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Poésie au jour le jour 8

Sommaire




MORAINES

pour Chantal Villers

 
 
Ce sont des glaciers très anciens

à l'époque des aurochs et des rhinocéros laineux

qui nous ont lentement fait glisser

jusqu'à nos positions actuelles marquant

l'extrême limite de leur avancée

lorsque la neige nous recouvre

les souvenirs prennent corps dans nos fissures
 
 

Des hommes s'arrêtaient parfois

pour appuyer sur nos parois

leurs abris de branchages

qui ne les protégeaient guère

vêtus de raides peaux de bêtes

qu'ils mettaient un temps infini

à racler nettoyer sécher
 
 

Ils savaient déjà faire du feu

qu'ils transportaient d'un campement à l'autre

dans des paniers fourrés de mousse

toujours la fumée les accompagnait

ce qui faisait fuir le gibier

les obligeant à chasser de plus en plus loin

jusqu'au prochain départ
 
 

Ils avaient su aussi apprivoiser les chiens

couvertures vivantes

qui leur tenaient chaud la nuit

quand les braises s'obscurcissaient

et qui les aidaient à débusquer leurs proies

qu'ils devaient découper avec des couteaux de silex

pour les partager avec eux
 
 

Maintenant des hommes très différents en apparence

couverts de merveilleux enlacements de fibres

si fragiles d'allure mais si tranquilles

comme s'ils n'avaient rien à craindre qu'eux-mêmes

utilisent parfois nos anfractuosités

pour y faire griller des morceaux de bêtes méconnaissables

ce qui nous remet en mémoire l'horreur d'antan
 
 

Ils sont les moraines des nouveaux glaciers

de métal et de verre parcourus de bruits

craquements sifflements frôlements claquements

qui fondent et se répandent à certaines saisons

pour détruire la forêt en laissant des traces pierreuses

recouvertes par d'autres à une vitesse incroyable

et ils bourdonnent telles des mouches sur la toundra


 
 
 
 

BATONS DE JEUNESSE

in memoriam Maurice Baskine

pour Thierry Lambert
Portes après portes et guichets;

muses après muses et mages, caravanes après caravanes et wagons, mages, anges après anges et guides après anges et de marches en muses, pétales après pétales et feuilles, wagons, camions après camions et coches après camions et de misères en caravanes, anges, guides et pilotes après pilotes, messagers et fées; je devine que je m'approche enfin du vrai plomb; belvédères après belvédères et terrasses, feuilles, graines après graines et rameaux après graines et de cendres en pétales, camions, coches et carrosses après carrosses, navires et montgolfières; je devine que je m'approche enfin du véritable étain;

vestibules après vestibules et narthex;

et de nouveau cendres devenant pétales, ailes après ailes et flammes, terrasses, ponts après ponts et promenoirs après ponts et d'anfractuosités en belvédères, graines, rameaux, pistils après pistils, étamines et bourgeons; je devine que je m'approche enfin du vrai cuivre; et de nouveau bitumes devenant feuilles; je te remercie, muse, de m'inspirer; teintures après teintures et vapeurs, flammes, plumes après plumes et crêtes après plumes et de comptes en ailes, ponts, promenoirs et jardins après jardins, observatoires et pavillons; je devine que je m'approche enfin du vrai mercure;

et de marches en portes, guichets et lucarnes après lucarnes;

et de nouveau goudrons devenant graines; je te remercie, mage, de m'instruire; ai-je vraiment atteint, grâce à toi, la porte de Saturne? Serpents après serpents et chiens, vapeurs, alcools après alcools et soufres après alcools et de patiences en teintures, plumes, crêtes et griffes après griffes, écailles et crocs; je devine que je m'approche enfin du fer véritable; et de nouveau suies devenant rameaux; je te remercie, ange, de me conduire; ai-je vraiment atteint, grâce à toi, le guichet de Jupiter?

brumes après brumes et nuages, narthex, porches après porches;

et soudain nuits sans nuits, chiens, chariots après chariots et valets après chariots et de veilles en serpents, alcools, soufres, mercures après mercures, sels et pierres; je devine que je m'approche enfin de l'argent véritable; et de nouveau poussières devenant pistils; je te remercie, guide, pour tes secrets; ai-je vraiment atteint, grâce à toi, la lucarne de Vénus? Et progressivement ténèbres sans ténèbres, chariots, valets et cavaliers après cavaliers, reines et rois; je devine que je m'approche enfin de l'or véritable;

et antichambres après porches et de misères en vestibules, lucarnes, fenêtres et croisées;

et de nouveau mâchefers et graviers devenant étamines et bourgeons; je vous remercie tous pilotes, messagers et fées qui me sauvez; vais-je vraiment atteindre grâce à vous les fenêtres de Mercure, forcer les croisées de Mars, m'insinuer dans les ogives de la Lune et m'épanouir dans les ouvertures du Soleil? Et tout au long des temps sans temps les morts sans morts.


 
 

CANDIDATURE

pour Dorny

 
 
Roulements de tambours

sonneries de clairons

le rideau se lève
 
 

Électeurs chéris

objets provisoires

de nos flatteries

pour quelques semaines

voici nos sourires

nous allons vers vous

voici nos baisers

venez dans nos bras
 
 

Ecrans affiches

drapeaux projecteurs

micros caméras
 
 

Ne croyez pas

ce que l'on vous fait dire

interviews sondages

bilans commentaires

nous n'avons pas fait

toutes nos promesses

vous ne vous doutez

de tous vos périls
 
 

Venins poignards

banderoles portraits

slogans rires
 
 

Ne croyez pas

ce que disent les autres

coups fourrés bassesses

vilenies paillettes

faux-semblants attaques

attrape-nigauds

tape-à-l'oeil berceuses

chausse-trappes leurres
 
 

Présentateurs accompagnateurs

conseillers experts

procureurs défenseurs
 
 

Ne croyez pas

ce que je vais vous dire

il faut bien séduire

tous ceux d'entre vous

que vous n'aimez pas

que je n'aime pas

qui ne m'aiment pas

qui ne s'aiment pas
 
 

Urnes bulletins

isoloirs comités

hésitations proclamations
 
 

Ne croyez pas

ce que vous aillez dire

évitant le pire

désespoir de cause

contre votre coeur

du bout de vos lèvres

en toute méfiance

et résignation
 
 

Automobiles motocyclistes

avions hôtels

banquets cadeaux
 
 

Croyez plutôt

ce que disent nos ombres

comme un comédien

ne peut se passer

d'applaudissements

le moindre pouvoir

ou son apparence

nous monte à la tête
 
 

Catafalques mausolées

orgues éloges

grondements consolations
 
 

Mais croyez surtout

ce que vous dit votre ombre

les dents de cette bouche

s'usent et pourrissent

les yeux de ce masque

se voilent suppurent

et sous les discours

se terre la mort
 
 
 
 
 

LEVÉE D'ÉCROU
pour le visiteur des prisons

(Jean Roudaut)


 
Les yeux sont les trous

des vieilles serrures

verrouillant les portes

capitonnées cuir

de l'embarcadère
 
 

Les mots sont les clés

qui nous ouvriront

les geôles d'esclaves

où nous attendons

l'heure du départ
 
 

Dans le grand vaisseau

chargé de silence

ou des grondements

de l'orgue nomade

appareillant vers
 
 

Le gué où Jacob

la hanche démise

lutte avec un ange

pour trouver son nom

dans la prime aurore
 
 

Et vers les trésors

du temple détruit

que nul cavalier

en armure d'or

ne protège plus


 
 
 

DÉCOLLAGE IMMÉDIAT

pour le pilote entre les lignes

(Jiri Kolar)

Démon goguenard

tout vêtu de blanc

comme un pharmacien

faisant de ses cornes

pinces ou ciseaux

instruments d'optique

tel un escargot
 
 

Détachant les ombres

des dames qui passent

entre les rideaux

il ouvre leurs cages

et suit leur essor

au-dessus des pages

cadres et canaux
 
 

Pivert migrateur

de Prague à Paris

signant à la fois

de toutes ses plumes

les murs et les nuages

il perce les portes

des aérodromes
 
 

Pour que les amants

perdus dans les mailles

des rues et des vols

aux détours du monde

puissent retrouver

dans l'huile du jour

la piste et la clef


 
 
 

CHEVAL DE LAVE

pour François Garnier
Sur les prés des vagues

les naseaux des nuages

crinière de sel

écume emportée

aux galops du soir

vers les archipels

des volcans charmeurs
 
 

Sur les yeux des roches

les cils des embruns

sourcils de sargasses

iris des fantômes

à la découverte

dans les tourbillons

des sables chanteurs


 
 
 

LE FIL A QUOI TIENT NOTRE VIE

pour Joël Leick

 
 
Au fil des jours le réveil, la chambre, le courrier lorsque la poste fonctionne, les élèves, le temps qu'il fait, ce qu'on va manger, les soucis, les couleurs, les notes, la tombée du soir, la fatigue, la lampe.
 
