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Poésie au jour le jour 36
(enregistré en octobre 2014)
LA VOIX DES MASQUES
en treize choeurs
[La localisation de ces masques est souvent plus précise dans l'édition
Hazan de ce texte : nous y renvoyons]
I)CHOEUR DES COMPATISSANTS
A
Sénégal, DiolaAvec mes cornes je deviens
le taureau calme des rivages
labourant la vase et la boue
pour y déterrer des racines
en y enfouissant des graines
pour améliorer en prairies
les savanes fourrées de pièges
où se sont perdus tant des miensB
Côte d’Ivoire, YohourèDepuis le long bec de l’oiseau
le sifflement passe à travers
de tous mes os toutes mes fibres
pour sortir par l’intermédiaire
de ma bouche ronde fontaine
d’où jaillissent toutes les plumes
toutes les ailes qui vous manquent
dans votre lourdeur infinieC
Nigeria, IbibioDepuis le centre d’un grand plat
je fais parler la nourriture
préparée pour votre festin
vous me contemplez je contemple
vos mains vos regards et vos bouches
où je vais me précipiter
pour illuminer l’intérieur
des ténèbres de votre faimD
Gabon, VuviMes dents se sont multipliées
pour que mes paroles s’affinent
mes sourcils se sont recourbés
comme les arches d’un passage
mes yeux sont devenus semblables
à des aiguilles pour pouvoir
recoudre les lambeaux du temps
après déchirures funèbresE
Tanzanie, MakondéAu-dessus de toutes vos brouilles
je pèse les malentendus
dans la balance de mes yeux
de mes oreilles de mon nez
qui bouge imperceptiblement
quand je détecte vos mensonges
et ma bouche émet les sentences
qui vous feront trouver la paixF
Nouvelle-BretagneJe suis si heureux de vous voir
il y a si longtemps que nous
n’avions plus eu de vos nouvelles
vous nous manquiez racontez-nous
comment s’est passé le voyage
nous revivrons tout avec vous
qui êtes de retour parmi
votre famille et vos amisG
Japon, masque de BoudhaDepuis la distance insondable
où je goûte l’éternité
je perçois l’écho de vos plaintes
envoyant pour vous consoler
les répercussions de mes gongs
l’espoir de retrouver vos proches
après maintes métamorphoses
sur les chemins de ma bontéH
Haute AmazonieDépassant la marée des crânes
qui se courbent dans la prière
avec l’ancre de mes sourcils
j’essaie de m’arrimer au vent
pour que plus rien ne se dissipe
des pollens plumes et pigments
dont vous avez si grand besoin
pour vos fêtes d’initiationI
SumerMinuscule j’ouvre les yeux
depuis l’ombre des millénaires
je suis venue d’un autre temps
mais aussi d’un autre pays
où j’ai bien cru que tout brûlait
voyant que vous vivez encore
pour vous aider dans vos tourments
je vous en apporte un sourire
II)CHOEUR DES GOGUENARDS
A
Angola, TschokwéVous ne croyez pas si bien dire
je vous échapperai toujours
oiseau moqueur oeil d’ironie
donnez-moi la main sous mes fibres
pour entrer dans ma farandole
vous apprendrez l’évitement
dans les claquements de mes rires
et les remous de mes serpentsB
Nouvelle-Guinée, bas SépikVotre étonnement d’exister
au milieu de tant de hasards
j’y donne forme interrogeant
le bruit de la pluie sur les feuilles
pour vous murmurer des secrets
qui vous permettront de durer
quelques mois ou quelques années
pour raconter vos aventuresC
Nouvelle-IrlandeVous êtes tous les bienvenus
entrez entrez petits et grands
dans mon théâtre des merveilles
notre soirée commence à peine
voici des rafraîchissements
vous connaissez nos invités
mais vous allez les découvrir
autrement qu’à l’accoutuméeD
Nouvelle-BretagneVenez entrez dans notre danse
qui vous fera le plus grand bien
vous allez vous débarrasser
de tout ce qui s’accumulait
dans les replis de votre coeur
dorénavant votre sommeil
sera libre des cauchemars
qui vous faisaient tant transpirerE
VietnamNe me racontez pas d’histoires
car je perce vos boniments
j’en ai connu d’autres que vous
à me débiter leurs mensonges
beaucoup plus ingénieusement
retrouvez la simplicité
nous nous entendrons beaucoup mieux
reprenant la conversationF
JavaEnjôleur mon regard détaille
les formes des filles qui passent
mes sourcils sont comme un oiseau
qui va s’envoler pour tourner
autour de sa proie mes moustaches
comme des serpents préparés
à bondir lors du moindre signe
de faiblesse ou d’acquiescementG
MexiqueLe miel d’une heureuse nouvelle
ruisselle sur l’ambre nocturne
illuminant les orifices
qui me font percevoir le monde
et les humains qui s’y agitent
en manquant toujours la mesure
si bien que j’en propose une autre
pour récupérer leurs syncopesH
MexiqueDu sourire avant toute chose
et pour cela garder son calme
même au plus fort de la tempête
dans les flammes de l’incendie
parmi les couteaux des batailles
ou les convulsions de la fièvre
essayant de tout transformer
en fleur de générositéI
Colombie britanniqueSi je vous tire un peu la langue
c’est pour vous montrer la confiance
que je vous accorde suivant
vos évolutions sur la mer
entre les tempêtes et dans
les forêts entre les immenses
conifères où s’inscriront
vos mythes généalogiquesJ
SuisseMi-figue mi-raisin creusant
mes rides d’un marmonnement
je m’amuse en identifiant
les acteurs dans le carnaval
car tous vous arborez des masques
même si vous n’en savez rien
je les soulève plaisamment
mais parfois le sang dégouline
CHOEUR DES PROTECTEURS
A
GuinéeJe m’étonne dans ma hauteur
de voir votre foule craintive
trembler vous êtes mes enfants
mes seins cloutés comme des portes
pour les protéger des méchants
qui voudraient voler votre lait
filtrent la sève des grands arbres
pour durcir vos os et vos peauxB
Burkina Faso, WiniamaJ’ouvre mes lèvres en losange
pour vous montrer les dents qui barrent
l’entrée des maisons du village
pour vous laisser dormir en paix
je remplace vos yeux fermés
par les miens qui se multiplient
en ceux des femmes généreuses
qui protègent votre croissanceC
RDC, LegaSculpté dans le plus dur du corps
me frottant dans le sac de soins
aux drogues et aux talismans
j’apporte la sécurité
dès que le danger se rapproche
homme animal ou catastrophe
je lance mon bourdonnement
et je déplie mon bouclierD
Nouvelle-Guinée, embouchure du Sépik, KoparLe regard est à l’intérieur
du long bec qui fouille la vase
pour en retirer nourriture
et la porter à la nichée
un second regard pour fixer
l’intrus qui vient nous déranger
en nous proposant ses trafics
et le pétrifier dans sa honteE
TimorDans ma rondeur je vous accueille
au milieu des fourneaux du soir
où je fais mijoter pour vous
la soupe des forêts profondes
avec des yeux de jeunes fauves
nageant parmi feuilles et palmes
que je touille pour vous fournir
l’élixir de la double vueF
MexiqueDans la danse je viens frapper
à intervalles réguliers
le coeur dont les palpitations
sont encouragées par les cris
se répercutant sur les murs
qui nous protègent des fantômes
des félins et des ennemis
qui se risqueraient sur nos terresG
ArizonaJe suis fille de l’arc-en-ciel
je glisse dans les bras du vent
j’apporte des torrents de pluie
parmi les braises de l’été
après des mois de sécheresse
je transforme en boue la poussière
et fais reverdir le désert
vous faisant goûter l’abondanceH
Colombie britanniqueDevant ma chasuble d’hermine
je vous montre mes quatre paumes
incrustées de nacre émeraude
proposant le pacte de l’ours
que contresigneront les aigles
