix
mais pas nous un océan
n’est pas
d’ultrasons pour nous silence
ce que disent
le langage des oiseaux
nos yeux
dont nous ne pouvons capter
n’est pas
qu’une région minuscule
ce que savent
nos oreilles
De plus en plus vite et clair
n’est pas
non seulement les atomes
ce que voient
entrent en danse du feu
nos narines
mais les couches intérieures
n’est pas
qui libèrent les photons
ce qu’entendent
dépassés les infrarouges
nos langues
voici l’arc-en-ciel visible
n’est pas
sur la basse des claviers
ce que savent
les couleurs lancent leurs cris
nos voix
VIBRATION
2
(Naissance de la Vénus noire)
TénèbresCe que voient
Lorsque la flûte nous donne
nos yeux
le la trois nous percevons
n’est pas
comme une coulée soyeuse
ce qu’entendent
mais si nous l’enregistrons
nos oreillesAbîmes
*
SilencesCe qu’entendent
Comme une coulée soyeuse
nos oreilles
puis ralentissons la bande
n’est pas
nous descendons doucement
ce que sentent
vers des profondeurs grondantes
nos narinesDéserts
*
ManquesCe que sentent
Nous descendons doucement
nos narines
vers des battements semblables
n’est pas
à des rafales de grêle
ce que goûtent
nous avons le sentiment
nos languesDésirs
*
RemuementsCe que goûtent
À des rafales de grêle
nos langues
le sentiment déroutant
n’est pas
d’arpenter des labyrinthes
ce que touchent
souterrains et d’assister
nos doigtsTurbulences
*
MouvementsCe que touchent
D’arpenter en assistant
nos doigts
au déchaînement des forces
n’est pas
antérieures à tous les
ce que disent
paysages de nos vies
nos voixÉlancements
*
BouleversementsCe que disent
Antérieures à tous les
nos voix
soulèvements des volcans
n’est pas
pédaliers des premiers arbres
ce que savent
percussions des océans
nos yeuxTourbillons
*
ExplorationsCe que savent
Pédaliers des premiers arbres
nos yeux
dinosaures frémissants
n’est pas
régularité bien sûr
ce que voient
mais avec palpitations
nos oreillesRespirations
*
FlairementsCe que voient
Régularité bien sûr
nos oreilles
des flammes entre les grilles
n’est pas
l’escalier des chromosomes
ce qu’entendent
remontant les tours du temps
nos narinesReniflements
*
ApprochesCe qu’entendent
L’escalier des chromosomes
nos narines
la respiration cherchant
n’est pas
à s’exprimer dans la voix
ce que sentent
le rythme des raies du tigre
nos languesCaresses
*
EmbrassementsCe que sentent
À s’exprimer dans la voix
nos langues
les taches des ocelots
n’est pas
et si nous accélérons
ce que goûtent
après divers sifflements
nos doigtsEmbrasements
*
EffervescencesCe que goûtent
Et si nous accélérons
nos doigts
régularité bien sûr
n’est pas
nous passons dans des domaines
ce que touchent
que les chiens peuvent entendre
nos voixBouillonnements
*
PénétrationsCe que touchent
Mais pas nous dans des domaines
nos voix
interdits un océan
n’est pas
d’ultrasons pour nous silence
ce que disent
le langage des oiseaux
nos yeuxInondations
*
ImprégnationsCe que disent
Langage pour nous silence
nos yeux
dont nous ne pouvons capter
n’est pas
qu’une région minuscule
ce que savent
et si nous accélérons
nos oreillesDégustations
*
EnsemencementsCe que savent
Cette région minuscule
nos oreilles
de plus en plus vite et clair
n’est pas
non seulement les atomes
ce que voient
entrent en danse du feu
nos narinesGerminations
*
MaturationsCe que voient
Non seulement les atomes
nos narines
mais les couches intérieures
n’est pas
qui libèrent les photons
ce qu’entendent
dépassés les infrarouges
nos languesAccouchements
*
Pleurs et soupirs
Ce qu’entendent
Qui libèrent les photons
nos langues
voici l’arc-en-ciel visible
n’est pas
sur la basse des claviers
ce que savent
les couleurs lancent leurs cris
nos voix
Cris et sourires