 

Au fil du rasoir le visage dans la salle de bains, les yeux en face des trous, les dents à brosser, les cheveux à peigner et tailler, la mousse du savon, les plis des serviettes, le linge à laver, le robinet que l'on n'arrive plus à fermer.
 
 

Au fil du voyage les îles et les villes, les restaurants et les hôtels, les billets d'avions ou de trains, tickets de métros et musées, passeports et visas, change, monnaies nouvelles, trèfles et cactus, cartes postales dans leurs présentoirs, timbres, déchiffrements d'inscriptions, pèlerinages et découvertes.
 
 

Au fil de l'eau reflets et transparences, roulis et tangages, sables et galets, ivresses, nostalgies, écailles et nageoires, mouettes et flotteurs, les phares, les roseaux, les joncs, les algues, les chardons bleus, les voiles, les épaves et la prolifération de la rouille.
 
 

Au fil de l'épée les terreurs et guerres saintes, les taches de sang, les cicatrices et mutilations, les campagnes électorales, les épidémies, hôpitaux, famines, les exodes et les camps de concentration, les ruines et les barbelés, exocets et mirages, miradors et douanes volantes.
 
 

Au fil des rues les signaux et affiches, les rixes et sifflets, défilés, palabres, chiens errants, bistrots, éventaires, halles, enseignes, vitrines, soldes, haut-parleurs, passages à niveaux, embouteillages, parkings, stations-service, entrepôts, mairies, maisons d'arrêt, lycées, tramways, horloges et grilles.
 
 

Au fil des aiguilles chemises et chaussettes, écharpes et robes, dentelles et manteaux, rideaux, drapeaux et banderoles, reliures, sutures, broderies et tapisseries, patrons, canevas, épingles, miroirs, doublures, machines, rubans, mannequins, modèles dans les ateliers et sur les plages, les pages, les nappes, les draps et les suaires.
 
 

Au fil des souvenirs l'enfance et l'école, craies, déchirures, promenades au square, gâteries, parfums, dimanches sur l'asphalte, l'ennui et la pluie, vacances à la campagne ou au bord de la mer, les excursions dans la montagne, frissons et sueurs, skis et ballons, tornade et soleil, grippes et piqûres, la première fois qu'on a dormi à la belle étoile, allumé un feu, franchi une frontière, caressé une femme, touché un cadavre, les angoisses, les malaises, les insomnies, les échecs.
 
 

Au fil du discours les ponctuations, les reprises, les respirations, les gestes, les accélérations, les lenteurs, les pesanteurs, les soupirs, les bouquets d'adjectifs qui se tordent sous la passion comme les herbes sous l'orage, les énumérations, dialogues, annotations, les trous de mémoire, les démonstrations, les sophismes, les lapsus, les dérapages, les silences.
 
 

Au fil du récit les approches, les annonces, les prémonitions, les pièges, malentendus, complications, labyrinthes, rencontres, secours, les initiatrices, les libératrices, les instituteurs clarificateurs, les ruses, chances, détours, défenses, retournements, revirements, renversements, suspens, gouffres, menaces, vertiges, cauchemars, baisers, catastrophes, sauvetages, débarquements et triomphes.
 
 

Au fil des événements l'impatience, la rage, la résignation, les scandales, révoltes, grèves, manifestations, émeutes, démolitions, prises de bastilles, poings tendus, torrents d'insultes, lancers de pavés, gaz lacrymogènes, grenades, horreurs, fuites éperdues, refuges, complices, attentes, résistances, réseaux, soulagements, guérisons.
 
 

Au fil des années l'adolescence et son désarroi, la mue et la barbe, les choix difficiles, les tentatives amoureuses, les tentations de suicide, le mariage et l'installation, enfants et métiers, les interrogations et solitudes, les échelons de la hiérarchie, les rivalités, les lunettes si l'on n'en avait pas encore, cheveux qui blanchissent, calvitie naissante, articulations qui grincent, le ventre qui s'étoffe, le souffle qui raccourcit, l'oreille qui durcit, les problèmes qui passent des enfants aux petits enfants.
 
 

Au fil de la méditation les impasses, les illusions perdues, les espérances déçues, les théories abandonnées, les interdits à lever, les dogmes à déboulonner, les statues à délivrer de leur patine et de leur socle, à ranimer avec de nouveaux projecteurs, les murs à lézarder d'un coup de tête ou de gong, les lendemains qui se remettent enfin à chanter après leurs longues extinctions de voix, enrouements, radotages, grincements et paniques.
 
 

Au fil de la plume ce qu'on sait, du moins ce qu'on croit savoir, mais surtout ce qu'on ne sait pas encore, l'appel de l'impossible et de l'ignoré, ce que l'on voudrait savoir, ce dont on ne sait pas encore que c'est ce qu'on voudrait savoir, ce dont on ne peut pas parler et qu'on ne peut pourtant pas taire, ce dont il faut trouver à tout prix le moyen de le dire, à travers toutes langues et grammaires, en dépit de toutes réglementations et intimidations, envers et contre tout.
 
 

Au fil du pinceau ce qu'on voit, ce qu'on ne voit pas, peindre qu'on ne voit pas ce qu'on voit, que l'on ne peint pas ce qu'on peint, sur le papier, la soie, le plâtre ou les rochers, peindre que la peinture n'est pas de la peinture, ou du moins pas seulement, mais de la marche et de la rage, de la rouille et du détergent, de la houille et de la braise, du virus et de la vaccination, du pavé dans la mare et de l'huile sur le feu, du baume, de la dérive et de l'élixir de survie.
 
 

Au fil des ombres les crânes des anciens peintres qui se reforment et ricanent phosphorescents dans les galeries des musées entre mur et châssis, derrière les natures mortes aussi bien que les portraits, ce qui fait alors double ou triple crâne, et ceux de tous nos parents, amis et connaissances qui nous sont cachés dans les cimetières sous d'énormes dalles de marbre ou de granit, ou un peu d'herbe, ou pulvérisés dans quelque champ de bataille ou ville sinistrée, la foule des ancêtres en leur perpétuelle hantise et résurrection.
 
 

Au fil de la nuit le glas des heures qui cherchent fortune pour nous la transmettre, la bouteille à la mer, la cloche du naufrage pour nous guider vers les alcools enfouis, les joyaux vivaces, les graines préservées depuis les jardins suspendus de Babylone et même, qui sait? l'antique éden, à travers les vagues, les brouillards, les tourbillons, les traces, les cavernes sous les falaises, les tunnels sous les détroits, les raccourcis vers les Antipodes, vers le confort des satellites, vers les ténèbres de l'espace grouillantes d'anneaux et d'explosions, vers les levains de mondes et diapasons d'histoires, vers la rouille de l'univers qui tombe en pollen sur nos pages, nos toiles, nos fils et nos jours.
 