qui m’ont déjà fourni leurs plumes
pour communiquer aux blizzards
les noms de tous mes protégésI
USADerrière ma vitre j’observe
les jaillissements d’étincelles
que provoquent les chalumeaux
dans une lumière d’éclipse
je vois le métal fondre en larmes
dans une soudure semblable
à celle qui m’a fabriqué
en assourdissant mes oreillesJ
USACloche à plongeur ou bien bouteille
avec le bouchon pour vider
l’eau qui s’infiltre malgré tout
et faire pénétrer de l’air
auparavant pour respirer
deux fenêtres pour surveiller
le travail qu’on fait sous la mer
mais nulle bouche pour parler
IV)CHOEUR DES HILARES
A
Libéria ou Côte d’IvoireJe vous permets de reproduire
dans vos danses libératrices
nos sauts entre lianes et branches
pour échapper aux grands félins
peuplant vos pires cauchemars
éclatant à votre réveil
de rires semblables aux nôtres
pour accompagner vos récitsB
Nouvelle-Guinée, peuple GogodalaTu ne peux en croire tes yeux
ni tes oreilles car je fuse
d’innombrables plaisanteries
qui fourmillent pour animer
les conversations des soirées
lorsque la fraîcheur vous transit
et que vous sentez approcher
les présences tant redoutéesC
Nouvelle CalédonieJe ne puis garder mon sérieux
vos vêtements sont si bizarres
j’aurais dû pourtant m’habituer
car vous les avez répandus
sur tous les océans mais quoi
je n’arrive pas à m’y faire
espérant que dans quelque temps
vous vous vêtirez autrementD
Japon, KyogenPicorant vos absurdités
je m’envole sur vos querelles
tournant autour de vos villages
je reviens pour vous tourmenter
m’efforçant de vous exposer
le ridicule de vos gestes
l’inanité de vos paroles
et le néant de vos désirsE
Japon, Nô, prostituéePour vous forcer à regarder
dans ma direction je vous lance
des insultes entrelardées
de sourires bien calculés
qui vous attirent dans mes bouges
où je saurai vous détrousser
quand vous devrez vous reposer
après vos prouesses virilesF
CeylanDeux dents seulement mais quatre yeux
mon nez se tord dans les replis
je veux faire peur aux enfants
mais c’est pour leur apprendre à rire
à ne plus craindre dans le noir
même quand les parents sont loin
à transformer leurs pugilats
en des championnats de grimacesG
MexiqueDans les tourbillons de mes cornes
je dessine la sarabande
qui enlacera les villages
pour le soulagement des coeurs
mon rire communicatif
décapera vos corruptions
purifiera de ses brandons
les ordures de votre vieH
USA, IroquoisAh mais non vous ne pouvez pas
vous en tirer si aisément
venez un peu qu’on vous épouille
des faux-semblants accumulés
qui dessinent sur votre front
des sillons couverts de vermine
car notre rire est un vaccin
pour vous délivrer de la rageI
SuisseJe m’étrangle dans mes éclats
m’efforçant de les contenir
tout mon corps se tord en grimace
mes membres tournent malgré moi
comme les aubes d’un moulin
entre les meules de mes dents
je mouds la farine du rire
pour pétrir le pain d’endurance
V)CHOEUR DES MÉDITATIFS
A
Côte d’Ivoire, LohronMon visage qui vous écoute
est surmonté d’un plus petit
qui vous écoute plus encore
ce que vous prenez pour des plumes
est une couronne auditive
sensible à ce que votre voix
transmet sans que vous le sachiez
les désirs que vous ignorezB
Côte d’Ivoire, YohouréOracle à peine murmurant
les remous de ma chevelure
sont comme cornes d’abondance
répandant graines et musique
fermentation méditation
germination fraîcheur silence
rayonnement chaleur ivresse
repos soulagement courageC
Côte d’Ivoire, région lagunaire, EbriéJe suis le souvenir d’un masque
l’or voudrait me rendre immortel
face aux lenteurs du quotidien
je maintiens le vif de la fête
dans l’immobilité royale
mes stries vibrent comme la danse
et dans le moindre mouvement
ce coeur fait passer la paroleD
Nigeria, BéninOn me caresse avec les doigts
on m’interroge dans la paume
on me porte jusqu’à l’oreille
pour écouter ce qui s’échappe
d’entre mes lèvres entrouvertes
et l’on me fait sentir l’odeur
des fruits des viandes et des fleurs
pour me nourrir et m’égayerE
RDC, Téké TsaayiUn miroir à travers mon nez
comme le Soleil du matin
ou du soir au-dessus de l’eau
mes yeux se dédoublent parlant
les uns avec les autres comme
une assemblée de vénérables
faisant jaillir des fleurs célestes
et des arc-en-ciel de silencesF
RDC, MahongwéOn a voulu approfondir
l’ombre où vous logerez vos yeux
pour que les éclairs de Soleil
ou de flammes vous percent mieux
de leurs flèches pour tatouer
non seulement votre visage
et la peau de tout votre corps
mais l’intérieur de votre crâneG
RDC, LuluwaNavire de silence avec
des rames qui s’enfoncent dans
les bruits de la vie quotidienne
les coquilles de mes paupières
respirent l’or des profondeurs
tandis que dans mes écoutilles
remontent les ancres d’espoir
sous le front où les jours s’inscriventH
Nouvelle-IrlandeDu plus profond de mes broussailles
je viens traduire à vos oreilles
les murmures de la forêt
les incantations de la sève
les enseignements des insectes
les inquiétudes des oiseaux
les borborygmes des marais
et les mélopées des cascadesI
MexiquePar mes yeux de pierre j’observe
les processions des prisonniers
que les grands sacrificateurs
couvrent de fleurs avant de les
égorger parmi les bravos
recueillant leur très précieux sang
pour en huiler l’essieu des astres
et nourrir leur flamme affaméeJ
USA, HopewellLe fantôme d’un aigle chauve
habite ma pierre creusée
d’aires où couver des petits
avec lesquels vous associer
dans vos rêves pour survoler
les méandres des plus grands fleuves
les troupeaux de bisons errant
et des siècles de migrations
VI)CHOEUR DES INSTRUCTEURS
A
Burkina Faso, ToussianMon bec transforme mes cheveux
en des ailes qui nous emportent
par-delà cimes et frontières
aux quatre coins de l’horizon
pour en rapporter les oracles
qui nous permettront de survivre
sous le regard des étrangers
qui viennent piller nos régionsB
Côte d’Ivoire, SénoufoMa poitrine s’ouvre vers vous
mon ventre et mon cou se déplient
en une colonne d’accès
vers les profondeurs de mon crâne
où se répètent les rituels
que m’ont enseignés mes ancêtres
que je vous enseigne à mon tour
pour le salut de vos enfantsC
Côte d’Ivoire, BaouléExaminateur indulgent
c’est moi qui pose les questions
quand je vous vois par trop peiner
il m’arrive de vous souffler
le début de quelque réponse
que vous tentez de compléter
ce qui me permet d’énoncer
une question plus difficileD
Gabon, FangMa ligne de nez se prolonge
entre mes sourcils sur mon front
et de l’autre côté jusqu’à
mon menton à travers ma bouche
c’est comme une flèche tirée
par un arc vers les étendues
célestes au-delà des nuages
ou naturellement l’oiseau
dans lequel se change votre âmeE
RDC, KubaRuisselant de monnaie marine
j’émerge d’un fleuve d’errance
essayant de garder le cap
parmi les troncs à la dérive
car il s’agit de rassembler
malgré l’inquiétude et l’oubli
dans une mosaïque heureuse
tout ce qui vient s’agglomérerF
Nouvelle-Guinée, delta du fleuve PurariCe qui pousse dans la forêt
ce qui grimpe tourne s’enlace
te regarde chercher ta voie
parmi les ronces et les troncs
qui chaque jour vont s’écroulant
te forçant à redéchiffrer
ce texte perpétuellement
changeant dans sa monotonieG
Nouvelle-BretagneSinueusement je contiens