Les trois nageuses n’ont pas encore compris qu’elles sont en train de s’ébattre à l’intérieur de la peau ruisselante et transparente d’un énorme bison qui s’éveille de sa préhistoire. Un paléontologue qui commence, lui, à se douter de quelque chose - car des collègues l’avaient averti de signes avant-coureurs : herbes saccagées, empreintes sur le sable -, essaie de leur conseiller de remonter sur la rive du présent grâce à un cordage tendu d’un bout à l’autre de la crique. Mais il a un chat dans la gorge et elles ne lui accordent aucun attention, plongeant, replongeant, s’ébrouant dans la sueur chaude ruisselante, transparente qui les enivre. Le monstre augmente. Bientôt elles n’auront plus, par rapport à lui, que la taille de globules blancs à l’intérieur de ses artères, et le paléontologue ira se réfugier dans son bureau du muséum, se disant que cela ne peut pas durer, que cela n’est sans doute qu’une hallucination (il faudra surveiller son régime...), que l’on n’a jamais vu cela de mémoire de savant. Mais le ruminant augmente encore. De son pelage de laine il essuie la côte et ses rocs, cherche des prairies à tondre, repu s’étend comme une montagne douce, augmente encore, envahit tout l’horizon, approche des faubourgs dont il asperge les rues qui deviennent des torrents. Sa respiration fait un bruit de métropolitain. Les trains s’arrêtent. Les voyageurs se penchent aux fenêtres en se demandant les uns aux autres ce qui se passe. Des avions arrivent en reconnaissance. La police envoie ses hélicoptères. Le maire de la ville convoque son conseil. On téléphone partout. Les corridors du muséum bourdonnent de journalistes.Le paléontologue flatté répond de bonne grâce à leurs questions, mais s’en tire surtout par des faux-fuyants. Il ne peut évidemment pas dire grand chose. En fait il ne sait rien. En effet il avait été alerté. Oui, des amateurs, des professeurs d’université certes, mais des amateurs en ce domaine, lui avaient signalé d’étranges mouvements dans cette région du rivage, des empreintes inhabituelles sur la plage. Mais de là à se douter... La bête approche. Les rues se vident. Les fenêtres se remplissent de curieux affolés. On voit de longs poils humides balayer les vitres du bureau. Les murs vont-ils tenir ? Ils vibrent à chaque pas. Mais ceux-ci commencent à s’éloigner. Ou ne serait-ce pas plutôt qu’ils se détachent du sol, comme si la bête perdait de son poids, se mettait à courir, à sauter, à s’envoler.
Le paléontologue quitte son bureau avec les journalistes qui l’interrogeaient. Ils sortent dans le Jardin des Plantes, regardent en l’air, aperçoivent une sorte de nuage couleur d’écureuil, de bison plutôt, naturellement, qui plane sans ailes, en grondant et reniflant, manifestement décontenancé par la ville qu’il survole sans y trouver rien qui puisse le nourrir, aucune surface où s’étendre. Il cherche, cherche, grogne, flaire, et s’en va emporté par le vent comme s’il ne pesait que quelques livres, dérive, découvre enfin la mer de nouveau, vire pour descendre, se pose avec maints éclaboussements parmi les vagues qui se rebellent, diminue progressivement comme un iceberg. Il est maintenant aussi blanc qu’un ours polaire. Des navires viennent l’observer, s’efforcent de le mesurer. Il gronde. Il fonce sur eux. On ne l’aurait jamais cru capable d’une nage si violente. Mais il fond de plus en plus. Il ferme ses petits yeux, s’endort, ne nage presque plus, se laisse aller, s’échoue sur la plage comme une méduse, coule dans une crique où les trois Grâces retrouvent la liberté de leurs mouvements, sous l’oeil attendri du paléontologue qui voudrait bien en faire ses étudiantes, mais il ne se rend pas compte du fait qu’elles sont maintenant en train de s’ébattre à l’intérieur des écailles flamboyantes et transparentes d’un énorme dragon qui s’éveille de sa légende.