 
 

UN TROU PERDU

pour Joël Leick

 
 
Au détour du chemin une épave travaillée par les intempéries

Quelle délicatesse dans sa découpure! Y toucher détruirait ces merveilles d'érosion

Le regard s'enlise dans les branches mortes avec leurs lichens et leurs écorces déroulées

Puis dans les fissures des troncs où l'on aurait envie d'enfoncer ses messages pour les esseulées

Les arbres ont dispersé les pages de leurs livres et les rares promeneurs poursuivant leurs mélodies intimes égaré leurs clés et papiers

A peine s'il leur reste les vêtements éraillés et fripés qu'ils serrent sur leur corps frissonnant dans l'enchantement

Sauront-ils voudront-ils retrouver le chemin de leur maison renouer avec l'existence d'hier?

Enivrés par le temps qui passe ils ont laissé s'engloutir le fil de la vierge Ariane dans l'inondation de l'automne


 
 
 

SOUVENIRS DU ZINC

pour Jacques Clauzel

 
 
Les doigts engourdis serrent l'anse épaisse pour soulever la tasse et l'approcher des narines. Après la première gorgée amère, elle redescend en faisant tinter la soucoupe, tandis que la vapeur américaine se love devant l'horloge parmi les conversations politiques ou sportives. Radio en sourdine diffusant des chansons d'amour malheureuses; et les premiers cliquetis d'un billard électrique.
 
 

*

Ayant mûrement choisi un morceau dans la demi-sphère nickelée, le taciturne encore ensommeillé le dépouille de son vêtement de papier candide qu'il froisse ensuite en une petite boule importune, puis le fait tomber dans le café noir à liséré d'or, giclure, avant de l'écraser, crissements, avec une petite cuiller ternie qui le mélangera par des cercles discrets. "Il faut attendre que le sucre fonde", disait un philosophe.
 
 

*

Quelques heures plus tard ce sont les verres lourdauds en forme de volubilis, au fond desquels on lâche une larme de cassis, immédiatement noyée par une lampée de vin blanc qui vire à l'incarnat. Chocs, vibrations de la surface, éclairs dans les reflets. A la santé de tel ou tel! Hochements de tête et sourires. La langue vient lécher les lèvres et le chiffon passe et repasse pour effacer les ronds poisseux.
 
 

*

Plus tard encore les menus plateaux de carton frappés d'armoiries bigarrées et devises de brasseurs, sur lesquels reposent confortablement les cylindres de bière blonde à perruque de mousse laiteuse. Les fines perles grimpent en rideaux frémissants comme dans un aquarium. Les dés du 421 roulent sur leur piste feutrée. Derrière les vitres embuées le jour baisse et s'allument brusquement les réverbères.
 
 

*

Dehors la nuit pluvieuse. Ici les graciles godets de rhum ou de calvados.

Relents poivrés, sillages, vague à l'âme. Les mentons appuyés sur les doigts croisés, les coudes plus ou moins écartés, les yeux mi-clos où dérivent les problèmes de famille et d'atelier, bisbilles et suggestions, aveux et insultes, les envies de vacances ou de voyages lointains, d'envoyer promener tout cela.
 
 

*

Patron, vous voilà bien silencieux, bien immobile! Encore un dernier petit coup, s'il vous plaît, pour se donner le coeur de rentrer.


 
 
 

CALENDRIER NOMADE

pour James Guitet

 
 
On dispose de quinze échancrures pour y présenter les lignes recto ou verso, dont on ne peut naturellement lire qu'un côté à la fois. Comme il y en a 27, on en met douze en réserve. Le mieux est de se fier au hasard pour voyager dans un temps libéré.
 
 
 
Matériel:
 
 

Lundi c'est la rentrée des classes

Lundi l'odeur des confitures
 
 

Mardi c'est la grande lessive

Mardi fleurissement des tombes
 
 

Mercredi la visite à la famille

Mercredi la promenade au musée
 
 

Jeudi dépoussièrement des bibliothèques

Jeudi concert d'orgue à l'église
 
 

Vendredi on fait les bagages

Vendredi on range les chambres
 
 

Samedi départ pour la plage

Samedi buffet campagnard
 
 

Dimanche retour au bercail

Dimanche répétition du choeur
 
 

Janvier changement de calendrier

Janvier défilé des fourrures
 
 

Février dîner aux chandelles

Février les écharpes de soie
 
 

Mars les parapluies se retournent

Mars les nuages lancent des couteaux
 
 

Avril ne te découvre pas d'un fil

Avril pépiement des bourgeons
 
 

Mai les rives des étangs fleurissent

Mai la gorge du rossignol palpite
 
 

Juin mûrissement des cerises

Juin coquelicots voguant sur les blés
 
 

Juillet brunissement des peaux

Juillet ruissellement des plumes
 
 

Août festival des tonnerres

Août la houle des épis
 
 

Septembre adieu des hirondelles

Septembre espoir des vignerons
 
 

Octobre les poiriers rougissent

Octobre invasion des brouillards
 
 

Novembre les essais du givre

Novembre les braises dans l'âtre
 
 

Décembre clavier de glaçons

Décembre l'on déblaie la neige
 
 

Hiver saison des broderies

Hiver les narrations du soir
 
 

Printemps les fenêtres ouvertes

Printemps l'arc-en-ciel des ravins
 
 

Été l'arc-en-ciel des cailloux

Été rayons au fond des cours
 
 

Automne envol de cerfs-volants

Automne sauces du gibier
 
 

A Pâques les cloches voyagent

A Pâques les agneaux sont neufs
 
 

A la Saint-Jean les étincelles

A la Saint-Jean l'ombre et le sable
 
 

A la Saint-Michel son du cor

A la Saint Michel astronautes
 
 

A Noël trouver les cadeaux

A Noël départ pour la Lune
 
 

Échantillons:
 
 

recto:
 
 

Lundi c'est la rentrée des classes

Janvier changement du calendrier

Hiver saison des broderies

A Pâques les cloches voyagent

Mardi c'est la grande lessive

Avril ne te découvre pas d'un fil

Printemps les fenêtres ouvertes

A la Saint-Jean les étincelles

Mercredi la visite à la famille

Juillet brunissement des peaux

Été la splendeur des cailloux

A la Saint-Michel son du cor

Jeudi dépoussièrement des bibliothèques

Octobre les poiriers rougissent

Automne envol des cerfs-volants
 
 

verso:
 
 

Automne sauces du gibier

Octobre invasion des brouillards

Jeudi concert d'orgue à l'église

A la Saint-Michel astronautes

Été rayons au fond des cours

Juillet ruissellement des plumes

Mercredi la promenade au musée

A la Saint-Jean l'ombre et le sable

Printemps l'arc-en-ciel des ravins

Avril pépiement des bourgeons

Mardi fleurissement des tombes

A Pâques les agneaux sont neufs

Hiver les narrations du soir

Janvier défilé des fourrures

Lundi l'odeur des confitures
 
 

Ou encore:

recto:
 
 

A Noël trouver les cadeaux

Dimanche répétition du choeur

Décembre clavier des glaçons

Hiver les narrations du soir

A Pâques les cloches voyagent

Lundi l'odeur des confitures

Janvier défilé des fourrures

Printemps l'arc-en-ciel des ravins

A la Saint-Jean l'ombre et le sable

Mardi fleurissement des tombes

Février dîner aux chandelles

Été rayons au fond des cours

A la Saint-Michel son du cor

Mercredi la promenade au Musée

Septembre espoir des vignerons
 
 

verso:
 
 

Septembre adieu des hirondelles

Mercredi la visite à la famille

A la Saint-Michel astronautes

Été la splendeur des cailloux

Février les écharpes de soie

Mardi c'est la grande lessive

A la Saint-Jean les étincelles

Printemps les fenêtres ouvertes

Janvier changement de calendrier

Lundi c'est la rentrée des classes

A Pâques les agneaux sont neufs

Hiver saison des broderies

Décembre l'on déblaie la neige

Dimanche retour au bercail

A Noël départ pour la Lune


 
 
 

GRIBOUILLE S'ENHARDIT

pour Gregory Masurovsky
Amoureux du dessin

toujours émerveillé

par les dessinateurs

d'abord il gribouillait

sagement à propos

puis il s'est approché
 
 