l’effervescence des triangles
maisons de soleil et de nuit
qui dérivent dans le passage
de l’enfance à l’adolescence
de l’âge mûr à la vieillesse
qui voudrait tellement transmettre
ses découvertes d’autrefoisH
Nouvelle-IrlandeDes yeux partout des messagers
qui rapportent à mes oreilles
les chuchotements et fous rires
les vents circulent dans ma tête
y recevant mes instructions
pour disperser ou rassembler
bourrasques brumes tourbillons
sauver les marins ou les perdreI
VanuatuLa fontaine de mes pensées
s’épanouit en végétation
qui recueille dans son feuillage
les nouvelles des autres îles
dans les archives de ma tête
je médite sur tout cela
pour donner à mes instructions
l’intonation qu’elles méritentJ
Colombie-BritanniqueMa langue claque dans mon bec
pour enseigner à mes enfants
les humains leurs tout premiers mots
avec lesquels ils deviendront
capables d’embobeliner
leurs frères mais aussi les miens
malgré leur vanité divine
sous leurs vêtements animaux
CHOEUR DES SÉVÈRES
A
Sierra Leone, TemnéAvertissement des seigneurs
qui vous surveillent sans relâche
tocsin de grelots et de cloches
signalant graves manquements
dans les contrats qui nous unissent
nous risquons de nous éloigner
dans une brume impénétrable
si vous ne rectifiez vos voiesB
Détroit de TorresJe sens l’odeur de vos péchés
je goûte au sang de vos querelles
vous ne m’échapperez jamais
je monte la garde pour vous
rappeler vos obligations
si vous cessez de m’apaiser
mon front grandira de colère
mes dents vous déchiquetterontC
French Islands, île WituIncomparablement hautain
par le fuseau de mes narines
je file vos fibres de vie
filtrant vos jours par mes fanons
surveillant vos agissements
qui ne me satisfont jamais
qu’à moitié pour vous empêcher
de vous perdre complètementD
Nouvelle-BretagneJe suis très ancien mais je suis
aussi votre futur je suis
au-delà de votre naissance
et de votre mort attendant
celle de tous vos descendants
jusqu’à l’extinction de la race
ou sa dispersion dans le sang
des envahisseurs d’outre-merE
Japon, masque d’armureDans l’étalage des combats
dans le roulement des tambours
je répercute les éclats
des coups d’épée je les renvoie
aiguisés pour désarçonner
l’adversaire que j’éblouis
et qui se met à désirer
une mort d’illuminationF
JaponDans vos légendes que célèbrent
vos théâtres vos opéras
le commandeur s’en vient saisir
de sa main le bras du déchu
il aurait suffi de mes yeux
pour absorber la vilenie
qui se cachait sous la faconde
de ce grand seigneur méchant hommeG
USALe masque nous rend invisible
sa transparence lui permet
de se rendre invisible aussi
mais alors la peau reparaît
même avec ses déformations
sous cette dureté nouvelle
qui se moque des coups de crosse
dans le glissement des titansH
USAPeintures guerrières triangles
qui s’enfoncent comme des cris
l’absence de nez les narines
transformant le visage en crâne
pour narguer la mort je la mime
me rappelant le temps des jeux
où l’équipe risquait sa vie
sous l’applaudissement des dieuxI
USAPieuvre des flammes salamandre
incarnant le vrombissement
archange de la profondeur
je juge ce qu’il faut sauver
ce qu’il faut remonter au jour
ce qu’il faut laisser à sa ruine
dans les cendres qui s’accumulent
aux cimetières des marées
CHOEUR DES FURIEUX
A
Nouvelle-Guinée, bas SépikL’ivoire des crocs en faucille
dessine une bouche au-dessous
du bec de cigogne ou de grue
que je fais claquer en cueillant
les grenouilles qui vous ressemblent
et qui coassent comme vous
dans les soirées de clair de lune
sans parvenir à me calmerB
Nouvelle-IrlandeMon regard traverse le vôtre
et tous les voiles par lesquels
vous voudriez me le cacher
mes oreilles sont des antennes
pour analyser vos murmures
récriminations réticences
les couleurs de votre silence
si loin que vous vous dérobiezC
Ceylan ou LaosMon immense face recouvre
tout un pan du ciel c’est sa voix
qui siffle en passant par mes dents
c’est sa curiosité qui guette
dans les conques de mes oreilles
c’est sa passion de la lumière
qui fouille au travers de mes yeux
ses reflets sur toute la TerreD
IndeAlerte les démons sont là
précipitez-vous dans les temples
pour y découvrir la formule
qui vous permettra d’échapper
à leur vengeance inapaisable
car ils n’ont jamais oublié
le culte que vous leur rendiez
avant la victoire des dieuxE
MexiqueJe ne puis que vous mépriser
me gausser de vos prétentions
si nous ne sommes rien sans vous
tentez de cesser vos prières
vous saurez alors à quel point
l’ennui peut ronger vos journées
l’angoisse tarauder vos nuits
la mort encombrer vos regardsF
PérouMisérables incompétents
qui n’avez su me conserver
malgré le regard de la chouette
qui veillait sur moi dans la nuit
mes yeux sont comme des éponges
qui se remplissent de vos larmes
pour entretenir leur débit
perdurent mes imprécationsG
MexiqueUne croix marque mon menton
comme un fer rouge provoquant
des flots de fumets et fumées
attirant les mouches les taons
les jaguars et les étrangers
qui se sont perdus en forêt
en essayant de retrouver
le terrain d’une ancienne fouilleH
RomeJ’ai tremblé sous les coups de fouet
résonné sous les coups d’épée
mes vrais cheveux sous ceux de bronze
ont ruisselé dans le combat
au coeur des fournaises du cirque
sous la peau que m’a fait Vulcain
je me sentais devenir Mars
dans sa conquête de VénusI
USAMon visage est devenu poing
la balle qu’on ne perçoit plus
qu’à peine tant elle est rapide
perce des trous entre les doigts
qui s’efforcent de la saisir
pour la renvoyer au plus loin
dans le brouhaha de la foule
comme émissaire de nos maux
IX)CHOEUR DES GUIDES
A
Nigeria, Ijo de l’ouest ou du centreJ’ai emprunté au vieux serpent
la vitesse de son éclair
à la corne de la gazelle
des indications sur les pistes
à suivre dans les labyrinthes
des rochers et à son museau
la capacité de prévoir
les imminences du périlB
Gabon, KwéléJ’ai amalgamé dans mon coeur
toutes les phases de la Lune
ma bouche s’en est effacée
seuls mes yeux peuvent s’exprimer
dans l’encens des nuits de l’attente
pour manifester au Soleil
et à tous ses enfants perdus
le chemin de leur délivranceC
Mozambique, MakondéC’est la sagesse des vieux singes
que je maintiens dans ma noirceur
quand vous ne saurez plus comment
vous faufiler dans le malheur
je vous ferai franchir ravins
torrents de laves et de cendres
en vous accrochant à mes lianes
comme si vous étiez mon peupleD
Angola, MwenaC’est pour éviter le Soleil
qui trop souvent nous éblouit
que je referme les paupières
jusqu’à ne laisser qu’une fente
comme coupée par un couteau
qui me fait percer les mystères
de l’anthracite en plein midi
qui vibre aux pupilles des fauvesE
Zambie, MbundaAux sourcils s’ajoutent les rides
pour figurer un grand palmier
qui signale au-dessus des sables
la présence d’une oasis
où j’accueillerai vos familles
et vos troupeaux me transformant
en inépuisable fontaine
sous les arcades les cavernesF
Nouvelle-Guinée, Dimiri, YaulMon haleine va réchauffer
les naufragés qui se débattent
dans les tourbillons de mes yeux
les barres de ma mélopée
vont leur servir à s’accrocher
pour se hisser sur le radeau
qu’elles tressent pour les sauver
et les ramener parmi vousG
French Islands, île WituMon casque me fait ressentir