Un médiéviste passant par là, qui commence, lui, à se douter de quelque chose - car un enfant l’avait averti de signes avant-coureurs : herbes calcinées, empreintes sur l’asphalte -, essaie de leur enjoindre de remonter sur la rive de l’Histoire avant qu’il soit trop tard, grâce à un filin tendu d’un bord à l’autre du cratère. Mais il a une salamandre dans la gorge et elles ne lui consentent aucune attention, plongeant, replongeant, s’ébrouant fraîches dans le flamboiement ruisselant, transparent qui les enivre. Le monstre augmente. Bientôt elles n’auront plus, par rapport à lui, que la taille de bulles de gaz à l’intérieur de ses conduits, et le médiéviste ira se réfugier dans son institut carrelé de l’université, une ancienne cuisine du couvent transformé, se disant que cela ne peut pas durer, qu’il doit s’agir d’une vision, que l’on n’avait encore jamais vu cela de mémoire d’érudit. Mais le dragon augmente encore. De ses écailles de verre il écorche la côte et les rocs, cherche des marais à assécher, repu s’étend comme un volcan effondré, augmente encore, envahit l’horizon, approche des usines dont il incendie les ateliers qui deviennent des brasiers. Sa respiration fait un bruit de forge. Les convois s’arrêtent. Les étudiants se penchent aux fenêtres des chariots en demandant à leurs professeurs ce qui se passe, mais tout le monde se réfugie vite à l’intérieur, tire précipitamment les rideaux de cuir après avoir éprouvé l’ardeur du souffle. Des hippogriffes arrivent à la rescousse. La maréchaussée envoie ses chevau-légers. Les artificiers lancent des trombes d’eau qui se résolvent en vapeur au premier contact. Le bourgmestre convoque ses échevins. Envoi de messagers partout. Les courtines de l’ancien cloître bourdonnent de chroniqueurs.
Le médiéviste timide répond en balbutiant à leurs questions, mais s’en tire surtout par des échappatoires. Il ne peut évidemment pas dévoiler grand chose. Les traditions sont incertaines. En fait il manque de documents solides. En effet la fille de son collègue germaniste était venue l’alerter. Oui, elle lui avait signalé d’étranges bouffées de chaleur dans cette région du rivage, des braises sur la plage dont la marée ne parvenait pas à venir à bout. Mais de là à déduire... Fafner approche. Les cours se vident. Les galeries se remplissent de badauds émoustillés, qui s’éclipsent presque aussitôt. On voit d’étincelantes écailles frôler les vitres de l’étude. Les tours vont-elles tenir ? Elles vibrent à chaque battement. Mais le péril semble s’éloigner. Ou ne serait-ce pas plutôt que les griffes se détachent du sol comme si le dragon perdait de sa pesanteur, se mettait à courir, à sauter, ses ailes à se déployer. Le médiéviste quitte sa bibliothèque avec les greffiers qui l’interrogeaient. Ils sortent sur le parvis Notre-Dame, regardent en l’air, et parmi stryges et succubes aperçoivent une sorte d’immense oiseau couleur escarboucle, un certain mélange de pourpre et de gueules plutôt, avec des éclairs, qui agite ses interminables ailes à nervures et membranes en grondant et reniflant, manifestement décontenancé par la cité qu’il survole sans y trouver rien qui puisse le rassasier, aucun antre où se terrer, nul promontoire d’où s’élancer. Il cherche, cherche, grogne, renifle, flaire, éternue, crache de nouvelles flammes, mais avec moins de conviction déjà, et s’en va emporté par la tempête comme s’il ne pesait pas plus que quelques compilations de commentaires, dérive, découvre enfin le cratère de nouveau, vire pour descendre, se pose avec maintes étincelles parmi les champs de lave qui l’accueillent avec des volées de geysers, diminue progressivement comme un brandon dans un âtre délaissé. Il est maintenant noir comme un grizzly.