Aidé par des complices

enfin il a plongé

dans la piscine même

timidement pourtant

audacieusement

délicieusement
 
 

Le noir n'est plus si noir

la conversation dure

à travers la frontière

en charmant les gardiens

l'issue n'est plus si loin

les murs s'ouvrent en fleurs
 
 
 
 
 

EXAMEN DE PASSAGE
pour Catherine

 
 
Il faut attacher les ceintures

nous avons commencé l'approche

tournoyant vers l'aéroport

les maisons doucement grandissent

l'horizon caresse les nuages

malgré l'habitude qu'on a

il reste un peu d'appréhension

jusqu'au choc des roues sur la piste
 
 

Le temps d'enfiler les manteaux

et de reprendre les valises

piétinements l'un suivant l'autre

pour descendre jusqu'au nouveau

sol dans de nouvelles odeurs

et lumières jusqu'au portail

des suspicions et des tampons

des oboles et des casquettes
 
 

Rien d'interdit dans les bagages?

comment savoir? les gouvernants

sont aussi têtus que fantasques

les policiers vous dévisagent

les douaniers posent des questions

à quoi l'on ne sait que répondre

l'heure tourne sur les cadrans

la Terre tourne dans nos têtes
 
 

Enfin l'on pousse les chariots

entre les dernières barrières

les amis sont au rendez-vous

il y a déjà si longtemps

qu'on ne les avait rencontrés

ils n'ont pas changé nous non plus

disent-ils en nous accueillant

à bras ouverts dans leur pays
 
 

Où rien ne sera comme avant

ni rien comme on l'imaginait

mais pour apprécier les merveilles

pour attraper la balle au bond

tenir sa partie dans l'orchestre

il vaut mieux s'être préparé

avoir laissé les préjugés

sombrer dans la grande lessive

comme vieux vêtements percés


 
 
 

DE QUOI DEMAIN SERA-T-IL FAIT ?

pour Catherine

 
 
Lorsque je rouvrirai les yeux

m'extrayant de ne sais quel songe

de quel pied vais-je me lever

pour découvrir le temps qu'il fait
 
 

Je vais retrouver quel visage

de quelle humeur dans le miroir

nouvelles rides et soucis

cheveux blanchis nouveaux sourires
 
 

Lorsqu'arrivera le courrier

quels timbres quelles signatures

les maladies les guérisons

les succès les deuils les naissances
 
 

Quels parfums et quelles saveurs

pour tenir l'esprit en haleine

quels rayons de soleil ou nuages

quels horizons quelles couleurs
 
 

Surprise au détour d'une phrase

inspiration tant attendue

pour résoudre un problème ardu

qui traînait depuis des semaines
 
 

Hasards de la conversation

quels souvenirs bien engloutis

vont remonter à la surface

ruisselant des rires d'antan
 
 

Dans quelles régions la fatigue

va-t-elle insinuer ses brouillards

ranimant toute une réserve

de douceurs et vitalité
 
 

Quand la nuit déploiera ses draps

l'écho viendra me demander

lorsque je fermerai les yeux

de quoi demain sera-t-il fait


 
 

DE PROCHE EN LOIN

pour Catherine

 
 
D'abord on flotte dans un ventre

en entendant battre un gros coeur

et siffler des respirations

dans les ténèbres rougeoyantes
 
 

Un passage un peu difficile

un premier cri quand l'air pénètre

lessivages et emballages

tripotages premiers baisers
 
 

On s'étire dans le berceau

on se hisse aux barreaux du parc

on navigue de bras en bras

on galope sur des genoux
 
 

Voici le chemin de l'école

chat perché billes constructions

lecture écriture calcul

premiers jeux sur ordinateurs
 
 

On découvre chansons et danses

conversations d'intimité

les parents paraissent vieux jeu

le sport les camps et les vacances
 
 

Difficultés d'orientation

dans les jungles d'enseignement

le sexe commence à troubler

dans les flots d'interrogation
 
 

Puis on devient parent soi-même

en gagnant sa vie comme on peut

difficultés d'installation

berceaux landaus jardins publics
 
 

A leur tour d'aller à l'école

les vêtements toujours trop courts

à notre tour d'être vieux jeu

et l'on s'émeut de leurs émois
 
 

Ils deviendront parents eux-mêmes

gagnant leur vie comme ils pourront

tandis qu'approche la retraite

petits-enfants sur les genoux
 
 

Fatigues malaises soucis

problèmes d'articulations

circulation respiration

les cheveux blanchissent et tombent
 
 

C'est alors qu'il faut s'accrocher

car les plus jeunes ont besoin

ne serait-ce que d'un sourire

pour franchir les gués périlleux
 
 

Voyager de plus en plus loin

par les enfants interposés

pour apprivoiser d'autres mondes

où l'on pourra se reposer


 
 

ARBORESCENCES

pour Joël Leick

 
 
Les poussières

de l'Afrique

se sont fourrées

sous nos ongles

entre nos orteils

nos paupières

nos cheveux

et nos dents

à l'intérieur

de nos oreilles

de nos narines

où elles germent

en minuscules

radicelles

qui s'allongent

au long de nos veines

et de nos nerfs
 
 

Ainsi la brousse

et la savane

ont envahi

notre poitrine

une rauque fêlure

transforme notre voix

des baobabs

encore nains

décorent nos paumes

métamorphosant

nos lignes de vie

et de chance

il suffit maintenant

de les appliquer

à nos tempes

et nous entendons

le feulement des hyènes
 
 

Tout notre corps

est tatoué de lianes

creusées çà et là

de bassins boueux

où viennent boire

gnous et koudous

soucis et hantises

courant sur nos ventres

pour se faufiler

entre les branches

de nos genoux

notre Zambèze intérieur

quand il déborde

transfigure les vallées

qui nous entourent

en l'arbre interdit

de notre royaume perdu


 
 
 

PESE-LETTRES

pour Jean-Louis Meunier

 
 
Un soupçon de filigrane

un atome de bon sens

une pincée de jambages

une tombée de sang d'encre

un gramme de solitude

une once d'obstination

beaucoup d'ingéniosité

le toucher le plus léger

les yeux les plus acérés

les ailes de l'amitié

pour soustraire au poids des temps

la libération des livres


 
 
 

BOTANIQUE MARTIENNE

pour Joël Leick

 
 
Depuis bien longtemps il n'y avait plus un seul arbre sur la planète, plus un brin d'herbe; faute d'eau. On n'avait jamais trouvé de graines; d'ailleurs on ignorait quelles formes elles pouvaient avoir. Un jour un explorateur négligent fit tomber une bouteille d'eau gazeuse au fond du canyon Mariner. Elle se fissura et diverses spores qui attendaient depuis des millénaires en ont profité pour développer leurs germes en lianes à feuilles rousses.
 
 

Personne ne s'en est aperçu et elles ont fini par périr, mais non sans avoir produit d'autres spores et en avoir réveillé d'espèces différentes. Lors de l'expédition suivante on découvrit ces brindilles sèches que l'on prit pour une curieuse formation minérale et que l'on enferma soigneusement dans une caisse hermétique pour les étudier à loisir sur Terre. Des malentendus administratifs, comme il ne s'en produit encore que trop fréquemment, la firent parvenir dans un laboratoire incompétent qui l'ouvrit sans les précautions nécessaires.
 
 

C'est ainsi que des forêts rougeoyantes à fourrés de braise et de miel se sont mises à couvrir l'Australie, adoptées aussitôt par les animaux à fourrure qu'elles camouflent admirablement. Si l'on ne savait le fin mot de l'affaire, on prendrait cela pour un exemple caractéristique d'adaptation mimétique.
 
 

A l'automne les feuilles verdissent avant de tomber et les animaux changent de forêt. D'innombrables mutations sont en cours. Les distillateurs et confituriers font des essais avec ces nouveaux fruits dont on nous promet des merveilles. Certains parviennent déjà dans nos supermarchés.
 