les appréhensions de chacun
des innombrables descendants
dont j’ai peuplé votre archipel
ainsi quand vous apercevez
quelque poisson dans le chenal
c’est moi qui guide vos harpons
et crie à travers votre joieH
SumatraEnfants retenez votre souffle
l’histoire que je vais conter
vous emmènera chez des princes
dans des palais pharamineux
nous survolerons des détroits
nous irons combattre des monstres
dans des continents ignorés
et puis nous reviendrons chez vousI
MexiqueJ’entrouvre mes lèvres charnues
pour saluer les étrangers
qui sont venus rendre tribut
en se faufilant sur la plage
un festin leur est préparé
des cadeaux pour les remercier
des plumes pour orner leur tête
et de l’or pour les amuserJ
USAPour résister au froid du vent
des altitudes je rajoute
de grosses lunettes de verre
cerclées de métal qui s’applique
sur le cuir qui couvre ma peau
et je perçois entre les nuages
par-dessus la tôle ou la toile
quelques signes pour nous guider
X)CHOEUR DES INQUIETS
A
Côte d’Ivoire, BaouléStupéfaction dans le soleil
mes yeux devenus verticaux
sont comme des feuilles flottant
sur une flaque dans la jungle
les pupilles comme des fruits
ou comme des mâts en croissance
dans des barques où le regard
du danseur creuse son voyageB
Nigeria, UrhoboMalgré les cornes qui m’honorent
je reconnais mon impuissance
j’aurais tant voulu vous aider
j’ai sué presque tout mon sang
il ne reste plus sous mon front
qu’une fatigue qui jamais
ne m’avait creusé à ce point
vidé jusqu’au coeur de mes fibresC
RDC, KumuMes yeux sont comme des fenêtres
ou des jumelles pour scruter
les horizons multipliés
d’où viennent troupeaux de menaces
et ma bouche est un porte-voix
pour amplifier mon cri d’alerte
afin de réveiller les morts
et les vivants désemparésD
Salomon, NissanJe vous accueille ne sachant
pas très bien comment vous situer
d’où venez-vous je ne vois pas
sur vos visages d’inscriptions
me renseignant sur vos parents
vos aventures vos villages
vous êtes lisses comme si
vous aviez perdu la mémoireE
Japon, NôL’ivoire de ma peau ruisselle
sous les fards de civilité
d’une sueur de timidité
dès que je sors de la maison
où m’entretiennent les servantes
à qui mon père m’a confié
quand il est parti pour l’exil
suite aux intrigues de palaisF
LombokJe danse la durée l’attente
la patience la résistance
à la souffrance et au malheur
la lenteur des jours et des nuits
balbutiements reconnaissance
résignation mais vigilance
la précipitation des mois
et l’engouffrement des annéesG
MexiqueJe fronce les sourcils sentant
que manquements se multiplient
aux règles qu’avaient édictées
vos ancêtres dans leurs conseils
quand le désordre arrivera
jusqu’à la peste et la famine
je m’efforcerai d’apporter
quelque révélation nouvelleH
USA, MississippiMes yeux sont sources bouillonnantes
au milieu de longues lagunes
où le sel construit ses trémies
donnant l’exemple minuscule
des pyramides qu’on élève
dans des régions très éloignées
pour redonner quelque saveur
à la monotonie des joursI
ÉgypteMa mort s’écoule plus paisible
que ma vie où la maladie
s’est saisie de moi par surprise
tandis que je voyais nos dieux
céder leur place à quelques autres
qui souvent ne les valaient pas
et nos pharaons remplacés
par des prédateurs acclamés
CHOEUR DES ÉPOUVANTAILS
A
Nigeria, IshanSurgi d’une blancheur ancienne
comme d’ossements et de cendres
avec la corne de ma proue
je trace un sillage au milieu
des rassemblements de fantômes
qui n’ont pas encore trouvé
par trop de remords et regrets
le repos qu’ils désiraient tantB
RDC, LegaAttention mes dents se détachent
l’une après l’autre mes cheveux
sont tombés depuis bien longtemps
mais il me reste les narines
pour flairer vos esprits vitaux
et de quoi crier aboyer
jeter des éclairs par les trous
qu’ont laissé mes yeux disparusC
Détroit de TorresUn regard de paix un de guerre
le museau comme un éperon
pour fendre l’écume des jungles
autour des clairières tranquilles
si jamais l’attaque survient
feulements ou coups de fusil
raz-de-marée foudre éruption
vrombissements d’hélicoptèresD
Nouvelle-Guinée, aire Tami, île de SioÀ l’intérieur de la couronne
de dents qui tournoient pour broyer
deux autres crocs pour lacérer
les membres des précipités
qui repassent avant d’entrer
dans mon gouffre leurs manquements
aux règlements que leurs ancêtres
essayaient de leur inculquerE
Nouvelle-Bretagne, SulkaDans l’explosion de ma colère
j’ai grandi démesurément
mes hurlements se répercutent
dans les forêts et les torrents
d’une tempête à l’autre d’un
incendie à un autre d’un
raz-de-marée à l’autre dans
mon incorruptibilitéF
Japon, NôJe ferai brûler dans vos yeux
l’horreur qui déchire les miens
la fréquentation des fantômes
ne les a pas rendus plus tendres
mais m’a permis de pénétrer
certains de leurs secrets hideux
pour me protéger de leurs fouets
j’essaie de hurler avec euxG
Japon, diableLe seul plaisir que je connaisse
dans l’abîme du châtiment
c’est de boire au fond de vos yeux
l’angoisse que je communique
inutile alors pour mes crocs
de se refermer sur vos membres
puisque pour mon soulagement
je puis déchiqueter vos âmesH
JaponCelui qui se bat dans mes yeux
n’est pas seulement un humain
c’est un roi-dragon qui débarque
de son paradis de violence
et celui qui crie dans ma bouche
c’est un vrai fantôme affamé
qui veut vous décontenancer
pour s’abreuver de votre honteI
Royaume-uniFragment de la cotte de mailles
qui couvrait les preux d’autrefois
c’est comme un mouchoir d’épouvante
pour atténuer l’éternuement
des cahots des balles des bombes
dans le titubement du char
sous le loup de bois ricanant
entre les hurlements d’angoisseJ
USANous n’avons pas connu la guerre
mais nous cherchons l’équivalent
nous avons si peur de la peur
que nous voulons la provoquer
chez les autres pour exulter
dans une souffrance hurlante
fuyant de toute la vitesse
de nos motos notre détresse
XII)CHOEUR DES PASSEURS
A
Côte d’Ivoire, IgboLe cavalier qui me chevauche
transforme mes cheveux en vagues
dans le mouvement de la mer
je m’éveille de ma noyade
sous les narines du dauphin
qui me dépose sur la plage
en me laissant tout un trésor
de récits à interpréterB
Nigeria, AnangGardien de la porte secrète
je sonde vos reins et vos coeurs
je radiographie vos demandes
j’analyse vos émotions
pour vous accorder le visa
qui vous permette d’aborder
jusqu’au tribunal où l’on pèse
vos capacités de survieC
Cameroun, BangwaDans les deux côtés de mon crâne
mes orbites se sont creusées
plus que si j’étais déjà mort
mon double regard enfoncé
dans des cavernes de vertige
où je cherche à vous emporter
pour que vous puissiez en renaître
tout aussi multiples que moiD
RDC, LegaDans la nuit blanche de l’aveugle
je scrute sentes et rivages
de ce monde et de quelques autres
pour déjouer trappes et pièges
répondre aux douaniers et gardiens
écoutant les palpitations
les galops et respirations
des affairés du tribunalE
Nouvelle-Guinée, rivière Keram, peuple RaoLa mélodie que je dessine
comme des vagues sur le fleuve
emportant ma barque au-delà
des régions que vos pieds atteignent
apprivoise troupeaux de nuages
dans les archipels d’au-delà
écartant roseaux et racines
pour vous aider à respirerF
ChineL’absence de menton me fait
ouvrir une bouche infinie