Des paladins alchimistes, caparaçonnés comme des lucanes avec doubles et triples cornes, viennent l’observer, le provoquer, tentent de se mesurer avec lui. Il explose. Il fonce sur eux. On ne l’aurait jamais cru capable d’une éruption si fuligineuse. Mais il s’effrite de plus en plus, ferme ses yeux à doubles ou triples paupières, s’endort ou fait semblant, ne bondit presque plus, se laisse aller, s’échoue sur la plage comme une chaudière abandonnée, coule dans une fontaine où les trois Grâces retrouvent la liberté de leurs mouvements, intactes, en pleine forme, sous l’oeil attendri du médiéviste qui voudrait bien en faire ses assistantes. Mais il ne se rend pas compte du fait qu’elles sont maintenant en train de s’ébattre à l’intérieur de la foule ruisselante, bavarde et transparente d’un énorme Léviathan qui s’éveille de sa révolution.
Un politicien passant par là, qui commence, lui, à se douter de quelque chose - car ses services l’avaient averti de signes avant-coureurs : distributions de tracts, rassemblements furtifs, inscriptions sur les murs -, essaie de leur crier de remonter sur la rive de la routine avant qu’il soit trop tard, en s’aidant de la chaîne tendue d’un bout à l’autre du parking. Mais il a un caméléon dans la gorge et elles ne lui prêtent aucune attention, plongeant, replongeant, s’ébrouant dans la manifestation effervescente qui les enivre. Le monstre populaire augmente. Bientôt elles n’auront plus par rapport à lui que la taille d’écolières débouchant dans les cours de récréation, et le politicien ira se réfugier dans sa loge de l’Assemblée Régionale, se disant que cela ne peut pas se prolonger, que cela n’est de toute évidence qu’un cauchemar, que l’on n’a jamais vu cela de mémoire de député. Mais le mécontentement augmente encore. De ses démonstrations il balaie avenues et vestibules, tapis rouges et grades d’honneur, cherche des vacances à prendre, des augmentations de salaire à négocier, des réformes à réformer, recru de fatigue se répand comme une génération, augmente encore, envahit l’avenir, assiège et conquiert les archives dont il disperse les dossiers qui se transforment en pavés. Sa respiration fait le bruit d’une conflagration. Les TGV s’arrêtent. Les manifestants descendent des voitures pour se mêler aux défilés. Des avions gouvernementaux qui arrivaient en mission de maintien de l’ordre, changent leur mitrailleuse d’épaule et lancent des friandises aux enfants qui les acclament. La police a perdu ses hélicoptères qui se retrouvent pavoisés des drapeaux de toutes les nations en émergence. Le président du conseil convoque ses ministres. On envoie des courriels partout. Les salles des pas perdus bourdonnent d’équipes de télévision.
Le politicien s’empresse de répondre à leurs questions, mais s’en tire surtout, comme à l’accoutumée, par des lieux communs, de la langue de bois. Il ne peut évidemment pas annoncer grand chose. Secrets d’Etat. En fait, il n’a aucune information particulière. C’est vrai, il avait été alerté. Ses indicateurs lui avaient signalé de persistantes récriminations, des pamphlets, des caricatures, des rassemblements dans les stades. Mais de là à prévoir... La violence approche. Les hémicycles se vident. Les tribunes se remplissent de curieux endimanchés qui lancent leurs chapeaux en scandant des slogans. Passent de hautes pancartes qui raient les verrières des escaliers. Les colonnes vont-elles tenir ? Elles vibrent à chaque vocifération. Mais celles-ci commencent à s’éloigner. Ou ne serait-ce pas plutôt que les manifestants se détachent du sol, comme s’ils perdaient de leur lourdeur, se mettaient à courir, à sauter, à s’envoler.