 

Il semble que chacune de nos essences ait eu son répondant là-haut, ce qui facilite considérablement la nomenclature. Certes, il n'y a pas que la couleur; le dessin des feuilles, la texture de l'écorce, le parfum des fleurs, la saveur des fruits diffèrent toujours quelque peu, et surtout la forme des graines que l'on prendrait pour des petits cailloux. Mais on s'y retrouve sans trop de mal.
 
 

Les croisements ne sont pas toujours féconds, mais on a déjà obtenu de spectaculaires métis bigarrés, surnommés arc-en-ciel, queue de paon, mosaïque ou flamboiement. Tous nos parcs désormais ont leur arpent d'acclimatation. Au Japon s'ouvrent de nouvelles écoles de bonzaï et d'ikebana.
 
 

On répand aujourd'hui méthodiquement de l'eau dans les régions profondes pour ranimer les espèces en hibernation. Mais la recherche se heurte dans mainte province aux inconditionnels de la prairie verte que d'ailleurs les vaches préfèrent incontestablement jusqu'à présent. Il y a eu des émeutes çà et là. L'éducation ne progresse que lentement malgré les campagnes médiatiques et les efforts de vulgarisation des spécialistes. Certains politiques en ont fait leur thème de propagande électorale: verts contre rouges! La symbolique des couleurs a bien changé.
 
 

Quant à la planète d'origine, ce peu d'eau qu'on lui apporte ne lui permet nullement de reconstituer des forêts. C'est donc toujours le même désert de pierre, mais que nous regardons tout autrement.
 


 
 
 

LA BRULURE DU GRIS

pour Jacques Clauzel
Une tache de pluie

sur le mur de l'arène

la nostalgie du Nord

parmi les oliviers

le vent qui vous renverse

au détour d'une ruelle
 
 

Rechercher le diamant

dans la cendre et l'asphalte

tisonner la torpeur

dans l'athanor des ombres

frapper sur les rochers

pour que l'or en jaillisse
 
 

Racler la suie du ciel

en captant les rayons

mêler neige et charbon

dans la gueule des fours

où l'antique désastre

guérit ses déchirures
 
 

Mettre le feu aux poudres

pour que germe Babel

creuser ses fondations

jusqu'au nickel du centre

libérant ses fureurs

du toril des cyclones
 
 

Feuilleter les étages

du livre de la Terre

inscrivant les rumeurs

des siècles révolus

sur le tarmac rugueux

de nos embarcadères
 
 

Broyer les grains du temps

dans le pressoir des ruines

pour léguer l'élixir

de réjuvénation

aux enfants alchimistes

du prochain millénaire


 
 
 

INTARISSABLE

pour Gregory Masurovsky

 
 
Même les chutes du Zambèze

ont souffert de la sécheresse

le niveau du lac de barrage

a singulièrement baissé

les arbres jadis engloutis

dressent leurs branches dénudées

où guettent les aigles pêcheurs

dans le miroitement du soir
 
 

Quant aux ruisselets d'écriture

irriguant la savane blanche

pour abreuver les solitaires

dans l'embouteillage des villes

la vieillesse les affaiblit

et il est temps de découvrir

d'autres sources pour qu'à nouveau

dans la boue jaillisse l'eau vive


 
 

BONNE TRAVERSÉE

pour Gregory Masurovsky

 
 
Passant d'un obélisque à l'autre

entre Paris et Washington

va porter à tes petits-fils

les amitiés d'un vieux barbu

qui espère les rencontrer

un jour d'un côté ou de l'autre

de l'Atlantide submergée

que nous avons tant survolée
 
 

Il y a déjà des années

que je n'ai vu le Potomac

ne sais quand je réussirai

à revenir interroger

les monuments et les musées

à me reposer sur un banc

du mail dans le soleil d'automne

prenant une respiration

pour redécouvrir l'Amérique


 
 

VIVIER D'AUTOMNE

pour Julius Baltazar

 
Les feuilles et les nuages

Les brindilles violettes sous les rayons

Les roseaux blancs près des mousses moirées

Les algues bleues nageant sous les écorces grises

Les nageoires flammées flottant parmi les sillages noirs frôlant

Les queues vertes rayées tournoyant parmi les plumes pourpres planant

Les écailles jaunes irisées plongeant entre les éclats ocellés sombres naviguant

Les ouïes pourpres et les yeux lumineux filant au long des reflets orange nacrés courant

Les ondes indigo et les ombres jaspées tournant autour des frissons crépusculaires et des cailloux striés

Les oiseaux rouges rasant les feuilles marbrées caressant les pelages fauves et les brumes claires s'envolant
 
 

Les feuilles chatoyantes recouvrant les brindilles rouille oscillant parmi les nuages bruns s'enfonçant parmi les rayons crépusculaires miroitant

Les roseaux noirs scintillant se balançant devant les algues fauves ruisselant sur les mousses moirées tremblant sous les écorces rouges se posant

Les sillages lumineux se faufilant frétillant parmi les plumes nacrées tombant sur les nageoires irisées réfléchissant les queues chatoyantes disparaissant

Les éclats verts nageant parmi les reflets marbrés flottant sur les écailles ocellées frôlant les ouïes jaunes tournoyant
 
 

Les frissons rouges planant au-dessus des cailloux clairs plongeant dans les ondes violettes et les ombres grises naviguant

Les pelages striés et les brumes rouille filant vers les yeux sombres et les oiseaux jaspés s'envolant

Les nuages flammés et les rayons pourpres courant derrière les feuilles brunes rayées scintillant

Les mousses orange crépusculaires miroitant sous les brindilles blanches et indigo s'enfonçant

Les écorces bleues et noires courant parmi les roseaux sombres oscillant

Les sillages fauves se faufilant parmi les algues flammées frétillant

Les plumes pourpres caressant chatoyantes vibrant

bleu réfléchissant vert tremblant

crépusculaire tournant rasant

se balançant disparaissant


 
 
 

FLOTTILLE

pour Julius Baltazar
Ils approchent les voici

il faut encore des jumelles pour les voir

ils nous apportent des nouvelles

de l'autre côté de la houle

de l'autre côté des tempêtes

de l'autre côté des adieux


 

CRIQUE

pour Julius Baltazar

 
Mortels pour les pirates

les récifs assurent

notre tranquillité

nous laissant ainsi

le temps de construire

un navire à notre guise

pour aller clandestinement

voir ce qui a changé

dans notre ancienne patrie


 
 
 

L'ARCHE DE LA DÉFENSE
 

pour Joël Leick
 
Un navire chargé d'ivoire

aborde aux portes de Paris

nos cousins néandertaliens

descendent avec leurs aurochs

pour défiler dans nos jardins

en nous apportant des fossiles

et des outils préhistoriques

pour les galeries des musées
 
 

Les écoliers avec leurs maîtres

les étudiants les professeurs

ont préparé des banderoles

pour saluer les arrivants

mais comme ils ne savent pas lire

on a juché des interprètes

dans les carrefours stratégiques

aux réverbères décorés
 
 

Ils dansent avec leurs massues

empoignant les cornes des bêtes

virevoltant sur leurs échines

et retombent poussant des cris

photographes et cinéastes

remplissent leurs boîtes goulues

pour le grand bonheur des absents

et l'étonnement des acteurs
 
 

Ils nous viennent d'une caverne

sous un atoll du Pacifique

des fournaises les éclairaient

des cheminées les aéraient

parmi leurs forêts mordorées

une explosion les a piégés

il y a bien des millénaires

une autre les a délivrés
 
 

Quand ils les ont vu remonter

par les fissures élargies

les militaires ne savaient

comment annoncer la nouvelle

surtout comment identifier

les autorités compétentes

panique dans les ministères

ricanements d'opposition
 
 

On a recherché des linguistes

capables d'établir des ponts

entre leur langage et le nôtre

ils ont fait d'énormes progrès

avec leur élocution grave

tout ce qu'on leur dit les fait rire

Ils aiment parler aux enfants

qui sont fascinés par leurs gestes
 
 

Les professionnels du tourisme

organisent des safaris

les gouvernements s'interrogent

sur le statut de ces intrus

profitons de leur désarroi

pour aller à la découverte

dans le retournement des armes

d'autres mines d'humanité


 
 
 

AU VERGER DES PAGES

pour Jean Cortot

 
 
"A noir, E blanc, I rouge, U vert, O bleu."
 