qui bientôt vous engloutira
depuis la tête jusqu’aux pieds
mais je souris de bienveillance
car je surveillerai vos pas
dans la digestion de la mort
jusqu’à la réincarnationG
ChineLa lumière s’est concentrée
dans l’or où je ferme les yeux
je vois à travers mes paupières
le désarroi des survivants
je me glisserai dans leurs rêves
pour leur donner de mes nouvelles
et leur éclairer les impasses
où les guette l’adversitéH
JavaQue la mort vous soit plus légère
que le cercueil n’empêche pas
les antennes de vos idées
de venir danser leur lumière
dans les têtes des survivants
que mes lèvres d’or baiseront
dans un interminable adieu
glissant mes regards dans les vôtresI
NépalJ’entoure de mes ornements
le vide s’ouvrant dans vos yeux
et dans votre bouche un troisième
oeil apparaissant sur le front
pour vous guider dans votre errance
au labyrinthe de vos vies
et de la mort de tous vos proches
l’un après l’autre ensevelisJ
IranMême s’il était déjà mort
celui que j’ai masqué jadis
a dû retrouver ses ancêtres
dans les souterrains de l’absence
mais a-t-il pu identifier
ceux qui lui manquaient tellement
je n’ai pu que l’encourager
en le laissant s’aventurer
XIII)CHOEUR DES ÉNIGMATIQUES
A
Côte d’Ivoire, BaouléMon visage s’est dédoublé
deux yeux ouverts deux yeux fermés
l’oeil droit est devenu l’oeil gauche
pour celui qui voit à travers
tout pourra donc se renverser
le plein le creux le haut le bas
hier et demain jour et nuit
le rêve et l’éveil la Terre et le CielB
RDC, Lwalwa (Lwalu)Quel souci vous pauvres humains
ne pouvez savoir les tracas
que vous provoquez dans nos rangs
si nous pouvions vivre sans vous
quelle tranquillité soudain
mais il suffit que vous fassiez
vos rites convenablement
pour que nous soyons pris au piègeC
BornéoJ’ai beau écarquiller les yeux
flairer secouer mes oreilles
je ne puis pas identifier
l’apparition qui m’interpelle
en me bombardant de questions
auxquelles je ne puis répondre
matérialisant l’ignorance
mon regardeur qui êtes-vousD
IndeMa chevelure est un pelage
qui ondule de tous côtés
me camouflant dans mes voyages
aux pays de l’adversité
brûlant de fièvre dans ma transe
je fais fondre tous les glaciers
pour réveiller le cours des fleuves
que l’hiver avait pétrifiéE
MexiqueMes narines sentent le sang
qui ruissellera sur les marches
redonnant vie à ma vieillesse
pour que je puisse distribuer
mes bénédictions sur la ville
dont les pyramides s’élèvent
au-dessus des arbres chanteurs
dans les territoires du ventF
MexiqueJe ne puis rien dire je suis
le mutisme devenu pierre
je perce des trous dans la brume
de la forêt surabondante
pour apercevoir l’océan
où des navires surviendront
détruire tout ce que nous sommes
et ne laisser que des regretsG
ColombieJe n’ai que la peau sur les os
mais des gravures m’agrémentent
de poils de barbe envahissant
tous les panneaux de mon visage
et ce sont aussi des paroles
qui transpirent de tous mes pores
tandis qu’officiellement
rien ne franchit ma dentitionH
Alaska, InuitMes cheveux ce sont des nageoires
mes plumes ce sont des écailles
à l’intérieur de ma poitrine
se sont déployées des arêtes
poissons et phoques me caressent
pour que vous puissiez les pêcher
et les absorber dans vos crânes
où ils deviendront vos penséesI
Alaska, InuitPlumes de neige bois tendu
comme un triple arc pour mieux guetter
vers tous les points de l’horizon
où le ciel se distingue à peine
avec ses nuages tourmentés
de la glace bouleversée
par le passage des kayaks
tout ce dans quoi chauffe le sangJ
USAQui est celui qui parle au juste
masque ou masqué comment savoir
puisqu’il s’agit de devenir
pas toujours de son propre gré
celui dont on prend l’apparence
ou cela matière ou machine
ou même des allégories
asservissement délivrance
(Pour identifier les masques j’ai mis d’abord entre parenthèses le numéro de page dans l’album de photographies, puis la provenance géographique, enfin, entre parenthèses aussi, le numéro de l’inventaire, lequel est parfois incomplet.)A (1) Sénégal, Diola (1000-2)
B (13) Côte d’Ivoire, Yohouré (1007-60)
C (15) Nigeria, Ibibio (1014-66)
D (24) Gabon, Vuvi (1019-32)
E (39) Tanzanie, Makondé (1027-2)
F (56) Nouvelle-Bretagne (4452-A)
G (66) Japon, masque de Bouyddha (229-?)
H (97) Haute Amazonie (994-25 A)
I (111) Sumer (240-99) (?)A (38) Angola, Tschokwé (1028-43)
B (42) Nouvelle-Guinée, bas Sépik (4099-32)
C (55) Nouvelle-Irlande (4320)
D (57) Nouvelle-Bretagne (4436)
E (75) Vietnam (2505-1)
F (79) Java (33OO-A)
G (92) Mexique (505-5)
H (99) Mexique (504-25)
I (106) Colombie-Britannique (921-A)
J (114) Suisse (104-3A)A (2) Guinée (1001-1)
B (4) Burkina Faso, Winiama (1005-51)
C (33) RDC, Lega (1026-1)
D (43) Nouvelle-Guinée, embouchure du Sépik, Kopar (4067)
E (76) Timor (3728)
F (93) Mexique (505-26)
G (101) USA, Arizona (938)
H (109) Colombie-Britannique (921-D)
I (117) USA (105-3)
J (122) USA (105-6)A (3) Libéria ou Côte d’Ivoire (1003-35)
B (49) Nouvelle-Guinée, peuple Gogodala (4231)
C (63) Nouvelle-Calédonie (4707)
D (68) Japon, Kyogen (229-3)
E (71) Japon, Nô, prostituée (229-7)
F (78) Ceylan (2504-51)
G (100) Mexique (981-?)
H (102) USA, Iroquois (952)
I (115) Suisse (104-3)A (6) Côte d’Ivoire, Lohron (1006-52)
B (12) Côte d’Ivoire, Yohouré (1007-34)
C (14) Côte d’Ivoire, région lagunaire, Ebrié (1034-273)
D (18) Nigeria ou Bénin (1011-104)
E (26) RDC, TékéTsaayi (1021-20)
F (27) RDC, Mahongwé (1021-33)
G (28) RDC, Luluwa (1026-30)
H (58) Nouvelle-Irlande (4316-1)
I (88) Mexique (506-2)
J (103) USA, Hopewell (970-2)A (5) Burkina Faso, Toussian (1005-11)
B (8) Côte d’Ivoire, Sénoufa (1006-36)
C (10) Côte d’Ivoire, Baoulé (1007-228)
D (25) Gabon, Fang (1019-76)
E (29) RDC, Kuba (1026-189)
F (48) Nouvelle-Guinée, delta du fleuve Purari (4203-D)
G (53) Nouvelle-Bretagne (4461)
H (60) Nouvelle-Irlande (4318)
I (61) Vanuatu (4606)
J (105) Colombie-Britannique (921-B)A (7) Sierra Leone, Temné (1002-16)
B (41) Détroit de Torres (4241)
C (50) French Islands, île Witu (4475)
D (54) Nouvelle-Bretagne (4455)
E (73) Japon, masque d’armure (GBM 67)
F (74) Japon (GBM 76)
G (120) USA (105-5)
H (121) USA (105-2)
I (125) USA (105-?)A (45) Nouvelle-Guinée, bas Sépik) (4099-16)
B (59) Nouvelle-Irlande (4337)
C (77) Ceylan ou Laos (317)
D (85) Inde (2504-55)
E (91) Mexique (500-36)
F (96) Pérou (532-25)
G (98) Mexique (981-E)
H (113) Rome (231)
I (124) USA (105-9)A (21) Nigeria, Ijo de l’ouest ou du centre (1012-35)
B (23) Gabon, Kwélé (1019-80)
C (35) Mozambique, Makondé (1027-42)
D (36) Angola, Mwena (1028-32)
E (37) Zambie, Mbunda (1028-34)
F (46) Nouvelle-Guinée Dimiri, Yaul (4088)
G (51) French Islands, île Witu (4476)
H (83) Sumatra (3109)
I (94) Mexique (501-9)
J (118) USA (105-1)A (11) Côte d’ivoire, Baoulé (1007-21)
B (20) Nigeria, Urhobo (1012-2)
C (34) RDC, Kumu (1026-226)
D (62) Iles Salomon, Nissans (4503)
E (69) Japon, Nô (229-4)
F (80) Lombok (3320-A)
G (95) Mexique (505-13)
H (104) USA, Mississipi (970-19)
I (110) Égypte (203-126)A (19) Nigeria, Ishan (1015-171)
B (31) RDC, Lega (1026-465)
C (40) Détroit de Torres (4244)
D (47) Nouvelle-Guinée, aire Tami, île de Sio (4111)
E (52) Nouvelle-Bretagne, Sulka (4454)
F (67) Japon, Nô (229-2)
G (70) Japon, diable (229-?)