Le politicien quitte son estrade avec les caméras qui le poursuivent. Ils sortent du Capitole, regardent en l’air, aperçoivent une sorte de flottille couleur d’aurore, de Léviathan tricolore plutôt, naturellement, qui oscille comme une averse de parachutes, en sifflant et chantant, manifestement décontenancés par la ville dévastée qu’ils survolent, qu’ils survolent plutôt, sans y trouver rien qui puisse les nourrir, aucun immeuble ou pavillon où se loger. Ils cherchent, cherchent, grognent, flairent, crient, ricanent et s’en vont emportés par le vent comme s’ils ne pesaient que quelques discours électoraux, dérivent, découvrent enfin la mer de nouveau, virent pour descendre, se posent avec maints éclaboussements parmi les vagues qui jaillissent de joie, en bi ou monokini, se répandent progressivement comme une inondation. Ils sont maintenant bleus comme le ciel. Des navires viennent les accueillir, rivalisent pour les héberger. Ils dansent, les escaladent. On ne l’aurait jamais cru capable d’une acrobatie si intelligente. Mais ils ralentissent de plus en plus, ferment leurs milliers de petits yeux, s’endorment, ne nagent presque plus, se laissent aller, s’échouent sur la plage comme un million de méduses glorieuses, se coulent dans un lagon où les trois Grâces retrouvent la liberté de leurs mouvements, sous l’oeil attendri du politicien qui voudrait bien en faire ses camarades, mais ne se rend pas compte qu’elles sont maintenant en train de s’ébattre à l’intérieur des nuages ruisselants et transparents d’une énorme galaxie qui s’éveille de sa violence.
1Un aile est visée
amoureusement
les venins sournois
les cous et les griffes
corolles volutes
les générations
les pistils brillantsRuser parcourir
une aile est touchée
momentanément
les grognements noirs
les becs et les serres
les grondements secs
les pénétrationsLes taches de sang
chercher farfouiller
une aile est blessée
progressivement
les fourrures grises
fumées étincelles
pelages de feuLes écorchements
les soupirs d’amour
secouer charmer
une aile est en sang
minutieusement
les silences rouges
tonnerres oragesCascades coquilles
les respirations
les fourrés menteurs
tourner secourir
une aile fiévreuse
volcans projections
ténèbres vertigesTornades cassures
accords préparés
les inspirations
racines ténues
brasiers craquements
une aile guérit
éruptions couléesTremblements de lueurs
anges musiciens
bondissements d’orgues
les déclarations
terreurs feulements
incendies paniques
une aile atterrit
2
Une aile cuivrée
brasiers craquements
bondissements d’eaux
volcans projections
les terreurs paniques
tornades cassures
les couleurs du sangLes accouchements
une aile rieuse
incendies paniques
les bruits inquiétants
éruptions coulées
parfums électriques
anges musiciensMouvements divers
les dévorations
une aile curieuse
osciller couler
murmures velours
flaques fondrières
passages de fauvesDryades et muses
clairières peuplées
les explorations
une aile joueuse
manger s’écrouler
les silences blancs
une aile soyeuseLes cascades rousses
bramer éclater
les fourrés charmeurs
les stupéfactions
les ombres errantes
une aile moirée
ténèbres crissantesAudacieusement
les accords lunaires
glapir grésiller
racines tordues
une aile changeante
les cavernes rouges
fleurir se fanerTremblements reculs
subrepticement
bondissements rouille
une aile arc-en-ciel
les terreurs de l’aube
les interdictions
les couleurs de mort
3
Une aile en métal
clairières charmées
piailler jacasser
écorces d’encens
les inspirations
rameaux oriflammes
une aile en naissanceÉpines pincées
une aile en miroirs
les venins qui sauvent
se terrer se taire
corolles vibrantes
une aile en enfance
les pistils émusDéployer saisir