 

Et les consonnes, quel arc-en-ciel! Le plus merveilleux, c'est que cela change. En cette saison l'A se portera moiré, l'E sera plutôt écru, l'I tirera vers l'orange. Alors les syllabes, quelles plumes pour la nuée d'oiseaux des livres et improvisations! Voici qu'ils se posent sur le pré: roucoulements et mariages. Les enchanteurs sortent des granges pour les apprivoiser. Les mots virevoltent jusqu'à la forêt. Les phrases se posent sur les murs du château comme des vignes. Une giboulée passe et détache tous les pétales qui se déposent sur les dernières taches de neige parmi les rameaux noirs et les feuilles de houx. Un rayon de soleil maintenant trace un chemin jusqu'à la source entre les mousses de commentaires et les reflets des nuages. Les saveurs et les ombres mûrissent dans les conjugaisons. Les subordonnées s'affranchissent pour ouvrir l'oeil des caractères dont les corps s'étendent au long des échelles et des nuances. La chanson des récoltes envahit l'horizon et du pressoir du texte enluminé ruisselle un élixir de longue vie.
 


 

AIR DE PARIS

pour Bertrand Dorny
 
L'opéra le musée du Louvre

viens avec moi vois avec moi

Montmartre les Champs-Elysées

sentir avec toi tourner avec toi

Saint-Germain-des-Prés Saint-Sulpice

vis avec moi bois avec moi

Montparnasse le Luxembourg

je dors avec toi je lis avec toi

bois de Boulogne ou de Vincennes

chante avec moi sors avec moi

l'obélisque de la Concorde

dansant avec toi jouant avec toi

archives et bibliothèques

fuis avec moi brûle avec moi

vitraux et monuments aux morts

trembler avec toi brillons tous les deux
 
 

Dans les corridors du métro

les orchestres de Péruviens

sont pourchassés par la police

avec leurs filets et ponchos

mais pendant les quelques instants

où l'on a pu tendre l'oreille

ils ont fait passer les échos

des Incas et des cordillères

entre les rails et les affiches

qui nous proposent d'acheter

réfrigérateurs et sommiers

d'assister aux films catastrophes

ou de partir à l'étranger

pour nous laver de notre ennui

dans des îles à cocotiers

ou l'archéologie des Andes
 
 

Le petit café sur le zinc

pars avec moi cours avec moi

demi pression sur la terrasse

charmer avec toi je parle avec toi

restaurants italiens et slaves

ris avec moi glisse avec moi

chinois japonais vietnamiens

je dis avec toi roulant avec toi

les crêperies les pizzerias

flotte avec moi hurle avec moi

la soupe à l'oignon les grillades

marchant avec toi nager avec toi

les poissons les fruits et légumes

aime avec moi baise avec moi

les averses sur les marchés

je frôle avec toi goûtons tous les deux
 
 

Marchands d'instruments de musique

ouvre avec moi entre avec moi

enregistrements en tous genres

je reste avec toi je mange avec toi

magnétophones portatifs

sors avec moi monte avec moi

haut-parleurs grands comme des tombes

planant avec toi volant avec toi

auditoriums et discothèques

grave avec moi plie avec moi

limonaires et carillons

penser avec toi trinquer avec toi

les bals du quatorze juillet

ourle avec moi brode avec moi

les cris de la foire du Trône

grimper avec toi tombons tous les deux
 
 

Quand nous arrivons sur le quai

dans la foule des affairés

ne cessant d'interroger l'heure

nous jetons un regard mêlé

de dégoût d'envie et pitié

aux clochards cuvant leur picrate

qui se retournent sur les bancs

en gémissant de longs soupirs

mais voici que crisse le train

et ce sont les râles des portes

il faut se hâter de creuser

sa place dans la pâte humaine

et de déposer sa valise

sans écraser les pieds d'autrui

avant de compter les stations

jusqu'à notre destination
 
 

Frappe avec moi mords avec moi

chuchotements conversations

je griffe avec toi saignant avec toi

déclarations raisonnements

pleure avec moi meurs avec moi

débats monologues rumeurs

sombrant avec toi foncer avec toi

expositions démonstrations

tisse avec moi plante avec moi

discours programmes conférences

cueillir avec toi je trouve avec toi

admonestations confidences

flaire avec moi sois avec moi

appels objurgations ripostes

je rampe avec toi semons tous les deux

sermons balbutiements silences
 


 
 

L'ATELIER DES PARQUES

pour Didier Grasiewicz

et Jacques Clauzel


 
 
Hésiode nous apprend dans la Théogonie que Zeus, ayant épousé la Justice, devint père des Parques "qui seules peuvent donner aux hommes heur ou malheur" : Clotho qui tient la quenouille et en façonne le fil de notre existence, Lachésis qui l'enroule autour de son fuseau et en règle les détours, Atropos, la Mort, qui le tranche avec ses ciseaux. Ces trois fantômes hantent encore nos ateliers qu'ils soient de couture, peinture ou d'horlogerie. Les fils de lin d'autrefois sont traduits aujourd'hui par ceux de l'électricité ou les rubans des magnétophones ou magnétoscopes lesquels scandent nos travaux et nos danses. A l'intérieur de ce labyrinthe un fil d'Ariane rouge emprunté à l'Hymne de la mort de Ronsard, nous permet de remonter le temps ou de l'anticiper, d'échapper à ses pièges et d'explorer ses antres et perspectives.
 
 

Les ciseaux usés. Hésiode auteur des Travaux et des Jours. la montre et les lunettes. l'échiquier. Hésiode né vraisemblablement au huitième siècle avant notre ère en Béotie. effacement.

ainsi qu'un prisonnier qui jour et nuit endure

la nageuse immobile. Hésiode nous apprend dans sa Théogonie ou généalogie des dieux. les ciseaux et les lunettes. le casque. Nous apprend que Zeus le tonnant le maître de la grande montagne. disparition.

les manicles aux mains aux pieds la chaîne dure

l'écouteur effacé. Zeus le Jupiter latin ayant épousé Thémis la Justice. la montre sur l'échiquier. le code. Zeus le fils de Cronos le Temps devint père des Parques les effrayantes. oubli.

se doit bien réjouir à l'heure qu'il se voit

couper. Le fils du Saturne latin devint le père des Parques seules habilitées. les barres disparues. les lunettes de la nageuse. Les filles du Tonnant seules capables de distribuer aux hommes heur et malheur. les mains.

délivré de prison ainsi l'homme se doit

noyade. Clotho la première Parque. le citron oublié. l'échiquier sous le casque. Petite-fille du Temps celle qui tient la quenouille. l'inscription.

réjouir grandement quand la mort lui délie

enfoncement. Clotho qui avec la quenouille. l'empreinte noyée. la nageuse et ses écouteurs . Clotho qui façonne le fil. la marcheuse coupée.

le lien qui serrait sa misérable vie

atténuation. Façonne le fil de notre existence colorée d'heur et de malheur. montrer. la liseuse enfoncée. Lachésis la seconde Parque. le casque et le code.

pour vivre en liberté car on ne saurait voir

l'enregistreur. Lachésis qui enroule le fil de notre existence. blanchiment. le gymnaste atténué. L'enroule autour de son fuseau. l'écouteur devant les barres.

rien çà-bas qui ne soit par naturel devoir

le danseur. L'enroule et règle ses détours. recouvrement. les clefs blanchies. Les détours du fil de notre existence. le code dans les mains.

esclave de labeur non seulement nous hommes

le miroir révélateur. Le fil bigarré de lumière et d'ombres. éblouissement. regarder. Atropos la troisième Parque. la piscine recouverte.