H (72) Japon (222-3)
I (116) Royaume-uni (104-5)
J (123) USA (105-7)A (16) Côte d’Ivoire, Igbo (1014-101)
B (17) Nigeria, Anang (1013-2)
C (22) Cameroun, Bangwa (1018-65)
D (32) RDC, Lega (1026-466)
E (44) Nouvelle-Guinée, rivière Keram, peuple Rao (4071-D)
F (64) Chine (221-2)
G (65) Chine (5221-52)
H (81) Java (3348)
I (84) Népal (2504-168)
J (112) Iran (242-?)A (9) Côte d’Ivoire, Baoulé (1007-65)
B (30) RDC, Lwalwa (Lwalu) (1026-218)
C (82) Bornéo (3416-B)
D (86) Inde (2504-52)
E (87) Mexique (502-6)
F (89) Mexique (504-1)
G (90) Colombie (531-17)
H (107) Alaska, Inuit (900-3)
I (108) Alaska, Inuit (900-1)
J (119) USA (105-4)
Dans le théâtre antique, les masques étaient des porte-voix. Mais ce qu’ils projetaient n’était pas l’individualité de leur porteur, pas même celle du personnage qu’ils interprétaient. Ils passaient d’un héros à l’autre, qu’ils fussent tragiques ou comiques. Ils permettaient de faire entendre des fonctions fondamentales du spectacle ou de la cérémonie et par là de la société. Leur ensemble forme comme une gigantesque troupe à l’intérieur de laquelle se manifestent des affinités qui ne sont pas seulement celles des lieux ou des siècles. À l’écoute de leur dialogue, nous explorons les coulisses de notre temps et leurs relations plus ou moins lointaines, plus ou moins secrètes avec celles d’autres civilisations.
VARIANTES VACHERON CONSTANTIN
[Comparer ici avec les strophes précédentes 120 (XIII, E),
112 (XII, G), 44 (V, F) et 114 (XII, I)]
Mexique
Mes narines sentent l’encens
qui s’élèvera sur les marches
redonnant vie à ma vieillesse
pour que je puisse distribuer
mes bénédictions sur la ville
dont les pyramides s’élèvent
au-dessus des arbres chanteurs
dans les territoires du vent
Chine
La lumière s’est concentrée
dans l’or où je ferme les yeux
je vois à travers mes paupières
le sommeil de mes descendants
je me glisserai dans leurs rêves
pour leur donner de mes nouvelles
et leur éclairer les impasses
où les guette l’adversité
Congo
On a voulu approfondir
l’ombre où vous logerez vos yeux
pour que les éclairs de Soleil
ou de flammes pénètrent mieux
de leurs flèches pour tatouer
non seulement votre visage
et la peau de tout votre corps
mais les secrets de votre nuit
Tibet
J’entoure de mes ornements
le vide s’ouvrant dans vos yeux
et dans votre bouche un troisième
oeil apparaissant sur le front
pour vous guider dans vos efforts
au labyrinthe de vos vies
et de celles de vos enfants
qui continuent vos aventures
Face chaude :L’horizon :
La route, la cascade, l’alpage, la cathédrale, le cygne, le précipice, le téléphérique,
La montagne, le ciel, le glacier, la vallée, la falaise, le fleuve, la ville,
L’aéroport, la tour, l’épervier, le lac, le marais, le train, la forêt,
Le pont, l’autocar, le soleil, la neige, l’écho, le chamois, la caverne.
Le décor :
Le mur, le sapin, la chèvre, le chien,
le rhododendron, le jardin, la grille, le torrent, l’échelle,
la pie, le cheval, la meule, le poteau, la grange,
le pont, le clocher, la terrasse, la pancarte.
Ce que l’on peut voir à ses pieds :
Un grain de riz, un caillou noir, une baie rouge, une épine de rosier, un brin de laine,Face froide :
un grain de blé, un caillou blanc, une baie bleue, une épine de ronce, un brin de soieUn clou rouillé, un champignon jaune, une élytre d’or, une aile de libellule, une flaque d’eau
un clou neuf, un champignon rose, une élytre verte, une aile de papillon, une flaque d’huile.Une sauterelle grise, une brindille de peuplier, un bouton de nacre, un ticket de métro, une feuille d’érable
une sauterelle verte, une brindille de noisetier, un bouton de cuir, un ticket de musée, une feuille d’érableUn pétale de lys, une écorce de cerisier, une racine de saule, un bourgeon de cèdre, un gravier blanc,
un pétale de géranium, une écorce de bouleau, un rhizome d’iris, un bourgeon de marronnier, un gravier gris.Un escargot marbré, une ficelle verte, un fil électrique, un élastique jaune, un pépin de raisin,
un escargot jaspé, une ficelle rousse, un fil de la vierge, un élastique blanc, un pépin de pomme.Un noyau de pêche, une pièce d’un franc, une fleur de véronique, un crayon rongé, un serpent qui sort,
un noyau de prune, une pièce de dix centimes, une fleur de myosotis, un crayon taillé, un serpent qui rampe.Un lézard gris, un oeuf de caille, une plume de geai, une griffe de buse, un os de belette,
un lézard vert, un oeuf de perdrix, une plume de pintade, une griffe de rat, un os de corbeau.*
Un poil de blaireau, un cheveu roux, une miette de brioche, un duvet d’oie, une trace de pas,
un poil d’écureuil, un cheveu blond, une miette de pain, un duvet de canard, une trace de bêche.Un ruban jaune, un chaume de blé, une mousse veloutée, une fougère capillaire, un lichen orange,
un ruban moiré, un chaume de seigle, une mousse spongieuse, une fougère pendante, un lichen citron.Du sable blanc, une traînée de suie, une tache de confiture, une giclure de sauce, une allumette brûlée,
du sable rose, une traînée de craie, une tache de sang, une giclure d’encre, une allumette cassée,Une cigarette blonde, un emballage de caramel, un trou de souris, une lame de rasoir, une dent de lait,
une cigarette écrasée, un emballage de punaises, un trou de lièvre, une lame de couteau, une dent d’or.Une épluchure de carotte, une guêpe, une ampoule pharmaceutique, un tube de dentifrice, un éclat de bois,
une épluchure de pomme de terre, une abeille, une ampoule électrique, un tube de peinture, un éclat d’obus.Une bouteille d’encre, un nid d’alouette, une toile d’araignée, un lacet de chaussure, un morceau de papier,
une bouteille de lait, un nid de chardonneret, une toile de coton, un lacet de sac, un morceau de pneu.Une musaraigne, un lambeau de filet, un bouchon de liège, une clef de valise, un talisman de survie,
un mulot, un lambeau d’étoffe, un bouchon de pêcheur, une clef de voiture, un talisman de découverte.L’horizon :
Le rempart, l’île, la baie, la digue, l’entrepôt, la basilique, le camion,
la mer, la vague, l’écume, le phare, le port, le navire, la grue,
la mouette, le nuage, la gare, l’avion, la plage, la pinède, le volcan,
la lune, l’étoile, la pluie, le sel, le vent, le chevreuil, l’aventure.