étamines vives
une aile en rayons
grognements de cuivre
une aile en croissance
grondements de sistres
les rapprochementsLes taches de miel
ruser parcourir
ocelles mouvantes
une aile en nuances
fourrures liquides
les queues et les dents
pelages de nuitLes accouplements
chercher farfouiller
une aile en vacances
baisers cavalcades
une aile en écailles
silences complices
les cous et les griffesCascades furieuses
une aile en puissance
les accouchements
secouer presser
les ombres propices
une aile éventail
ténèbres d’asileUne aile en jouissance
les accords des plumes
les dévorations
racines tressées
tourner secourir
cavernes sonores
une aile amoureuse
4
Secouer et presser
accords en suspens
inlassablement
racines et baves
les becs et les serres
cavernes vivantes
une aile en ivoireTremblements frissons
tourner secourir
bondissements chutes
monotonement
les terreurs exquises
une aile en ébène
les couleurs des nuagesLes éloignements
les odeurs musquées
brasiers craquements
les bruits les galops
une aile de perles
les parfums des sèves
tonnerres oragesUne aile de neige
les interdictions
les cris de fureur
une aile en corail
murmures d’abeilles
chaleureusement
passage de plumesMomentanément
une aile de froid
glapir grésiller
écorces tisons
les dévorations
rameaux embrasés
aimer et mourirÉpines de flammes
progressivement
une aile de vent
roucouler râler
corolles festins
les explorations
les pistils tremblantsLécher mordiller
étamines foudres
minutieusement
une aile de sel
piailler jacasser
grondements éclairs
les admirations
5
Les respirations
les couleurs des feuilles
osciller couler
les odeurs du soir
inlassablement
les bruits des torrents
une aile frémitLes parfums des fleurs
les inspirations
les mouvements lents
palpiter dormir
les cris dans les branches
une aile s’éveille
murmures du ventDiamants émeraudes
les passages sombres
les déclarations
les écorces sèches
une aile s’envole
les rameaux de gueules
délicieusementLes épines vives
cajoler siffler
les venins subtils
une aile s’enflamme
corolles et crocs
appeler partir
les pistils gluantsChaleureusement
étamines longues
une aile s’embrase
les grognements sombres
les accouplements
grondements d’entrailles
voler souleverLes taches de ciel
une aile s’enrage
ocelles moustaches
bramer éclater
fourrures et cornes
les accouchements
pelages de nuagesUne aile triomphe
les soupirs d’espoir
audacieusement
les baisers la nuit
glapir grésiller
silences grimaces
les dévorations
Marin d’eaux vives
Algues mouvantes
Grille de nacre
Noeud de rayons
Echo du large
Lambeaux d’histoire
Lèvres ouvertes
Iles du vent
Mur de murmures
Arbre de vie
Gueule d’espace
Nid de rencontres
Eveil du soir
Lente épopée
Lumière fine
Inde immobile
Mer de silence
Aube chantante
Géographie
Nouvelle entente
Entre les nuages
Lune éblouie
Lyre d’émois
Idée d’odeurs
Métal sonore
Ambre secret
Germe de blé
Nudité tendre
Espoir humide
Lynx endormi
Lance fourbie
Impermanence
Miroir de sable
Arborescences
Géants de sel
Nielles d’argent
Etendue douce
Linge oublié
Lave bruissante
Ivoire bleu
Monde englouti
Actes divers
Grottes ouvertes
Niches brûlantes
Eléphants gris
Louves des steppes
Lassos roulés
Ibis en vol
Moteurs huilé
Apparition
Globe oculaire
Numération
Equilibriste
Liquidités
Lampes à huile
Information
Mystère intact
Appartenance
Galop d’essai
Numismatique
Electricien
Livre sans pages
Louvre sans salles
Intelligence
RÉCIPROCITÉ
PAROLES QUI ROULENT
LE GOÛT DES CHOSES (TABLE OUVERTE
2)
SPATULE
LUCARNES
L’ACCROC DE LA SERRURE
PÊCHEUR D’IMAGES
ÉCOUTE NOCTURNE
QUE RESTE-T-IL DU CHIFFRE XX ?
EN AVANT POUR LE XXI !
L’ARBRE DU VIDE
LES COMPAGNONS
ONDINE
VIBRATION
VIBRATION 2
LE BISON LIQUIDE
AILES DANS LA JUNGLE (2)
ACROSTICHE