qui vrais enfants de peine et de misère sommes

les barres près du citron Atropos la mort qui tranche. la joueuse. tranquillité. Atropos qui tranche avec ses ciseaux. l'éblouissante vanité.

mais le soleil la lune et les astres des cieux

les mains sur l'inscription. Atropos qui tranche le fil. la méditation. abandon. les trois Parques. les lames tranquilles.

font avecques travail leur tour laborieux

le citron sur l'empreinte. Qui tranche le fil de notre existence. le calque explicateur. solitude. Le fil contrasté de deuils et de joies. gagner.

la mer avec travail deux fois le jour chemine

les rouages abandonnés. Ces trois fantômes. l'inscription de la marcheuse. les jambes. Les trois Parques filles de Zeus. exténuation.

la terre tout ainsi qu'une femme en gésine

les bras solitaires. Les petites-filles du Temps dévorant. l'empreinte de la liseuse. les cuisses. Clotho la façonneuse. suppression.

qui pleine de douleur met au jour ses enfants

les épaules exténuées. La Parque à la quenouille. la marcheuse et son enregistreur. les seins gagnants. Lachésis l'enrouleuse. élimination.

ses fruits avec travail nous produit tous les ans

nager. La Parque au fuseau. le ventre supprimé. la liseuse et la gymnaste. Atropos la trancheuse. l'heure.

ainsi dieu l'a voulu afin que seul il vive

lavage. La Parque aux ciseaux. le départ éliminé. l'enregistreur du danseur. Les fils de lin d'autrefois. les aiguilles.

affranchi du labeur qui la race chétive

évanouissement. Ces trois fantômes. le cadran lavé. le gymnaste et ses clefs. Les trois filles de l'Ébranleur. le bracelet nageur.

des humains va rongeant de soucis langoureux

brouillard. Petites-filles du Dévorant. arborer. la quenouille évanouie. Petites-filles du Faucheur. la quenouille évanouie. le danseur devant le miroir.

pource l'homme est bien sot ainçois bien malheureux

le fuseau. Hantent encore nos ateliers. le fil brouillé. Les clefs au bord de la piscine. Hantent nos ateliers de couture. la chanteuse.

qui a peur de mourir et mêmement à l'heure

l'ombre silencieuse. Avec leurs façonnages et enroulages. usure. le miroir de la joueuse. Avec leurs enroulements et coupures. les vagues arborescentes.

qu'il ne peut résister que soudain il ne meure

immobilité. Hantent nos ateliers de peinture. écouter. le sourire usé. Avec leurs esquisses et dessins. la piscine de la vanité.

se moquerait-on pas de quelque combattant

l'inquiétude. Avec leurs collages et cadrages. effacement. le puits immobile. Hantent nos ateliers d'horlogerie. la joueuse en méditation.

qui dans le camp entré irait s'épouvantant

la partition. Avec leurs ressorts et rouages. disparition. les verres effacés. Avec leurs cadrans et avertisseurs. la vanité aux lames.

ayant sans coup ruer le coeur plus froid que glace

les branches auditives. Les fils de lin d'autrefois. oubli. juger. Les fils de laine. les coudes disparus.

voyant tant seulement de l'ennemi la face

la méditation sur le calque. Les fils de chanvre. les genoux. noyade. Les fils que Clotho façonnait. le latin oublié ou le grec.

puisqu'il faut au marchant sur la mer voyager

les lames des rouages. Colorés d'heur et de malheur. le modèle. enfoncement. Les fils que Lachésis enroulait. la traduction noyée.

est-ce pas le meilleur sans suivre le danger

le calque des jambes. Bigarrés de lumière et d'ombres. la transparence judiciaire. atténuation. Les fils qu'Atropos tranchait. barrer.

retourner en sa terre et revoir son rivage

la coupure enfoncée. Contrastés de deuils et de joies. les rouages des bras. le sommeil. Les fils de nos existences de lin. blanchiment.

puisqu'on est résolu d'accomplir un voyage

la montagne atténuée. De nos existences de laine ou de chanvre. les jambes et les cuisses. l'ensevelissement. Ces fils sont traduits aujourd'hui. recouvrement.

est-ce pas le meilleur de bientôt mettre fin

l'élan blanchi. Comme le sablier du Dévorant est traduit en montres et cadrans. les bras et les épaules. la rotation barrée. Comme la foudre du Maître de la montagne est traduite en bombes à retardement. éblouissement.

pour regagner l'hôtel aux labeurs du chemin

prendre. Tous ces fils sont traduits par ceux de l'électricité. l'attente recouverte. les cuisses et les seins . C'est-à-dire par ceux de la foudre arrachée au Maître de la montagne. le livre.

de ce chemin mondain qui est dur et pénible

tranquillité. Traduits par les rubans de nos magnétophones. le verdict éblouissant. les épaules et le ventre. C'est-à-dire par l'enroulement-déroulement de l'ancien sablier. les commentaires.

épineux raboteux et fâcheux au possible

abandon. Ou encore la régularisation des battements de l'ancienne faux c'est-à-dire l'incarcération des anciennes ombres. la torsion tranquille. les seins à l'heure. Les rubans des magnétophones ou magnétoscopes. les pieds pris.

maintenant large et long et maintenant étroit

presser. Le réenroulement de l'ancienne écriture. solitude. les parallèles abandonnées. La réanimation de l'ancienne peinture. le ventre sur le départ.

où celui de la mort est un chemin tout droit

la grille. La réincarnation de l'ancienne couture. les chiffres solitaires. l'heure des aiguilles. La réverbération de l'ancienne horlogerie. les pointes.

si certain à tenir que ceux qui ne voient goutte

le renversement exténué. Les rubans façonnés par Clotho. suppression. le départ sur le cadran. La fille de la Justice au sablier. les pointes.

sans fourvoyer d'un pas n'en faillent point la route

inscrire. La fille de l'Ébranleur aux cornes de taureau. suppression. les étincelles exténuées. Rubans tirés de sa quenouille. les aiguilles sur le bracelet.

si les hommes pensaient à part eux quelquefois

le déplacement. Les rubans enroulés par Lachésis. élimination. le redoublement supprimé. La fille de la Justice à la balance. le cadran des quenouilles.

qu'il nous faut tous mourir et que même les rois

l'hésitation. La fille de l'Ébranleur aux ailes de cygne. lavage. la réponse éliminée. Les rubans enroulés autour de son fuseau. le bracelet de fuseaux.

ne peuvent éviter de la mort la puissance

le violon inscrit. Les rubans tranchés par Atropos. évanouissement. imprimer. La fille de la Justice au glaive. les échos lavés.

ils prendraient en leur coeur un peu de patience

la quenouille et le fil. La fille de l'Ébranleur aux serres d'aigle. l'ouverture. brouillard. Rubans tranchés par ses ciseaux. la lecture évanouie.

sommes-nous plus divins qu'Achille ni qu'Ajax

le fuseau de la chanteuse. Les rubans des magnétophones et magnétoscopes. l'explication. silence. Les rubans qui rythment nos travaux et nos jours. l'enroulement brouillé.

qu'Alexandre ou César qui ne se surent pas

le fil de l'ombre. Nos travaux colorés d'heur et de malheur. le déroulement imprimé. usure. Nos jours traversés de cornes de taureaux et de sabliers. marcher.

défendre du trépas bien qu'ils eussent en guerre

l'amplification silencieuse. Nos travaux bigarrés de lumière et d'ombres. la chanteuse au-dessus des vagues. la reprise. Nos jours bousculés d'ailes de cygnes et de balances. immobilité.

réduite sous leurs mains presque toute la Terre

les oreilles usées. Nos travaux contrastés de deuils et de joies. l'ombre d'un sourire. le bougeoir. Nos jours harcelés de serres d'aigles et de glaives. effacement.

beaucoup ne sachant point qu'ils sont enfants de Dieu

la chandelle immobile. A l'intérieur du labyrinthe que les rubans et fils des Parques. des vagues d'inquiétude. la mèche baladeuse. Les rubans de plastique et de soie. disparition.