Le décor :
Le toit, le parc, le pin, la barrière, le rocher,
la voile, l’affiche, l’étable, l’enseigne,
l’escalier, le carrefour, la fontaine, le mouton,
le tracteur, la vache, le rouge-gorge, le dahlia, le chat.
Ce que l’on peut voir à ses pieds :
Un brin de coton, une épine de cactus, une baie noire, un caillou rayé, un grain de raisin,
un brin d’herbe, une épine de citronnier, une baie verte, un caillou percé, un grain de millet.Une flaque de pétrole, une aile de moustique, une élytre brune, un champignon blanc, un clou tordu,
une flaque de vin, une aile de scarabée, une élytre noire, un champignon ébréché, un clou cassé.Une feuille de frêne, un ticket de cinéma, un bouton de bois, une brindille de houx, une sauterelle ocre,
une feuille de tremble, un ticket de vestiaire, un bouton de métal, une brindille d’aubépine, une sauterelle brune.Un gravier rond, un bourgeon de platane, une racine de cyprès, une écorce d’olivier, un pétale de crocus,
un gravier pointu, un bourgeon de charme, une racine de châtaignier, une écorce de hêtre, un pétale de bégonia.Un pépin de poire, un élastique vert, un fil de lin, une ficelle transparente, un escargot strié,
un pépin de groseille, un élastique rouge, un fil de fer, une ficelle irisée, un escargot perlé.Un serpent furieux, un crayon arlequin, une fleur de digitale, une pièce de dix francs, un noyau de mirabelle,
un serpent tranquille, un crayon gris, une fleur de néflier, une pièce de cinq centimes, un noyau d’abricot.Un os de lapin, une griffe de milan, une plume de mésange, un oeuf de bouvreuil, un lézard damassé,
un os de poulet, une griffe de furet, une plume de faisan, un oeuf de pigeon, un lézard ocellé.*Une trace de roue, un duvet de chouette, une miette de croissant, un cheveu blanc, un poil de barbe,
une trace de fouet, un duvet de pivert, une miette de biscuit, un cheveu gris, un poil de lynx.Un lichen granuleux, une fougère soyeuse, une mousse humide, un chaume d’orge, un ruban mordoré,
un lichen arborescent, une fougère dorée, une mousse palmée, un chaume d’avoine, un ruban brodé.Une allumette intacte, une giclure de lait, une tache de cambouis, une traînée de cendres, du sable noir,
une allumette de cire, une giclure de sève, une tache de peinture, une traînée de boue, du sable jaune.Une dent cassée, une lame de hachoir, un trou de pioche, un emballage de médicaments, une cigarette papier maïs,
une dent de scie, une lame de taille-crayon, un trou de canne, un emballage d’oeufs, une cigarette égyptienne.Un éclat de rire, un tube de mayonnaise, une ampoule en miettes, une coccinelle, une épluchure de citrouille,
un éclat de silex, un tube de ketchup, une ampoule explosée, un bourdon, une épluchure d’orange.Un morceau de fromage, un lacet de chemise, une toile de jute, un nid de pinson, une bouteille de vin,
un morceau de céramique, un lacet de chapeau, une toile à matelas, un nid de fauvette, une bouteille de bière.Un talisman d’amour, une clef anglaise, un bouchon de caoutchouc, un lambeau d’écharpe, une taupe,
un talisman d’envol, une clef des champs, un bouchon de cristal, un lambeau de dentelle, un campagnol.Les éléments d’une ligne excluent ceux de sa parallèle; ils se cachent mutuellement.
La disposition de ces éléments dépend de la nature du support proposé.
Fibres s’enlaçant dans la cuve
puis se déposant sur les claies
venant de chiffons ou d’écorces
de brindilles ou de pétales
immaculées comme une neige
qui vient de tomber sur un toit
soyeuses lisses grumeleuses
teintes de toutes les couleursRouleaux fabriqués en usine
semblables aux fûts de ces arbres
qui furent abattus pour être
débités broyés malaxés
transformés en pâte liquide
puis s’étendre dans les machines
se faufiler dans les fissures
courir comme des nappes d’eauxCylindres comme des tambours
de colonnes pour édifier
un temple à la publicité
parmi les dernières nouvelles
ou grandes salles hypostyles
aux murs de pages animées
pour l’immense bibliothèque
de la nouvelle AlexandrieSurfaces venues de partout
pays lointains ou vieux quartiers
palimpsestes d’artisanats
les étonnements des pliages
les mystères des emballages
les rêves des origami
faisant disperser les espèces
d’une arche de Noé savanteTout ce qui peut l’accompagner
couvrir fermer relier coudre
bois cuir fil ficelle roseaux
les noeuds les boutons les étuis
tout ce qui peut le modifier
collage gaufrage impression
teinture peinture gravure
titrage encrage signatureQuel mot vais-je oser déposer
pour animer tout ce théâtre
dans quelle phrase l’insérer
pour entraîner ces éléments
quelle histoire va ruisseler
d’une page à l’autre d’un jour
d’une génération à l’autre
ou bien quelle nomenclatureSi l’imprimeur vient à mon aide
tout se passe plus simplement
quand je suis livré à moi-même
il s’agit de trouver l’endroit
exact la longueur de la ligne
l’épaisseur pour le paragraphe
et surtout le bon instrument
qui coule et roule sans baverAlors dans le jardin du livre
les corolles des mots s’entrouvrent
on n’en finit pas d’aspirer
leur parfum d’admirer les veines
auxquelles on n’aurait jamais
pensé avant cette aventure
ou sur les feuilles qui s’évadent
fenêtres s’ouvrant sur nos vies
Quand il ne portait pas la barbe
il avait son identité
quand il est devenu grand-père
il a caché derrière un masque
une moitié de son visage
ce qui lui permet d’emprunter
des personnalités diverses
selon la longueur de ses poilsTous les grands barbus de l’Histoire
mais surtout ceux du dix-neuvième
défilent devant ses amis
qui s’amusent à reconnaître
Marx Hugo Verdi Jules Verne
et c’est à travers leurs regards
qu’il s’efforce de regarder
par les jumelles de ses ridesCe qui roule au fond de ses yeux
doubles triples selon les heures
c’est l’opéra de leurs années
dans la mise en scène des siennes
même ceux qui ne portaient barbe
font parfois des apparitions
leurs méditations et leurs fouilles
leurs peintures et leurs questionsL’avant l’après les horizons
avant la première naissance
d’un petit-enfant d’un enfant
le premier voyage en avion
le premier coup de téléphone
et au-delà de sa vie même
avant les autos et les trains
l’apparition du nouveau mondeC’est comme une course d’obstacles
avec des chevaux millénaires
rajeunissant à chaque saut
sur les barrières des saisons
des commémorations des règnes
des régimes des dynasties
des empires des religions
des techniques des inventionsLes vagues de mer et de nuit
les nuages de poussière et cendres
les flammes d’angoisse et d’amour
les moissons de chants et de sites
les ombres des remparts en ruines
les mouvements des arcs-en-ciel
les pluies de félicitations
les envolées de cerfs-volantsCherchant si commence à paraître
une aurore de paix durable
une révolution très douce
pour un enseignement nouveau
et des sciences inattendues
qui nous permettent des voyages
vers des régions de l’univers
qui nous sont encore interditesAprès la nuit après demain
après la semaine prochaine
après des années et des siècles
après toutes métamorphoses
communications traductions
après l’enterrement du temps
après l’ancienne éternité
après la mort de notre mort
1)Tout au long des fibres
les informations
chantent leurs secours
de fidélitéMurmures silences
questions et réponses
inscriptions teintures
les yeux dans la main
2)
Un lasso de secours
dans le ranch déserté
quand nous reverrons-nous
chevaux désemparés
près des sources rouvertes
pour comparer nos soifsLes falaises renvoient
les échos des haleines
l’horizon se déplie
pour nos libérations
l’Atlantide engloutie
célèbre son réveil
3)
Comme des glaçons
dans une débâcle
que l’hiver maintient
dans l’éloignementMais que l’arrivée
du printemps marin
fait fondre en parfums
de germinationAux extrémités
des lignes de chance
qui se réunissent
en ligne de vie
4)
Pour m’accrocher au rocher
en bordure du ravin
j’ai besoin de votre corde
je descendrai en rappel
les strates de nos histoires
pour explorer les vestiges
des cités dans les cavernes
près des volcans en veilleusePour soulever le loquet
fermant la petite porte
qui donne sur le verger
où vous m’attendez en choeur
j’ai besoin de votre fil
ruisselant de vos messages
pour déjouer les mensonges
et préparer le festin
1)Pataugeant dans le sang
malaxé dans les cendres
étouffé par les brumes
roulé par la monnaieÉtranglé par les lois
aveuglé par les flammes
assourdi par les cris
tremblant dans les tunnelsEnrôlé dans la guerre
harcelé par la peur
interné dans l’horreur
écartelé vivant2)
Un oeil de braise troue la nuit
pour nous enjoindre d’arrêter
car les mâchoires du danger
veulent se refermer sur nous
le précipice nous attend3)
Une nouvelle épidémie
s’est déclarée dans la région
des hélicoptères surveillent
les mouvements de nos voituresDes bandes d’assassins furieux
font exploser les entrepôts
des spécialistes du mensonge
envahissent tous nos instantsQuand nous cherchons la solitude
on nous entasse en des wagons
et si nous désirons chanter
on vient désaccorder nos voix4)
L’or du sang clignote
sur le bois sacréL’épave remonte
entre flots de flammesAttendez encore
la Fortune toussePréparez vos coeurs
pour les temps d’oubli
Depuis son bulbe
bien assuré
contre la terre
jaillit la tige
un peu cambrée
jusqu’au bouquet
de fleurs qui bougent
au gré du ventCheveux et veines
rameaux réseaux
sur les pétales
entre les doigts
de la lumière
juste un soupir
et tout s’arrange
différemmentUn peu plus près
un peu plus loin
tourner autour
se rapprocher
ne rien froisser
mais caresser
puis s’enfoncer
semis d’haleine
Je ne l’ai jamais rencontré
le grand écartelé vivant
le grand furieux le grand hurleur
mais j’ai toujours dans mon silence
son cri comme un glapissement
de bête acculée dans un piège
le foie mordu par un vautour
dans son débat avec la foudreEt certes si j’ai beaucoup lu
depuis Le théâtre et son double
découvert je m’en souviens bien
sur la place de la Sorbonne
par une journée de soleil
au temps de la Libération
ses livres je m’en veux pourtant
de ne l’avoir assez fouilléMais je vous ai vue tant de fois
déchiffrer ces brouillons brûlants
et reprendre indéfiniment
pour mieux approcher de la flamme
abandonnant vos premiers jets
aux enfants de quelques amis
pour y dessiner leurs progrès
dans les fourrés de la croissanceJ’ai même fait un cours sur lui
étant professeur à Genève
me disant que peut-être un jour
cela deviendrait quelque livre
parmi mes Improvisations
mais j’ai retardé retardé
craignant trop de vous décevoir
maintenant vos yeux sont fermésQuand j’écrivais Mille et un plis
pour trouver des rêves “classiques”
j’ai scruté les surréalistes
puisqu’ils en avaient tant parlé
portant ma lampe de mineur
dans les strates de leurs ouvrages
et des siens en particulier
parmi les nappes de grisouQuand je sens cette véhémence
quand j’entends sonner ce tocsin
un peu comme le battement
du coeur qu’entend le nourrisson
dès avant son accouchement
son débarquement dans le froid
son tympan percé par les flèches
de sons suraigus tout nouveauxJe me demande un peu comment
vous avez pu me supporter
moi qui cherchais surtout le calme
à faire survivre les miens
parmi les sourires des loups
à éviter les chausses-trappes
que l’on me tendait çà et là
tout en gardant ma courtoisieMais vous avez su m’écouter
m’admettre auprès de ce grand frère
et de quelques autres toujours
apparemment pleine d’épines
prête à l’insulte comme si
vous cherchiez à manifester
le scandale d’une existence
dont vous exploriez le malheurImpossible donc de penser
à lui sans penser aussitôt
à vous sa fille d’élection
à vous sans que ce grand fantôme
se dresse en agitant ses chaînes
éclairant de son rougeoiement
le château d’incarcération
qu’il promenait autour de luiNietzsche disait philosopher
à coups de marteau oui mais quand
on vous a privé de marteau
que reste-t-il pour éviter
de se casser la pauvre tête
contre les murs de la prison
quand les bourreaux qui vous possèdent
s’extériorisent en espionsComme la langue fait défaut
tous les mots se révélant traîtres
on frappe désespérément
aux portes de la surdité
qui se durcissent s’épaississent
se couvrent de clous et tranchants
si bien qu’on a les mains en sang
dans le vertige du refusSeigneur que j’aurais bien voulu
révérer comme mes parents
et professeurs me l’enseignaient
si vous existez dites-moi
comment avez-vous pu créer
vous qu’on déclarait tout-puissant
un monde où la souffrance est telle
et moi dans un tel désarroiCar nous ne pourrons jamais croire
que c’est là le meilleur des mondes
avouez donc votre impuissance
tout aussi malheureux que nous
c’est vrai qu’on vous a crucifié
et vous vous êtes laissé faire
vous voyez ça n’a rien changé
il n’y a plus que des victimesMais alors les cérémonies
malgré leurs beautés que j’admire
mieux que quiconque ne sauraient
plus nous aider le moins du monde
je n’en veux plus je n’en peux plus
ce que je veux manifester
en m’aidant de leur liturgie
c’est la déchirure absolueCe n’est pas seulement le voile
du temple qui s’est déchiré
c’est le voile du monde entier
qui ne cesse de découvrir
dans un crépitement de guerres
des horreurs des beautés nouvelles
qu’il nous faut métamorphoser
dans un théâtre des merveillesOù cela me mènera-t-il
je l’ignore je me débats
dans une forêt de mensonges
peuplée de singes faux acteurs
qui jouent sans s’en apercevoir
dans un faux décor et je frappe
les interminables trois coups
pour que le rideau se relèveJe prépare dans les coulisses
le plus sournois embrasement
qui fera jaillir la lumière
de toutes les erreurs anciennes
un bûcher pour tous les bûchers
canonisation des sorcières
dieux et démons venez m’aider
supplications suppliciationsVoyez ici le coup de dés
qui abolira le hasard
enfin le jugement premier
qui nous rouvrira les vantaux
de l’esquisse d’un paradis
d’où nous avons été chassés
iniquement mais attention
le spectacle va commencer
CAPTER LA VOIX DES MASQUES1) Choeur des compatissants
2) Choeur des goguenards
3) Choeur des protecteurs
4) Choeur des hilares
5) Choeur des méditatifs
6) Choeur des instructeurs
7) Choeur des sévères
8) Choeur des furieux
9) Choeur des guides
10) Choeur des inquiets
11) Choeur des épouvantails
12) Choeur des passeurs
13) Choeur des énigmatiques