pleurent avant partir et s'attristent au lieu

les carreaux effacés. Les fils de lin et d'eau. lire. le sourire du puits. les mouvements. Les rubans de plastique et de moire. oubli.

de chanter hautement le péan de victoire

les signaux disparus. Les fils de laine et de flammes. l'inquiétude quant à la partition. les avertissements. Les rubans de métal et de velours. noyade.

et pensent que la mort soit quelque bête noire

les sillons oubliés. Les fils de chanvre et de lamentation. le puits de verre. les rayures lisibles. Les rubans de verre et d'algues. enfoncement.

qui les viendra manger et que dix mille vers

enregistrer. Le labyrinthe que les rubans et fils des Parques tracent à travers nos ateliers. les rainures noyées. la partition des branches. Ateliers de couture ou de menuiserie. les yeux.

rongeront de leurs corps les os tout découverts

atténuation. Ateliers de peinture ou de lutherie. les cordes enfoncées. les verres et les coudes. Ateliers d'horlogerie ou d'informatique. la chanson.

et leur têt qui doit être en un coin solitaire

blanchiment. A l'intérieur de ce labyrinthe court un fil. le dos atténué. les branches sur les genoux. Un fil d'Ariane ou ruban rouge. le sillage enregistré.

l'effroyable ornement d'un ombreux cimetière

recouvrement. Un fil ou ruban façonné non seulement par Ariane. s'exercer. la fente blanchie. La fille de Minos et de Pasiphaé. les coudes sur le latin ou le grec.

chétif après la mort le corps ne sent plus rien

l'écueil. La soeur de Phèdre et du Minotaure. éblouissement. les voiles enregistrés. L'amante de Thésée puis celle de Dionysos. les genoux du modèle.

en vain tu es peureux il ne sent mal ni bien

la citation. Le dieu aux quenouilles de vigne. tranquillité. les rimes éblouies. Le dieu aux fuseaux d'ivresse. le latin ou le grec en traduction.

non plus qu'il faisait lors que le germe à ton père

le vers expert. Le dieu aux ciseaux d'éleveur. abandon. danser. Façonné non seulement par Ariane mais aussi par Clotho la Parque. les plis tranquilles.

n'avait enflé de toi le ventre de ta mère

le modèle en transparence. Ruban extrait de sa quenouille. la Renaissance. solitude. Un fil enroulé non seulement par Ariane. la Pléïade abandonnée .

Télèphe ne sent plus la plaie qu'il reçut

la traduction de la coupure. L'experte et la divinatrice. l'Antiquité. exténuation. Conductrice et libératrice. la révolution solitaire.

d'Achille quand Bacchus en tombant le déçut

la transparence du sommeil. L'abandonnée la couronnée. le siècle danseur. suppression. Mais enroulé aussi par Lachésis la Parque. ouvrir.

et des coups de Paris plus ne se sent Achille

le millénaire exténué. Enroulé autour de son fuseau. la coupure dans la montagne. élimination. Un fil tranché non seulement par Ariane. le visage.

plus Hector ne sent rien ni son frère Troïle

les lèvres supprimées. L'infatigable et la subtile. le sommeil de l'ensevelissement. les dents. La patiente inspirée. les tissus éliminés.

c'est le tout que l'esprit qui sent après la mort

lavage. L'enivrante équilibrée. la montagne de l'élan. le nombril ouvert. Mais tranché aussi par Atropos la Parque. évanouissement.

selon que le bon oeuvre ou le vice le mord

réfléchir. Ruban tranché par ses ciseaux. la peau lavée. l'ensevelissement dans la rotation. Un fil ou ruban rouge emprunté à la Renaissance. le glas.

c'est le tout que de l'âme il faut avoir soin d'elle

brouillard. Emprunté à un Hymne à la Mort. la tombe évanouie. l'élan de l'attente. Dans le labyrinthe et les ateliers de la Renaissance. le Soleil.

d'autant que dieu l'a faite à jamais immortelle

silence. Un Hymne de la Mort composé par Ronsard. le matin brouillé. la rotation des livres. Un fil ou un ruban d'Ariane qui nous permette de remonter le Temps. la réflexion du soir.

il faut trembler de peur que par faits vicieux

usure. De le remonter ou l'anticiper. baigner. les rayons silencieux. Un fil ou un ruban qui nous permette d'échapper aux pièges du Temps. l'attente du verdict.

nous ne la bannissions de sa maison les cieux

le temps. Les pièges de la quenouille de Clotho la Parque. immobilité. la nuit usée. Les pièges du fuseau de Lachésis. la Lune.

pour endurer après un exil très moleste

le livre et son commentaire. Les pièges des ciseaux d'Atropos. effacement. le cri immobile. Qui nous permettent d'écouter les délibérations du Temps. le verdict de torsion.

absente du regard de son père céleste

le bain de la modernité. Les délibérations du sablier de Clotho l'effrayante. disparition. jouer. Les délibérations de la balance de Lachésis. l'audace effacée.

et ne faut de ce corps avoir si grand ennui

le commentaire des pieds. Les délibérations du glaive d'Atropos. l'hymne. oubli. Un fil ou un ruban rouge qui nous permette. la torsion des parallèles.

qui n'est que son valet et son mortel étui

la mort disparue. Dans le labyrinthe de nos ateliers nous permette. Ronsard. noyade. Nous permettent d'enregistrer les verdicts du Temps. les ciseaux oubliés.

et qui toujours répugne à la raison divine

les pieds de la grille. Les verdicts des cornes de Clotho fille de Thémis la Justice. les jeux des montres. enfoncement. Les verdicts des ailes de Lachésis. se vanter.

pource il nous faut garder de n'être surmontés

les lunettes noyées. Les verdicts des serres d'Atropos. les parallèles des chiffres. l'échiquier. Qui nous permette de suivre l'indulgence du Temps. atténuation.

des traîtres hameçons des fausses voluptés

la nageuse enfoncée. De suivre les enseignements de Clotho la petite-fille du Temps. la grille des pointes. le casque. De suivre les caresses de Lachésis. blanchiment.

qui nous plaisent si peu qu'en moins d'un seul quart d'heure

les écouteurs atténués. De suivre les berceuses d'Atropos. le chiffre du renversement. le code vantard. Un fil ou un ruban qui nous permette d'explorer les antres du Temps. recouvrement.

rien fors le repentir d'elles ne nous demeure

méditer. Les antres et les perspectives du Temps. les barres blanchies. la pointe du scintillement. Les ateliers de la couture du Temps. les mains.

il ne faut pas humer de Circé les vaisseaux

éblouissement. Les labyrinthes de la peinture du Temps. le citron recouvert. le renversement des étincelles. Les antres de l'horlogerie des Parques. l'inscription.

de peur que transformés en tigres ou pourceaux

tranquillité. Les perspectives de la Justice du Temps. l'empreinte éblouissante. le scintillement des déplacements. Les perspectives qui seules peuvent donner heur et malheur aux hommes. la marcheuse méditative.

nous ne puissions revoir d'Ithaque la fumée

...

Sommaire n° 8 :
MORAINES
BATONS DE JEUNESSE
CANDIDATURE
LEVÉE D'ÉCROU
DÉCOLLAGE IMMÉDIAT
CHEVAL DE LAVE
LE FIL A QUOI TIENT NOTRE VIE
UN TROU PERDU
SOUVENIRS DU ZINC
CALENDRIER NOMADE
GRIBOUILLE S'ENHARDIT
EXAMEN DE PASSAGE
DE QUOI DEMAIN SERA-T-IL FAIT ?
DE PROCHE EN LOIN
ARBORESCENCES
PESE-LETTRES
BOTANIQUE MARTIENNE
LA BRULURE DU GRIS
INTARISSABLE
BONNE TRAVERSÉE
VIVIER D'AUTOMNE
FLOTTILLE
CRIQUE
L'ARCHE DE LA DÉFENSE
AU VERGER DES PAGES
AIR DE PARIS
L'ATELIER DES PARQUES

 

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